ANNEXES
Cinquante propositions pour l'avenir des villes
(Extrait du rapport « Demain, la ville », présenté par Jean-Pierre Sueur au Gouvernement en 1998)
1 - La politique de la ville appelle aujourd'hui une mobilisation nationale de grande ampleur sur une longue durée . En dépit des efforts accomplis, les conditions de vie dans les banlieues et dans les « quartiers sensibles » se sont gravement détériorées dans les vingt dernières années. En dépit de ces efforts, les ségrégations se sont accrues, les déséquilibres entre quartiers se sont creusés au sein de pratiquement toutes les agglomérations. Dans plusieurs centaines de quartiers se concentrent, toujours davantage, toutes les difficultés : celles qui sont liées au chômage, au mal-vivre, à l'insécurité, à la mauvaise qualité des logements et du cadre de vie, aux obstacles auxquels se heurtent les politiques d'intégration. Les habitants de ces quartiers font souvent preuve, malgré toutes ces difficultés, de beaucoup de solidarité. Ils prennent des initiatives. Mais, en dépit de tout cela, si les choses restaient en l'état, on voit mal comment les contradictions d'aujourd'hui ne s'aggraveraient pas encore. L'alternative est claire : il faut refaire, remodeler en profondeur les quartiers en difficulté. Cela ne concerne pas uniquement les communes dites périphériques puisque, très souvent, les « zones urbaines sensibles » sont incluses dans les villes centre.
Mais l'alternative est d'une plus grande ampleur encore.
Vingt ans de politique de la ville nous ont appris que l'on ne pouvait pas changer un quartier en s'enfermant dans ses limites, dans son périmètre. À force de faire des « zonages », on stigmatise autant qu'on aide les « zones » concernées. C'est donc sur des espaces plus vastes qu'il faut agir. C'est au niveau de toute l'aire urbaine qu'il faut affirmer le droit pour chacun à vivre dans la dignité. C'est au niveau de toute la ville qu'il faut mettre en oeuvre la « mixité » dont on parle tant, qu'il faut mener une politique d'intégration territoriale, économique et sociale. C'est le rapport entre le centre, la banlieue, entre les quartiers périphériques et les autres quartiers qu'il faut modifier. Il ne s'agit plus de « panser des plaies » sur des parties limitées du corps urbain. Les solutions ne pourront être trouvées qu'au niveau de la ville tout entière.
L'actualité appelle des mesures urgentes. Mais il n'y aura de vraie réponse que par un effort soutenu dans le long terme.
La France a trouvé la force et les moyens de mener à bien des projets de grande ampleur comme le plan autoroutier ou le TGV. C'est l'avenir de notre société qui se joue dans nos villes et dans nos quartiers. Comment ne pas voir que ce défi appelle un effort du même ordre - peut-être davantage - que celui que nous avons su accomplir en d'autres circonstances.
L'une des clés de la réussite est la continuité de l'effort, la cohérence des politiques menées sur le long terme. Le temps de la ville, le temps de l'urbanisme est plus long que celui des échéances politiques.
C'est pourquoi nous proposons au Gouvernement de créer les conditions d'une mobilisation sur dix ans de tous les partenaires concernés : État, collectivités locales, entreprises, associations. Nous proposons que cela soit acté par une loi de programmation sur dix ans .
Le renouveau de la politique de la ville suppose par ailleurs de nombreuses évolutions, institutionnelles, administratives, financières, etc. Celles-ci ne relèvent pas toujours stricto sensu de la « politique de la ville » au sens où on entend classiquement cette expression. Mais nous avons la conviction qu'on ne peut dissocier la politique de la ville des politiques urbaines. C'est pourquoi les préconisations qui suivent concerneront l'ensemble de ces domaines.
2 - La ville est aujourd'hui juxtaposition d'espaces : centres anciens, faubourgs, périphéries, banlieues, etc. En quarante ans, la spécialisation des espaces s'est considérablement accrue. Aux spécialisations sociales, qui sont anciennes, se sont ajoutées les spécialisations fonctionnelles. Les parcs d'activités sont dissociés des espaces d'habitat. Nombre d'espaces commerciaux se sont constitués hors des secteurs d'habitat. La mode des « campus » a relégué un grand nombre d'étudiants, d'universitaires et de chercheurs hors des centres-villes, voire hors des villes.
Nous ne reviendrons pas à la ville d'hier ou d'avant-hier. Il faut au contraire concevoir un nouveau modèle urbain qui, partant de la spécialisation et de la juxtaposition des espaces qui sont aujourd'hui des données, crée davantage de liaisons, d'interpénétration, de fluidité, de mixité entre les différents espaces. Il faut non seulement « recoudre » ces espaces, restaurer des continuités, mais surtout retrouver des cohérences, façonner de nouvelles harmonies. La ville du futur sera donc multipolaire . Dans un tel contexte, l'interaction et les capacités de mobilité entre les différents pôles seront des enjeux essentiels.
C'est dire que le projet urbain, ou plutôt les projets urbains, ne sauraient résulter de la simple contemplation d'une « ville émergente » qui serait, par définition, la meilleure ou la moins mauvaise possible. Le nécessaire volontarisme ne s'identifie toutefois ni à une planification exhaustive ni à des actes prométhéens qui, à l'échelle d'une ville ou d'un quartier, s'imposeraient, a priori . Le travail des architectes, urbanistes et paysagistes est ici essentiel. OEuvre de création singulière, faute de quoi il perd tout sens, ce travail s'inscrit dans le jeu dialectique d'une ville qui se fait en même temps qu'elle est faite, par l'action des élus, des donneurs d'ordre, mais aussi des habitants . Il ne saurait être question ni de pervertir l'acte créateur ni d'obérer la légitimité des décisions démocratiques : la construction - ou la production - de la ville est nécessairement le fruit de dialogues et de confrontations.
Ajoutons que la « ville multipolaire » n'est pas la ville dilatée sur de longues distances, conçue par et pour l'automobile, qu'illustre le modèle urbain américain : nous ferons plus loin des propositions visant à freiner la tendance à la consommation excessive d'espace et au « mitage » qui témoignent de l'échec de l'aménagement urbain.
Les différents pôles de la ville de demain devront se caractériser par leur urbanité, ce qui suppose activité, animation, présence humaine, etc. Elle s'inscrira ainsi dans la culture européenne de la ville.
3 - Beaucoup de quartiers relevant de la politique de la ville doivent être profondément transformés. À la réparation, il faut aujourd'hui préférer l'ambition . Il y eut tant de réhabilitations légères dont le résultat s'effaçait un an, deux ans ou trois ans plus tard. Il y eut trop d'« urbanisme du pauvre » où on rénovait superficiellement des cités sans considérer (sauf notables exceptions) que tous les habitants avaient droit à un cadre de vie de qualité.
C'est dire que nombre d'opérations « construction-démolition » sont aujourd'hui pleinement justifiées . Elles requièrent des moyens financiers importants, et donc l'effort sur le long terme qui a été évoqué précédemment.
Il importe toutefois d'être très précis à cet égard.
D'abord, de telles opérations ne sont pas en elles-mêmes et à elles seules le « remède miracle ». Rien n'est pire que ces destructions spectaculaires de tours et barres assorties de discours qui donnent le sentiment que l'on pense plus ou moins confusément que pour remédier au mal des banlieues, il suffirait de supprimer les banlieues. Les problèmes sont d'abord ceux des êtres humains avant d'être ceux du bâti, même si le « bâti » est loin d'être neutre.
Ensuite, avant de démolir, il faut construire. Il faut donc se donner les moyens d'un effort de construction de grande ampleur.
En troisième lieu, les opérations ambitieuses de remodelage et de transformation profonde de quartiers entiers n'ont de sens et de chance de réussite que si elles ne sont pas confinées sur le territoire du quartier ou de la « zone » concernée . Il ne faut pas « refaire » ces quartiers « sur eux-mêmes », comme si on voulait y confiner ceux qui y vivent. Le « chantier » doit toujours porter sur un espace urbain plus vaste. Il doit jouer sur la pluralité des formes d'habitat, sur la « couture » des différents espaces, sur l'essaimage, sur l'indispensable qualification des espaces publics, sur les retrouvailles avec un urbanisme qui n'exclura plus - comme ce fut trop souvent le cas - les rues, les vraies avenues, les places, les espaces de convivialité, en un mot l'urbanité .
Le problème ne réside pas seulement dans le « bâti ». Sont également en cause les espaces interstitiels, ou espaces dits publics, qui connotent autant le quartier que le bâti, les voies rapides, qu'il faut parfois remettre en cause, les autoroutes, qu'il faut parfois recouvrir, etc.
Enfin, le renouveau, si l'on veut qu'il soit effectif, doit aller de pair avec la plurifonctionnalité , et donc l'interpénétration des espaces et des fonctions : la « réfection » du quartier, et donc d'une aire urbaine plus vaste, passera nécessairement par l'apport (ou la liaison avec) de nouvelles activités économiques, tertiaires, commerciales, universitaires, scientifiques, etc.
4 - Le niveau pertinent pour les décisions structurantes concernant les espaces urbains est celui de l'agglomération . Le territoire urbain ne se superpose pratiquement jamais à celui d'une commune. La politique de la ville dépasse souvent les contours de la commune. La ville, au sens classique du terme, c'est souvent l'agglomération. C'est d'ailleurs au niveau de l'agglomération que sont déterminées, de plus en plus souvent, les orientations concernant l'aménagement, l'urbanisme, le développement économique, les déplacements, l'environnement. C'est à ce niveau qu'elles doivent l'être encore davantage.
Préparer la ville du futur, cela n'appelle pas seulement des réflexions sur l'aménagement ou sur l'urbanisme. La question de la démocratie est centrale. Les lieux d'exercice de la démocratie doivent correspondre au mieux aux niveaux où les décisions essentielles sont prises, ou doivent être prises. Dès lors que la définition et la mise en oeuvre d'un « projet de ville » concerne, en fait, toute l'agglomération, espace stratégique de la décision, et aussi espace de vie, la question de l'exercice de la démocratie se pose à ce niveau. Or, aujourd'hui, les instances de l'agglomération souffrent d'un défaut de lisibilité par les citoyens, alors même qu'une part de plus en plus importante des impôts est perçue et dépensée par les instances intercommunales . C'est pourquoi il est proposé de s'orienter vers l'élection au suffrage universel direct d'une assemblée d'agglomération . Ainsi un espace urbain à l'évidence stratégique deviendra-t-il l'un des lieux essentiels de la démocratie locale.
Le nouvel essor de l'agglomération ne saurait toutefois se traduire par la mise en cause de la commune, qui constitue, depuis plus de deux siècles, la cellule de base de la démocratie. Nous proposerons d'ailleurs ci-dessous de donner davantage de responsabilités aux maires et aux élus municipaux dans la mise en oeuvre de la politique de la ville. Par ailleurs, s'il paraît essentiel de confier des responsabilités structurantes à l'agglomération, il n'est pas nécessaire que la répartition des compétences entre communes et agglomération soit partout la même, celle-ci devant être aussi la résultante du débat local et de la prise en compte des réalités locales.
5 - La proposition faite ci-dessus concernant les assemblées d'agglomération pose la question du nombre des élections, de la complexité de l'organisation territoriale et de l'enchevêtrement des compétences. Il est clair qu'à l'opposé de ce que l'on constate dans les espaces ruraux ou dans un certain nombre de communes petites et moyennes, le territoire du canton ne constitue pas dans les zones urbaines un territoire pertinent pour la mise en oeuvre de politiques urbaines et de politiques de la ville (qui sont ou doivent être mises en oeuvre au niveau de l'agglomération, de la commune ou du quartier). Les limites territoriales du canton sont d'ailleurs rarement connues, ou perçues comme constituant une unité humaine ou spatiale effective, par les citoyens. L'une des hypothèses d'évolution qui a retenu l'attention de notre commission consisterait en la désignation des représentants de l'agglomération urbaine au sein des assemblées départementales par l'assemblée d'agglomération. Ainsi, une élection au suffrage universel se substituerait à une autre, et une élection au second degré se substituerait également à une autre. Cela permettrait en outre de mieux prendre en compte le poids démographique des agglomérations urbaines dans la composition des conseils généraux, et de procéder au rééquilibrage qui paraît aujourd'hui nécessaire. D'autres hypothèses existent. Mais, quelles que soient les méthodes mises en oeuvre, il est clair que l'organisation territoriale et administrative de la France doit être revue de manière à mieux prendre en compte le fait urbain .
6 - Les agglomérations françaises sont souvent de taille plus réduite que leurs homologues européens. C'est pourquoi la mise en oeuvre de « réseaux de ville » constitue l'un des objectifs majeurs de la politique d'aménagement du territoire . La notion de « réseau de ville » est également essentielle pour concevoir la ville de demain. Au moment où l'accroissement des capacités de mobilité de chacun constitue un enjeu majeur, il serait anachronique de considérer les villes (ou les agglomérations) comme autant d'entités isolées les unes des autres.
Toutes les conséquences n'ont pas été tirées, en termes d'aménagement du territoire, de la révolution urbaine. Tant au niveau national que pour chacune des régions, la question de l'armature urbaine est cruciale. Cette armature urbaine ne saurait être considérée comme un réseau indifférencié. Dans la mesure où les politiques de la ville et les stratégies de développement urbain sont indissociables, la question de la complémentarité entre les fonctions, les types et les secteurs de développement des différentes agglomérations est essentielle. Elle l'est d'autant plus dans une société où les moyens de la mobilité et de la communication s'accroissent à un tel rythme que le rapport des citoyens à la ville n'est plus seulement le rapport à une ville - mais de plus en plus souvent - le rapport à une pluralité d'espaces urbains.
La complémentarité entre les villes appartenant au même réseau paraît particulièrement pertinente en matière de grands équipements et services urbains. Cela vaut en matière de recherche, d'université, de culture, de loisirs, de sport. L'objectif est de favoriser l'accès du plus grand nombre à ces grands équipements et services.
Cela suppose une politique d'aménagement du territoire associant étroitement l'État, les régions et l'ensemble des villes qui constituent « l'armature urbaine » de chaque région. C'est l'un des enjeux majeurs des contrats de plan. Au-delà, le dialogue régulier et la mise en oeuvre de rapports contractuels entre les conseils régionaux et les conférences des maires des grandes villes (ou les présidents des agglomérations) apparaissent comme l'une des clés du développement de la politique de la ville et de politiques urbaines cohérentes et maîtrisées .
7 - À côté du niveau de l'agglomération, où les choix structurants doivent pouvoir être faits, un autre niveau apparaît comme essentiel : celui de la démocratie de proximité. Il est clair, en effet, que les habitants des agglomérations urbaines éprouvent trop souvent le sentiment d'une trop forte distance entre eux-mêmes et les instances de décision. Lorsque sa population est inférieure à 20 000 habitants, la commune constitue naturellement ce lieu si nécessaire de la démocratie de proximité. Il paraît indispensable de généraliser dans les communes de plus grande taille des conseils de quartier qui associent, selon diverses modalités, autour des conseillers municipaux de chacun des quartiers, les représentants des associations ou des « forces vives » du quartier. Cela est particulièrement (mais non exclusivement) nécessaire dans les quartiers comprenant les grandes cités d'habitat social où l'implication des habitants dans les décisions concernant la vie quotidienne mais aussi les projets d'avenir est essentielle et constitue l'une des clés de la réussite de ces projets. Il ne paraît pas opportun de prévoir un mode de désignation uniforme de ces instances, une place importante devant être laissée, en cette matière, aux initiatives et aux débats locaux. Outre un pouvoir de proposition sur l'ensemble du champ de compétence communal, ces conseils devraient être obligatoirement consultés pour toute décision concernant le quartier considéré, préalablement à l'inscription de ladite question à l'ordre du jour du conseil municipal. Les conseillers municipaux devront disposer, au moment du choix, de l'avis écrit du conseil de quartier.
Enfin, s'il ne paraît pas pertinent d'élire au suffrage universel des conseils qui n'auraient qu'un rôle consultatif, l'extension de la loi dite « Paris-Lyon-Marseille » à d'autres agglomérations permettrait le développement d'une démocratie locale davantage en prise avec les réalités des quartiers par la mise en place d'une assemblée élue au niveau d'arrondissements qui pourraient correspondre à des grands quartiers.
8 - Notre pays est profondément marqué par l'idée selon laquelle toute réforme doit s'appliquer au même moment, au même rythme, selon les mêmes modalités, dans l'ensemble du territoire. La prise en compte des lourds problèmes auxquels les espaces urbains sont confrontés suppose, dans un certain nombre de domaines, une grande faculté d'adaptation à des situations diverses. Ainsi, il est clair que si la réalité des agglomérations est facilement perceptible dans la plupart des régions françaises, il en va différemment dans la région d'Île-de-France où un tissu urbain dense ne se « découpe » pas naturellement en agglomérations. Il sera donc nécessaire, dans ce cas précis, de raisonner à partir des entités que constituent soit une commune, soit un ensemble de communes liées les unes aux autres et formant une unité urbaine cohérente plutôt que sur la base des agglomérations telles qu'elles ont été définies ci-dessus. S'il est clair que, dans tous les cas, la région ou le département constituent des aires trop larges pour être adaptées à la mise en oeuvre des politiques de la ville, la commission recommande, compte tenu des spécificités du « tissu urbain » dans la région d'Île-de-France, qui n'a son équivalent dans aucune autre région, que le territoire opérationnel au sein duquel les procédures définies ci-dessous seront mises en oeuvre soit délimité, au cas par cas, après concertation avec la région d'Île-de-France et avec les élus concernés, l'objectif étant de s'appuyer sur une institution intercommunale correspondant à un bassin de vie ou à un bassin d'emplois effectifs (ou encore, le cas échéant, à l'un et à l'autre).
Pour ce qui concerne les « grandes politiques » d'aménagement, de développement économique, de déplacement, de santé, etc., des schémas d'organisation établis à l'échelle régionale existent aujourd'hui. Cette échelle est la seule qui, en Île-de-France, permette d'agir avec cohérence contre la fragmentation urbaine et sociale. Il faudra donc plus qu'ailleurs impliquer, à cet égard, pour la nouvelle phase de la politique de la ville, tant l'État que le conseil régional et les grands organismes tels que la RATP ou les organismes d'HLM interdépartementaux.
9 - Des considérations analogues devraient conduire à donner une place importante à la notion d'expérimentation dans la mise en oeuvre des préconisations qui sont faites dans le présent rapport. Il pourrait ainsi être très utile de mettre en oeuvre telle ou telle disposition durant trois, quatre ans, ou davantage, au sein d'une ou plusieurs collectivité(s) volontaire(s) et de présenter chaque année une évaluation, qui permettrait soit de développer, soit de généraliser la mise en oeuvre de cette disposition, soit, au contraire, d'y renoncer. Ainsi, la question de la pertinence de la répartition des compétences entre le département, les agglomérations et les communes en matière d'action sociale et de mise en oeuvre du RMI a été posée lors des auditions auxquelles nous avons procédé. Dès lors que les élus des villes sont confrontés, tout particulièrement dans les quartiers en difficulté, aux problèmes liés à la précarité et au chômage, ne serait-il pas opportun que ces mêmes élus aient en charge la mise en oeuvre du RMI et une part des compétences aujourd'hui exercées par les départements en matière d'action sociale ? Une bonne manière de traiter cette question serait de mettre en oeuvre un tel « transfert de compétence » à titre d'expérience au sein d'une ou de plusieurs des agglomérations qui seraient candidates , et d'évaluer les effets d'un tel transfert avant de le généraliser totalement, de le généraliser dans certains domaines et sous certaines conditions, ou d'y renoncer. Un tel dispositif, qui serait d'ailleurs cohérent avec ce qui a été prévu par l'article 33 de la loi du 22 juillet 1983 et avec certaines initiatives locales, supposerait une évolution profonde de nos habitudes administratives qui donnerait une plus grande place à l'expérimentation au sein des processus de réforme.
10 - Indépendamment des perspectives qui viennent d'être évoquées, il est urgent de mettre fin aux dispositifs qui pénalisent très injustement les agglomérations dont une part importante de la population est en difficulté. Ainsi en est-il des modes de calcul du contingent d'aide sociale versé par les villes aux départements . Le présent rapport montre que le dispositif en vigueur pénalise les communes où résident le plus d'habitants en difficulté et celles qui ont les ressources les plus modestes. Ce dispositif est totalement contre-productif en matière de politique de la ville et de solidarité. Il doit être rapidement modifié .
11 - La configuration des espaces urbains est, aujourd'hui, largement déterminée par les mécanismes fiscaux. Les modalités de perception de la taxe professionnelle ont beaucoup plus de conséquence sur l'aménagement réel des agglomérations urbaines que les schémas directeurs, élaborés au terme de nombreuses études et de longs débats. Il y a une corrélation entre les fortes disparités de taxe professionnelle entre les communes d'une même agglomération et l'incapacité à maîtriser l'urbanisme des entrées de ville, à organiser des implantations cohérentes d'activité économique ou à éviter une consommation excessive d'espace , qui entraîne à la fois le développement du « mitage » urbain et des dépenses en infrastructures plus élevées qu'il ne serait utile. Cet ensemble de considérations justifie l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre par la voie législative dans l'ensemble des agglomérations de plus de 100 000 habitants la taxe professionnelle d'agglomération , déjà rendue possible par la loi du 6 février 1992 sur l'administration territoriale de la République pour les structures intercommunales à fiscalité propre. Cette mise en oeuvre suppose une période de transition, et d'unification progressive des taux, allant de cinq à dix ans. Elle est cohérente avec l'attribution à l'agglomération de compétences fortes en matière d'aménagement. Conformément aux dispositions en vigueur pour les communautés de ville, l'agglomération fixerait le taux de la taxe professionnelle. Elle en percevrait le produit, une part de ce produit pouvant toutefois continuer d'être perçu par les communes. L'agglomération pourrait, le cas échéant, prélever une part additionnelle des trois autres taxes comme c'est aujourd'hui le cas dans l'ensemble des structures intercommunales à fiscalité propre. Elle aurait, en outre, la possibilité d'organiser des systèmes de péréquation ou de solidarité financière entre communes.
12 - Les mécanismes fiscaux en vigueur, qu'il faut donc réformer, ont joué un rôle déterminant dans la configuration qu'ont aujourd'hui les « entrées de ville », et tout particulièrement des espaces commerciaux qui s'y sont implantés au cours des trente dernières années. On a davantage parlé de commerce que d'urbanisme dans les nombreuses instances dédiées à l'« urbanisme commercial ». Alors que toutes les villes ont une image, une personnalité, une atmosphère qui leur est propre, elles ont toutes été encerclées par la même périphérie commerciale constituée partout des mêmes volumes, des mêmes couleurs et des mêmes enseignes. Alors que les coeurs des villes sont protégés par de nombreux dispositifs, parfois trop contraignants, le laxisme le plus total à l'entrée des mêmes villes a engendré un sinistre paysager de grande dimension qui affecte l'ensemble du territoire. L'image d'une ville - son âme - tiennent autant à son centre ancien qu'à la perception qu'on a de la cité lorsqu'on s'en approche et lorsque l'on y entre. C'est pourquoi, il est incontestablement d'intérêt public de reconquérir ces espaces. L'ampleur de la dégradation du paysage urbain dans les « entrées de ville », les effets concrets de trente années de « laisser-faire » généralisé appellent aujourd'hui une forte réaction qui pourrait s'apparenter, comme cela a été proposé par ailleurs, à une nouvelle « loi Malraux » pour les entrées de villes 3 ( * ) . Cette loi prévoirait à l'intérieur des périmètres concernés la mise en place de plans d'aménagements par les instances d'agglomération. Ces plans d'aménagement définiraient le droit à construire. Ils définiraient un schéma d'urbanisme d'ensemble, au sein duquel les constructions nouvelles devraient s'intégrer. Ils définiraient complémentairement à la loi les dispositifs permettant de promouvoir la qualité architecturale des constructions neuves ou des adaptations et aménagements qui seront apportés à l'existant. Ils définiraient des espaces de verdure ainsi que des programmes de plantations. Ils fixeraient enfin des normes restrictives en matière d'enseignes, d'affichage publicitaire et de signalétique commerciale, auxquelles les entreprises seraient tenues de se conformer dans des conditions fixées par un texte législatif modifiant la loi de 1979. Un tel dispositif permettrait d'aller plus loin que la « loi Dupont » qui s'apparente à un dispositif d'urgence permettant de « limiter les dégâts » : il n'est pas forcément dommageable de construire le long d'une voie d'accès à une agglomération ; tout dépend de ce que l'on construit. La réponse passe par plus d'urbanisme et davantage d'architecture. La nouvelle législation, qui est nécessaire, donnera aux autorités des agglomérations les moyens de concevoir et de mettre en oeuvre des plans de « reconquête » et d'aménagement de ces espaces, de l'urbanisme et des paysages.
13 - Les problèmes posés par les « entrées de ville » sont aussi liés au statut des voiries. Lorsque, ce qui est fréquent, l'« entrée de ville » correspond à une route nationale, les caractéristiques de ce type de voirie l'emportent presque toujours sur le respect du caractère urbain du site traversé. Or, les normes en vigueur sur les grands itinéraires routiers dont relèvent les tronçons considérés sont antinomiques du statut d'une voie urbaine desservant, le plus souvent, les équipements commerciaux précédemment évoqués. C'est pourquoi il paraît nécessaire de doter les tronçons concernés de route nationale du statut d'« avenue urbaine » . Dans le cadre des Dossiers de voirie d'agglomération (DVA) dont l'élaboration est négociée entre l'État et les collectivités locales, ces tronçons - ainsi d'ailleurs que les tronçons situés à l'intérieur des agglomérations - pourront être dévolus aux agglomérations par dérogation au principe de la continuité des routes nationales ; si tel n'est pas le cas, ces tronçons, dotés du statut d'« avenue urbaine » seront aménagés en prenant en compte prioritairement les contraintes urbaines dans le cadre d'une convention entre l'État et l'agglomération ; en cas de désaccord, le litige sera soumis à une instance nationale paritaire constituée de représentants de l'État et des collectivités locales.
14 - La mobilité, et donc la politique de déplacement, devenant des enjeux essentiels de la cohésion urbaine, les moyens appropriés devront y être affectés. Le « droit à la mobilité » pour le plus grand nombre est en effet une condition essentielle de la réussite de la ville multipolaire, où l'aménagement ne sera plus seulement conçu à partir des notions d'espace et de distance , mais aussi en fonction des capacités de déplacement et du temps de déplacement. L'élaboration des Plans de déplacement urbain (PDU) prévus par la loi sur l'air, devra pour des raisons tenant à la fois à la cohésion urbaine et à la préservation de l'environnement, substituer la multi-modalité au « tout automobile ». Les expériences européennes et françaises menées à bien ont montré que les lignes de transports en commun en site propre , outre leur fonction spécifique en matière de transport public, constituaient des « épines dorsales » essentielles autour desquelles s'organisaient une nouvelle continuité et de nouvelles cohérences urbaines. C'est pourquoi, il est impérieux de dégager les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre rapide des projets existants, en cours d'élaboration ou de conception. Outre les crédits émanant du « versement transport », il est clair qu'un effort conséquent sur fonds publics est nécessaire, le besoin de financement pour les projets existants ayant été chiffré à 80 milliards de francs par le Groupement des autorités responsables de transport (Gart), alors que l'enveloppe prévue dans le budget de l'État 4 ( * ) ne dépasse pas 700 millions de francs. Dès lors que la politique de la ville représente une priorité, et que les problèmes de pollution urbaine sont extrêmement sensibles, la solution la plus réaliste consiste en un redéploiement d'une partie des crédits affectés dans le budget de l'État aux projets routiers en direction des projets de déplacement urbain .
Il est par ailleurs indispensable que les projets concernant les transports urbains soient davantage pris en compte lors de la négociation des prochains contrats de plan État-région.
15 - Les espaces appelés « technopoles » se sont développés en périphérie des aires urbaines au cours des dernières années. Plutôt qu'un espace distinct du tissu industriel et urbain, la logique technopolitaine doit désormais plutôt concerner plusieurs pôles au sein de l'aire urbaine . Cela s'inscrira dans la même orientation qui visera à réintégrer dans l'aire urbaine les institutions universitaires et scientifiques. S'il paraît pertinent de les inscrire désormais au coeur de l'aire urbaine, il serait dommageable de laisser durablement les anciens campus universitaires ou les parcs technologiques isolés de la ville. Ils seront donc un élément de la ville multipolaire et verront leur intégration à l'ensemble urbain assurée prioritairement, en particulier par le moyen des transports en commun en site propre. Le développement dans l'ensemble de l'aire urbaine des nouveaux outils de l'information et de la communication procéderont de la même logique.
16 - La question des centres-villes est d'autant plus cruciale que ces centres-villes sont désormais les centres de l'agglomération. La logique multipolaire précédemment évoquée ne saurait se traduire par leur banalisation. Après les entreprises, une part non négligeable du potentiel commercial les a quittées. C'est au tour maintenant des activités de loisirs avec, tout particulièrement, le développement de « multiplexes » cinématographiques en périphérie. Dès lors que la ville de l'avenir sera « multipolaire », il n'y a pas de raison a priori de contester l'implantation d'équipements culturels ou de loisirs dans les différents espaces « hors du centre ». C'est d'ailleurs ce que souhaitent souvent les élus des communes dites périphériques. On constate toutefois que, pour s'en tenir à cet exemple, les multiplexes s'implantent dans une sorte d'« extra-urbanité », comme naguère les grandes surfaces commerciales : ils ne sont pas, fondamentalement, dans telle ou telle commune ; ils sont près d'un parking et près d'un grand axe de circulation ; leur implantation est donc une pure conséquence de la civilisation du « tout automobile ». Dans un tel contexte, le développement des logiques de déplacement multimodales devrait aller de pair avec la recherche d'un nouvel équilibre qui permette d'éviter d'aller vers le « centre-ville musée » . Le centre-ville doit rester un lieu d'activités, de commerces et de loisirs, même s'il y a, selon les espaces, spécialisation entre différents sites d'activités, de commerces et de loisirs, les clients des uns et des autres étant pour partie les mêmes : une part non négligeable de la population fréquente à la fois les grandes surfaces périphériques et les boutiques des centres-villes, même si les grandes surfaces ont intégré des boutiques. Les Plans de déplacement urbain et des nouvelles stratégies de transport urbain fondées sur le développement des transports en site propre et sur la multimodalité ont pour but de favoriser le passage d'un espace à l'autre, et, au-delà, la mixité, la continuité et l'interpénétration des espaces. S'agissant de la vogue des multiplexes, les nécessités de l'équilibre qui viennent d'être évoquées appellent à cet égard des prérogatives renforcées des Commissions départementales des équipements commerciaux (CDEC ).
17 - Si différentes configurations gouvernementales ont été successivement mises en oeuvre au cours des dernières années, la gestion de la ville est fréquemment éclatée entre différents ministères. Pour simplifier, le ministère de la culture gère les centres anciens et leur patrimoine, le ministère de l'équipement gère la « ville émergente » périphérique, avec ses rocades, son urbanisme neuf et ses plans d'aménagement, et le ministère des affaires sociales et celui du logement gèrent la ville qui se défait et le « mal vivre » dans les tours et les barres . Pour caricaturale qu'elle soit, chacun sait combien cette vision des choses correspond à une part de la réalité. Continuer de raisonner ainsi, c'est institutionnaliser la ségrégation et la juxtaposition des espaces , c'est renoncer au projet qui consiste à refaire « de la ville », à retrouver de la cohérence urbaine. Confiner le ministère de la ville dans la ville qui va mal, ou dans la ville périphérique, c'est inscrire dans nos institutions la ville à double vitesse. C'est conforter un schéma que l'on prétend réformer. C'est pourquoi le ministre de la ville doit être doté des compétences interministérielles qui lui permettront d'assurer la cohérence entre les interventions de l'ensemble des ministères dans le champ urbain .
18 - La politique de la ville doit-elle relever d'un budget spécifique au sein du budget de l'État ? Doit-elle être, au contraire, pour l'essentiel, une politique à caractère interministériel dont les moyens donnent lieu à des lignes affectées au sein du budget de chaque département ministériel ? La seconde solution paraît a priori la plus cohérente, car « la politique de la ville » est faite de logement, d'urbanisme, de formation, de lutte contre le chômage et l'insécurité, d'action sociale, etc. Elle exige toutefois de donner des moyens de coordination effectifs au ministre en charge de la ville.
Il est clair que sur le plan institutionnel, le ministre chargé de la ville doit disposer d'une structure administrative assez forte pour assurer la cohésion interne et peser conceptuellement et budgétairement dans les arbitrages interministériels, compte tenu notamment de l'éclatement des directions et structures directement ou indirectement concernées par la politique de la ville au sein de plusieurs ministères. À cet égard, le rôle, les missions, les moyens et le positionnement de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) devront être réévalués. Le responsable de cette structure pourrait utilement présider un comité interministériel réunissant les directeurs des six ou sept grandes directions concernées par la politique de la ville dans les différents ministères. C'est le mode de gestion de l'interministérialité que préconise, pour le ministère de l'équipement, le rapport Santel.
Sur le plan financier, les impératifs de coordination effective, de clarté et de déconcentration conduisent à préconiser :
a) que les crédits affectés à la politique de la ville soient clairement identifiés et donnent lieu à une présentation globale corrigeant les insuffisances de l'actuel « jaune budgétaire » ; une réflexion devra notamment être conduite pour homogénéiser et stabiliser la définition par les différents ministères des crédits qu'ils retiennent au titre de la politique de la ville ;
b) que le ministre de la ville ait le pouvoir de notifier lui-même une partie au moins de ces crédits, selon le fonctionnement adopté pour le budget civil de la recherche-développement à partir de 1981 ;
c) qu'une enveloppe complémentaire significative lui permette en outre d'abonder les moyens des différents ministères pour impulser les actions les plus urgentes ou les plus lourdes ;
d) qu'il ait clairement autorité sur la co-gestion des futurs contrats passés avec les agglomérations.
Par ailleurs, le niveau de décision pertinent pour l'engagement des crédits étant l'échelon déconcentré, il est nécessaire :
e) de maintenir le Fonds interministériel pour la ville (FIV), en le constituant non plus par ponctions sur les budgets sectoriels, mais au moment de l'élaboration du budget, et en mettant fin au sous-dimensionnement constaté ; il est notamment opportun d'y intégrer le Fonds social urbain (FSU) ;
f) que l'ensemble des crédits déconcentrés de la politique de la ville constituent aux niveaux régional et départemental des enveloppes fongibles susceptibles de donner lieu à des réaffectations à l'initiative des préfets de région et du département. En effet, la déconcentration doit être réelle en matière de politique de la ville : sous l'autorité du ministre chargé de la ville, les préfets et sous-préfets à la ville doivent avoir pleine autorité sur la gestion de l'ensemble des crédits de l'État dans le territoire où ils ont compétence ; cette déconcentration est absolument nécessaire si l'on veut parvenir à ce que la fongibilité des crédits évoquée ci-dessus soit effective.
19 - Quelles que soient les modalités d'affectation des crédits ou les procédures mises en oeuvre, il est clair que l'action ambitieuse qui est indispensable dans plusieurs centaines de quartiers de ce pays - où se joue, pour une part significative, l'avenir de notre société - nécessite des financements publics importants. L'effort minimum annuel doit être à la hauteur de celui accompli pour la mise en oeuvre des « emplois jeunes ». Il doit être mené sur une période de dix ans .
Cet effort public sera inscrit, pour chaque année, dans la loi d'orientation pour la ville qui couvrira une période de dix ans.
Celle-ci définira le « cadrage » qui permettra de négocier, pour ce qui est de la politique de la ville et des politiques urbaines, les contrats de plan avec les régions et les départements ainsi que les contrats d'agglomération que nous proposons de créer.
Elle définira des volumes de crédits d'équipement et de fonctionnement, ainsi que les orientations quant à leur affectation.
En matière d'investissement, la priorité sera donnée aux actions les plus lourdes, pour lesquelles le financement de l'État est essentiel.
Pour être financée par l'État, toute action de ce type devra s'intégrer dans un projet urbain concernant l'ensemble de l'aire urbaine où elle se situe.
L'objectif clairement affirmé doit être, en dix ans, de remodeler, de transformer en profondeur les aires urbaines concernées.
C'est pourquoi la programmation devra concerner l'ensemble des opérations et actions structurantes dans le champ urbain.
20 - La politique de la ville doit également être bien davantage prise en compte dans la répartition des dotations de l'État aux collectivités locales. La dotation de solidarité urbaine (DSU) ne représente qu'une enveloppe modeste par rapport à celle de la dotation globale de fonctionnement (DGF ). Or, il faut réaffirmer qu'il existe de très importantes disparités entre les ressources des collectivités locales, eu égard aux charges respectives qui sont les leurs (et notamment à la prise en charge de personnes en difficulté et de quartiers dégradés). Au regard de ces disparités, le mécanisme de la DGF n'assure que marginalement le rééquilibrage et la péréquation qui sont nécessaires. La DGF a été, pour sa part majeure, « cristallisée » en l'état par la réforme de 1994. Il paraît aujourd'hui nécessaire de réorganiser la DGF et ses « dotations satellites » autour de quatre critères seulement (et donc, assurer par rapport à ces quatre critères une redistribution beaucoup plus conséquente) :
a) un indicateur de richesse effective, intégrant le produit fiscal et le potentiel fiscal par habitant ;
b) la politique de la ville ;
c) le développement rural, en évitant tout saupoudrage, c'est-à-dire en ne prenant en compte que les projets de développement portés par une intercommunalité à fiscalité propre ;
d) l'intercommunalité.
Le second de ces critères est important. En effet, la nécessaire péréquation doit prendre en compte la situation différente dans laquelle se trouvent les communes et les agglomérations au regard de la politique de la ville.
Pour la réforme des dotations de l'État aux collectivités locales, comme pour l'affectation des moyens de l'État, deux types de situations doivent être distingués : celle des agglomérations (ou communes) relativement riches comptant sur leur territoire des quartiers pauvres et celle des agglomérations (ou communes) pauvres comptant sur leur territoire des quartiers pauvres. Les premières peuvent trouver dans leurs propres ressources les moyens de mener une politique de la ville, alors que ce n'est pas possible dans le second cas.
21 - Il est enfin patent que les sommes affectées par les régions et les départements à la politique de la ville (ou même aux zones urbaines) ne sont - sauf quelques notables exceptions - ni à la mesure du poids démographique des populations concernées au sein des régions ou départements, ni à la mesure de la gravité des problèmes . Les chiffres inclus dans ce rapport montrent que la contribution des régions est très inégale et celle des départements très faible. C'est pourquoi la négociation des prochains contrats de Plan devra être pour l'État l'occasion d'agir en vue des nécessaires rééquilibrages. Aucun contrat de plan ne devrait être signé par l'État sur la base du statu quo à cet égard .
La ville devient aujourd'hui le lieu où se focalisent tous les problèmes de la société. Les options prises en matière de politique de la ville sont donc déterminantes pour l'avenir de la société elle-même. C'est pourquoi la politique de la ville doit être une politique de solidarité : solidarité au sein de la nation ; solidarité entre collectivités locales ; solidarité entre villes ; solidarité entre quartiers.
22 - Pour faire face aux besoins d'une restructuration urbaine de grande ampleur, les subventions de l'État et les efforts supplémentaires des collectivités ne pourront suffire. Comme pour l'effort de reconstruction il y a quarante ans, il convient de faire appel à des ressources d'emprunt à faible taux d'intérêt et remboursable à longue durée.
Ce type de financement, mobilisable au profit de collectivités et des bailleurs sociaux, existe déjà : il s'agit des Prêts Projets Urbains (PPU) distribués par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et financés sur fonds d'épargne (ressources du livret A). Très compétitifs à l'origine, les PPU apparaissent aujourd'hui moins intéressants : cela tient au taux du livret A auquel ils sont adossés. Pour rendre les PPU plus attractifs et surtout plus conformes aux conditions économiques et financières dans lesquelles se réaliseront les opérations de restructuration urbaine, ces prêts doivent être bonifiés à partir des bénéfices réalisés par la Caisse des dépôts et consignations dans la gestion des fonds d'épargne . Une forte mobilisation de ces fonds devrait permettre d'étendre de manière significative leur champ d'application aux investissements lourds visant à remodeler des quartiers et à agir sur des zones urbaines larges. Elle devrait, en particulier, favoriser la mise en oeuvre à plus grande échelle des programmes de construction-démolition .
Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations dispose d'importants fonds propres. Issus de l'activité propre de la CDC et garantissant sa sécurité financière, ces fonds ne peuvent prendre le caractère d'aide publique ou de subventions. En revanche, une réorientation pourrait permettre à ces fonds d'agir comme un opérateur public, investisseur à long terme dans des opérations liées à la politique de la ville (opérations commerciales ; bâtiments ou espaces dédiés à l'activité économique, etc.) contribuant à la revitalisation des quartiers en difficulté.
Ces deux volets marqueraient une orientation nette de la CDC comme partenaire de la politique de la ville, à l'image du rôle qu'elle joua il y a plusieurs décennies en faveur de la construction des grands ensembles.
23 - L'Union européenne a engagé, à travers les fonds structurels et, depuis 1994, à travers le programme d'initiative communautaire URBAN, des actions spécifiquement urbaines au profit de certains quartiers et de leurs populations auxquels sont affectés des crédits européens importants (100 villes européennes bénéficient de l'initiative URBAN dont 13 villes françaises).
La Commission a présenté en mai 1997 une communication sur la question urbaine qui ouvre un débat sur le « paradoxe » des villes européennes : à la fois sources de richesses et du rayonnement de l'Europe, ces villes sont aussi le lieu du « pire », de l'exclusion, de la pauvreté, de la violence.
Le Schéma de Développement de l'Espace Communautaire (SDEC), dont le projet a été approuvé en juin 1997, aborde, quant à lui, les questions de l'équilibre ville-campagne et de la dimension urbaine de l'aménagement du territoire à l'échelle de l'espace communautaire.
« L'agenda 2000 » présente les propositions de la Commission pour la période 2000-2006. Une simplification et une meilleure efficacité par une réduction du nombre des « objectifs » y sont préconisées : le nombre d'objectifs serait réduit à trois, le nouvel « objectif 2 » désignant l'ensemble des mutations structurelles, agricoles, industrielles et urbaines.
Dans un tel contexte, il est essentiel que les autorités françaises défendent la nécessité du développement des politiques urbaines et des politiques de la ville au niveau européen . Si la construction européenne s'est d'abord faite autour de l'agriculture, le temps est venu de redonner aux villes la place qui fut la leur dans la constitution de la civilisation européenne.
S'il paraît cohérent de défendre au niveau européen comme au niveau national une conception globale du développement urbain, il est souhaitable que les financements européens puissent être affectés, de manière sélective, aux opérations les plus lourdes , et notamment aux aires urbaines correspondant aux actuels Grands Projets Urbains (GPU).
24 - La politique de la ville a été l'occasion de la mise en place de nombreux « zonages » : aux Zup se sont ajoutées les Zep, puis les Zus, les ZRU et les ZFU.
Toute politique de « zonage » est à double tranchant. S'il est juste de donner davantage de moyens là où les difficultés sont les plus lourdes, la géographie complexe des zonages entraîne beaucoup d'effets de seuil, d'aubaine ou de relégation.
Personne n'a vraiment envie d'habiter dans une « zone » , ni que l'on dénomme ainsi le secteur où il vit.
De plus, il faut constater que si l'on « entre » facilement dans un « zonage », il n'arrive pratiquement jamais qu'on en sorte .
La philosophie et la justification des politiques de « zonage » consistent pourtant à apporter temporairement un « plus » à un quartier en difficulté pour qu'il surmonte peu à peu ses handicaps et retrouve un statut de droit commun.
Il est, bien sûr, essentiel que les engagements pris par l'État soient respectés. Cela suppose le maintien des Zones de redynamisation urbaine (ZRU) et des Zones franches urbaines (ZFU) jusqu'aux termes prévus dans le dispositif ayant entraîné leur création.
L'objectif est de favoriser la « sortie » du zonage - faute de quoi c'est toute la stratégie induite par le « zonage » qui perd son sens.
La reconduction ou la non-reconduction des « zonages » dont le terme n'a pas été arrêté donnera lieu, à échéances régulières et au vu d'un audit, à un examen par une commission constituée paritairement de représentants de l'État et des collectivités locales.
L'objectif sera de réduire sensiblement le nombre de dispositifs spécifiques, le corollaire étant d'affecter des moyens très significatifs aux territoires correspondant, notamment, à un certain nombre de grands projets urbains et de zones franches, où un effort très spécifique paraît indispensable.
Il faut, dans ce cadre, poser le principe qu'en cas de non-reconduction, les sommes afférentes seront affectées à la structure d'agglomération pour être employées à la politique de la ville. La « sortie de zonage » qui doit être l'objectif recherché ne saurait donc se traduire par un désengagement de l'État à un moment où les moyens de la politique de la ville doivent s'accroître .
S'agissant des ZRU et des ZFU, les aménagements suivants, qui n'exigent pas de modification législative, pourraient être mis en oeuvre dès maintenant, de manière à amplifier l'impact des mesures qui s'y appliquent, tout en en limitant les effets pervers :
élever le pourcentage minimal obligatoire d'embauche locale fixé par l'article 13 de la loi du 14 novembre 1996, et en étendre le bénéfice aux habitants de zones situées hors ZFU mais considérées comme sensibles par les services déconcentrés de l'État. Cette amodiation pourrait être négociée par le biais d'accords locaux avec les entreprises ;
renforcer, et assortir de sanctions, les moyens de contrôle appliqués notamment au respect des dispositions :
interdisant que l'exonération d'impôt sur le revenu ou sur les sociétés s'applique aux créations d'activités consécutives au transfert d'une activité précédemment exercée par un contribuable ayant bénéficié, au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant le transfert, des avantages consentis par le Code général des impôts au titre des zones de revitalisation rurale ou de redynamisation urbaine, ou de la prime d'aménagement du territoire (article 5 de la loi du 14 novembre 1996) ;
limitant le montant du bénéfice exonéré pour les contribuables qui n'exercent pas l'ensemble de leur activité dans la zone franche urbaine (même article) ;
excluant de l'exonération de cotisations sociales les employeurs ayant procédé à un licenciement dans les douze mois précédant la ou les embauches en ZRU ou ZFU (article 15 de la loi du 14 novembre 1996).
25 - La politique de la ville s'est, historiquement, d'abord centrée sur les quartiers : opérations Habitat et vie sociale (HVS) puis Développement social des quartiers (DSQ). Si ces opérations avaient le mérite d'être bien « ciblées », elles avaient l'inconvénient de se limiter au périmètre des « quartiers difficiles » : « cibler le quartier », même pour y mener des actions positives, c'était encore courir le risque de le stigmatiser . D'une certaine façon, il n'y avait pas de réponse aux problèmes posés si l'on restait dans les limites du quartier. Le souci légitime d'« ouvrir » le quartier sur l'ensemble de la ville, mais surtout de développer une plus grande mixité sociale a justifié le passage des opérations DSQ aux contrats de ville . S'il serait effectivement préjudiciable d'en revenir à la « politique des quartiers », on doit aujourd'hui constater que la procédure des contrats de ville s'est révélée lourde et complexe . Elle fait appel à de nombreux acteurs : des villes qui ne sont pas toutes confrontées, au même degré, aux mêmes difficultés ; les multiples administrations de l'État ; la région ; le département ; de nombreuses associations, etc. Un temps infini est passé en réunion à procéder à de multiples arbitrages pour répartir des crédits, au total notoirement insuffisants. On constate trop souvent une dilution des responsabilités, une dispersion des efforts, un saupoudrage des crédits. Il faut, à l'évidence, simplifier ce dispositif.
Il ne faut pas pour autant renoncer à la logique contractuelle. Dès lors que la politique de la ville est un enjeu politique et financier pour l'État comme pour les collectivités locales, il faut qu'il y ait contrat . Mais :
a) ce contrat doit être passé au bon niveau : entre l'État et l'agglomération , et, en attendant la mise en oeuvre des réformes préconisées ci-dessus, entre l'État et la structure intercommunale d'agglomération existante ;
b) ce contrat doit être signé pour une longue période ; le temps de la ville n'est pas celui des échéances politiques ; c'est pourquoi il est préconisé que ce contrat soit signé pour dix ans et réexaminé à échéances régulières au vu de l'évaluation des résultats obtenus ;
c) ce contrat doit s'attacher aux grands objectifs et aux principales priorités en termes géographiques pour éviter tout effet de dilution.
Ce dispositif devra être adapté à la région d'Île-de-France où les diverses configurations évoquées ci-dessus (commune, groupement de communes, aire urbaine correspondant à un bassin d'emploi ou de vie) se substitueront à l'agglomération.
26 - Si la définition et le suivi du contrat d'agglomération doit associer, fort logiquement, les deux parties contractantes, sa mise en oeuvre devra donner lieu à des procédures simples. Une part des difficultés rencontrées avec les contrats de ville tient du fait que la méthode contractuelle qui vaut pour leur définition n'est pas forcément celle qui présente l'efficacité requise pour leur mise en oeuvre .
Le contrat d'agglomération définira les grands projets structurants en matière d'urbanisme et les grandes orientations pour ce qui est des dépenses de fonctionnement .
Il se déclinera en une série d'actions territorialisées ou sectorielles.
Nous proposons que celles-ci soient mises en oeuvre sous l'autorité des maires pour tout ce qui relève du niveau communal et sous l'autorité d'élus désignés par l'instance d'agglomération pour les actions à caractère intercommunal .
Un tel dispositif doit permettre de simplifier considérablement les procédures.
Si le plan d'ensemble (le contrat d'agglomération) est « co-géré » par l'autorité d'agglomération et l'État, chaque action ou opération plus précise relève du pilotage d'un élu, dans des conditions prévues par le contrat d'agglomération.
Un tel dispositif n'empêche nullement la concertation ou le partenariat, qui seront organisés par l'élu en charge d'une action ou d'une opération.
Il doit simplement permettre plus d'efficacité.
Il est également conforme à l'esprit de la décentralisation.
L'enjeu des politiques de la ville et des politiques urbaines est suffisamment fort pour que l'État s'y implique au bon niveau (le niveau « structurant »). Au-delà, pour tout ce qui relève de la commune et du quartier, ou des communes et des quartiers, la responsabilité première doit clairement être exercée par les élus locaux .
27 - Les modalités de gestion financière handicapent aujourd'hui la mise en oeuvre des projets contractualisés. Il faut notamment déplorer les nombreux décalages provoqués par la multiplicité des financements, et les rigidités induites par l'absence de fongibilité de la plus grande part des crédits. Ces décalages sont liés à la juxtaposition de financeurs dont les procédures budgétaires sont contraintes par des temporalités différentes. L'absence de fongibilité est, quant à elle, principalement le fait des crédits d'État, démultipliés non seulement en crédits contractualisés gérés par les ministères, crédits du FAS et crédits ville, mais aussi au sein même de l'enveloppe ville gérée par la DIV.
La suppression de ces inconvénients exige de dissocier, pour les futurs contrats, la structure de financement de la structure de pilotage. L'instrument d'une telle dissociation pourrait être une caisse unique regroupant les différents fonds, sous la forme d'un établissement public . Cette formule permettrait de consolider l'ensemble des crédits engagés : l'établissement public, véritable canal unique de financement, serait alimenté par la totalité des crédits politique de la ville émanant de l'État, des collectivités locales et de l'Union européenne. Il aurait pour fonction d'assurer les financements en lissant les décalages temporels entre les divers abondements. En constituant un fond de roulement, il pourrait réguler l'utilisation des crédits tout au long de l'année, accorder les subventions en un seul versement sur instruction du comité de pilotage ou faire des avances de trésorerie aux porteurs de projet.
Cette solution libère la décision des lourdeurs de la gestion. Dans un premier temps, le comité de pilotage prendrait la décision de financer tel ou tel projet ; dans un second temps, l'établissement financeur gèrerait le calendrier de financement. Dans ce schéma, les préférences des autres opérateurs qui auraient mutualisé leurs fonds seraient prises en compte par le comité de pilotage, le préfet et le président de la structure d'agglomération (ou de l'entité correspondante en région Île-de-France), en rendant compte dans le cadre des relations partenariales entretenues par ailleurs avec chacun d'entre eux.
S'agissant des crédits de l'État, un tel fonctionnement aura d'autant plus de sens que les fonds mutualisés seront importants. L'élargissement du Fonds interministériel pour la ville (FIV) va dans ce sens. Il est également nécessaire d'étudier les moyens de consolider, au sein de la caisse unique, les crédits consacrés à la politique de la ville par le Fonds d'action sociale.
28 - Le bilan des grands projets urbains montre qu'il est dommageable de juxtaposer ou de superposer sur un même territoire différentes formes de contractualisation, tendant chacune, théoriquement, à la globalité.
Un mode unique de contractualisation n'exclut cependant pas la différenciation des moyens d'intervention en fonction de la gravité des situations. Le choix des sites prioritaires de la politique de la ville devrait être effectué dans le cadre du contrat État-agglomération. Mais dans le cas des sites qui nécessitent des interventions d'une ampleur particulière, il est nécessaire que l'engagement de l'État soit particulièrement marqué, financièrement comme sur le plan opérationnel. Des opérations à caractère exceptionnel, concernant notamment les actuels sites en GPU, doivent donc être prévues . S'il paraît souhaitable de leur appliquer un statut ou une dénomination particulière, elles pourraient être qualifiées de Grands Projets de Développement Territorial . Comme dans le cas de l'ensemble des contrats d'agglomération, la recherche d'une cohérence réelle entre les différentes actions sectorielles (développement économique, habitat, aménagement de l'espace, sécurité et prévention, justice, éducation, santé...) serait évidemment nécessaire.
Ces Grands Projets impliquent à la fois des dépenses d'investissement et de fonctionnement. L'équilibre entre les deux lignes budgétaires serait défini localement dans le cadre de la contractualisation.
En termes d'organisation, deux niveaux de maîtrise d'ouvrage devraient être clairement identifiés : une maîtrise d'ouvrage du projet de développement territorial et des maîtrises d'ouvrage opérationnelles. Pour ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage des grands projets de développement territorial, une instance de co-pilotage institutionnalisée s'impose, compte tenu de l'engagement de l'État . Cette instance devrait être au minimum un groupement d'intérêt public.
29 - Un problème spécifique est posé par le fait que les contrats de ville s'achèvent au 31 décembre 1998 alors que les contrats de plan auxquels ils sont liés seront prorogés jusqu'au 31 décembre 1999.
Il est proposé que les contrats de ville soient prorogés pour un an par avenant selon le dispositif en cours, ce qui suppose que les crédits de fonctionnement nécessaires soient reconduits pour un an .
Comme il paraît important de mettre en oeuvre dès que possible la nouvelle procédure du « contrat d'agglomération », il est proposé que celle-ci puisse s'appliquer dès le 1 er janvier 1999 aux agglomérations qui seront volontaires . Cela suppose l'adoption au cours de l'année 1998 du dispositif législatif approprié et la mise en oeuvre d'une négociation entre ces agglomérations et l'État au cours du second semestre 1998. Dans la mesure où l'implication des régions paraît essentielle, cela supposera l'association de ces collectivités à la définition des contrats d'agglomération au cours de la même année 1998, par anticipation, en ce domaine précis, sur les futurs contrats de plan État-région.
Mais il est également proposé qu'en tout état de cause le nouveau système des contrats d'agglomération soit généralisé à l'ensemble des agglomérations concernées, par substitution aux contrats de ville, à compter du 1 er janvier 2000 .
La généralisation de ces contrats irait de pair avec la mise en oeuvre des futurs contrats de plan État-région au sein desquels s'inscrirait une enveloppe globale de crédits affectés à la politique de la ville, qui serait très significativement réévaluée tant pour ce qui est de l'État que pour ce qui est de la Région. Il en irait de même dans la contractualisation avec les départements, dans la mesure où celle-ci est complémentaire des contrats de plan État-région.
30 - Signés pour dix ans, les futurs contrats d'agglomération intégreront l'ensemble des dispositifs en cours sur différentes parties du territoire de l'agglomération .
Ils prévoiront le maintien minimal des moyens financiers affectés aux différents périmètres concernés par la politique de la ville, y compris dans le cas de la suppression de tout ou partie de ces périmètres. Dans ce dernier cas, les crédits correspondants seront alors automatiquement affectés à l'agglomération.
Ils fixeront les grands objectifs pour une décennie en matière de développement urbain et notamment les actions lourdes de rénovation (réfection) urbaine concernant au-delà des seuls « quartiers difficiles » des aires urbaines plus vastes.
Ils intégreront les objectifs prioritaires en matière de requalification urbaine (concernant, notamment, les entrées de villes).
Ils intégreront les orientations fortes en matière d'aménagement urbain, d'environnement et de transport public urbains incluses dans les schémas directeurs, dans les plans de déplacements urbains et dans les chartes de l'environnement.
Ils intégreront les orientations des programmes locaux de l'habitat. Ils intégreront les objectifs et moyens d'amélioration des services publics de gestion urbaine, de l'emploi, de santé, de sûreté, d'éducation, d'action sociale, de communication, de culture, de sport.
Ils prévoiront des dispositions relatives au fonctionnement fondées sur la co-responsabilité des signataires quant aux orientations et sur la séparation des tâches quant à l'exécution .
Ils prévoiront la participation des communes par voie conventionnelle aux parties du dispositif les concernant.
Ils prévoiront la possibilité de confier telle ou telle partie du programme de développement urbain à des structures d'économie mixte, telles que définies ci-dessous.
Ils prévoiront des clauses d'évaluation et de révision à échéances régulières.
Co-signés par l'État et l'autorité d'agglomération, ces contrats devront également associer selon des modalités à définir les instances qui seront appelées à participer à leur financement (et qui, donc, pourront aussi être associées à leur élaboration) : région, département, organismes HLM, Caisse des dépôts et consignations, Fonds d'action sociale, caisses d'allocations familiales, etc.
31 - Les stratégies visant à mettre en oeuvre la « multimodalité » en matière de déplacements urbains s'inscrivent dans la thématique, plus large, de l'environnement urbain, du développement durable et des « Agendas 21 locaux ».
La lutte contre les nuisances de toute sorte - bruit, pollution de l'air, de l'eau, etc. - est une dimension essentielle des nouvelles politiques urbaines.
Ces actions sont créatrices d'emploi : les nouvelles dispositions relatives au traitement des déchets ou des eaux usées conduisent à de nombreux investissements utiles.
L'ensemble des actions menées pour améliorer l'environnement urbain, et donc la qualité de la vie, doivent évidemment être liées les unes aux autres.
Elles constituent la même stratégie.
C'est pourquoi nous préconisons l'extension à l'ensemble des agglomérations urbaines de la procédure des chartes pour l'environnement . Contrairement à ce qu'on constate aujourd'hui, ces chartes devraient être nécessairement élaborées au niveau de l'agglomération, et non au niveau communal.
La pollution ne connaît pas les limites des communes. En ce domaine encore, on constate que toute politique cohérente doit être définie au niveau de l'agglomération.
Comme les stratégies efficaces en matière d'environnement demandent du temps, il serait pertinent d'harmoniser la période couverte pour les chartes de l'environnement avec celle prévue pour les contrats d'agglomération.
On peut même aller au-delà et considérer que quatre documents sont étroitement liés les uns aux autres : les contrats d'agglomération, les chartes pour l'environnement, les schémas directeurs et les plans de déplacement urbain.
Ces quatre documents ont trois points communs :
1. ils concernent l'agglomération ;
2. ils s'inscrivent dans une durée relativement longue ;
3. ils concernent à la fois l'aménagement de l'espace urbain et la qualité de la vie.
On voit l'intérêt qu'il y a à les harmoniser et à mener parallèlement leur mise en oeuvre. Il serait même pertinent de les élaborer conjointement.
Ensemble, ils définissent une politique pour l'agglomération.
La thématique de l'environnement nous conduit aussi à évoquer la place des « espaces verts » dans la ville. À cet égard, la réflexion des urbanistes et des paysagistes a beaucoup progressé au cours des dernières années.
On a souvent souligné à juste titre l'importance des « espaces verts de proximité ». C'est particulièrement vrai pour les espaces sportifs : multiplier dans les « cités » et « quartiers sensibles » les sites, les équipements (et bien sûr les moyens en encadrement) permettant de faire du sport dans de bonnes conditions et à proximité de chez soi est certainement, pour les jeunes en particulier, essentiel.
Ajoutons cependant que l'objectif n'est pas d'encastrer des îlots de verdure dans les secteurs urbains ou de multiplier les « espaces verts » confinés, mal définis, mal entretenus... et souvent bien vite dépourvus de verdure. Les espaces verts n'ont pas pour fonction de venir combler les « vides » des configurations urbaines. Le paysage ou le végétal ne sont pas des « décorations » qui viendraient s'ajouter à des structures urbaines préexistantes. Plans urbains et paysagers vont de pair, doivent être conçus ensemble. C'est par de telles démarches intégrées qu'on créera un environnement urbain de qualité.
Il faut, en outre, redonner leur place aux parcs - incluant quand c'est possible, des espaces forestiers - au sein des aires urbaines. C'est souvent préférable à une multiplication d'espaces verts morcelés ou étriqués. Là encore, une telle perspective ne renvoie pas pour autant à la « ville étalée ». Elle est compatible avec un urbanisme suffisamment dense. Elle en est même le corollaire. Elle s'inscrit dans une logique d'espaces qualifiés, qui s'opposent aux consommations non maîtrisées d'espace qui ont trop longtemps caractérisé le développement de nos agglomérations.
32 - Dans nombre de pays européens, la politique de développement urbain donne lieu à une implication des entreprises aux côtés des représentants des pouvoirs publics, des collectivités locales et des associations d'habitants. En France, un tel dispositif est exceptionnel. Lorsqu'il s'agit de rénover (de refaire) un quartier, une aire urbaine, l'entreprise intervient au stade des appels d'offres, lorsqu'il s'agit d'exécuter le projet, mais non en amont.
Dans la mesure où l'enjeu est considérable et appelle une mobilisation nationale, la loi de programmation relative à la ville prévoira les modalités permettant de constituer pour la conception et l'exécution des projets concernant la rénovation d'une aire urbaine des structures associant des pouvoirs publics, des collectivités locales, des entreprises, des associations, sous la forme de groupements d'intérêt public (Gip), de sociétés d'économie mixte (Sem), ou d'autres dispositifs, mieux adaptés.
Un tel partenariat, s'il est mis en oeuvre dans le cadre prévu par la loi et en application du contrat d'agglomération, peut constituer un gage d'efficacité et de cohérence.
33 - Les services publics jouent un rôle essentiel dans la structuration de la vie sociale. Or, les territoires en grande difficulté sont, dans un certain nombre de cas, très insuffisamment desservis. On a beaucoup insisté, au cours des dernières années, sur la « discrimination positive ». Il s'agissait de donner davantage de moyens aux secteurs qui connaissent le plus de difficultés. Mais les éléments rassemblés dans ce rapport montrent que dans nombre de cas, la discrimination positive n'existe pas. Des services publics de base ne sont pas ou pas assez présents. Et en réalité, les comparaisons révèlent des situations de sous-dotation et de moindre service qui s'assimilent trop souvent à une discrimination négative . Cette constatation nous autorise à substituer à la revendication de « discrimination positive » celle plus simple et sans doute plus réaliste de rétablissement de l'égalité .
L'État doit conduire une politique volontariste de rétablissement de l'égalité. La présence des services publics sur le territoire doit être cohérente et équitable. Il ne s'agit pas d'imposer une grille d'analyse simpliste qui serait purement quantitative ; d'autres critères peuvent en effet déterminer de manière pertinente la répartition des moyens. Mais il faut assurer à l'ensemble des habitants et des quartiers les services publics auxquels ils ont droit : notamment éducation, police, justice, poste, transports en commun, équipement et entretien d'espaces publics. Il est clair que par rapport aux taux observés pour l'ensemble de la population française, il y a moins de policiers ou de gendarmes par habitant dans les banlieues et les quartiers périphériques que dans l'ensemble de la population. Mais cela vaut aussi pour les magistrats, les enseignants, les travailleurs sociaux, les postiers, etc. Ainsi, la carte judiciaire est aujourd'hui profondément inadaptée aux réalités de la France urbaine.
Il importe de prendre en compte la dimension quantitative et financière pour mettre en oeuvre les rééquilibrages indispensables. La démarche récemment initiée par le ministère de l'Intérieur dans la répartition des adjoints locaux de sécurité, opérée en fonction du ratio effectifs de police par habitant, du taux de criminalité et du taux de violences urbaines, s'inscrit à cet égard en précurseur. La généralisation d'une telle action se heurtera à des obstacles multiples, la difficulté étant plus grande pour redéployer des moyens existants que pour répartir des moyens nouveaux. Mais l'élimination de déséquilibres qui rendent largement vaines les actions de soutien ou de réparation entreprises par ailleurs, et que les collectivités locales n'ont pas les moyens de compenser, exige d'affronter ces difficultés. Ce qui est en jeu, c'est le rétablissement de l'égalité républicaine des citoyens devant le service public.
Il est proposé que la loi de programmation dont il a été question ci-dessus fixe les étapes du « rééquilibrage » qu'impose le principe de l'égalité républicaine, sur une période de cinq ans .
Une commission mixte composée paritairement de représentants de l'État et d'élus suivra, année après année, la mise en oeuvre de ce programme.
Une telle politique est d'autant plus urgente que, dans certains cas, la continuité du service public est bafouée. Or, accepter que le service public soit défaillant en un seul endroit, c'est mettre en cause la notion même de service public.
Parallèlement aux rééquilibrages structurels, la politique du service public dans les quartiers en difficulté peut être l'occasion d'expérimenter de nouvelles formes de réseaux de services, appuyés sur la mise en commun de locaux, de guichets, voire de personnels, et susceptibles en cas de succès d'être généralisés à d'autres parties du territoire. Pour faire face aux impératifs budgétaires, mais aussi pour moderniser l'action publique, les services publics doivent savoir travailler ensemble.
34 - L'objectif de mixité de l'habitat, souvent proclamé, est rarement atteint. Les constatations qui ont été faites montrent qu'au cours des dix dernières années la ségrégation a davantage progressé que la mixité.
C'est pourquoi, il convient de rendre à la loi d'orientation sur la ville toute sa force, en revenant sur les amendements qui, en réduisant les sanctions qui s'appliquent aux communes qui refusent d'accueillir les logements sociaux, en avaient limité la portée. Mais il faut aller plus loin.
Si les évolutions spontanées du « marché » du logement ne vont pas dans le sens de la mixité, les stratégies mises en oeuvre par les différents opérateurs sont, à cet égard, très divergentes.
Le fait de concentrer des familles qui « vont mal » sur les mêmes organismes de logement social, sur les mêmes sites, dans les mêmes quartiers ou les mêmes communes ne fait qu'accroître les difficultés.
L'enjeu, c'est notre capacité collective à « vivre ensemble ».
La dimension de l'agglomération paraît, là encore, pertinente. L'agglomération est, en effet, l'espace au sein duquel on peut rechercher de meilleurs équilibres. C'est pourquoi, une part significative des responsabilités en matière de logement doit être dévolue à l'agglomération . Cela est cohérent avec la généralisation des Programmes locaux de l'habitat (PLH).
Encore faut-il que la législation ne soit pas dévoyée. Ainsi en est-il lorsqu'un certain nombre de communes sont amenées à faire un PLH recouvrant leur seul territoire pour échapper aux rigueurs de la loi, ou que d'autres sont contraintes à le faire, aucune autre commune n'acceptant d'élaborer un PLH avec elles.
C'est pourquoi il est préconisé une modification législative visant à rendre les PLH nécessairement intercommunaux .
Pour que ces Programmes soient efficaces il faut en outre que les agglomérations puissent disposer d'un opérateur foncier. C'est pourquoi, il paraît nécessaire de développer les Établissements publics fonciers prévus dans la loi ou toute autre structure adéquate.
En matière d'attribution des logements, il est clair qu'on ne peut résoudre les difficultés en ne raisonnant qu'à l'intérieur des secteurs urbains qui connaissent aujourd'hui des difficultés. La politique de la ville trouve ici tout son sens.
À cet égard, les préfets doivent tirer pleinement parti des prérogatives qui sont d'ores et déjà les leurs sur l'ensemble du département en matière de « réservation » de logements.
Au droit de « réservation » qui est aujourd'hui celui des mairies devrait également s'ajouter, pour une partie des logements, celui des agglomérations, ce qui suppose que les implications respectives de l'agglomération et des communes dans le domaine du logement soient redéfinies . Il ne paraît ni possible ni souhaitable de faire « basculer » l'ensemble des interventions en matière de logement de la commune à l'agglomération. Mais il faut parvenir à un équilibre entre les deux niveaux, car l'objectif majeur de la mixité est conditionné par l'implication de l'agglomération.
En définitive, pour parvenir à une plus grande mixité sociale, à un peuplement plus équilibré, il faut plus de cohérence, plus de solidarité, entre les différents opérateurs et des capacités d'arbitrage effectives au niveau de l'État, de l'agglomération ou de la commune . L'addition des stratégies propres de chaque opérateur ou de chaque collectivité ne peut suffire à lutter contre la ségrégation.
Pour infléchir et inverser les tendances lourdes à la ségrégation, organismes de logement social et collectivités doivent s'engager de concert dans la recomposition du tissu urbain. Cela passe par des opérations construction-démolition mises en oeuvre (pour ce qui est de la construction) sur des aires urbaines vastes, par des rénovations profondes, par l'« essaimage » de constructions ou réhabilitations, par de multiples petits programmes s'inscrivant dans l'environnement urbain existant.
Aux excès de l'urbanisme vertical des années soixante et de l'étalement pavillonnaire, il faut répondre aujourd'hui en recomposant de l'urbanité .
Il est également essentiel que les communes et les organismes HLM mettent en oeuvre un processus de partage et de requalification des « espaces publics ». L'objectif est de dessiner des rues, des places précisément délimitées, des jardins, mais aussi dans certains cas, des espaces privés appropriables, sur des aires qui sont trop souvent aujourd'hui mal définies et laissées à l'abandon.
35 - La question de l'habitat est souvent appréhendée comme si les quartiers relevant de la politique de la ville n'étaient constitués que d'ensembles HLM, alors que de nombreuses copropriétés y jouent un rôle de parc social de fait. Le libre jeu du marché conduit à l'accession à la propriété des familles toujours plus fragiles et permet aussi à des pratiques de « marchands de sommeil » de se développer. De nombreux ensembles privés sont ainsi entraînés dans une « spirale de la dégradation » qui les conduit très vite à la rupture de trésorerie et à l'endettement, ce qui entraîne trop souvent l'interruption de la fourniture de services de base (eau, électricité, chauffage) ou du fonctionnement des ascenseurs.
La diversité des statuts (copropriétaires occupants, copropriétaires bailleurs, multi-bailleurs, locataires...), la non implication de certains copropriétaires, notamment bailleurs, et l'absence d'un opérateur unique rendent les phénomènes de dégradation dans ces ensembles plus rapides et moins facilement maîtrisables, et donc au final bien plus inquiétants que dans les ensembles HLM.
Certains quartiers ne pourront pas sortir de leurs difficultés en fonctionnant ainsi à deux vitesses, les immeubles HLM pouvant être réhabilités et faisant l'objet de politiques de maîtrise du peuplement alors que ces processus de requalification ne s'appliquent pas aux immeubles en copropriété. La nécessité d'un processus cohérent sur l'ensemble d'un quartier justifie l'intervention publique sur ces copropriétés, sans laquelle l'évolution de ces ensembles privés restera totalement immaîtrisée, avec des effets inévitables de propagation sur l'ensemble du quartier .
Afin d'améliorer la gestion de ces copropriétés dégradées, il faut pouvoir disposer de prêts ou de subventions permettant, d'une part, une aide au fonctionnement courant jusqu'à ce qu'il soit mis un terme au processus de dégradation, d'autre part des aides adaptées à la réalisation de travaux d'investissements permettant de réduire les charges. La pratique du tiers payant pour que la part forfaitaire des aides au logement (ALF, ALS ou APL) destinée à couvrir les charges collectives vienne alimenter en priorité le compte du syndicat de copropriété permettrait également d'en améliorer la solvabilité.
La maîtrise des mutations exige quant à elle que l'engagement de crédits publics importants permette l'acquisition de logements, et que ce portage foncier soit réalisé par un établissement public ou un organisme parapublic. En effet, de nombreuses communes sont dans l'incapacité financière d'assurer ce portage .
Dans certains cas, il peut être nécessaire d'exproprier. Une équipe de maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale devra alors être chargée de traiter les situations individuelles des ménages concernés.
Enfin, il paraît essentiel d'améliorer les procédures judiciaires actuelles. D'une part, il faut créer un statut d'administrateur de copropriété pour gérer les ensembles en difficulté, de tels administrateurs devant être spécialisés dans ce domaine et rémunérés sur des fonds publics plutôt que par des copropriétaires insolvables. D'autre part, il faut envisager la mise en place d'un juge civil unique pour traiter des multiples instances enchevêtrées entre créanciers, syndicat et copropriétaires, de façon à éviter des jugements en référé incohérents ou des annulés en appel.
Afin de donner un cadre cohérent à l'intervention publique, on pourrait envisager, par analogie avec les dispositifs d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah), d'instaurer un dispositif d'opérations programmées de redressement des copropriétés (OPRC) : le déclenchement d'une telle procédure résulterait d'une décision conjointe du TGI et du préfet, sur proposition de l'un ou de l'autre, ce qui permettrait d'harmoniser les actions de redressement et les procédures judiciaires. Le processus serait dès lors engagé en recourant à :
la désignation d'un administrateur judiciaire spécialisé, dont les honoraires seraient réglés par l'État en deux étapes (élaboration du projet de plan de redressement, mise en oeuvre après validation) ;
la mise à disposition de prêts ou de subventions spécifiques ;
l'intervention d'un fonds d'investissement public pour assurer le portage foncier nécessaire, qui pourrait être couplé avec la mobilisation d'investisseurs privés.
La mise en place d'une procédure d'OPCR exigerait d'adapter en conséquence la loi du 21 juillet 1994 relative à la diversité de l'habitat et la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville sur différents points : statut d'administrateur de copropriété en difficulté, co-mandatement TGI-Préfet, ouverture des OPCR à des copropriétés non situées en Zus ou pas encore placées en Opah, intégration de l'Opah dans l'OPCR, voire extension de l'éligibilité à la loi Malraux.
L'État doit se saisir de l'enjeu que constitue la réhabilitation des copropriétés en y orientant des flux financiers suffisants. Il faut s'inscrire en faux contre la conception qui dénie toute légitimité à des interventions publiques sur le parc privé.
36 - Certaines opérations de restructuration urbaine nécessitent la mobilisation de moyens financiers importants, et il serait intéressant dans ce cadre de pouvoir mobiliser à la fois des crédits publics et des investissements privés. Ceci est particulièrement vrai des opérations exigeant le rachat de logements dans les copropriétés dégradées ou concernant la restructuration de centres commerciaux. Il serait plus efficace en effet de faire intervenir des fonds privés dans ces ensembles plutôt que de chercher systématiquement à les faire « basculer » dans le patrimoine public.
La loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville institue en zone franche urbaine un régime de faveur de type « loi Malraux » au bénéfice des propriétaires bailleurs de logements qui effectuent des travaux. Mais aucun dispositif n'existe pour inciter des investisseurs privés à l'acquisition de logements ; or, les expériences conduites en matière de redressement des copropriétés dégradées montrent qu'il est indispensable de mobiliser des fonds d'intervention pour procéder au rachat d'une fraction des logements et aux travaux de réhabilitation correspondants. Les financements nécessaires sont pour l'instant apportés uniquement par les collectivités publiques.
S'agissant de l'immobilier d'entreprise ou commercial, les conditions d'un investissement immobilier locatif privé ne sont pas réunies non plus. Si des sociétés peuvent envisager, grâce aux incitations fiscales, une implantation en zone franche urbaine, elles sont en revanche très réticentes à prendre en charge par elles-mêmes l'acquisition et la transformation des locaux. Il est donc nécessaire, là aussi, de mettre en place les conditions d'un investissement privé pour ne pas être limité au portage par les collectivités publiques dans le cadre des systèmes existants (ateliers ou bureaux relais, EPARECA, portage par les communes...).
Il est donc proposé de réorienter les dispositifs fiscaux inscrits dans la loi PRV pour favoriser le secteur de l'immobilier de logements à usage locatif et celui de l'immobilier de commerces, voire d'activités, ce qui permettrait de mobiliser significativement les capacités d'investissement privé qui font aujourd'hui défaut dans les copropriétés dégradées et dans les centres commerciaux à restructurer.
L'avantage fiscal, pour être réellement incitatif, devrait être calculé sur le coût total « acquisition plus travaux ». La mise en oeuvre d'un tel dispositif permettrait de mobiliser à grande échelle des fonds privés via des produits financiers adaptés et commercialisés par le réseau des intermédiaires financiers , en partenariat avec le secteur public dans le cadre d'opérations de restructuration urbaine.
S'agissant du secteur logement, le dispositif pourrait être couplé avec un contrat d'attribution passé à une société d'HLM ou une SEM locale, qui garantirait à l'investissement un rendement locatif minimum sur une certaine période. Les opérations de Marseille Habitat constituent un exemple réussi de ce type de montage.
Eu égard aux inconvénients signalés des dispositifs de zonage, ce type d'avantage devrait être consenti pour toute copropriété déclarée en redressement par le préfet et le TGI (selon les modalités définies au point précédent), indépendamment de sa localisation. De même, concernant les centres commerciaux, les critères d'éligibilité à l'avantage fiscal ne devraient-ils pas être territorialisés.
37- Préoccupation quotidienne, l'insécurité est devenue dans beaucoup de quartiers et pour beaucoup de Français une réalité obsédante. Il n'y aura pas de politique de la ville crédible si l'on ne parvient pas à mieux garantir partout le droit à vivre en sécurité. Cela appelle une action coordonnée sur le terrain des élus, des personnels de la police, de la justice, des éducateurs de prévention et de l'ensemble des professionnels concernés. Les contrats locaux de sécurité, qui devront être généralisés dans toutes les communes relevant de la « politique de la ville », préciseront concrètement les modalités de cette coopération. Pour nécessaire qu'elle soit, cette coopération ne doit pas se traduire par une confusion des pouvoirs et des responsabilités. C'est chacune des administrations, institutions ou collectivités concernées qui doit se réorganiser pour être davantage présente sur le terrain, faute de quoi la coopération entre les unes et les autres resterait lointaine et abstraite.
La police doit voir ainsi ses effectifs et ses moyens adaptés aux réalités des espaces urbains . Il en est de même pour la gendarmerie dans les secteurs où elle a compétence. La revendication d'égalité des citoyens par rapport au « service public » prend ici tout son sens. Le présent rapport rappelle combien les effectifs de police sont notoirement inférieurs dans les « quartiers sensibles » relevant de la politique de la ville à ce qu'ils ont sur l'ensemble du territoire, eu égard à la population concernée. La loi de programmation sur la ville devra, là encore, prévoir dans un délai de cinq ans maximum la mise en oeuvre de la nécessaire égalité.
Si l'affectation des postes doit pleinement prendre en compte l'insécurité urbaine, il doit en être de même pour les horaires de travail et de présence sur le terrain. Il est aberrant que, sur un nombre important de sites, la présence de policiers se réduise quand l'insécurité augmente, notamment en soirée.
L'ilotage doit être généralisé. Les polices municipales doivent y contribuer en complémentarité avec les polices nationales. Pour qu'une telle complémentarité soit effective et efficace, il est urgent d'inscrire dans la loi les compétences, les prérogatives et les conditions de recrutement et de formation des policiers municipaux.
Les efforts faits pour rendre la justice plus présente, visible et lisible sur le terrain sont également essentiels. Les politiques de plusieurs grands parquets, s'attachant à donner une réponse effective et rapide à toutes les infractions commises, plus encore quand les auteurs sont des mineurs, doivent être généralisées.
Cela passe par l'installation rapide - selon un échéancier qui pourra être inscrit dans la loi de programmation précitée - de Maisons de la justice et du droit dans l'ensemble des secteurs urbains concernés par la politique de la ville et par l'affectation de personnels en conséquence. Nous proposons qu'un effort exceptionnel soit fait très rapidement qui permette, avec le concours des communes concernées, de porter le nombre des Maisons de la justice et du droit à 200 en deux ans .
De telles structures inscrites dans les quartiers, proches de la population, permettront le traitement, dans de meilleurs conditions, des délits et incivilités dus aux mineurs. Sans préjuger sur les conclusions du rapport confié à Jean-Pierre Balduyck et à Christine Lazerges, il paraît essentiel de multiplier les « réponses en temps réel », supposant la convocation rapide des jeunes et de leurs parents et se traduisant, selon les cas, par un rappel à la loi, une mesure éducative, une sanction, une sanction-réparation, etc.
Les Maisons de la justice et du droit ne doivent cependant pas constituer une sorte de « réseau parallèle » qui éviterait de poser la question de la réforme de la carte judiciaire. Cette dernière méconnaît très souvent la révolution urbaine. Alors que des villes petites et moyennes disposent de plusieurs tribunaux, il existe de nombreux cas de villes de banlieue ou de périphérie peuplées de 40 000 ou 50 000 habitants qui sont dépourvues de toute instance judiciaire. Là encore, il s'agit aujourd'hui d'inégalités injustifiables.
Situées au coeur des quartiers, au plus près du terrain, les Maisons de la justice et du droit doivent être, au contraire, articulées avec l'ensemble du dispositif judiciaire.
Par ailleurs, les sanctions-réparations ne peuvent être mises en oeuvre pour les mineurs que si des « sites d'accueil » existent. Il est, à cet égard, indispensable de multiplier les contrats avec les mairies, les associations et les entreprises, par lesquels ces dernières s'engageront à accueillir des jeunes qui accompliront des tâches appropriées dans le cadre de ces « sanctions-réparations ».
À l'égard des mineurs et jeunes majeurs délinquants et grands toxicomanes, il faut, pendant et à l'issue de l'exécution d'une sanction pénale privative de liberté, proposer des soins médicopsychologiques. Ainsi, un effort de solidarité accrue en direction de cette population souvent marquée par la paupérisation impose d'augmenter sensiblement le nombre de places d'hébergement en post-cure dont disposent les soignants.
38 - L'aggravation de la délinquance, son rajeunissement, l'accroissement du sentiment d'insécurité nécessitent une révision de l'ensemble des dispositifs et des moyens de la politique de prévention. Cette politique manque aujourd'hui de cohérence et de lisibilité. Elle manque aussi de moyens. Le nombre d'éducateurs spécialisés ou de personnels relevant de la Protection Judiciaire de la Jeunesse n'a, en effet, pas suivi l'évolution de la délinquance.
Pour favoriser la cohérence des actions menées en matière de prévention de la délinquance, de lutte contre l'insécurité et de politique de la ville, il est proposé que la compétence de la prévention spécialisée revienne à l'État . Il appartiendra à celui-ci de déléguer cette compétence au niveau territorial pertinent suivant les réalités locales (commune, agglomération ou département), dans le cadre d'une territorialisation d'objectifs et de moyens.
Au plan national, la politique de la prévention sera mise en oeuvre en lien avec le ministre chargé de la ville. Elle s'inscrira dans le cadre des orientations définies par le Conseil de Sécurité Intérieure.
Les Conseils Communaux de Prévention de la Délinquance (CCPD) seront rénovés. Co-pilotés par le Préfet, le président de l'agglomération ou le maire et le Procureur de la République, ils définiront des actions de prévention sur l'aire urbaine pertinente (l'agglomération ou la commune, selon le cas).
Leur fonctionnement donnera lieu, dans toute la mesure du possible, à une déconcentration au niveau de « conseils de quartier de prévention de la délinquance » . Il paraît désormais indispensable que se retrouvent régulièrement au plus près du terrain , au sein d'une instance légère, les responsables oeuvrant dans le secteur géographique concerné au titre de la justice, de la police, de la prévention, de la politique de la ville ainsi que l'élu ou les élus plus particulièrement en charge du quartier.
Ainsi, un « cadrage » général serait effectué au niveau de l'agglomération (ou de la ville, en région d'Île-de-France, notamment) mais l'essentiel du travail de prévention serait piloté dans ces « conseils de quartier de prévention de la délinquance » . Eux seuls pourront favoriser la nécessaire implication des habitants, de leurs associations et de leurs représentants dans la mise en oeuvre de la prévention de la délinquance, qu'il s'agisse de l'aide aux victimes, de la responsabilisation des parents, de l'action éducative ou de la lutte contre les incivilités.
Ce dispositif est cohérent avec la multiplication des « Maisons de la justice et du droit » évoquée précédemment.
39 - Si la politique de la ville ne peut pas prendre en compte l'ensemble de la politique de l'emploi, l'acuité des problèmes rencontrés par la population des quartiers en difficulté lui confère une responsabilité en ce domaine, et l'agglomération constitue le niveau pertinent de l'articulation des politiques de l'emploi avec les réalités du tissu économique et social.
L'expérience et l'évaluation des impacts des dispositifs d'insertion amènent à proposer trois principes d'action :
« désenclaver » l'insertion en l'articulant le plus directement possible au monde économique et en évitant l'enfermement des moins qualifiés dans la sphère du « social » ;
éviter que les moins qualifiés soient exclus des créations d'emplois liées aux politiques économiques globales ;
refuser les solutions spécifiques durables d'insertion professionnelle qui se traduiraient par l'assignation d'un public de chômeurs en difficulté à une forme particulière d'emploi (c'était le cas des « emplois de ville » réservés aux jeunes les moins qualifiés des zones géographiques dites « sensibles »).
En pratique une telle politique pourrait se traduire par :
la généralisation des Plans locaux d'insertion par l'économique (PLIE) permettant de coordonner les actions d'insertion et de rapprocher les acteurs de l'insertion et les entreprises ;
la participation de groupements d'employeurs à des opérations d'insertion et de développement de l'entreprise , à l'exemple des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ) ;
l'utilisation prioritaire des contrats en entreprise (du type des contrats de qualification) avec l'accompagnement qui est nécessaire compte tenu des difficultés d'adaptation auxquelles sont confrontées les personnes concernées ;
l'expérimentation, au niveau des agglomérations, d'actions portant solidairement sur l'insertion et la réorganisation du travail , en relation, notamment, avec la réduction de la durée du travail.
40 - S'agissant de l'emploi, d'autres préconisations plus directement liées aux dispositifs de la politique de la ville ou à l'urbanisme peuvent être faites :
Le bilan que l'on peut faire aujourd'hui des zones de redynamisation urbaine et des zones franches est contrasté. Si les exonérations d'impôt engendrent des créations d'activités, il n'est pas sûr que ces implantations ne se fassent pas au détriment d'autres secteurs également en difficulté ou que l'effet d'aubaine ne prime pas sur la création effective d'emplois. Il paraît essentiel d'être plus attentif que ce n'est le cas aujourd'hui à ce que les avantages fiscaux ne soient pas utilisés pour licencier puis réembaucher fictivement, et à ce que les emplois créés dans le cadre de ces dispositifs soient prioritairement offerts aux demandeurs d'emploi des quartiers concernés. Ce dernier aspect suppose notamment une forte coopération entre les entreprises qui s'implantent dans ces quartiers et les structures chargées de l'insertion.
Dans la mesure où des travaux souvent importants sont menés pour la rénovation ou la réfection de ces quartiers, il est souhaitable que les entreprises puissent proposer des clauses de «mieux disant- social» prévoyant l'embauche de demandeurs d'emplois non qualifiés.
Mais pour surmonter les difficultés et les ambiguïtés qui existent à cet égard, il est nécessaire que de telles clauses fassent l'objet d'une définition législative plus rigoureuse.
Il est de même important de vérifier que l'affectation des « emplois jeunes » prenne en compte les quartiers en difficulté. Il est clair qu'il faut plus de contrats jeunes là où le chômage est le plus élevé. Il conviendra de procéder à cet effet à une évaluation de la « première vague » de contrats jeunes afin d'effectuer, le cas échéant, les corrections nécessaires.
Nombre de quartiers en difficulté sont séparés des espaces voués aux activités économiques et commerciales. Il y a, là encore, juxtaposition. Dans bien des cas une plus grande interpénétration serait bénéfique. Des politiques de rénovation ou de réfection des quartiers par l'économique sont souvent plus pertinentes que les actions de restructuration fondées seulement sur l'habitat . Fondre la technopole, l'université, les espaces industriels et commerciaux et le quartier périphérique, comme cela s'est fait à l'étranger davantage qu'en France, n'est pas une utopie. C'est sans doute l'une des clés de la ville du futur.
De même, il n'est ni souhaitable ni réaliste de vouloir trouver la réponse exclusive aux problèmes de l'emploi qui se posent, dans un quartier, au sein du quartier lui-même où elle serait confinée artificiellement aux limites du quartier. Les réponses sont évidemment à rechercher dans l'ensemble d'un bassin d'emploi, d'un espace économique voire au-delà.
Accroître les capacités effectives de la mobilité est à cet égard tout à fait essentiel.
41 - L'école et le collège jouent un rôle essentiel dans la politique de la ville. Même si les constats sur les limites de la « discrimination positive » s'appliquent aussi - quoique dans une moindre mesure - aux Zones d'éducation prioritaire, il faut souligner le rôle positif joué par ce type de périmètre depuis 1982. Il paraît toutefois nécessaire, dans ce domaine aussi, d'avoir une vision évolutive des choses.
Comme d'autres dispositifs, les Zep illustrent en effet le « paradoxe du zonage ». Mises en place pour permettre au secteur considéré de retrouver après une phase transitoire le « droit commun », elles sont devenues, sauf exception, une réalité permanente.
Nous mettrons l'accent sur deux points :
1) Dans les quartiers en difficulté plus qu'ailleurs, le rapport entre l'école, le collège et leur environnement est essentiel. La rupture entre les espaces que constituent l'école, le quartier, la famille est souvent préjudiciable. Cela ne signifie pas que toute la vie du quartier doit rentrer à l'école ou au collège, et à cet égard, les mesures prises pour lutter contre la violence à l'école ou au collège sont salutaires. Mais cela signifie qu' il doit effectivement exister une « chaîne éducative » entre les enseignants et les personnels de l'école et du collège, les éducateurs, animateurs, travailleurs sociaux du quartier et les parents (même et surtout si ceux-ci éprouvent des difficultés ). Nombre de comportements d'enfants ou d'adolescents (sur les conséquences ou les suites desquels on se focalise) trouvent leur origine dans la rupture ou l'absence de cette « chaîne éducative ».
2) Il nous a souvent été indiqué que l'existence de Zep avait pour effet de « radicaliser » la répartition des élèves entre les établissements, en fonction de leur origine sociale ou ethnique, des troubles qu'ils présentent ou même de leur niveau scolaire. C'est pour ces raisons que des élèves ne relevant pas du secteur géographique couvert par la Zep y sont affectés, alors que d'autres, pour des motifs symétriques, sont dirigés vers des établissements « hors Zep » bien qu'ils résident dans le périmètre géographique de la Zep. On voit là que le concept de « carte scolaire » a volé en éclats et que dans ce domaine encore, la ségrégation progresse et la mixité régresse.
Les dispositifs récemment annoncés visant à « ouvrir les Zep » sur l'extérieur, à raisonner en termes de stratégie plus globale, à éviter les phénomènes de relégation vont, évidemment, dans le bon sens .
Il n'est pas d'autre moyen, à terme, pour enrayer les mécanismes qui viennent d'être décrits que de recomposer la ville, de remodeler, de transformer les « quartiers difficiles », non pas « sur eux-mêmes », (sur la même aire géographique), mais dans le cadre d'un projet ambitieux au plan qualitatif, portant sur un espace plus vaste, en y affectant les moyens nécessaires. Tout se tient.
42 - L'intégration des personnes étrangères ou d'origine étrangère est un des grands défis posés à la société et à la Nation française.
Dans son rapport de 1991, le Haut conseil à l'intégration affirmait : « L'intégration consiste à susciter la participation active à la société tout entière de l'ensemble des femmes et des hommes appelés à vivre durablement sur notre sol en acceptant sans arrière-pensée que subsistent des spécificités, notamment culturelles, mais en mettant l'accent sur les ressemblances et les convergences dans l'égalité des droits et des devoirs, afin d'assurer la cohésion de notre tissu social. »
L'intégration est donc un processus historique, dynamique, reposant sur des démarches actives de la part de ceux qui s'intègrent comme de la part de la société qui intègre et s'appuyant sur des processus et des mécanismes sociaux, culturels et économiques multiples irréductibles à un parcours unique. Ce qui résulte historiquement et de manière permanente de l'intégration, c'est la Nation française , qui tire sa vitalité de son renouvellement et de sa transformation sociale.
Pour toutes ces raisons, une politique d'intégration doit se traduire dans des choix politiques clairs en matière d'éducation, d'action culturelle, de garantie républicaine de la faculté d'exercer son culte.
Elle doit aussi se traduire dans les choix qui sont faits en matière de politique de « peuplement » et d'attribution de logements.
Mais, au-delà, une politique d'intégration réussie suppose que l'on dépasse la politique des quartiers pour aller effectivement vers une politique de la ville. Le fait que les quartiers où il y a le plus grand nombre de personnes étrangères ou d'origine étrangère sont aussi ceux où se concentrent beaucoup de difficultés de la vie n'est pas un hasard. C'est le fruit de politiques de relégation qui sont peu à peu entrées dans les faits même si elles n'ont pas été affichées. Au cours des vingt dernières années, la concentration sur les mêmes sites des populations étrangères ou d'origine étrangère s'est accrue. Il faut inverser le mouvement dans ce domaine comme dans les autres. Ce qui suppose, là encore, beaucoup de volonté et de moyens . La mixité en matière de logements, en matière d'enseignement, la mixité sociale et l'intégration ne peuvent qu'aller de pair .
Pour accomplir ce grand dessein de l'intégration, la politique de la ville peut et doit compter sur le concours du Fonds d'action sociale (Fas). Cet établissement public est depuis de longues années un partenaire privilégié de la politique de la ville, notamment à travers les contrats de ville. Pour atteindre à une meilleure efficacité, les délais de financement des actions et associations par cet organisme doivent être réduits, notamment dans le cadre du dispositif financier présenté ci-dessus. Il est important que le FAS soit associé à la définition et à la finalisation de la nouvelle politique contractuelle préconisée par le présent rapport.
43 - La politique de la ville doit favoriser une approche globale et pluridimensionnelle des problèmes de santé en impliquant l'ensemble des intervenants socio-sanitaires locaux. Pour ce faire, un travail en réseau est aujourd'hui indispensable. Ce travail doit impliquer les services publics (hôpitaux, services de l'État et des conseils généraux, centre communal d'action sociale, services communaux d'hygiène et de santé) mais aussi les organismes de sécurité sociale (assurance maladie, CAF), les organismes mutualistes, les médecins libéraux et les associations (associations d'éducation pour la santé, associations de lutte contre la toxicomanie, l'alcoolisme ou le sida, etc).
Un tel réseau permettra d'assurer une meilleure articulation entre une politique de soins et une politique de prévention, y compris dans leur composante de santé mentale. Le partenariat apportera également une plus grande cohérence dans l'action et un repérage plus rapide des risques. Sur ce dernier point, il convient de noter le rôle important de l'école et du service de promotion de la santé de l'enfant d'âge scolaire, dont les relations avec les professionnels de santé implantés dans le quartier doivent être améliorées.
Au-delà des expériences, souvent intéressantes, des « maisons de santé », il importe donc de veiller à ce que la « chaîne sanitaire » fonctionne correctement. Cela passe souvent par une unité de lieu, par la présence d'antennes des caisses primaires d'assurance maladie ou de structures municipales qui facilitent les choses . Plus généralement, la réalité sanitaire de ces quartiers renvoie, au-delà des questions de localisation, au droit à la santé et aux conditions d'accès aux soins pour les personnes vivant dans la précarité.
Qu'il faille à un enfant en difficulté plus de six mois sur une liste d'attente pour accéder à un centre médico-psychologique n'est pas acceptable, quand par ailleurs il faut investir lourdement en temps de travailleurs sociaux pour un suivi qui risque de rester inefficace.
Le développement de ces réseaux socio-sanitaires suppose une réponse en termes de financement. La possibilité offerte par le législateur d'expérimenter des formes nouvelles de réseaux de soins (ou de prise en charge globale) avec des financements adaptés devrait être davantage exploitée dans les quartiers en difficulté.
Qu'il faille davantage de moyens en matière de santé dans les quartiers en difficulté relève de l'évidence. D'abord parce que les praticiens exerçant dans le cadre des professions libérales sont inégalement répartis sur le territoire en général et sur le territoire urbain en particulier. Ensuite parce qu'en matière de santé publique, des insuffisances relatives existent dans ce domaine comme dans les autres.
C'est pourquoi, une aide à l'installation des médecins libéraux dans les quartiers en difficultés devrait exister. Plutôt que les exonérations permises à travers les dispositifs de zonage, cette aide devrait sans doute s'effectuer par un soutien à l'investissement ou par le biais de la location d'un cabinet à un loyer modéré.
44 - La ville est un fait culturel. Il y a de la culture - des cultures - dans la ville et il y a des cultures de la ville.
À la ville éclatée, faite d'entités juxtaposées, correspond une large diversité d'institutions et de pratiques culturelles.
Le schéma classique oppose des centre-ville riches d'institutions prestigieuses, anciennes ou modernes - théâtre, conservatoire, musée, médiathèque, etc. - à des périphéries ou des banlieues dotées, dans le meilleur des cas, d'antennes des institutions précitées ou de « centres d'animation ».
Nous avons plaidé plus haut contre la désertification - y compris la désertification culturelle - des coeurs de ville qui sont aussi le centre des agglomérations.
Mais nous avons aussi plaidé pour la « ville multipolaire ». Cela vaut, bien sûr, dans le domaine de la culture.
Il est nécessaire de doter tous les quartiers d'équipements de proximité favorisant les pratiques culturelles, la création et la diffusion au bénéfice de l'ensemble de la population. Beaucoup reste à faire car, en ce domaine comme en d'autres, la « discrimination positive » est le plus souvent inexistante, et les équipements culturels (même de proximité) restent inégalement répartis en dépit de l'action de beaucoup de municipalités .
Mais de même qu'il faut récuser l'« urbanisme du pauvre » ou « l'architecture du pauvre » pour les quartiers périphériques, on ne peut se résigner à ce que ces mêmes quartiers soient dotés d'une « culture de second niveau ». Et il faut aussi se défier des conceptions trop territorialisées de ceux qui voudraient, pour la culture comme pour l'activité - et pour le sport ou les loisirs - confiner les habitants de leurs quartiers dans ces quartiers. La mobilité est, on l'a vu, l'une des caractéristiques de la ville contemporaine. Elle est facteur de liberté.
La ville multipolaire de demain sera donc celle où - même si le centre doit garder une certaine densité en la matière - les institutions culturelles significatives seront implantées sur plusieurs pôles . Mais c'est bien de pôle urbain qu'il s'agit - et non du parking auprès duquel on « délocalise » aujourd'hui telle ou telle activité de loisirs. Un pôle urbain est un ensemble structuré et diversifié. Les projets culturels comme les projets économiques ont toute leur place dans la ville qu'il faut refaire, remodeler, recoudre. Ils sont facteurs d'ambition urbaine et de modernité. La dynamique de l'agglomération est, à cet égard, essentielle, car beaucoup d'agglomérations sont naturellement « multipolaires ».
Cela étant dit, il faut aussi dire combien une part essentielle de la culture contemporaine est le fruit de la « ville émergente » - ou plutôt de ceux qui y vivent, et notamment des jeunes. On a beaucoup créé, avec peu de moyens, dans les banlieues. C'est particulièrement vrai en matière de musique.
L'enjeu est de savoir si, en termes culturels, les pratiques seront juxtaposées, comme le sont les espaces, ou si, au contraire, la ville jouera son rôle de creuset.
À cet égard, la dimension culturelle du « développement urbain » est essentielle, dès lors que celui-ci concerne toute la ville et vise à ouvrir les quartiers, les espaces urbains, les uns sur les autres.
Dans cette perspective, le conventionnement pluriannuel avec les associations est précieux, comme il est également important de prévoir que toute action de développement culturel financée par l'État intégrera obligatoirement des clauses favorisant l'accès ou la participation des habitants de tous les quartiers, et prioritairement de ceux qui sont les plus défavorisés, aux événements ou aux actions mis en oeuvre.
45 - Les associations , acteurs essentiels de la politique de la ville, voient leur capacité d'initiative entravée par un système de financement complexe du fait du nombre de fonds existants et de la multiplicité des financeurs potentiels. Ce système se caractérise par des délais d'instruction des dossiers et de versement des subventions beaucoup trop longs. Enfin, les possibilités d'engagement pluriannuel des financeurs étant quasiment inexistantes, les associations s'épuisent à reformuler chaque année leurs demandes, sans pouvoir travailler sur le long terme.
Il faut parvenir à mutualiser les fonds des différents financeurs, à développer les possibilités d'engagement pluriannuel, à raccourcir les délais de paiement et à organiser des systèmes d'avance de trésorerie .
La création de l'établissement public évoqué précédemment répond à ces besoins . Cet organisme n'étant qu'une caisse, les crédits seraient engagés après décisions prises par un comité de pilotage réunissant les principaux financeurs. Les subventions pourraient alors être accordées en un seul versement. En constituant un fonds de roulement, l'établissement public pourrait faire des avances de trésorerie aux porteurs de projet et réguler ainsi l'utilisation des crédits tout au long de l'année.
En rassemblant des financements épars et en assurant un lissage de trésorerie sur l'année, l'unification du circuit financier ainsi réalisée introduirait dans la gestion des financements publics la rapidité et la simplicité nécessaires. Elle assurerait aussi une lisibilité beaucoup plus grande de la politique de la ville, en permettant la confection de tableaux de bord physico-financiers qui font actuellement défaut, même pour les grands programmes.
Parallèlement à la mise en place de ce dispositif, il importe d'engager de façon claire et structurée une réflexion de base sur la répartition des financements et sur leur utilité sociale respective. Une démarche qualitative de sélection des associations et des projets à financer s'impose en effet pour deux raisons. D'une part, les réformes concernant les procédures de financement ne seront réellement efficaces que dans le cadre d'un partenariat fondé sur la confiance, qui ne peut naître dans une approche comptable ou « de guichet » vis-à-vis des associations financées, mais seulement par une reconnaissance objective de leur utilité. D'autre part, les enveloppes budgétaires sont, par définition, limitées. Une répartition aveugle ou soumise à divers aléas fonctionne nécessairement au détriment des projets socialement les plus utiles.
Il importe également de réfléchir à une différenciation des modes de financement en fonction de leur objet. Certaines associations sont chargées de fait, de façon durable sinon permanente, d'assurer un quasi service public. Le financement par projet couramment pratiqué les contraint inutilement à des démarches répétitives. L'analyse qualitative préconisée devrait conduire à reconnaître leur rôle et à leur permettre de bénéficier, en conséquence, de financements durables.
Enfin, la question de l'ingénierie financière doit retenir l'attention. Afin d'aider les associations à monter leurs projets et à en solliciter le financement, une telle ingénierie pourrait être fournie soit par les collectivités territoriales, soit par les entreprises, si elles étaient incitées fiscalement à constituer des structures ressources. Seraient utiles, notamment, les mesures suivantes :
diffusion effective du dossier unique de financement, après vérification de sa pertinence et améliorations éventuelles ;
mise en oeuvre d'un module de formation à la gestion proposé systématiquement à tout nouveau demandeur de subvention ;
aide de l'État aux petites associations acceptant de faire tenir leur comptabilité par des centres agréés ;
modulation des taux de subvention liée à ces mesures ;
mise en place d'un suivi et d'un contrôle des associations subventionnées, différencié selon leur rôle (prestataire de quasi-service public ou non) et le mode de financement afférent.
46 - La politique de la ville suppose des professionnels compétents, dont les prérogatives soient clairement définies. Les chefs de projet ne devront dépendre que d'une seule instance (commune, agglomération ou État), en fonction des accords qui auront été passés à ce sujet dans le cadre du contrat pluriannuel État-agglomération et des procédures de mise en oeuvre au niveau des quartiers qui en découleront et qui privilégieront une plus grande clarté et une plus grande lisibilité dans l'organisation des responsabilités. Le fait que le « contrat-cadre » engage clairement plusieurs partenaires n'implique pas en effet qu'au plan opérationnel chaque professionnel doive dépendre de plusieurs instances, ce qui est source de confusion et parfois de conflits. Les formations initiales et continues appropriées pour les responsables du Développement social urbain, les chefs de projet, et pour l'ensemble des personnels travaillant dans le cadre de la politique de la ville devront être développés.
Il ne paraît pas souhaitable de doter ces personnels d'un statut unique. Il doit pouvoir s'agir de contractuels de droit privé (comme c'est souvent le cas) ou d'agents des collectivités locales ou de l'État, et l'on doit pouvoir faire appel à une grande diversité d'expériences et de compétences dans ce domaine qui requiert à la fois des spécialistes du social, de l'économie, de l'aménagement urbain, du logement, de l'animation, etc., susceptibles d'être aussi des généralistes de la « politique de la ville ». C'est dire aussi que les « parcours professionnels » seront forcément multiples.
Mais, pour souhaitable qu'elle soit, cette diversité et cette pluralité de statut et de parcours ne doit pas se traduire pour les personnels concernés par une précarité qu'ils récusent à juste titre. C'est pourquoi, il est nécessaire que la nature des contrats et des conditions d'emploi de ces personnels donnent lieu à une concertation et à des accords avec leurs organisations représentatives. Cela est, d'ailleurs, d'autant plus justifié que le fait que les contrats relatifs à la politique de la ville seront désormais signés pour dix ans favorisera la pérennité des emplois et donc la stabilité des personnels.
Dans la mise en oeuvre de la politique de la ville, les agents de l'État et des collectivités locales jouent un rôle essentiel. Il sera, à cet égard, nécessaire que leurs formations initiales et continues intègrent la connaissance des politiques de la ville et du développement urbain.
Ajoutons que des métiers traditionnels prennent, dans le contexte créé par la crise urbaine, une nouvelle dimension qui appelle un surcroît de qualification. Ainsi, les « gardiens d'immeubles », s'ils continuent d'assurer leurs tâches matérielles et administratives, jouent un rôle d'« interface » entre l'organisme de logement social qui les salarie et les locataires ; ils assument des fonctions de médiation. Revaloriser et qualifier les fonctions de gardien d'immeuble et doter parallèlement les antennes des organismes de logement social dans les quartiers de personnels qualifiés, cela contribue très concrètement - souvent bien davantage que des mesures plus « voyantes » - à améliorer la qualité de la vie dans les quartiers et dans les « cités ».
Il en va de même pour les responsables et animateurs des régies de quartier, et des autres structures qui favorisent l'emploi dans les quartiers ou « l'insertion par l'économique ».
Toutes ces fonctions supposent aujourd'hui des formations spécifiques.
47 - S'il revient au Comité interministériel pour la ville (CIV), présidé par le Premier Ministre ou par le ministre chargé de la ville et rassemblant les ministres compétents de définir les orientations gouvernementales stratégiques en matière de politique de la ville, deux instances doivent voir leurs rôles redéfinis : il s'agit de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) et du Conseil national des villes (CNV).
Nous préconisons que la DIV rénovée et renforcée constitue la direction forte sur laquelle s'appuiera le ministère chargé de la ville. Cela nécessite le développement de ses capacités opérationnelles mais aussi le renforcement de ses moyens en matière de préparation de textes législatifs ou réglementaires, d'analyse, de documentation, d'évaluation et de suivi des politiques menées.
Cette évolution ne doit pas pour autant remettre en cause le caractère interministériel des missions de la DIV qui découlent de ce que les fonctions du ministre de la ville sont naturellement interministérielles. La DIV devra donc continuer de rassembler des compétences issues de plusieurs départements ministériels. Son directeur devra avoir autorité pour organiser les réunions interministérielles rassemblant les directeurs concernés par la politique de la ville. Au niveau déconcentré, un dispositif analogue devra être mis en place au sein des secrétariats généraux aux Affaires Régionales (SGAR).
48 - Nous préconisons que le CNV soit clairement une instance permettant le dialogue, la confrontation et l'expression des différents acteurs de la politique de la ville, ce qui suppose un renouvellement et un élargissement de sa composition.
Il regroupera les représentants des élus, associations, organisations syndicales, instances socioéconomiques, organismes oeuvrant dans le domaine du logement, professionnels de la politique de la ville ainsi que des personnalités qualifiées nommées au titre de leur compétence, de leur expérience ou des études et recherches qu'elles mènent dans les domaines de la politique de la ville et du développement urbain.
Le CNV aura aussi une fonction de conseil auprès du Gouvernement : il sera obligatoirement consulté sur tous les projets de textes relatifs à la politique de la ville. Il doit disposer de capacités d'expertise qui lui soient propres et lui permettent d'évaluer les effets des politiques menées et de construire des propositions.
49 - La recherche sur la ville est un enjeu important. Elle permet en effet d'analyser, de mesurer, d'expliquer des phénomènes complexes et qui jouent un rôle central dans nos sociétés. Elle permet la nécessaire distance par rapport à l'événement en un moment où l'" actualité urbaine brute" occupe constamment les médias, entraînant nombre d'effets, de réactions et de positionnements immédiats.
Cette recherche est aujourd'hui dispersée entre plusieurs organismes de recherche et universités.
Conformément au voeu d'un certain nombre de chercheurs de ce domaine, il est préconisé de créer une « Maison de la recherche sur la ville ». Celle-ci n'aurait pas vocation à rassembler institutionnellement tous les groupes et tous les laboratoires de recherche travaillant sur les phénomènes urbains, ce qui serait d'ailleurs irréaliste. Mais s'appuyant sur un « noyau » significatif de chercheurs, elle aurait vocation à fédérer les recherches et à développer les liens nécessaires entre les chercheurs et les praticiens des politiques urbaines autour de projets transversaux.
Intégrant une base documentaire, elle constituerait un centre de ressources sur l'ensemble des phénomènes urbains.
50 - On a vu que toute politique d'allocation de moyens à des territoires repérés comme particulièrement en difficulté exigeait une connaissance de ces territoires qui permette à la fois de les appréhender géographiquement et d'en mesurer à intervalles suffisamment rapprochés les caractéristiques économiques et sociales.
Actuellement, la géographie d'intervention de la politique de la ville est construite sur la base du recensement général de la population. Les sources permettant d'actualiser ces données au niveau infracommunal sont relativement rares. Les statistiques à l'échelon du quartier, que nécessite la politique de la ville, font le plus souvent défaut.
Il paraît donc indispensable de généraliser au plan national un outil de connaissance statistique de la réalité infracommunale du type de celui qui a été constitué pour la région Centre à l'initiative de la direction régionale de l'Insee et de la préfecture de région.
Cela suppose une association étroite entre la DIV et l'Insee et le concours, notamment, de l'ANPE, de la Cnaf, de l'UNFOHLM et du ministère de l'éducation nationale.
Par ailleurs, une réflexion sur les sources de la connaissance statistique utile à la conduite de la politique de la ville s'impose. Si l'Insee s'est doté en 1991 d'une petite cellule « ville » rattachée au département des études régionales, aucune structure comparable, si réduite soit-elle, n'a été mise en place à la DIV. Un certain nombre de conventions DIV/Insee ont en partie pallié cette lacune. Mais l'absence à la fois de service statistique et d'un budget correspondant à la DIV fragilise les liens entretenus avec l'Insee et limite les possibilités d'investigation. Il importe de remédier à ce manque, par un renforcement des moyens de l'Insee en la matière et par un conventionnement avec le ministère chargé de la ville.
* 3 Joseph Juvin - Urbanisme - janvier-février 1995.
* 4 Hors dispositifs spécifiques concernant l'Île-de-France