C. LES SERVICES INTERNES DE SÉCURITÉ PROPRES AU GROUPE PUBLIC FERROVIAIRE ET À LA RATP

L'article L. 2251-1 du code des transports autorise deux opérateurs de transport, la SNCF et la RATP, à disposer de « services internes de sécurité » . Ces services « sont chargés, dans le cadre d'une mission de prévention , de veiller à la sécurité des personnes et des biens, de protéger les agents de l'entreprise et son patrimoine et de veiller au bon fonctionnement du service ».

Pour souligner la spécificité de ces missions et éviter toute confusion avec la « sécurité », entendue comme l'ensemble de procédures techniques permettant d'assurer la circulation des trains ou métros sans accident, les deux entreprises ont préféré le terme de « sûreté » pour les désigner.

1. La sûreté générale (SUGE) du groupe public ferroviaire
a) Le principe d'un service interne de sécurité

Dès la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, des sanctions spécifiques ont été définies pour les atteintes au réseau ferroviaire, et les anciennes compagnies ferroviaires disposaient déjà de leur propre service de surveillance. Lorsque la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a été créée en 1937, ces services ont été unifiés au sein de la « Sûreté générale », ou SUGE.

Les missions de la SUGE couvrent un large champ, puisqu'elle est chargée de lutter contre les incivilités (par exemple, le fait de fumer dans un espace non autorisé ou les dégradations de matériel), contre la fraude , contre le vol (de bagages dans les gares ou à bord des trains, ou de métaux, sur le réseau), de protéger les personnels du groupe public ferroviaire, de contrôler la qualité des prestations des sociétés de sécurité privée déployées dans les gares, et de contribuer à la lutte contre le terrorisme.

Les 2 800 agents de la SUGE sont recrutés, formés et rémunérés par l'entreprise. S'ils peuvent constater par procès-verbal les infractions au code des transports, procéder à des interpellations ou des investigations sur les actes de malveillance physiques ou financières, ils ont avant tout pour mission de prévenir ces différents actes. Ils participent ainsi à la création d'un sentiment de sécurité pour les usagers des transports ferroviaires, dont les répercussions commerciales sont évidentes. Outre qu'elle incite les usagers à utiliser ce type de transport, la prévention des différents actes de malveillance susmentionnés permet d'éviter certains retards.

Le recrutement des personnels de la SUGE

Pour rejoindre la SUGE, il faut avoir au moins 21 ans et avoir obtenu le brevet d'études professionnelles (ou un diplôme équivalent), le baccalauréat (ou un diplôme équivalent) ou le diplôme d'adjoint de sécurité ou de gendarme adjoint volontaire. Il faut avoir un casier judiciaire vierge et satisfaire aux critères d'honorabilité et de probité exigés par la loi, pour obtenir l'assermentation et l'autorisation du port d'armes, ce qui est vérifié par une enquête de moralité. Le recrutement se fait en plusieurs étapes, suivi d'une période de formation.

La SUGE procède, en amont, à un travail de veille, d'analyse et d'anticipation des risques . Sur le terrain, ses agents patrouillent dans les gares et dans les trains, en général en tenue. Le port des armes leur est autorisé. Ils peuvent être accompagnés d'équipes cynophiles 13 ( * ) .

Si la SUGE est un héritage du passé , son existence est aujourd'hui justifiée par la spécificité du domaine ferroviaire . Les agents de la SUGE disposent de toute l'information relative à la circulation des trains en temps réel et savent comment intervenir sur le réseau de la façon la plus adéquate, en évitant les dangers liés à la circulation des trains ou l'électrification des lignes. Cette bonne connaissance du réseau et de ses dangers est indispensable pour exercer les missions de la SUGE et justifient l'existence d'un service interne de sûreté spécifique à l'entreprise , plutôt que le recours à des entreprises de sécurité privée.

C'est la raison pour laquelle les articles 63 à 68 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ont consacré l'existence des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP 14 ( * ) , tout en les soumettant à certaines dispositions de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité 15 ( * ) .

b) Le positionnement de la SUGE au sein du nouveau groupe public ferroviaire composé de la SNCF, de SNCF Mobilités et SNCF Réseau

La SUGE était rattachée à la Société nationale des chemins de fer jusqu'à la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, qui a réuni la Société nationale des chemins de fer et Réseau ferré de France (RFF) au sein d'un groupe public ferroviaire unique, composé de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) : SNCF Mobilités, en charge de l'exploitation des services de transport, SNCF Réseau, qui a la responsabilité du réseau, et un EPIC « de tête » SNCF.

Celui-ci s'occupe du contrôle et du pilotage stratégiques de l'ensemble du groupe, de fonctions mutualisées et de « missions transversales nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national, exercées au bénéfice de l'ensemble des acteurs de ce système, notamment en matière de gestion de crise et de préservation de la sûreté des personnes, des biens et du réseau ferroviaire ». La SUGE lui a donc été rattachée.

L'article 23 de la loi a ajouté au code des transports un nouvel article L. 2251-1-1, qui précise que la SUGE doit remplir ses missions « au profit de SNCF Réseau, de SNCF Mobilités et de l'ensemble des autres entreprises ferroviaires utilisatrices du réseau ferré national ainsi que de leurs personnels, à leur demande et dans un cadre formalisé. » Il permet ainsi à la SNCF de réaliser des prestations de sûreté pour l'ensemble des opérateurs utilisant le réseau ferroviaire français (Thalys, Eurostar, Thello, etc.)

Ces prestations doivent être facturées auprès des différentes instances pour lesquelles la SUGE intervient, qu'il s'agisse des EPIC du groupe public ferroviaire (SNCF Mobilités et SNCF Réseau) ou des autres opérateurs. Pour que l'exécution de ces prestations s'effectue dans des conditions transparentes, équitables et sans discrimination entre les entreprises ferroviaires, la SNCF doit publier chaque année un document de référence et de tarification des prestations de sûreté, soumis à un avis conforme de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Un décret du 10 juillet 2015 a précisé les obligations de la SNCF à ce sujet.

Ce document devra être transmis au plus tard le 30 avril 2016, pour une publication au 1 er septembre 2016 mais jusqu'à cette date, la SNCF peut facturer des prestations de sûreté en application de contrats transmis pour information à l'Arafer.

c) Les moyens dédiés à la sûreté par le groupe public ferroviaire

Pour exercer ses missions, la SUGE s'appuie sur un dispositif de vidéoprotection composé de près de 33 300 caméras, réparties de la façon suivante :

- plus de 12 000 caméras en gare, dont près de 8 000 en Île-de-France ;

- plus de de 21 000 caméras dans les trains, dont 11 000 sur le réseau Transilien 16 ( * ) .

Les caméras installées en gare sont reliées au poste de commandement national « sûreté » de la SUGE, ainsi qu'aux centres de gestion des appels, chargés de la réception des appels par les bornes d'appel d'urgence et le numéro dédié 31 17. Ces entités peuvent projeter les images en temps réel sur leurs écrans de contrôle lorsqu'un incident leur est signalé.

Le 31 17 et le 31 177

Le 31 17 est un numéro d'appel d'urgence , gratuit, permettant aux usagers du transport ferroviaire d'alerter l'entreprise de tout incident relatif à la sûreté (agression ou vol par exemple) ou à la santé (malaise ou chute). Par rapport aux numéros d'appel d'urgence classiques, il facilite l'intervention des secours dans les trains, puisqu'il permet d'informer les secours en temps réel de la localisation de l'appel, ce qui est utile lorsque celui-ci est effectué depuis un train en circulation.

Créé le 1 er février 2011 pour le réseau Transilien, ce service a été généralisé en 2013 à l'ensemble du territoire national, et élargi depuis le 1 er septembre 2015 aux alertes terroristes. Les 35 opérateurs chargés de la réception de ces appels, issus de sociétés de sécurité privée, ont reçu une formation spécifique afin d'identifier au mieux le risque encouru. 18 000 appels d'urgence ont été recensés depuis le début de l'année. Une recrudescence des appels a été constatée après la tentative d'attentat du Thalys.

Depuis le 14 décembre 2015, les usagers disposent en outre de la possibilité d' envoyer des sms au 31 177 (numéro non surtaxé, seul le prix du sms étant facturé par l'opérateur), qui sont aussi redirigés vers les centres d'appel. L'objectif est d'offrir aux usagers un nouveau moyen de communication, plus discret qu'un appel téléphonique, en cas d'incident.

Des opérations de vidéoprotection active , au cours desquelles des agents de sociétés de sécurité privée installés derrière les écrans sont chargés de repérer des comportements malveillants ou anormaux directement sur les images projetées en temps réel, sont aussi conduites.

En revanche, les caméras intégrées dans les matériels roulants ne peuvent pas être diffusées en temps réel (sauf lorsqu'elles constituent une aide à la conduite), et ne peuvent donc être exploitées qu' a posteriori , pour identifier les auteurs d'actes de malveillance.

La SUGE a également recours à d'autres dispositifs technologiques , comme les nanodrones et autogires, destinés à la surveillance des infrastructures du réseau, en complément d'un dispositif d'alarmes mobiles.

Au total, le budget annuel alloué par le groupe public ferroviaire à la sûreté est estimé à 400 millions d'euros , dont 200 millions d'euros pour la SUGE , environ 80 millions d'euros pour la vidéoprotection, 80 à 90 millions d'euros pour les prestations des sociétés de sécurité privée. Celles-ci sont pour l'essentiel des prestations de vigilance, de surveillance et de contrôle d'accès, mais aussi de contrôle des bagages au rayons X dans les consignes, de vidéoprotection active dans les grandes gares et de gestion des centres d'appels d'urgence.

De façon générale, la question de la sûreté concerne l'ensemble du groupe public ferroviaire , qui a déployé, dans tout son organigramme, un réseau de responsables et référents en matière de sûreté. L'ensemble des agents du groupe ont vocation à participer à la prévention d'incidents et à l'information des services de sûreté. Ils disposent pour cela d'une application mobile, CEZAR 17 ( * ) , qui leur permet de signaler tout fait relatif à la sûreté. Certaines catégories de personnels, comme les contrôleurs ou les agents qui parcourent l'ensemble du réseau, ont un rôle particulier à jouer dans ce domaine.

2. Le groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) de la RATP

La RATP a été dotée d'un service de surveillance générale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dénommé « surveillance générale RATP », et d'un groupe d'intervention et de protection des réseaux, le GIPR, en 1989. Ces deux services ont été réunis au sein du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) en 1994.

Le département de la sécurité de la RATP est désormais constitué de 1 200 agents, dont 1 000 appartiennent au GPSR. Ils sont chargés de la sûreté du réseau et du confort des voyageurs, en assurant leur accueil et leur information, en leur portant, ainsi qu'aux personnels de la RATP en cas de besoin, assistance et secours, en dissuadant les actes d'incivilité sur l'ensemble du réseau ou encore en faisant respecter les différentes réglementations en vigueur.

Comme les agents de la SUGE, ils sont recrutés, formés et rémunérés par l'entreprise. Pour rejoindre le GPSR, il faut avoir au moins 21 ans, être titulaire d'une carte nationale d'identité ou d'un titre de séjour de dix ans en cours de validité, avoir un casier judiciaire vierge, être en capacité d'obtenir l'assermentation et l'autorisation du port d'armes, être titulaire du permis B. Aucun diplôme n'est exigé.

Le GPSR s'appuie sur un réseau de 9 680 caméras déployées dans les espaces publics et 28 730 dans le matériel roulant .

3. La prise en charge des questions de sûreté dans les autres réseaux de transports

En province, les opérateurs de transport ne sont pas autorisés à disposer de services internes de sécurité dotés des mêmes pouvoirs que les agents de la SUGE ou du GPSR. Ils disposent néanmoins de personnes affectés à la sûreté et peuvent aussi avoir recours à des sociétés de sécurité privée.

Dans son rapport sur la sûreté dans les transports publics urbains en 2014, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) recense ainsi, au sein des entreprises soumises à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs ayant répondu à l'enquête, près de 2 500 salariés affectés dans des services dédiés ou participant à la sûreté, soit environ 5,2 % des effectifs totaux.

Les opérateurs de transport s'appuient également sur un important réseau de vidéoprotection, puisque 83 % des véhicules en sont équipés.

Au total, le coût global de la sûreté est évalué à 185 millions d'euros par 86 entreprises ayant répondu à l'enquête, représentant 76 % de l'effectif total de la profession. Ce montant n'inclut pas les investissements réalisés par les autorités organisatrices elles-mêmes.


* 13 26 équipes cynotechniques peuvent être mobilisées sur le territoire national.

* 14 Désormais codifiés aux articles L. 2251-1 et suivants du code des transports.

* 15 Cette loi a été abrogée, ses dispositions ayant été intégrées au livre VI du code de la sécurité intérieure.

* 16 Le réseau Transilien est le réseau de trains de banlieue desservant la région parisienne, qui comprend notamment (mais pas seulement) les lignes de RER.

* 17 Connaître l'évolution des zones à risques.

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