III. LA LOI RELATIVE À LA LIBERTÉ DE CRÉATION, À L'ARCHITECTURE ET AU PATRIMOINE
L'examen de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine , a constitué le coeur des travaux de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication lors de la session passée. Le bilan de l'application du texte apparaît fort logiquement corrélé à la date récente de sa promulgation , bien qu'il soit fâcheux de d'ores et déjà constater certains retards dans la publication des textes réglementaires annoncés .
57 articles sur les 110 sont entrés en vigueur le lendemain de sa publication , notamment les articles 1 er et 2, qui posent les principes de liberté de création et de diffusion et instaurent un délit d'entrave ou l'article 35 consolidant les quotas de chansons françaises à la radio pour encourager la diversité. Est également effectif le principe de la création d'une commission dédiée à la culture au sein de chaque conférence territoriale de l'action publique ou encore les nouvelles modalités de répartition des compétences de l'État et des différents échelons territoriaux pour les enseignements artistiques spécialisés. De même, les anciens secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural et paysager et aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine, ont tous été automatiquement transformés en sites patrimoniaux remarquables en juillet dernier.
L'application des 43 autres articles de la loi appelait au préalable l'adoption de dispositions d'ordre règlementaire. Malheureusement, l'échéancier annoncé par le Gouvernement ne paraît pas, dans la grande majorité des cas, aujourd'hui respecté .
Sur les 33 décrets dont le Gouvernement avait annoncé la publication avant la fin de l'année 2016, un seul est paru à ce stade. C'est ainsi que reste en attente du décret d'application de l'article 5 relatif aux labels , qui doit en fixer la liste, les conditions d'attribution, de suspension ou de retrait du label et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée. Cet article avait été âprement discuté lors de l'examen du projet de loi et la mesure d'application cristallise de nombreuses attentes.
L'article 30, introduit à l'initiative du Sénat pour permettre la rémunération des artistes visuels dont les oeuvres sont reproduites sans leur autorisation par les sites de référencement d'images sur Internet, est finalement entré en vigueur le 7 janvier dernier, avant même la publication de la mesure d'application, pour laquelle le législateur avait donné un délai de six mois. En effet, les dispositions de cet article, au sujet desquelles le Gouvernement craignait une contrariété avec le droit européen, ont fait l'objet d'une notification à la Commission européenne en septembre. Cette dernière avait jusqu'en décembre pour présenter des observations, ce qu'elle n'a pas fait. Le Conseil d'État a donc été saisi du projet de décret il y a seulement quelques semaines et devrait l'examiner à la fin du mois de février.
S'agissant des dispositions relatives à l'industrie musicale , les articles 12 et 14, relatifs à la création d'un observatoire de l'économie de la musique et d'un médiateur de la musique, prévoyaient la publication de textes réglementaires. Ces décrets ont été transmis au Conseil d'État, respectivement le 29 novembre et le 8 décembre derniers, et devraient dès lors être publiés prochainement.
C'est également le cas, pour ce qui concerne l'édition , du décret figurant à l'article 33, qui transpose en droit français les dispositions du traité de Marrakech relatif à l'accessibilité des oeuvres de l'écrit aux personnes aveugles et malvoyantes. Ce texte a déjà fait l'objet des consultations obligatoires, avant d'être transmis au Conseil d'État le 9 décembre dernier. Ses termes demeurent cependant éloignés de ceux proposés par la Commission européenne dans le cadre de la révision prochaine de la directive du 22 mai 2001, qui sera transposée en droit français dans les années à venir, ce qui nécessiterait, en l'état, de nouvelles modifications législatives et réglementaires des articles du code de la propriété intellectuelle portant sur les dispositions du traité de Marrakech.
Par ailleurs, pour l'industrie musicale comme pour le cinéma et l'audiovisuel , la loi du 7 juillet 2016 a prévu que, pour plusieurs dispositifs qu'elle crée, un décret serait pris dans un délai donné en cas d'absence d'accord professionnel destiné à en préciser les conditions de mise en oeuvre. Un délai de douze mois a ainsi été fixé à l'article 10, relatif aux relations contractuelles entre producteurs et artistes-interprètes, et à l'article 21 portant sur la transparence des comptes dans l'industrie cinématographique. Ce délai n'ayant pas, à ce jour, expiré, les négociations demeurent en cours et les décrets correspondant n'ont évidemment pas été publiés. Il en va de même pour l'article 28, qui prévoit une négociation identique concernant la transparence des comptes de production et d'exploitation des oeuvres audiovisuelles et pour l'article 38 portant sur l'exploitation suivie des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. En effet, si le délai prévu n'était ici que de trois mois, un accord professionnel est intervenu le 3 octobre dernier puis étendu par arrêté du 7 octobre 2016, ce qui a rendu la publication d'un décret inutile.
Sur le volet patrimoine , seul un décret a été publié à ce stade, le 16 décembre dernier, pour abaisser le seuil de dispense de recours obligatoire à un architecte pour les travaux portant sur des constructions ou des rénovations. Les autres mesures d'application devraient être publiées au Journal officiel avant la fin du mois de mars , à l'exception du décret relatif aux domaines nationaux, qui devrait être publié courant avril.
Les services du ministère de la culture et de la communication ont d'ailleurs pris l'initiative de présenter à Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication pour le volet patrimoine, à la fin du mois de novembre dernier, les projets de décret d'application en cours de concertation avant leur soumission au Conseil d'État.
Il serait bienvenu que cette première, s'agissant du texte relevant de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, puisse se développer à l'avenir pour d'autres lois : après tant de mois passés à travailler sur la rédaction des textes législatifs, il n'est pas rare de ressentir une certaine frustration à constater que les derniers détails des mesures d'application échappent entièrement au législateur. Sans avoir pour objet d'infléchir le texte du projet de décret, cette pratique permet de demeurer associé à la mise en oeuvre de cette loi.
Les articles 93 et 94 habilitaient le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance pour, d'une part, modifier certaines dispositions du code du cinéma et de l'image animée et, d'autre part, transposer la directive du 26 février 2014 relative à la gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins. Seule cette seconde ordonnance a, à ce jour, été publiée au Journal Officiel du 23 décembre 2016. Le texte de l'ordonnance portant modification du code du cinéma et de l'image animée est, pour sa part, toujours en concertation interministérielle et, va, pour certains aspects, faire l'objet d'une saisine de l'Autorité de la concurrence.
L'article 95 habilitait le Gouvernement à modifier par ordonnances le code du patrimoine. Plusieurs ordonnances, qui doivent être publiées avant juillet, sont en préparation :
- en matière d'archéologie , pour permettre l'application de la convention de l'UNESCO de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique et pour mieux organiser la gestion des vestiges, ce qui devrait également inclure l'épineuse question des restes humains ;
- en matière de monuments historiques , pour harmoniser les procédures d'autorisation de travaux sur les immeubles et les objets mobiliers classés ou inscrits et pour définir des exceptions au caractère suspensif du recours exercé à l'encontre de la décision de mise en demeure d'effectuer des travaux de réparation ou d'entretien d'un monument historique classé ;
- en matière de musées , pour autoriser l'administration à refuser d'examiner une demande de certificat d'exportation, afin que les refus de délivrance de certificats ne puissent plus être utilisés par les propriétaires comme des pièces authentifiant une oeuvre.