D. LA JUSTICE ET LES AFFAIRES INTÉRIEURES

1. La simplification de l'architecture institutionnelle

Dans le secteur « Justice et affaires intérieures », l'idée a longtemps prévalu que la question de la simplification du droit ou des procédures ne constituait pas la principale priorité mais passait bien après celle de la nécessaire évolution de l'architecture institutionnelle qui, depuis le traité de Maastricht de 1992, avait institué la coopération policière et judiciaire en matière pénale comme troisième pilier relevant de la méthode intergouvernementale.

Rappelons que le premier pilier réunissait tous les champs d'intervention de la méthode communautaire, c'est-à-dire ceux dans lesquels la Commission européenne disposait d'un monopole de l'initiative sous le contrôle de la Cour de justice des communautés, et que le deuxième pilier concernait la politique étrangère et de sécurité commune.

Le traité d'Amsterdam de 1997 a transféré une grande partie des compétences du troisième pilier dans le premier, ce qui n'a pas empêché l'appellation « Justice et affaires intérieures » de demeurer abusivement utilisée pour décrire à la fois les compétences transférées et le contenu subsistant du troisième pilier.

Mais la volonté « d'intégration » n'est pas exclusive de la simplification. Le système des piliers, avec ses recoupements et superpositions de compétences (celles qui s'inscrivaient dans les deuxième et troisième piliers relevant d'une stricte unanimité) a souvent créé de la confusion et généré maints blocages.

C'est ainsi que le traité de Lisbonne a radicalement simplifié la situation en fusionnant les trois piliers. C'est désormais la procédure législative ordinaire qui s'applique, en règle générale, c'est-à-dire la codécision entre le Conseil et le Parlement européen, ainsi que la règle de la majorité qualifiée au Conseil. En outre, le traité répartit les compétences de l'Union en trois catégories de compétences :

- les compétences exclusives prévues par l'article 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour lesquelles seule l'Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que s'ils sont habilités par l'Union ou pour mettre en oeuvre les actes de l'Union ;

- les compétences partagées prévues par l'article 4 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour lesquelles l'Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ces domaines. Les États membres exercent leurs compétences dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne. Les États membres exercent à nouveau leurs compétences dans la mesure où l'Union a décidé de cesser d'exercer la sienne ;

- les compétences de coordination prévues par l'article 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour lesquelles l'Union dispose d'une compétence pour mener des actions afin d'appuyer, de coordonner ou de compléter l'action des États membres.

Le traité de Lisbonne a fait preuve de pragmatisme en facilitant les « coopérations renforcées » tant dans les domaines où les décisions continuent à être prises à l'unanimité (comme c'est le cas, par exemple, pour le parquet européen) que dans ceux où existe une clause d'appel au Conseil européen (une législation pénale qui porterait atteinte à des aspects fondamentaux d'une législation pénale).

Par ailleurs, des questions majeures concernant l'espace de liberté, de sécurité et de justice (avec notamment la coopération policière européenne et une question aussi fondamentale que celle de la libre circulation des personnes dans l'Union européenne) ont été et continuent d'être en grande partie traitées « en marge » des traités. Il en est ainsi de la coopération, d'abord « informelle », entre les services de police européens qui a démarré dès 1975 avec le groupe dit de TREVI. Europol, créé en 1995, est l'héritier de cette « coopération politique européenne » dans le domaine de la police et de la justice qui s'est accélérée après l'Acte unique européen entré en vigueur en 1987. C'est aussi en marge des traités qu'ont été conclues, entre les États européens, un certain nombre de coopérations internationales en matière d'entraide judiciaire tant dans le domaine civil que pénal.

Mais l'exemple le plus emblématique d'une forme d'intégration européenne en marge des traités, c'est évidemment l'espace Schengen, créé en 1985 par l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, et qui regroupe aujourd'hui 26 membres (22 États membres de l'Union européenne et 4 États non membres) et plus de 400 millions d'Européens.

Dès le traité de Maastricht (1992), les domaines couverts et (en tout cas au départ) non couverts par les traités se sont « interpénétrés ». Ce traité a institué l'Union européenne ainsi qu'une citoyenneté européenne tout en inscrivant les questions relatives à la justice et à la sécurité dans un « troisième pilier » intergouvernemental. Cinq ans plus tard, le traité d'Amsterdam énonçait que l'Union européenne devait se développer en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice et que dans cet espace, la libre circulation des personnes devait être assurée (en pratique, donc, l'espace Schengen) avec en contrepartie des mesures appropriées sur le contrôle des frontières extérieures, l'asile, l'immigration et la lutte contre la criminalité. C'est encore le traité d'Amsterdam qui a transféré l'asile, l'immigration et la coopération judiciaire en matière civile dans la méthode dite communautaire.

Intervient en 2007 le traité de Lisbonne qui, dans le domaine de la justice et de la sécurité, inscrit des évolutions importantes dans le domaine des libertés mais aussi dans celui des pouvoirs de l'Union. Ce traité consacre la Charte des droits fondamentaux adoptée par le Conseil européen de Nice en 2000 comme un texte « ayant la même valeur juridique que les traités » .

Le traité élargit aussi le champ de la coopération judiciaire en matière civile et pénale en renforçant Europol et Eurojust et en prévoyant la mise en place « d'un système intégré de gestion des frontières extérieures ».

Enfin, le traité de Lisbonne renforce le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne. Ceux-ci devront être désormais informés, par les autorités des États membres, de la teneur et de l'évaluation des politiques de l'Union. En particulier, les parlements nationaux seront associés au « contrôle des activités d'Europol » et « à l'évaluation des activités d'Eurojust ».

2. Le recentrage des priorités en matière de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme

En décembre 2014, le Conseil européen proposait « une rénovation de la stratégie de sécurité intérieure » (la précédente datant de 2010) en identifiant les principaux défis suivants : la grande criminalité organisée, le terrorisme, la radicalisation, la cybercriminalité, les crises et les catastrophes naturelles et d'origine humaine. Cette stratégie appelait notamment de ses voeux la mise en place d'opérations communes de renseignements coordonnées au niveau de l'Union, la coopération et l'échange d'informations, l'adoption rapide du PNR notamment pour lutter contre le terrorisme, ainsi qu'une gestion renforcée des frontières extérieures.

Les attentats terroristes sanglants commis en 2015 et en 2016 en France, en Belgique, puis de nouveau en France et encore en Allemagne, ont créé un contexte nouveau lourd de menaces. Dès le mois d'avril 2015, quelques jours après l'adoption par le Sénat - le 1 er avril - d'une résolution européenne sur le terrorisme, la Commission proposait de redistribuer les priorités de l'heure, notamment autour de sept actions-clés :

- endiguer la radicalisation ;

- actualiser la décision-cadre sur le terrorisme ;

- tarir les ressources financières des criminels ;

- développer le dialogue avec le secteur informatique ;

- renforcer le cadre juridique relatif aux armes à feu ;

- renforcer les outils de lutte contre la cybercriminalité ;

- développer les capacités d'Europol.

Au fil des attentats terroristes qui se sont succédé sur la période, cette nouvelle stratégie, notamment mise en oeuvre par le coordinateur européen pour le terrorisme M. Gilles de Kerchove, est apparue incontournable et n'a pas été sans effets sur l'accélération de l'adoption définitive de textes controversés, comme la directive sur le PNR européen (juin 2016).

Mais l'Union européenne a dû aussi gérer le choc de la crise migratoire de 2015-2016 (loin d'être terminée, au demeurant), qui a perturbé ses agendas et suscité des dissensions internes.

Le « climat d'euroscepticisme » (renforcé par la crise grecque et surtout la crise migratoire sans compter le Brexit), la « fronde » de certains États d'Europe centrale et orientale, mais aussi la menace terroriste, ont conforté aujourd'hui l'idée que l'Union européenne devait se recentrer sur quelques missions fondamentales, un « coeur de métier » représentatif de la valeur ajoutée qu'elle était susceptible d'apporter aux États membres. Dans le secteur « JAI », par exemple, la sécurité des citoyens européens est devenue la priorité absolue.

Le recentrage, dans ce secteur comme dans d'autres, étaient d'ailleurs au coeur des priorités affichées par la nouvelle Commission européenne du président Jean-Claude Juncker, installée après les élections européennes de mai 2014 caractérisées par une forte « poussée » des mouvements « eurosceptiques ».

Cette politique de recentrage est en elle-même potentiellement facteur de simplification. Simplification du droit européen, simplification des procédures.

3. Le parquet européen

Vos rapporteurs examineront successivement le long parcours d'un dossier de simplification, celui du parquet européen, qui répondait à une logique : les atteintes aux intérêts financiers du budget européen doivent être poursuivies par un parquet européen pour mener les enquêtes et engager les poursuites.

En second lieu, un instrument de simplification s'inscrivant dans la reconnaissance mutuelle des décisions de justice et considéré unanimement comme une réussite : le mandat d'arrêt européen (MAE).

Enfin, après la simplification institutionnelle et celle des procédures, nous évoquerons la nécessaire simplification dans la vie quotidienne des citoyens européens. À cet égard, un certain nombre de mesures simples pourraient être rapidement mises en oeuvre.

On rappellera que c'est le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1 er décembre 2009, qui a prévu, à l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que « pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, le Conseil, statuant par voie de règlement conformément à une procédure législative spéciale, peut instituer un parquet européen à partir d'Eurojust . Toutefois, le Conseil européen peut décider d'étendre les attributions du parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière. À cette fin, il doit statuer à l'unanimité, après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission. »

C'est sur la base de ce texte que le 17 janvier 2013, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement portant création d'un parquet européen dont la structure était essentiellement la suivante : un « super-procureur européen » essentiellement chargé de superviser, de coordonner et, le cas échéant, de diriger les enquêtes et les poursuites menées dans les États membres, d'une part, et des procureurs européens délégués, d'autre part, qui mèneraient leurs enquêtes et leurs poursuites de manière autonome. Ces procureurs délégués feraient partie à la fois du parquet européen et des ministères publics nationaux. Le parquet européen pourrait s'appuyer sur les règles de procédure nationale, les juridictions nationales et les services nationaux chargés de la répression tout en poursuivant l'objectif européen commun de lutte contre la fraude au préjudice de l'Union.

Le débat s'est articulé autour de trois points fondamentaux :

- structure du parquet européen ;

- extension de la compétence du parquet européen ;

- compétence partagée du parquet européen avec celles des autorités judiciaires des États membres.

En 2013, le Sénat a adopté deux résolutions européennes ainsi qu'un avis motivé (valant « carton jaune » adressé à la Commission européenne dès lors que 14 chambres de parlements nationaux ont rejoint le Sénat) en optant pour un parquet européen de forme collégiale, désignant en son sein un président, le cas échéant avec une rotation par pays, et s'appuyant sur des délégués nationaux de chaque État membre ; cette formule paraissant plus adaptée à un bon ancrage du parquet européen et à son acceptation par les systèmes judiciaires nationaux.

Au cours des discussions au Conseil, certains États membres (Royaume-Uni, Irlande, Danemark, Suède et maintenant Pays-Bas) ont manifesté une opposition résolue au principe même du parquet européen. D'autres (Italie) ont paru regretter la version initiale de la Commission tandis que des pays comme la France, l'Allemagne, l'Espagne ou la Belgique ont approuvé le principe de cette institution tout en demandant des précisions (pour l'Allemagne, par exemple, en ce qui concerne les droits de la défense des personnes poursuivies).

Si la discussion se poursuit encore, c'est parce que le débat a pris un caractère très technique s'agissant notamment de l'intégration ou non de la fraude à la TVA dans le domaine de compétence du parquet européen (on paraît se diriger vers une compétence réduite dans ce domaine avec des seuils élevés, ou à condition que le préjudice subi par l'Union européenne soit supérieur au préjudice subi par les États membres).

Dans une résolution du mois de novembre 2016, le Parlement européen a, en tout cas, réaffirmé son « soutien de longue date à la mise en place d'un parquet européen efficace et indépendant afin de réduire la fragmentation actuelle des efforts de répression nationaux pour protéger le budget de l'Union, ce qui permettrait de renforcer la lutte contre la fraude dans l'Union européenne. »

Après la « défection » récente des Pays-Bas et celle de pays tels que la Pologne ou la Hongrie, on se dirige, à coup sûr, vers une « coopération renforcée » (neuf pays minimum) entre les pays favorables au projet pour lutter contre les fraudes financières intercommunautaires. Cette coopération renforcée pourrait être décidée au sommet des chefs d'État et de gouvernement de mars 2017 (avec une mise en route du parquet européen fin 2018 ou début 2019).

4. Le mandat d'arrêt européen

C'est dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale que les instruments de reconnaissance mutuelle des décisions de justice ont été les plus performants.

On évoquera le mandat d'arrêt européen , emblématique des mesures de simplification qui réussissent.

Le mandat d'arrêt européen (MAE) est issu d'une décision cadre 2002/584/JAI du conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres . Il est entré en vigueur le 1 er janvier 2004, date à laquelle cet instrument a notamment remplacé la convention européenne d'extradition datant de 1957. Il vise toute personne ayant commis un délit grave dans un pays de l'Union européenne, mais qui vit dans un autre pays de l'Union

Le MAE, qui se subsitute au système d'extradition, simplifie les procédures pour accélérer la remise de la personne ayant commis un délit grave à un autre pays de l'Union européenne. Il s'agit d'une procédure exclusivement judiciaire . La décision de remettre ou non une personne sur la base d'un mandat d'arrêt européen ne relève que des autorités judiciaires, contrairement à la procédure d'extradition qui fait intervenir l'État donc l' autorité politique .

Pour trente-deux catégories d'infractions graves, le mandat d'arrêt européen supprime le principe de double incrimination, selon lequel le comportement au titre duquel la remise est demandée doit constituer une infraction pénale tant dans l'État requérant que dans l'État où la personne recherchée est arrêtée.

Pour autant que l'infraction soit suffisamment grave et passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans dans l'État membre qui a émis le mandat, le mandat d'arrêt européen émis au titre des infractions susvisées doit être exécuté, que la définition de l'infraction concernée soit ou non la même dans les deux États.

Mais les procédures sont aussi accélérées.

La décision-cadre prévoit en effet des délais stricts. L'État dans lequel la personne est arrêtée doit renvoyer cette personne dans l'État qui a émis le mandat d'arrêt européen dans un délai maximal de 90 jours à compter de son arrestation. Si la personne consent à sa remise, la décision doit être prise dans un délai de 10 jours.

La décision-cadre pose comme principe que les États membres de l'Union européenne ne peuvent refuser de « remettre » leurs propres ressortissants, à moins de se charger des poursuites ou de l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre de la personne recherchée.

La remise de la personne arrêtée peut être refusée pour trois motifs obligatoires . Le premier motif repose sur le principe selon lequel une personne ne peut pas être remise si elle a déjà purgé une peine pour la même infraction ; le deuxième motif concerne les mineurs : une personne ne peut pas être remise si elle n'a pas atteint l'âge de la responsabilité pénale dans l'État où elle a été arrêtée ; le troisième motif concerne l'amnistie : une personne ne peut pas être remise si l'État dans lequel elle a été arrêtée avait pu la poursuivre et si l'infraction est couverte par l'amnistie.

Par ailleurs, la décision-cadre laisse aux autorités judiciaires la possibilité d'invoquer des motifs dits facultatifs pour refuser une remise. Celle-ci pourra par exemple être refusée si une partie des actes délictueux, pour lesquels le mandat d'arrêt européen a été émis, ont été commis dans l'État où la personne est arrêtée et s'ils feront l'objet de poursuites dans cet État.

La Commission européenne a publié trois rapports, en 2005, en 2007 et en 2011, sur la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen. D'une manière générale cet instrument a été considéré globalement comme très utile pour les pays de l'Union européenne dans la lutte contre la criminalité. Toutefois, des progrès restent à accomplir.

Le mandat d'arrêt européen est opérationnel dans les vingt-huit États membres et les évaluations effectuées montrent que cet instrument fonctionne bien. Si les données ne sont pas disponibles pour tous les États membres, les chiffres (arrondis) figurant dans le tableau ci-après indiquent l'ampleur de l'utilisation de cet instrument.

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Mandats délivrés

6 900

6 750

11 000

14 200

15 800

13 900

9 800

10 450

13 100

14 700

Personnes retrouvées et/ou arrêtées

1 770

2 040

4 200

4 500

6 150

6 460

6 490

5 840

7 850

9 660

Personnes remises

1 530

1 890

3 400

3 630

5 580

5 370

5 230

4 480

3 460

5 480

Source : Commission européenne

Dans la majorité des États membres, la remise avec le consentement de la personne concernée a lieu dans un délai de 14 à 16 jours ; la procédure de remise sans consentement dure moins de deux mois. Dans près de 50 % des cas, la remise a lieu avec le consentement de la personne recherchée.

Rappelons que la durée moyenne des procédures « classiques » d'extradition varie de huit à dix mois (six mois en moyenne lorsque la personne consent à son extradition).

5. Simplification dans la vie quotidienne des citoyens européens

Mais la simplification doit aussi concerner l'Europe du quotidien telle qu'elle est vécue par nos concitoyens, notamment dans leurs activités transfrontalières. Votre commission des affaires européennes avait en particulier examiné, lors de son déplacement à Strasbourg, les questions transfrontalières 53 ( * ) . À cet égard, on pourrait formuler les observations suivantes :

- mis à part le règlement de la question de l'imposition des pensions versées par l'Allemagne aux retraités français ayant travaillé en Allemagne et résidant en France, les choses semblent avancer extrêmement lentement. Les acteurs de terrain disent se heurter à la difficulté de trouver des interlocuteurs au sein de l'État et de voir des décisions être arbitrées ;

- avec l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, ainsi qu'avec la Suisse, les domaines où les difficultés sont les plus sensibles touchent aux questions sociales au sens large : santé, emploi et prestations sociales.

En matière de santé, il semble exister entre la France et l'Allemagne une discontinuité territoriale plus forte pour les patients qu'elle ne l'est par exemple entre la France et la Belgique. Des difficultés demeurent par exemple quant à l'accès à certains équipements médicaux situés de l'autre côté de la frontière (tels que les IRM, soumis à un régime d'autorisation préalable) ou encore au remboursement des soins (manque d'informations pour les usagers, lenteur des procédures).

Concernant la formation et l'emploi, la difficile reconnaissance des diplômes constitue un frein très sensible à la mobilité professionnelle transfrontalière, faisant obstacle à des recrutements alors que les besoins et les opportunités existent. Cette situation concerne non seulement les professions réglementées (notamment médicales) mais aussi certains métiers de la filière technique.

En matière de droits sociaux, de nombreuses difficultés semblent être posées par des problèmes de cumuls d'emplois (pluriactivités dans plusieurs États) ou de détermination de la législation sociale applicable entre deux pays (invalidité, dépendance notamment).

Des difficultés plus spécifiques ont aussi identifié par exemple la difficulté à immatriculer en France certains véhicules achetés en Allemagne.

Des solutions pourraient être apportées à différents niveaux :

- en France, grâce à une meilleure coordination interministérielle et l'institution de référents permettant la mobilisation des différentes administrations jusque et y compris au plan local (des services fiscaux aux agents des caisses locales de sécurité sociale) ;

- entre les territoires frontaliers, par une meilleure coordination, notamment lorsqu'ils transposent des textes européens ;

- au niveau de l'Union européenne, en particulier lorsqu'elle adopte des mesures relatives au principe de libre circulation.

Ces observations font notamment suite à une réflexion engagée par le Conseil régional d'Alsace Champagne-Ardenne Lorraine en 2015 afin que le gouvernement puisse apporter sa contribution à l'amélioration de situations concrètes.


* 53 Rapport n° 725 (2015-2016) du 2 juin 2016 de MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, René Danesi, Mme Fabienne Keller et M. Claude Kern - « Strasbourg, une double capitale au coeur de l'Europe ».

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