AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plus de vingt ans, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) constitue l'un des instruments financiers de l'État au service de la politique d'aménagement du territoire. Il jouit pourtant d'une faible visibilité au sein du budget de l'État et de la part des élus et collectivités locales bénéficiaires. Constatant une déperdition d'information importante depuis la suppression, en 2012, du rapport annuel au Parlement sur l'activité du fonds, j'ai décidé de lui consacrer mon premier contrôle budgétaire en tant que rapporteur spécial de la mission « Politique des territoires ».
L'objectif de cette mission de contrôle est double : dresser le bilan de l'utilisation des crédits du FNADT, mais aussi identifier les perspectives d'évolution de ce fonds. Au vu de son faible montant et de la récente augmentation des aides de l'État en faveur de l'investissement des collectivités territoriales, à travers la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la création du Fonds de soutien à l'investissement public local (FSIL), la question de l'utilité du FNADT peut être posée. S'apparente-t-il à un saupoudrage de crédits ou apporte-t-il une aide décisive en faveur des territoires ? Doit-il être repensé et ciblé sur les territoires ruraux les plus fragiles pour gagner en efficacité et jouer un véritable effet de levier en faveur du développement rural ?
Pour répondre à ces questions, le présent rapport d'information s'appuie sur les réponses écrites du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), sur de nombreuses auditions et des déplacements à Strasbourg et à Lyon ainsi que sur une rencontre avec le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet. Compte tenu du manque d'information disponible au niveau central, les préfectures de région, gestionnaires au niveau déconcentré, ont été interrogées par écrit. Leurs réponses apportent un éclairage très riche et concret à ces travaux.
Le présent rapport d'information ne prétend pas à l'exhaustivité mais analyse les points forts et les points faibles du FNADT dans sa gestion actuelle et propose, dans un troisième temps, de nouvelles orientations politiques à même de clarifier cet outil, de l'adapter aux évolutions territoriales et de lui permettre d'agir efficacement en faveur du développement rural.
PREMIÈRE PARTIE - UN INSTRUMENT FINANCIER PEU LISIBLE DANS UN CADRE JURIDIQUE DÉPASSÉ
I. DES CRÉDITS DESTINÉS À FINANCER LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DE L'ÉTAT
A. UN INSTRUMENT AU SERVICE DE LA « POLITIQUE DES TERRITOIRES »
1. Le FNADT représente environ un quart des crédits de la mission « Politique des territoires »
Le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) constitue depuis plus de vingt ans une source de financement spécifiquement dédiée à la politique d'aménagement du territoire de l'État. Aux termes de l'article 33 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 1 ( * ) , le fonds « regroupe les crédits consacrés aux interventions pour l'aménagement du territoire, à la restructuration des zones minières, à la délocalisation des entreprises, à l'aide aux initiatives locales pour l'emploi, au développement de la montagne et à l'aménagement rural ».
Depuis la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 2 ( * ) , le FNADT est intégré au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (PICPAT) de la mission « Politique des territoires ». En 2016, les crédits prévus au titre du FNADT représentent ainsi 75 % des autorisations d'engagement (AE) et 78 % des crédits de paiement (CP) du programme 112 , soit 157 millions d'euros en AE et 194 millions d'euros en CP . La part résiduelle du programme correspond essentiellement à la prime d'aménagement du territoire (PAT) et aux dépenses de personnel du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Hors dépenses de personnel de titre 2, le FNADT représente 84 % des AE et 86 % des CP.
Compte tenu du changement de périmètre de la mission « Politique des territoires » et du rattachement du programme 147 « Politique de la ville » opérés par la loi de finances pour 2015 3 ( * ) , le FNADT représente en 2016 environ 24 % des AE et 28 % des CP de la mission et constitue, à ce titre, l'un de ses principaux instruments.
La place du FNADT au sein de la mission « Politique des territoires » en 2016
(en millions d'euros de crédits de paiement)
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la loi de finances pour 2016 et du CGET)
Le FNADT intervient dans le financement des trois actions constitutives du programme 112, à savoir l'action 01 « Attractivité économique et compétitivité des territoires », l'action 02 « Développement solidaire et équilibré des territoires » et l'action 04 « Instruments de pilotage et d'études ». Le FNADT se caractérise ainsi par la grande variété des actions et des dispositifs qu'il finance, qui s'explique par son origine, celui-ci étant issu du regroupement de six fonds 4 ( * ) . De façon schématique, on peut néanmoins distinguer deux grands types d'interventions :
- d'une part, la contribution au financement des contrats de plan État-région (CPER) - appelés contrats de projet lors de la période de programmation 2007-2014 - qui représente environ 115 millions d'euros en AE et 112 millions d'euros en CP en 2016 pour les CPER 2007-2014 et 2015-2020 ;
- d'autre part, les programmes et actions définis au niveau national par le CGET , le Premier ministre et les ministres compétents.
Les principales actions et dispositifs financés par le FNADT en 2016
Action 01 « Attractivité économique et compétitivité des territoires » |
CPER |
Soutien aux structures de gouvernance des pôles de compétitivité |
|
Accompagnement des restructurations des sites de Défense |
|
Accompagnement des restructurations industrielles |
x |
Soutien de projets porteurs d'activité ou de grandes opérations d'aménagement |
x |
Subvention à Business France |
|
Subventions à des associations dans le domaine de l'accompagnement et du développement économique |
|
Action 02 « Développement solidaire et équilibré des territoires » |
|
Deuxième génération des pôles d'excellence rurale (PER) |
|
Maisons de services au public (MSAP) |
|
Maisons de santé pluridisciplinaires |
|
Actions en faveur de la cohésion et du développement des territoires |
x |
Ingénierie des projets relatifs à la revitalisation des centres bourgs |
|
Subventions à des associations (numérique, attractivité des territoires ruraux, soutien de l'ingénierie territoriale) |
|
Rétablissement du caractère maritime du Mont Saint Michel |
x |
Action 04 « Instruments de pilotage et d'études » |
|
Activité d'étude et de prospective du CGET |
|
Assistance technique des programmes européens de cohésion |
|
Soutien aux programmes transfrontaliers de coopération européenne |
Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet annuel de performances de la mission « Politique des territoires » annexé au projet de loi de finances pour 2016)
2. Un outil de soutien à l'investissement et au fonctionnement
Le FNADT se caractérise par des critères d'éligibilité très larges . En premier lieu, il peut intervenir pour financer à la fois des dépenses d'investissement et de fonctionnement , à condition qu'elles contribuent à la mise en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire. Les aides au fonctionnement doivent, en principe, faire l'objet d'un examen annuel. Mais un soutien financier pluriannuel peut être prévu s'il s'inscrit dans un programme d'action précis. Seules les subventions aux infrastructures classiques (voirie et réseaux divers en milieu rural ou urbain), au mobilier urbain et à l'immobilier d'entreprise sont explicitement exclues du financement des projets d'investissement sous maîtrise d'ouvrage publique par la section locale du FNADT.
Les outils informatiques de suivi du fonds ne permettent pas d'établir précisément quels sont les montants affectés à des subventions d'investissement ou de fonctionnement, ces deux types de dépenses étant couvertes, en comptabilité budgétaire par le même titre 6 relatif aux dépenses d'intervention. Une typologie établie par le CGET permet toutefois d'identifier les dispositifs financés par le FNADT concernant majoritairement des dépenses d'investissement ou de fonctionnement. Outre la subvention pour charges de service public à l'opérateur Business France, les subventions aux associations et le financement d'études, le FNADT apporte un soutien au fonctionnement de certains pôles de compétitivité, aux collectivités retenues dans le cadre de l'appel à projet relatifs aux centres-bourgs ainsi qu'aux maisons de services au public (MSAP) . Bien que les CPER soient répertoriés dans la catégorie « investissement », les aides au fonctionnement attribuées dans ce cadre sont relativement fréquentes même si les montants sont généralement faibles ; elles peuvent par exemple prendre la forme d'aides ponctuelles à l'ingénierie des collectivités territoriales ou de subvention à des syndicats mixtes intervenant dans le numérique.
Typologie des subventions par dispositifs portés par le FNADT
Fonctionnement |
Investissement |
|
Subvention à Business France |
X |
|
Subvention aux associations oeuvrant pour l'aménagement du territoire |
X |
|
Assistance technique et réseau du CGET |
X |
|
Études |
X |
|
CPER (hors études préalables) |
X |
|
Pôles de compétitivité (hors CPER) |
X |
|
Sites de défense (hors études préalables et hors CPER) |
X |
|
Centres-bourgs (hors CPER) |
X |
|
Maisons de santé pluridisciplinaires (hors CPER) |
X |
|
Maisons de services au public (hors CPER) |
X |
|
Diagnostics territoriaux préalables à l'élaboration des schémas d'accessibilité aux services au public |
X |
|
Pôles d'excellence rurale (hors CPER) |
X |
Source : CGET
En second lieu, le FNADT peut apporter un soutien financier à une grande variété d'acteurs publics - communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), syndicats intercommunaux, départements, régions, établissements publics (office de tourisme, établissement public de santé, université) - ainsi qu'à des entités privées , sous certaines conditions. Si les aides directes aux entreprises sont en principe exclues, des exceptions sont admises concernant les aides apportées dans le cadre d'actions relatives au tourisme, au commerce et à l'artisanat dans les zones rurales fragiles et les zones de montagne.
Il n'existe pas de statistiques détaillées, au niveau national, concernant les bénéficiaires du FNADT 5 ( * ) . D'après les listes de projets financés entre 2007 et 2015 transmises par les préfectures, il est possible d'estimer que la majorité des bénéficiaires , en termes de nombres de projets soutenus et de montants versés, sont des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des syndicats intercommunaux . La part d'établissements publics et d'acteurs privés bénéficiaires varie fortement d'une région à l'autre. L'octroi de subvention à des acteurs privés apparaît toutefois largement minoritaire et, lorsqu'elle est plus élevée, correspond principalement à des subventions à des associations 6 ( * ) .
* 1 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
* 2 Loi n° 2001-692 du 1 er août 2001 organique relative aux lois de finances.
* 3 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.
* 4 Cf. infra .
* 5 Jusqu'en 2012, des données issues de retraitements manuels étaient néanmoins fournies dans le rapport annuel au Parlement sur l'utilisation du FNADT.
* 6 Par exemple, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, 16 % du montant total du FNADT entre 2007 et 2014 - dans et hors CPER - a été versé à des acteurs privés, principalement associatifs.