B. LA RÉFORME PRÉVUE À L'ARTICLE 150

L'article 150 dans sa version adoptée par le Parlement prévoit une réforme des dotations de péréquation en 2017 :

- la suppression de la dotation nationale de péréquation afin d'abonder le montant de la DSU et la dotation de solidarité rurale (DSR) ;

- une réforme de la DSR prenant notamment la forme d'une fusion des fractions « péréquation » et « cible » et d'un resserrement du nombre de communes éligibles ;

- une réforme de la DSU. Afin d'éviter le « saupoudrage », le bénéfice de la DSU est resserré : au lieu des trois quarts des communes de plus de 10 000 habitants, classées en fonction de l'indice synthétique, ce sont les deux premiers tiers de ces communes qui bénéficieraient de la DSU.

Selon les dispositions du projet de loi de finances pour 2016, l'augmentation de la DSU aurait dû désormais bénéficier à l'ensemble des communes éligibles et non plus seulement aux communes « cibles ». Cette modification de la répartition de la DSU n'a cependant pas été mise en oeuvre, la suppression du dispositif concerné (les deux premiers alinéas de l'article L. 2334-18-4 du CGCT) ne figurant pas dans le texte adopté en raison d'une erreur matérielle intervenue en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.

Enfin, une garantie dérogatoire sur trois ans est créée, lorsqu'une commune cesse d'être éligible à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, elle perçoit, à titre de garantie, une dotation égale à 90 % en 2017, 75 % en 2018 et 50 % en 2019.

C. LE CHOIX DE SE LIMITER À LA CORRECTION DE LA DSU

Pour les rapporteurs du groupe de travail, une réforme de l'architecture et des composantes des dotations de péréquation ne peut intervenir que dans le cadre d'une réforme globale de la DGF . En effet, la composante forfaitaire et les dotations de péréquation doivent être articulées entre elles afin que le résultat final soit conforme aux objectifs d'équité, de lisibilité et de soutenabilité.

À ce stade, il apparaît préférable de ne proposer que quelques modifications de la DSU, répondant aux souhaits, assez largement partagés, d'éviter à la fois le saupoudrage et les effets de seuils trop brutaux.

La DSR qui concerne un nombre très important de communes (33 850 communes éligibles à la DSR péréquation) ne serait pas modifiée indépendamment d'une réforme plus globale des différentes dotations.

Il est apparu souhaitable de conserver la DNP en l'état , dans l'attente d'une réforme de l'architecture des dotations de péréquation, qui pourrait reposer sur deux enveloppes (DSU/DSR) ou trois enveloppes (DSU/DSR/DNP), car il serait sans doute difficile de recréer une dotation générale de péréquation une fois la DNP supprimée.

Le groupe de travail propose de recentrer le nombre de communes de plus de 10 000 habitants bénéficiaires de la DSU et de répartir son augmentation parmi l'ensemble de celles-ci.

1. Recentrer le nombre de communes de plus de 10 000 habitants bénéficiaires de la DSU

Selon les bilans de la répartition de la DGF, en 2016, 1 001 communes ont une population d'au moins 10 000 habitants, soit 12 de plus qu'en 2015 et 48 de plus qu'en 2008. Le nombre de communes éligibles à la DSU parmi ces communes, soit celles classées parmi les trois premiers quarts au titre de l'indice synthétique, s'élève à 751 en 2016 contre 742 en 2015 et 715 en 2008.

La proportion de trois quarts des communes éligibles peut sembler très élevée, comparée, toutes choses égales par ailleurs, au premier dixième des communes de 5 000 à 9 999 habitants. Surtout, cet échantillon regroupe des situations très diverses allant de la banlieue défavorisée à la commune résidentielle en passant par les capitales régionales et les villes « moyennes » hors Île-de-France. L'idée selon laquelle la maille retenue est trop large n'est pas nouvelle et la tentative de réforme entreprise dans le projet de loi de finances pour 2009 en est l'illustration (cf. supra ).

Cette réforme qui aboutissait à réserver la DSU à 477 communes et à en priver 238 n'a pas été acceptée en raison de son ampleur et de ses effets d'éviction à l'encontre de certaines communes défavorisées, en particulier en Île-de-France, comme Gennevilliers ou Bagneux 34 ( * ) .

En conséquence, s'il apparait souhaitable de limiter le saupoudrage de cette dotation de péréquation - le montant par habitant le plus faible s'élevant à 4,25 euros par habitant (Chevilly-Larue - 94), il convient de restreindre la proportion d'éligibles de manière plus modérée. La règle des deux premiers tiers qui figure à l'article 150 de la loi de finances initiale pour 2016 apparait mieux calibrée. En pratique, et sans autre modification concernant le calcul de l'indice synthétique ou les modalités de répartition, le recentrage autour de 667 communes (pour s'en tenir aux chiffres de 2016) ne devrait pas exclure du bénéfice de la DSU des communes pouvant être regardées comme particulièrement défavorisées. Une telle mesure permettrait de concentrer l'effort de péréquation sur les communes en ayant le plus besoin.

2. Mettre un terme à l'extrême concentration du partage de la croissance de la DSU qui génère un effet de seuil majeur

La création en 2009 d'une DSU « cible », composée à l'origine des 150  premières communes classées suivant l'indice synthétique puis des 250 premières, a incontestablement permis un rattrapage important au bénéfice de ces communes. Ce mode de fonctionnement, qui allie l'accumulation des augmentations annuelles (puisque la dotation dépend principalement de la dotation perçue l'année précédente) et la concentration de fortes augmentations (+ 180 millions d'euros en 2015 et en 2016) sur 250 communes, ne paraît plus justifié aujourd'hui.

Quelques données :

L'augmentation cumulée de la DSU « cible » depuis 2009 est de 658 millions d'euros.

En 2016, 85 communes « cible » perçoivent plus de 200 euros par habitant au titre de la DSU et 10 communes plus de 390 euros par habitant.

En 2016, 484 des 501 communes classées après le 250 e rang ont enregistré une stagnation (239) ou une augmentation limitée à 1 % (245). En revanche 244 des communes classées parmi les 250 premières ont connu une augmentation de plus de 5 % de leur DSU, dont 85 communes entre 10 et 15 % ; 115 entre 15 % et 20 % et 30 de plus de 20 %.

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF d'après les données de Ressources Consultants Finances et du Comité des finances locales (séance du 28 juin 2016)

Les communes classées parmi les premières au titre de l'indice synthétique, qui font incontestablement partie des « communes les plus pauvres avec des habitants pauvres », bénéficient en 2016 de montants de DSU par habitant très élevés en raison des montants capitalisés depuis 2009. On peut citer Clichy-sous-Bois avec 474 euros par habitant, Sarcelles avec 457 euros, Garges-lès-Gonesse avec 429 euros ou Roubaix avec 390 euros.

Les écarts de DSU par habitant se creusent entre communes comparables en raison de l'existence de la DSU « cible ».

Exemples d'écart de DSU par habitant en 2016

Ville

Code INSEE

Rang DSU

Population DGF

DSU/hab

Beauvais

60057

240

56 772

98 euros

Colmar

68066

253

70 073

33 euros

Ville

Code INSEE

Rang DSU

Population DGF

DSU/hab

Orly

94054

235

22 692

130 euros

Choisy le Roi

94022

258

43 226

48,5 euros

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF d'après des données de la DGCL

Sur la période 2012-2016, les communes les mieux classées au titre de l'indice synthétique ont connu des taux de progression allant de 35 % à 73 %.

Évolution de la DSU des 10 premières communes « DSU cible »
de plus de 10 000 habitants

(en euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Évolution 2012/2016

Clichy-sous-Bois (93)

10 632 248

11 492 621

11 968 069

13 362 752

14 680 044

38 %

Creil (60)

7 002 979

7 865 674

8 327 432

9 768 287

11 141 793

59 %

Villiers-le-Bel (95)

6 875 373

7 567 228

7 953 158

9 126 478

10 207 811

48 %

Aniche (59)

1 618 619

1 864 814

1 994 927

2 419 354

2 812 287

74 %

Sarcelles (95)

19 677 856

21 211 607

22 058 297

24 382 839

26 579 128

35 %

Méricourt (62)

1 715 924

1 992 127

2 133 082

2 581 183

3 000 903

75 %

Garges-lès-Gonesse (95)

13 272 657

14 301 198

14 863 830

16 517 727

18 080 125

36 %

Avion (62)

2 804 765

3 194 509

3 409 107

4 106 711

4 743 155

69 %

Roubaix (59)

27 053 136

29 377 143

30 630 634

34 240 762

37 717 474

39 %

Denain (59)

3 016 046

3 449 721

3 680 115

4 421 697

5 133 047

70 %

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF d'après les données de la DGCL

Par comparaison les communes classées au-delà du 250 e rang ont connu, sur la période 2012 à 2016, des augmentations beaucoup plus modestes, égales à 5 % pour les communes situées entre le 251 e et le 501 e rang puisqu'elles bénéficient d'une augmentation de 1 % par an.

Les communes éligibles à la DSU situées au-delà du 501 e rang ont perçu chaque année le même montant non revalorisé.

Le tableau ci-dessous présente des exemples de ces deux catégories de communes.

Évolution de la DSU de communes situées après le 251 e rang

(en milliers d'euros)

Rang DSU 2016

2012

2013

2014

2015

2016

Augmentation 2016/2012

Créteil

281

4  843

4 928

4 992

5 037

5 087

5 %

Bezons

321

1 499

1 525

1 545

1 559

1 574

5 %

Villejuif

332

1 301

1 324

1 341

1 353

1 367

5 %

Villeurbanne

417

3 185

3 241

3 283

3 312

3 345

5 %

Orléans

436

3 287

3 345

3 389

3 419

3 453

5 %

Sarrebourg

570

109

109

109

109

109

0 %

Florange

596

114

114

114

114

114

0 %

Lagny sur Marne

640

214

214

214

214

214

0 %

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir de données de la DGCL

Par conséquent, il est proposé, dès 2017, de :

- recentrer l'éligibilité à la DSU des communes de plus de 10 000 habitants des trois premiers quarts aux deux premiers tiers (soit de 751 à 667 communes) comme le prévoit l'article 150 ;

- répartir l'augmentation annuelle de la DSU sur l'ensemble des communes éligibles et non pas seulement sur les 250 premières . Cette répartition pourra être affectée d'un coefficient multiplicateur pour tenir compte des écarts de ressources et de charges.


* 34 Cf. Rapport spécial de M. Marc Laffineur, député, annexe n°38 « Relations avec les collectivités territoriales » au rapport n° 1127 de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2009, page 170 qui cite ces exemples.

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