EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 8 juin 2016, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission entend la présentation du rapport d'information de M. Gérard Roche et Mme Catherine Génisson sur l'avenir du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

M. Alain Milon, président . - Nous en venons à l'examen du rapport sur l'avenir du Fonds de solidarité vieillesse, présenté par nos collègues Catherine Génisson et Gérard Roche. Je leur laisse la parole.

M. Gérard Roche , rapporteur. - A quoi sert le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et où va-t-il ? C'est à ces deux questions que nous allons tenter de répondre ce matin, avec Catherine Génisson, en vous présentant les conclusions du rapport qui nous a été confié en janvier dernier par la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).

Nous tenons à remercier son président, Jean-Noël Cardoux, d'avoir proposé ce sujet qui, bien que technique, renvoie au financement des dispositifs de solidarité nationale qui font de notre système de retraites un puissant agent de redistribution et de réduction des inégalités entre personnes retraitées. Il faut le dire, car le manque de confiance de nos concitoyens à l'égard de l'assurance vieillesse montre qu'ils n'en ont pas suffisamment conscience.

Alors que le FSV ne cesse d'être évoqué à chaque présentation des résultats des comptes de la sécurité sociale, cet établissement administratif créé par la réforme des retraites de 1993 demeure très mal connu. Sauf erreur, notre rapport sera d'ailleurs le premier rapport public rendu sur le sujet, devançant ainsi la Cour des comptes qui a également prévu de s'y intéresser prochainement.

En intitulant notre rapport, « Le vrai rôle du Fonds de solidarité vieillesse », nous entendons faire oeuvre de pédagogie. Ce rapport rappelle la genèse de ce fond et explique l'étendue de ses missions dont l'élargissement, notamment à des dispositifs ne relevant pas exclusivement du champ de la solidarité nationale, a conduit à dénaturer son objet initial. Il fait également état de l'évolution de ses recettes, qui s'avèrent aussi instables qu'insuffisantes, et de sa gouvernance actuellement en crise. Car vingt-trois ans après sa création, le bilan du FSV apparaît contrasté.

Pour la première fois depuis 11 ans, les régimes de base de l'assurance vieillesse affichent en 2016 un excédent estimé à 900 millions d'euros dans la LFSS pour 2016.

Le FSV conserve un déficit de 3,9 milliards d'euros en 2016, un chiffre comparable à celui de 2015 mais en hausse de 200 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016, d'après les chiffres rendus publics hier par la Commission des comptes de la sécurité sociale.

La persistance de ce déficit, très élevé depuis la crise de 2009, demeure plus que jamais préoccupante alors que dans le même temps le déficit du régime général de la sécurité sociale semble diminuer pour s'établir à 9,1 milliards d'euros. Le FSV représente donc à lui seul près de la moitié du déficit de la sécurité sociale hors transferts.

La LFSS pour 2016 a par ailleurs alimenté la chronique sur l'instabilité des ressources du FSV en modifiant pas moins de 12 milliards sur les 16 milliards d'euros de recettes qui lui sont affectées, à la suite de l'arrêt de Ruyter de la Cour de justice de l'Union européenne.

Le projet d'intégration administrative du FSV au sein de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), engagé par le décret du 7 octobre 2015, interroge quant à l'avenir du fonds et suscite d'importantes réserves de la part des partenaires sociaux.

Persistance du déficit, instabilité et fragilisation des ressources, élargissement des missions à des prestations relevant du domaine assurantiel, évolution de sa gouvernance... Voici les constats qui ont conduit la Mecss à lancer un état des lieux sur le FSV.

A travers notre titre, « Le vrai rôle du FSV », nous voulons également aborder ce que devrait être la mission du fonds. Nous formulons en ce sens une proposition forte visant à recentrer le FSV sur sa mission d'origine, le financement des seuls dispositifs de solidarité nationale de la branche vieillesse. Cette proposition permet de remettre à l'équilibre le FSV en transférant son déficit aux régimes de base. Notre rapport montre en effet que le déficit actuel du fonds n'est rien d'autre qu'un besoin de financement supplémentaire de la branche vieillesse. Avec cette proposition, c'est une « opération vérité » sur le financement du système de retraite qui est ainsi menée. Je laisse à Catherine Génisson le soin de vous présenter notre état des lieux du FSV.

Mme Catherine Génisson , rapporteure. - L'origine du FSV nous plonge dans l'une des principales controverses qui existe entre l'État et les partenaires sociaux depuis la création de la sécurité sociale en 1945, à savoir la distinction entre les dépenses contributives et les dépenses de solidarité. L'idée qui a présidé à la création du FSV en 1993, portée à l'origine par le gouvernement de Pierre Bérégovoy et concrétisée par celui d'Édouard Balladur était la suivante : aux partenaires sociaux, la responsabilité de gérer les régimes de base finançant les dépenses contributives au moyen des cotisations sociales ; à l'État, celle de financer les dispositifs de solidarité avec des ressources fiscales.

Lors de sa création, la loi a confié au FSV la mission de financer les régimes de base pour la prise en charge de deux dispositifs :

- le minimum vieillesse, devenu à la suite de la réforme de 2007, l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Je note au passage que le rapport de notre collègue député Christophe Sirugue sur la simplification des minima sociaux n'aborde pas directement la question des circuits de leur financement et n'interfère donc pas avec nos travaux ;

- et le deuxième dispositif : les cotisations retraite des personnes au chômage pour qu'elles puissent valider leurs trimestres, ces derniers n'étant pas pour autant cotisés. Dans le jargon du FSV, ces périodes sont appelées « périodes assimilées ». La dépense « chômage » est aujourd'hui la principale du fonds puisqu'elle représente 11 milliards d'euros en 2016.

Dès 1995, ces missions ont été progressivement élargies. Certains élargissements ont consolidé l'objet initial du FSV, comme la multiplication des périodes assimilées qui concernent désormais les arrêts de travail pour maladie ou maternité ou encore les périodes de service civique, de stage ou d'apprentissage.

D'autres sont toutefois plus contestables. C'est en particulier le cas de la prise en charge par le FSV d'une partie du minimum contributif (Mico), décidé par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. Le Mico est une allocation différentielle destinée à compléter la retraite de personnes ayant cotisé toute leur vie sur la base de revenus modestes. Versé à plus de 6 millions de retraités, il représente un coût d'environ 7 milliards d'euros par an dont la moitié est financée par le FSV.

L'élargissement de la mission du FSV au Mico est contestable car la nature de ce dernier est hybride : bien que de nature non contributive, cette allocation constitue le complément de prestations de retraite qui elles, le sont. On parle souvent, à propos du Mico, d'un dispositif de solidarité professionnelle par opposition à la solidarité nationale qui ne s'appuie sur aucune prestation pour être versée.

Par la multiplication de ses missions et la dénaturation de son objet initial avec des missions ne relevant pas exclusivement de la solidarité nationale, le FSV a perdu en lisibilité ce qui entraîne une certaine confusion dans le financement de la protection sociale.

S'appuyant sur les travaux du Conseil d'orientation des retraites, notre rapport s'arrête longuement sur l'ensemble des dispositifs de solidarité au sein du système de retraites et montre que le FSV est loin d'en avoir le monopole en termes de financement.

La Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) finance ainsi les droits familiaux de retraite au premier rang desquels la majoration de pension pour enfant, qui s'élève à 10 % de la pension de base de chaque parent d'au moins trois enfants. Son coût de 4,7 milliards d'euros a été financé par le FSV entre 2001 et 2015.

Les régimes de base financent également une partie des dispositifs de solidarité : les règles de calcul pour la liquidation d'une pension intègrent par exemple une dimension non-contributive comme le fait de calculer la pension non pas sur la totalité des salaires d'une carrière mais sur les vingt-cinq meilleures années ; certains minima de pension, comparables au Mico, ne sont pas pris en charge par le FSV comme la prestation minimum de retraite au sein du régime des non-salariés agricoles ou le minimum garanti pour les régimes de la fonction publique.

Le problème que soulève ce constat est que le FSV, censé incarner la distinction entre les domaines contributif et non contributif dans la branche vieillesse, n'offre en réalité qu'une vision partielle du coût global de la solidarité dans le système des retraites.

Cette confusion est renforcée par la nature théorique des résultats financiers du fonds. Si la prise en charge des prestations qu'il finance pour le compte des régimes (le minimum vieillesse essentiellement) s'effectue à « l'euro près » en fonction des factures transmises par ces derniers, celle des cotisations pour périodes assimilées est calculée sur une base forfaitaire, qui ne correspond pas à la dépense réelle des régimes.

En effet, alors que le FSV finance les cotisations pour les périodes d'inactivité au moment où le bénéficiaire est arrêté, la validation des trimestres ne pourra être constatée qu'a posteriori, au moment de la liquidation de ses droits. Par ailleurs, il est impossible de savoir si un trimestre validé sera finalement utile au futur pensionné, sachant que ce dernier a pu valider un même trimestre en tant que chômeur indemnisé (ce qui est possible à partir du 50 e jour d'indemnisation) mais également dans le cadre d'un travail temporaire (un trimestre est validé dès la 150 e heure payée au Smic soit à partir de 4,2 semaines). Des taux de réfaction, fixés par l'administration et censés prendre en compte ces incertitudes, sont à la base des règles de calcul des dépenses liées aux périodes assimilées et varient significativement d'une période à l'autre. Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport permettant d'expliciter et d'évaluer ces taux de réfaction intervenant dans le calcul des prises en charge de cotisations au regard du coût réellement supporté par les régimes.

Le caractère théorique de ces dépenses forfaitaires, qui représentent en 2016 12,5 milliards sur les 20 milliards d'euros de dépenses du FSV, interroge quant au retour à l'équilibre observé pour les régimes de base. Les dépenses du FSV permettent-elles de remettre artificiellement à l'équilibre les régimes de base ou au contraire, sont-elles à la hauteur de leurs dépenses ? Aucune des personnes auditionnées n'a été en mesure de nous répondre.

Ce qui est certain cependant, c'est que les résultats des régimes de base et du FSV sont intrinsèquement liés. Ce constat invite à revoir les modalités de présentation des comptes du FSV et de la branche vieillesse au sein des lois de financement. Gérard Roche abordera cette question.

J'en viens maintenant à la persistance du déficit du FSV. La crise économique de 2009 a contribué à durablement dégrader le résultat du fonds avec l'envolée du nombre de chômeurs. Le compte du FSV, qui était à l'équilibre en 2008, a atteint un déficit de plus de 3 milliards d'euros en 2009 et 4 milliards d'euros en 2010. Il varie depuis lors entre 3,5 et 4 milliards d'euros chaque année.

Ce déficit s'explique principalement par l'instabilité et l'insuffisance des recettes du fonds, qui n'ont pas suivi le dynamisme des dépenses.

A son origine pourtant, le financement du FSV était simple et suffisant. Il bénéficiait de l'affectation de 1,3 point de CSG, ce qui avait permis au début des années 2000 de générer un excédent de 1,6 milliard d'euros. Cet excédent, accumulé au cours d'années relativement prospères économiquement, n'était d'ailleurs pas une anomalie pour un fond très exposé à la conjoncture.

Pourtant, dès 2001, les gouvernements successifs ont commencé à modifier le panier de recettes affectées au FSV en diminuant la fraction de CSG qui lui était attribuée.

En 23 ans d'existence, plus d'une quinzaine de recettes fiscales différentes ont été affectées au FSV, ce dernier n'ayant seulement connu que cinq années sans modification de ses ressources. L'inventivité de l'administration en matière de « plomberie » financière, qui est bien connue dans cette commission, a pleinement fonctionné pour le FSV.

La LFSS pour 2016 s'inscrit dans cette tradition en ayant modifié 12 milliards d'euros de recettes affectées au FSV. Elles sont désormais recentrées autour des seuls prélèvements sur les revenus du capital, conséquence de l'arrêt de Ruyter de la Cour de justice de l'Union européenne.

Je rappelle en deux mots le sens de cet arrêt : la France ne peut pas assujettir les revenus du capital des ressortissants d'un État-membre de l'Union Européenne à des prélèvements obligatoires finançant notre sécurité sociale si ces contribuables n'y sont pas affiliés et relèvent d'un autre système de protection sociale au sein de l'Union. Pour pouvoir conserver cette ressource qui représente 300 millions d'euros, le Gouvernement a décidé de réaffecter les 15 milliards d'euros que représentent les prélèvements sur les revenus du capital vers le FSV et la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). En contrepartie, le FSV a abandonné les recettes tirées de la fraction de CSG sur les revenus d'activité et de remplacement ainsi que la part de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) qu'il percevait.

La décision d'affecter les recettes des prélèvements sociaux sur les revenus du capital au FSV a conduit à la réorganisation de son compte, principalement en deux sections, de façon à s'assurer que ces recettes financent bien uniquement des dépenses de solidarité.

La première section, financée par ces nouvelles recettes, retrace les dépenses de solidarité, soit le minimum vieillesse et les cotisations pour les périodes non travaillées ; la seconde, qui est très partiellement financée par une fraction de la taxe sur les salaires, regroupe les dépenses considérées comme contributives au premier rang desquels le Mico.

En effet, si la première section est à peu près à l'équilibre avec les recettes tirées des prélèvements sur le capital, la seconde accuse un déficit structurel de plus de 3 milliards d'euros. Or, la règle d'infongibilité entre les deux sections, liées à l'impossibilité pour les prélèvements sur les revenus du capital de financer des dépenses contributives, conduit à ce que, à recettes constantes, la nouvelle section 2 du FSV soit durablement en déficit.

Je passe sur l'incertitude pesant sur la pérennité de la décision du Gouvernement de continuer à prélever de la CSG et de la CRDS sur ces revenus du capital tout en les affectant à des dépenses de solidarité et au remboursement de la dette sociale. Cela sera-t-il suffisant pour fermer le contentieux européen ? L'avenir nous le dira.

Notre rapport note cependant que ce nouveau panier de recettes est beaucoup plus erratique puisque les prélèvements sur les revenus du capital varient fortement d'une année sur l'autre.

Je termine cet état des lieux en évoquant la crise de gouvernance que rencontre actuellement le fonds.

Cette crise tient tout d'abord au fait que les deux organes chargés d'assurer le pilotage du FSV ne se sont plus réunis depuis 2013. Il en est ainsi du conseil d'administration, réunissant les administrations de tutelle que sont les ministères des affaires sociales et du budget, et du comité de surveillance, composé de parlementaires, des partenaires sociaux et des représentants des régimes de base.

Une importante réforme a pourtant été décidée par le décret du 7 octobre dernier, visant à intégrer administrativement le FSV à la Cnav. Cette réforme, qui n'a fait l'objet d'aucune concertation, suscite d'importantes réserves.

La première tient au fait que la Cnav se retrouve désormais à devoir contrôler les dépenses vers les régimes de base tout en étant le principal récipiendaire de ces financements. Le risque d'être « juge et partie » n'est donc pas exclu en cas de contentieux.

La seconde est liée à l'absence de cohérence entre un tel rapprochement et la volonté de cloisonner plus strictement les dépenses contributives et les dépenses de solidarité.

Enfin, la troisième a trait à la faible portée d'une telle intégration en termes d'économies, alors qu'il s'agit de la principale motivation. Elle devrait se traduire par la suppression de 5 des 6 équivalents temps plein du FSV. Les modalités sont en cours de négociation dans le cadre de la convention entre les administrations de tutelle et la Cnav.

La suppression de ces postes n'entraînera toutefois pas la suppression des tâches accomplies par les agents du fonds et qui ne seront pas si facilement mutualisées avec des fonctions existant déjà à la Cnav. C'est donc cette dernière qui devrait supporter le coût de la suppression de ces postes.

Voici donc les principaux constats que nous formulons dans ce rapport et qui ont servi de ligne directrice à nos propositions pour un FSV recentré et équilibré financièrement. Je laisse Gérard Roche vous exposer les pistes de notre réflexion.

M. Gérard Roche . - Au regard de ce bilan contrasté, la première piste que nous aurions pu emprunter était celle de la suppression du FSV. Cette piste nous est rapidement apparue comme une fausse route.

Le principal avantage que présente la suppression du FSV aurait été de simplifier les mécanismes de financement de l'assurance vieillesse en supprimant un intermédiaire. La perte de lisibilité du FSV et la persistance de son déficit font qu'il est aujourd'hui difficile de comprendre son rôle. Son existence permet même de masquer le déficit de la branche vieillesse. La difficulté à mettre en oeuvre le principe de la distinction au sein des dépenses de retraite pourrait conduire à remettre en cause l'idée qu'elle soit incarnée par un organe administratif extérieur aux régimes.

Deux éléments nous ont cependant conduits à privilégier la piste du maintien du FSV recentré sur sa mission initiale.

Il nous semble tout d'abord important, malgré les difficultés techniques qui ont été soulignées, de maintenir incarnée la distinction entre les dépenses de solidarité et les dépenses contributives afin de mettre en exergue le rôle très important de redistribution que jouent les retraites en France.

Ces dépenses de solidarité sont de trois types :

- les droits familiaux de retraite, qui renvoient à l'ensemble des avantages retraite procurés par la situation familiale. Ils doivent être financées par la Cnaf ;

- les mesures de solidarité professionnelle qui s'appuient sur l'existence d'une pension de retraite contributive, comme le Mico. Elles doivent être prises en charge directement par les régimes ;

- enfin, les dépenses de solidarité que nous appelons dans le rapport « coeur de système », qui se limitent au minimum vieillesse et à la prise en charge des cotisations pour périodes assimilées et qui doivent être financées par le FSV.

Au regard de l'importance que ces deux types de dépenses jouent dans le niveau de vie des retraités les plus modestes et des enjeux financiers considérables qu'elles représentent (16 milliards d'euros en 2016), il nous semble essentiel de maintenir un circuit de financement facilement identifiable par l'intermédiaire d'un fonds, permettant un meilleur contrôle démocratique les concernant.

C'est en effet le deuxième élément qui nous conduit à proposer le maintien du FSV. Il permet, d'une part, un contrôle parlementaire renforcé sur les dépenses qui sont à sa charge et d'autre part, une bonne information des partenaires sociaux dans le cadre du comité de surveillance.

Ces deux principes étant posés, nous formulons neuf propositions dans ce rapport parmi lesquelles deux sont particulièrement importantes.

La première vise à recentrer le FSV sur sa mission de financement des seules dépenses « coeur de système », c'est-à-dire sa mission d'origine : l'ASPA et la prise en charge des cotisations des périodes assimilées.

Cette proposition signifie concrètement supprimer la section 2 du compte du FSV à la fois dans ses dépenses et ses recettes. Elle a pour conséquence de basculer le financement du Mico directement auprès des régimes de base avec les recettes actuelles de la section 2 qui sont largement insuffisantes (3,5 milliards de dépenses pour 500 millions de recettes environ).

Cette proposition constitue donc l'« opération vérité » sur les comptes de la branche vieillesse évoquée en introduction : les régimes de base renouent avec un déficit d'environ 2,1 milliards d'euros (3 milliards d'euros de charges supplémentaires que composerait en partie l'excédent actuel de 900 millions d'euros). L'affichage est certes moins plaisant mais il correspond plus à la réalité, au regard du caractère largement théorique des dépenses du fonds.

Bien évidemment, les solutions à apporter à ce déficit ont constitué un point de divergence, le seul d'ailleurs, entre vos deux rapporteurs. Le Gouvernement soutient que la mise en oeuvre, à partir de 2020, de l'allongement de la durée de cotisation prévu dans la réforme de 2014 suffira à remettre à l'équilibre le système de retraites, qui bénéficiera par ailleurs de l'accord sur les régimes complémentaires. La majorité, au sein de cette commission, considère que ce ne sera pas suffisant et qu'un nouveau recul de l'âge légal s'avère nécessaire. J'ai soutenu l'idée, à l'automne dernier lors de la discussion du PLFSS, de repousser d'un an l'âge légal pour le porter à 63 ans. Cette mesure me semble suffisante et socialement acceptable. La question de l'équilibre des régimes de retraite est déjà au centre des débats dans la perspective des rendez-vous électoraux de 2017. Ce n'était pas l'objet de ce rapport de la trancher.

La deuxième proposition ambitieuse tient à la présentation des comptes du FSV au sein de la LFSS. Nous tenons à ce que la représentation nationale puisse formellement voter chaque année sur les comptes du fonds.

En revanche, l'article présentant les tableaux d'équilibre de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du régime général de sécurité sociale doit désormais évoluer afin d'intégrer une rubrique « FSV ». Le Parlement doit pouvoir délibérer et voter sur des tableaux d'équilibre consolidés alors qu'il ne s'exprime pour l'instant que sur les comptes des régimes de base et ensuite sur ceux du FSV. Nous reprenons ici une proposition constante de la Cour des comptes, formulée chaque année dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Un premier pas a été franchi, dans le dernier PLFSS, avec la présentation d'un tableau consolidé des comptes de la sécurité sociale dans l'annexe 4. Il faut désormais aller plus loin. Cette proposition permettrait de mettre un terme à la présentation des comptes de la sécurité sociale « hors FSV », largement reprise par la presse et qui n'a pas véritablement de pertinence.

Au-delà de ces deux propositions et outre la demande de rapport déjà évoquée, nous proposons qu'après la suppression de la section 2, les recettes et les dépenses du FSV puissent être stabilisées. Cette stabilité doit permettre de conserver la logique du fonds qui est d'assurer, avec des recettes suffisantes, le financement des dépenses au coeur du système de solidarité des retraites. Cette préconisation est évidemment suspendue aux évolutions futures du contentieux entre la France et les institutions européennes à propos des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

De même, nous souhaitons que soient réunis le plus rapidement possible le conseil d'administration et le comité de surveillance pour qu'ils puissent délibérer à la fois sur la réforme administrative en cours mais également sur les propositions que nous formulons. Nos auditions nous ont permis de mesurer la volonté des partenaires sociaux de reprendre leurs travaux au sein du comité de surveillance.

J'ai souvent assimilé le FSV à une « dépanneuse » pour expliquer comment les gouvernements successifs l'avaient utilisé pour financer des mesures qu'ils ne pouvaient faire porter aux régimes ou pour lui prendre une recette destinée à combler le déficit d'une autre branche de la sécurité sociale.

J'espère que ce rapport contribuera à sortir le FSV de cette image pour rendre enfin lisible et stable le circuit de financement de la solidarité dans le système de retraites, solidarité qui constitue, pour notre pays, un effort aussi important que nécessaire à l'égard des personnes âgées les plus modestes.

M. Jean-Noël Cardoux . - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail sur un sujet effectivement technique. Je constate qu'ils ont réussi à se mettre d'accord à l'exception de la solution à apporter au besoin de financement de la branche vieillesse que votre proposition centrale permet de bien mettre en évidence. Je salue l'aspect pédagogique de votre rapport qui nous permet d'y voir plus clair sur le FSV : il n'est pas toujours évident de bien suivre son utilisation ni les évolutions de ses recettes. Je souscris pleinement à votre proposition de recentrage du fonds sur sa mission initiale de financement de l'ASPA et des cotisations pour périodes assimilées, qui constituent effectivement l'essence même du FSV. Ma question porte sur l'incertitude en matière de recettes. Je rappelle que la C3S qui rapportait à elle seule 2,5 milliards d'euros au FSV est en voie de suppression. Par ailleurs, les principales ressources désormais affectées au fonds, les prélèvements sociaux sur les revenus du capital, sont toujours menacées d'une remise en cause en cas de nouvelle décision de la CJUE. Quelle pourrait être alors la ressource qui compenserait la perte de ces recettes ? Un transfert de l'Etat vers le FSV pourrait-il être envisagé ?

M. Georges Labazée . - Il n'est pas fait état, dans votre rapport, de l'affectation au FSV de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa). Pouvez-vous m'assurer que le fonds n'en est plus affectataire ? En tant que rapporteurs de la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, nous avions justement veillé avec mon collègue Gérard Roche à ce que la Casa soit bien désormais affectée à l'investissement pour l'équipement des logements et des établissements accueillant des personnes dépendantes. La montée en charge du fléchage prévu dans la loi de décembre dernier étant en cours en 2016, je souhaiterais m'assurer que le FSV ne bénéficie plus de ce financement dès cette année.

M. Dominique Watrin . - Je salue à mon tour le caractère pédagogique et utile de ce rapport sur le FSV. En supprimant la section 2 du compte du FSV, vous basculez le financement du Mico vers les régimes de base mais d'autres dispositifs sont-ils concernés par cette suppression ? Un mot sur les propositions évoquées pour financer le besoin de financement de la branche vieillesse qui, dans le cadre de votre proposition, serait désormais portée par les régimes de base. Bien évidemment, il nous est difficile d'agréer les pistes évoquées : le recul de l'âge légal représente un recul social évident et le statu quo proposé par le Gouvernement soulève un risque de recettes insuffisantes. Je suis surpris par vos développements sur le caractère erratique des recettes de prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Je ne vois pas les revenus du capital baisser. La presse s'est fait encore l'écho ce matin de la progression de l'ordre de 6 à 7 % des fortunes des ultra-riches, celles dépassant les 20 millions d'euros. Le patrimoine financier des Européens devrait par ailleurs augmenter de plus de 7 000 milliards d'euros d'ici à 2020. Pouvez-vous donc préciser votre propos ? N'est-ce pas précisément la bonne piste pour financer les 2 milliards d'euros de déficit restants de la branche vieillesse ?

M. Yves Daudigny . - Je félicite à mon tour les deux rapporteurs pour la pédagogie de leur rapport, rendu dans des délais très brefs. S'agissant de la présentation séparée des comptes de la sécurité sociale et du FSV, je constate que la presse reprend constamment les chiffres du FSV dans les analyses qui sont faites sur les résultats des comptes de la sécurité sociale. C'est le cas par exemple aujourd'hui, au lendemain de la présentation de bons résultats, meilleurs qu'attendus, par la Commission des comptes de la sécurité sociale. J'adhère toutefois à votre proposition permettant au Parlement de voter sur des comptes consolidés. Concernant l'acceptabilité des dépenses de solidarité dans la branche vieillesse, je souscris également à votre proposition permettant de clarifier le circuit de financement. L'évolution des recettes du fonds constitue sans doute la question la plus importante de votre rapport. Le point de départ est simple, vous l'avez rappelé : les cotisations doivent financer les dépenses contributives et la CSG sur l'ensemble des revenus les dépenses de solidarité. N'oublions pas la CRDS qui finance la dette sociale. A partir de ce schéma simple, le « plombier » qu'est Bercy opère des modifications constantes dans la tuyauterie et recours in fine à un transfert d'une part de TVA. Le système atteint aujourd'hui un tel degré de complexité que tout ce qui pourra permettre d'avancer vers plus de simplicité me semble le bienvenu. Vos propositions y contribuent.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - C'est bien une « opération vérité » qui est proposée. Elle était nécessaire ! J'avais déjà fait la proposition, lors d'un précédent PLFSS, d'intégrer les comptes du FSV dans ceux des régimes de base de la sécurité sociale mais elle n'avait pas été suivie. Force est de constater que le Gouvernement, comme ceux qui l'ont précédé d'ailleurs, n'y tient pas. Le FSV est devenu au fil des années un « fonds de défaisance » pour toutes les dépenses que le Gouvernement ne peut faire porter aux régimes. La typologie des dépenses de solidarité que vous élaborez me paraît pertinente avec comme conséquence le basculement du financement du Mico vers les régimes de base. Il fait apparaitre le véritable déficit de la branche vieillesse qui s'élève à 2,1 milliards d'euros. Je partage l'interrogation de notre collègue Jean-Noël Cardoux sur les recettes du FSV. Pour l'instant, il est financé avec les prélèvements sociaux sur les revenus du capital, ce qui me paraît d'ailleurs tout à fait moral. La solidarité prend ici tout son sens. La question de notre collègue Dominique Watrin est pertinente : pouvez-vous nous en dire plus sur les variations annuelles de ces recettes ?

Mme Nicole Bricq . - La Cour des comptes n'a-t-elle jamais travaillé sur ce sujet ?

Mme Catherine Génisson . - D'après nos informations, elle devrait le faire prochainement. Le rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale aborde bien évidemment le FSV mais à ce jour la Cour n'a jamais publié de rapport spécifique sur le sujet.

M. Gérard Roche . - L'arrêt de Ruyter n'en a pas fini de faire parler de lui. Si une nouvelle décision de la Cour de justice de l'Union européenne devait remettre en cause l'affectation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, les recettes du FSV seraient effectivement fragilisées. Nous évoquons dans le rapport, comme notre rapporteur général l'avait déjà suggéré lors de la discussion du PLFSS à l'automne dernier, la piste d'une affectation de ces recettes directement à l'Etat qui financerait alors le FSV par un transfert. Je note au passage que dans le cas d'une amélioration de la situation du chômage, les comptes du FSV pourraient assez rapidement se redresser. En effet, un taux de chômage autour de 8 % permettrait de remettre le Fonds à l'équilibre à recettes constantes.

Je réponds à l'inquiétude de Georges Labazée. La Casa n'intervient plus dans le financement du FSV. Je rappelle que dans le cadre de la loi sur le vieillissement, le Sénat a veillé à ce que si l'intégralité des recettes de la Casa n'était pas utilisée, le reliquat soit bien mis en réserve pour le fonds d'investissement pour la construction des EHPAD.

Au sujet du caractère erratique des recettes tirées des prélèvements sur les revenus du capital, je rappelle qu'elles proviennent des revenus du patrimoine et des revenus de placement. L'instabilité de ces prélèvements est due à leurs différentes assiettes (revenus immobiliers, placements obligataires ou en action) qui varient elles-mêmes fortement chaque année. Une variation des recettes entre 5 et 10 points n'est pas rare d'une année sur l'autre.

Pour répondre à la question de Dominique Watrin sur la section 2 du FSV, il est vrai que cette section retrace les dépenses du Mico mais aussi de la majoration de pension pour conjoint à charge, qui est un dispositif peu onéreux (38 millions d'euros) et en voie d'extinction à la suite de sa suppression par la réforme des retraites de 2010. Nous proposons qu'elle soit financée par la Cnaf.

Je rejoins Yves Daudigny sur la très grande difficulté pour y voir clair parmi l'ensemble des dépenses de solidarité dans le système des retraites. Nous proposons donc une typologie, certes imparfaite, mais qui justifie l'existence du FSV chargé de financer les dépenses de solidarité nationale.

Pour conclure, je reviens sur la nécessité de relancer les organes de gouvernance du FSV. Les partenaires sociaux doivent être informés sur les dépenses de solidarité. Il faut que le FSV reprenne vie !

Mme Catherine Génisson . - Ce sujet est effectivement d'une grande complexité et en particulier les règles de calcul permettant d'établir les dépenses forfaitaires du fonds aux régimes pour la prise en charge des cotisations au titre des périodes assimilées. Nous demandons à ce qu'un rapport soit remis au Parlement pour expliciter et évaluer les taux de réfaction qui sont à la base de ces règles. Il permettra d'y voir plus clair y compris pour celles et ceux qui les utilisent car toutes les personnes auditionnées ont considéré que ces taux de réfaction représentaient des « cotes mal taillées ». Ce n'est sans doute pas une source d'économie mais ce sera un plus pour la transparence.

M. Gérard Roche . - Et ce d'autant plus dans la situation à venir où la Cnav va devenir « juge et partie », ce qui renforce l'exigence de transparence et de mise en place de procédures de contrôle interne.

M. Alain Milon, président . - Merci d'avoir éclairé notre commission sur ce sujet effectivement complexe. La commission autorise-t-elle la publication de ce rapport ? Il sera donc publié.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

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