II. LA RÉFORME DE LA CONTRIBUTION AU SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ
Essentiellement conduite par voie législative, la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ne prévoyait pas de mesures réglementaires.
Ø La mesure est, par conséquent, d'application directe.
Cependant, l'importance de cette réforme justifie l'analyse des conditions de sa mise en oeuvre et ses évolutions récentes.
A. UNE RÉFORME PRÉSENTE DANS LA LOI N° 2015-1786 DU 29 DÉCEMBRE 2015 DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2015
L'article 14 de la loi de finances rectificative pour 2015 117 ( * ) a modifié le régime de la CSPE, dont le régime juridique n'était plus à la hauteur des enjeux de cet impôt.
La commission des finances avait souligné lors de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte 118 ( * ) que la CSPE était confrontée à un double enjeu :
- d'une part, un enjeu démocratique , la détermination du taux d'imposition de la CSPE échappant au vote du Parlement, alors que le rendement total, d'un montant de 5,6 milliards d'euros en 2014, avait dépassé celui de l'impôt de solidarité sur la fortune (qui s'élevait à 5,2 milliards d'euros) ;
- d'autre part, un enjeu juridique : la CSPE prenant en charge de façon « extrabudgétaire » des dépenses de tous types 119 ( * ) , la question de la compatibilité de la CSPE avec le droit communautaire se posait. En effet, la directive de 2008 sur les accises 120 ( * ) n'autorise les autres taxes sur l'électricité que si celles-ci poursuivent des fins spécifiques. Or, la multiplication des charges à financer par la CSPE renforce sa finalité budgétaire, c'est-à-dire non spécifique.
B. UNE RÉFORME MISE EN oeUVRE DÈS LA LOI N° 2016-1917 DE FINANCES POUR 2017
1. Une réforme reprenant partiellement les préconisations du Sénat
La commission des finances du Sénat avait proposé, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, une réforme de la CSPE, adoptée en première lecture par le Sénat, puis supprimée en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.
L'amendement adopté restreignait le champ des charges financées par la CSPE au seul surcoût dû à la production d'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables et prévoyait de fixer son taux dans la loi, ainsi que le plafond du montant des charges compensées.
La réforme de la CSPE va ainsi dans le sens des préconisations du Sénat, en « budgétisant » les charges de service public compensées par la CSPE 121 ( * ) et en fixant le taux de la nouvelle TICFE dans la loi. Ainsi, le Parlement votera, chaque année, le taux de la nouvelle TICFE en loi de finances, ce qui va dans le sens d'un renforcement du consentement à l'impôt .
2. Les recettes attendues de la CSPE
La loi de finances rectificative pour 2015, par son article 14, a intégré la CSPE dans le régime de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE).
Cette « nouvelle » TICFE, renommée « contribution au service public de l'électricité » (CSPE) a conduit à élargir l'assiette de la TICFE, qui porte désormais sur toutes les consommations d'électricité, et à en augmenter le taux.
Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) et contribution au service public de l'électricité (CSPE) La taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) , prévue à l'article 266 quinquies C du code des douanes, est une taxe exigible lors de la livraison de l'électricité par un fournisseur à un consommateur final ou lors de la consommation de l'électricité pour les personnes qui produisent de l'électricité et l'utilisent pour leurs propres besoins. La contribution au service public de l'électricité (CSPE) , instituée par la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, est due par tous les consommateurs finals d'électricité, y compris les auto-producteurs, sous réserve de certains plafonds. En 2015, les taux de la TICFE et de la CSPE étaient respectivement de 0,5 euro par mégawattheure et de 19,5 euros par mégawattheure. En 2014, les rendements de la TICFE et de la CSPE s'élevaient respectivement à 61,3 millions d'euros et à 5,6 milliards d'euros. |
Source : Rapport n° 229 (2015-2016) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat
La réforme simplifie la fiscalité pesant sur la consommation d'électricité, dans la mesure où l'électricité fournie ou consommée fait désormais l'objet de deux types de taxation : la nouvelle TICFE, dont le tarif est fixé à 22,5 euros par mégawattheure en 2016 et 2017, et les taxes locales sur la consommation finale d'électricité.
Le rendement estimé de la nouvelle CSPE pour 2017 s'élève à 7,8 milliards d'euros.
3. Le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique »
L'article 5 de la loi de finances rectificative pour 2015 a créé le compte d'affectation spéciale (CAS) dédié à la transition énergétique.
Il retrace, en recettes, une fraction de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) , de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), de la taxe intérieure de consommation sur les houilles, les lignites et les cokes dite « taxe intérieure de consommation sur le charbon » (TICC), de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et si besoin, des versements du budget général.
Au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un amendement du Gouvernement modifiant substantiellement les recettes affectées au compte d'affectation spéciale. Cet amendement prévoit de supprimer l'affectation d'une partie du produit de la TICFE, ou « nouvelle CSPE » et de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) au compte spécial, afin de supprimer le lien entre ces recettes et les dépenses de soutien à la production d'électricité et de gaz à partir d'énergies renouvelables.
Cette mesure s'impose, d'après le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, pour mettre en conformité les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables avec le régime européen des aides d'État.
Par conséquent, le Gouvernement a modifié le taux d'affectation de la TICPE revenant à l'État au compte spécial, qui est porté de 7,72 % à 39,72 %.
Cette modification conduit à faire porter le financement du compte exclusivement sur les énergies les plus carbonées, conformément aux engagements pris par le Gouvernement : lors de la création du compte spécial, le Gouvernement avait en effet indiqué qu'il utiliserait la hausse du produit des taxes intérieures de consommation portant sur les énergies fossiles, que sont les produits pétroliers et le charbon, liée à la montée en charge de la contribution climat énergie, pour financer les compensations de charges de service public de l'énergie.
* 117 Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015.
* 118 Avis n° 236, n° 2014-2015 de M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances du Sénat, examen du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte en première lecture.
* 119 Les surcoûts des énergies renouvelables, mais aussi d'autres filières (cogénération), la prime d'effacement, des aides sociales (tarifs de première nécessité), de l'aménagement du territoire (zones non interconnectées), et même du financement d'administration (médiateur de l'énergie).
* 120 Directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CE.
* 121 Rapport n° 229 (2015-2016) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat.