COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE AVEC LES REPRÉSENTANTS DES AMBASSADES D'ALLEMAGNE, DE BELGIQUE, D'ESPAGNE, DES ÉTATS-UNIS ET DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG
Compte rendu de la table ronde
avec les représentants des
ambassades
d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne, des États-Unis
et
du Grand-Duché de Luxembourg
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MERCREDI 25 NOVEMBRE 2015
M. Alain Fouché, rapporteur . - Mes chers collègues, nous accueillons plusieurs représentants des ambassades d'Allemagne, du Grand-Duché de Luxembourg, de Belgique, d'Espagne et des États-Unis, dans le cadre de cette table ronde organisée au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des lois.
François Bonhomme et moi avons souhaité, à la suite de la tentative d'attentat d'août dernier dans le Thalys, analyser les moyens d'améliorer la sécurité dans nos gares face à la menace terroriste. L'actualité récente nous a malheureusement confirmé l'importance de cette question.
Mesdames et Messieurs les conseillers d'ambassade, votre présence nous permettra d'obtenir de précieux éléments de droit comparé.
Vos législations nationales vous imposent-elles de disposer d'un document d'identité et, dans l'affirmative, d'être en mesure de le présenter dans les transports en commun ? Les billets de transports sont-ils nominatifs dans vos pays ?
Quels sont les moyens utilisés pour assurer la sécurité au sein des transports en commun dans vos États respectifs ? Vos opérateurs de transport disposent-ils de leurs propres services de sûreté ? Dans l'affirmative, quels sont les moyens juridiques de ces services ?
M. François Bonhomme, rapporteur . - À mon tour, je souhaiterais remercier nos invités de leur présence et leur poser quelques questions complémentaires.
Vos États ont-il recours à des dispositifs de protection de type portail ou scanner pour assurer la sécurisation des gares et des trains, ou cette protection est-elle plutôt assurée par la présence humaine ou par un recours accru à la vidéosurveillance ?
Des techniques alternatives de type biométrie ou profiling sont-elles utilisées ou en cours d'expérimentation ?
Comment la lutte contre la fraude est-elle assurée ?
Mme Annegret Korff, attachée de l'ambassade d'Allemagne en France . - Après la tentative déjouée d'attentat dans le Thalys, l'Allemagne a souligné, au niveau européen, que des mesures de sécurisation devraient être prises mais qu'elles devraient rester proportionnées afin de ne pas compromettre les principes fondamentaux d'ouverture, d'accessibilité et de facilité d'utilisation des transports.
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a annoncé hier que des portiques seraient installés dans les gares accueillant des trains Thalys. L'Allemagne, également desservie par ce type de trains, n'a pas été consultée et ne prévoit pas de mettre en oeuvre une telle mesure dans ses gares.
Dans notre pays, la sécurité des transports est majoritairement assurée par la Bundespolizei , la police étatique, aussi bien dans le domaine préventif que répressif, pour garantir la sécurité et la liberté des voyageurs.
La Deutsche Bahn assure également des missions de sécurité privée à l'aide des quelques 5 000 agents qu'elle emploie.
Depuis 2000, la concertation étroite entre les deux intervenants a été renforcée par la création d'un centre commun de coordination des mesures de sécurité, dont les résultats sont très satisfaisants.
Notre législation n'impose pas aux personnes dotées de la nationalité allemande d'être munies en permanence d'une pièce d'identité ; en cas de contrôle, elles doivent simplement être en mesure de s'identifier rapidement auprès d'un commissariat de police. Le port d'une pièce d'identité est en revanche impératif pour les étrangers.
En cas de menace concrète, la Bundespolizei a le droit de contrôler les documents d'identité dans les transports et de fouiller les bagages. Ces contrôles et fouilles ne sont donc pas automatiques ou effectués sans raison précise. La police des chemins de fer est armée, à la différence des agents de sécurité de la Deutsche Bahn . Ces derniers ne peuvent pas imposer aux voyageurs de prouver leur identité ni les contraindre à ouvrir leurs bagages.
Il n'existe pas, en Allemagne, de portails ou de scanners dans les gares. En revanche, la plupart d'entre elles sont équipées de dispositifs de vidéosurveillance financés par la Deutsche Bahn . Seule la Bundespolizei peut avoir accès aux données recueillies qui sont conservées pendant 48 heures.
Des techniques de reconnaissance biométrique ont été tentées il y a quatre ans, mais elles n'ont pas été concluantes.
Le contrôle des titres de transport est effectué exclusivement par les contrôleurs de la Deutsche Bahn . La Bundespolizei n'est pas autorisée à en réaliser. La lutte contre la fraude n'est pas considérée comme un problème majeur par le ministère de l'intérieur allemand. D'ailleurs, avec les flux migratoires enregistrés depuis le mois de septembre - 5 000 à 10 000 personnes entrent en Allemagne chaque jour - le taux de fraude n'a augmenté que de 1 %.
En Allemagne, un titre de transport donne accès à un train mais pas à une place réservée. Par conséquent, il n'a jamais été jugé nécessaire que les billets soient nominatifs, même dans les trains à grande vitesse ou dans les trains internationaux.
Mme Marie-Jeanne Dos Santos, conseiller de l'Ambassade du Grand-Duché de Luxembourg en France . - Le Luxembourg a adopté après les attentats de janvier 2015 le plan « VIGILNAT », équivalent du plan Vigipirate français. Depuis le mois d'août, après la tentative déjouée d'attentat, le niveau de menace a été maintenu à 2 sur une échelle pouvant monter jusqu'à 4. Il n'a pas été rehaussé après les attentats du mois de novembre. Le dispositif actuel de sécurité pourrait être plus important si le niveau de menace venait à évoluer.
Tous les résidents du Grand-Duché de Luxembourg doivent s'enregistrer auprès de leur commune et sont tenus de pouvoir prouver rapidement leur identité en cas de contrôle.
Les billets de transports intérieurs ne sont pas nominatifs. Dès lors, la présentation d'une pièce d'identité n'est pas obligatoire pour en acheter.
La ville de Luxembourg, en Europe, est l'une des seules communes où coexistent plusieurs systèmes de rails très différents : tantôt français, tantôt belges, tantôt allemands ou luxembourgeois. Pour ne pas bouleverser la fluidité de circulation des quelques 100 000 frontaliers qui traversent chaque jour nos frontières, aucun portique de sécurité n'a été installé.
Des équipes de sûreté employées par l'entreprise gérant notre système ferroviaire national sont présentes dans certains trains ou certaines gares considérées comme sensibles - par exemple en raison de l'affluence des voyageurs ou, actuellement, du fait de leur proximité avec la frontière française. Ces équipes ne sont pas armées et n'ont pas les moyens juridiques d'effectuer des contrôles de personnes.
Comme en Allemagne, la police - qui est armée - peut contrôler des personnes et des bagages, mais cela n'est pas systématique.
Une réflexion est actuellement menée sur l'opportunité de créer une police spécifique des transports.
Depuis que notre plan de vigilance est au niveau 2, les services des douanes sont également présents dans certains trains ou certaines gares sensibles. Leurs agents ne sont pas armés.
La vidéosurveillance est présente dans la majorité des trains et des autobus.
Aucune technique biométrique n'est en cours d'expérimentation.
La fraude n'est pas un sujet de préoccupation : en effet, la présence du personnel à bord des trains et des autobus entraîne des contrôles systématiques.
Mme Nathalie Cassiers, ministre-conseiller de l'Ambassade de Belgique en France . - Tout citoyen belge doit être en permanence en possession d'un titre d'identité, y compris dans les transports en commun.
Un Comité fédéral pour la sûreté du transport ferroviaire a été créé par un arrêté royal en décembre 2013. Placé sous l'autorité du directeur général du transport terrestre, ce comité est composé de représentants du ministère des transports et du ministère de l'intérieur, de l'administrateur général de la sûreté de l'État, du directeur général de l'administration des douanes, du directeur général de la police administrative et fédérale, du sous-chef d'État-major des renseignements et de la sécurité du ministère de la défense, d'un représentant du ministère des affaires étrangères, de la direction générale de l'environnement et de la SNCB - société nationale des chemins de fer belges.
Ce comité procède à des études de vulnérabilité afin de déterminer si le matériel, les installations et les infrastructures auraient besoin d'un plan de sûreté. Il peut également adresser des avis et coordonner des études, qui ont d'ailleurs conduit à l'élaboration, par la SNCB, d'un plan opérationnel stratégique contre le terrorisme. Le contrat de gestion conclu entre cette société et l'État belge comprend un article spécifique sur la lutte contre le terrorisme. Le plan d'action a classé les gares belges en différentes catégories en fonction de leur taille et des risques liés aux actes de terrorisme, à partir d'indicateurs précis.
Un budget est octroyé annuellement au transport par rail dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
La Belgique a mis en oeuvre une directive européenne de 2008 sur les infrastructures critiques. Un arrêté royal est en cours d'adoption pour préciser son application aux infrastructures ferroviaires.
La police des chemins de fer, au sein de la direction générale de la police administrative, se compose de services centraux et déconcentrés. Elle est chargée de missions spécialisées de police administrative : accueil dans les gares, interventions sur les quais, assistance policière aux victimes, gestion policière des événements, recherches judiciaires, etc.
Enfin, pour faire écho aux déclarations de la ministre française de l'écologie, j'ignore s'il est prévu d'installer des portiques dans les gares belges, mais il n'en existe pas à l'heure actuelle.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Ségolène Royal a indiqué dans un communiqué de presse que des portiques pourraient être installés à Bruxelles. Qu'en est-il ?
Mme Nathalie Cassiers . - On envisage beaucoup de choses, mais pour ce qui est des portiques, je ne sais pas si une décision a déjà été prise.
M. François Bonhomme , rapporteur . - Je passe la parole aux représentants espagnols, car nous portons un intérêt tout particulier aux mesures spécifiques qui ont pu être mises en place suite aux attentats de la gare d'Atocha, en 2004.
Mme Elena Perez-Villanueva, conseillère à l'ambassade d'Espagne . - Hélas, nous avons effectivement une triste expérience en la matière, puisque les attentats de Madrid ont fait 191 morts. Cet événement nous a conduit à renforcer la sécurité à la fois dans les gares et sur les réseaux.
Tout d'abord, en Espagne, le port d'une carte nationale d'identité est obligatoire dès 14 ans, y compris lors des déplacements dans les transports. Les billets ne sont pas nominatifs, sauf dans certaines situations, dans le cadre d'une offre promotionnelle par exemple. C'est souvent le cas pour les trains à grande vitesse. Il faut alors renseigner le nom et le numéro de carte d'identité ou de passeport de la personne qui voyage ; ces informations sont à fournir pour l'ensemble des personnes qui voyagent si elles sont plusieurs. On estime qu'environ 50 % des voyageurs des trains à grande vitesse ont eu recours à une offre promotionnelle ; ce sont autant de voyageurs dont les informations sont « traçables ».
Concernant la législation, la sécurité relève à la fois du code pénal, de la loi sur le secteur des transports, de celle sur la sécurité citoyenne, de la loi sur le transport de matières dangereuses, sur la protection des données et des infrastructures critiques, et également de plans de prévention spécialement élaborés pour les transports en commun. Mais nous n'avons pas légiféré spécifiquement sur la sécurité dans les transports en commun après les tragiques évènements de 2004. Par ailleurs, la sécurité est à la fois assurée par les personnels du gestionnaire des infrastructures, ADIF, et de l'opérateur, RENFE, et par des sociétés privées.
M. François Bonhomme , rapporteur . - Quels sont les différents types de pouvoirs de police dont disposent ces personnels ?
M. Alain Fouché , rapporteur . - Existe-t-il une police ferroviaire ?
Mme Elena Perez-Villanueva. - Une brigade mobile de la police nationale est autorisée à monter armée à bord des trains, mais ce n'est évidemment pas systématique.
Il existe divers types de contrôles, ils sont de divers types. Pour l'accès aux trains à grande vitesse ou longue distance, les bagages sont passés au scanner et un contrôle de routine sélectif est effectué sur les passagers, grâce à un détecteurportable.
Les consignes pour bagages sont également équipées d'un scanner ainsi que de caméras de surveillance. Des caméras ont d'ailleurs été installées dans toutes les gares, et les images peuvent être observées en temps réel dans les centres de sécurité et les centres de coordination et de contrôle, qui gèrent la sûreté.
Nous avons également un système anti-intrusion, qui envoie des signaux au poste de sécurité. Celui-ci conduit plusieurs missions : il analyse les risques, contrôle les signaux d'alerte et les images de vidéosurveillance, et coordonne la gestion des incidents grâce à une série de protocoles établis. Dans le cas d'une menace terroriste avérée ou d'un colis suspect, le poste suit donc les différentes étapes du protocole et peut, s'il l'estime nécessaire, contacter la police ou la guardia civile .
Il existe également des patrouilles mixtes de la police nationale espagnole et de la police aux frontières française dans le cadre des liaisons Irun, Hendaye et Cerbère.
Les personnels des sociétés privées de sécurité ne disposent pas du pouvoir de police judiciaire : ils ne peuvent donc pas procéder à des contrôles d'identité ou à des palpations de sécurité. Les contrôleurs à bord des trains ne peuvent pas non plus obliger un passager à décliner son identité ; seule la police peut exiger cette information d'un voyageur.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Avez-vous mis en place des mesures de sécurité spécifiques pour les trains de banlieue ?
Mme Elena Perez-Villanueva . - C'est très compliqué : les billets ne sont pas nominatifs, il y a énormément de voyageurs... Là encore, une surveillance est opérée par des sociétés privées, qui peuvent, si nécessaire, faire appel à la police. Les gares sont équipées de caméras de vidéosurveillance. Il est difficile d'aller plus loin.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Je vous remercie. Je passe maintenant la parole à M. James Duncan, qui représente les Etats-Unis.
M. James Duncan, représentant de la Transport Security Administration (TSA) . - Je vais m'exprimer ici au nom de la Transport Security Administration (TSA), qui est une agence fédérale. Celui-ci collabore d'ailleurs étroitement avec la direction générale de l'aviation civile (DGAC) sur les questions de sécurité aérienne.
La loi fédérale donne à la TSA tout pouvoir sur les infrastructures et réseaux de transport du territoire, que ce soit pour le transport de passagers ou de fret par route, rail, avion ou bateau, ou pour le transport de matières premières, grâce aux oléoducs, par exemple. Nous avons développé une réglementation très complète en ce qui concerne la sécurité aérienne, ce qui a été facilité par le fait que la TSA est à la fois le régulateur et l'opérateur du secteur. Nous disposons d'environ 50 000 agents de sécurité qui contrôlent les passagers et les bagages. Si la TSA dispose de la même autorité en ce qui concerne le transport ferroviaire, nous ne l'avons jamais utilisée dans la même mesure que pour le transport aérien ; par exemple, nous n'avons pas de portiques de sécurité dans les gares.
La TSA n'envisage pas, pour le moment, de développer une réglementation plus stricte pour le transport ferroviaire, même si, depuis l'attaque du Thalys, nous prêtons une attention renforcée à ce secteur. Aujourd'hui, les opérateurs privés mettent en place leurs propres programmes pour assurer la sécurité des passagers. Il n'existe aucun contrôle de l'identité des voyageurs avant leur montée dans le train et les billets ne sont pas nominatifs. La seule exception concerne les trains internationaux, vers le Canada et le Mexique, pour lesquels les passagers doivent être en possession d'un document d'identité. Pour être tout à fait franc, une des raisons pour lesquelles des contrôles de sécurité stricts n'ont pas été mis en place est que, jusqu'à récemment, le système ferroviaire n'avait jamais été considéré comme une cible potentielle d'attaque terroriste. Nous sommes en train de réévaluer notre position sur ce sujet.
Je le répète, le système ferroviaire reste très ouvert ; il n'y a pas de procédure uniformisée sur l'ensemble du territoire, pas de contrôle systématique, et aucune obligation pour les passagers d'être en mesure de prouver leur identité.
Les programmes de sécurité, dont l'élaboration est laissée aux opérateurs privés, sont contrôlés par la TSA. La mise en oeuvre de ces programmes est confiée conjointement aux autorités locales et aux opérateurs.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Comment la police intervient-elle dans les trains qui traversent plusieurs Etats ?
M. James Duncan . - AMTRAK, qui est le principal opérateur ferroviaire aux États-Unis, possède son propre service de sécurité à bord des trains. Ils peuvent donc intervenir quel que soit l'État dans lequel se trouve le train. Cependant, la tâche est compliquée par la législation locale, qui s'applique en plus des lois fédérales et qui varie d'un État à l'autre, tant dans son contenu que dans sa mise en oeuvre : les forces de police locale et les personnels de sécurité des trains ont donc une compétence conjointe. Il faut savoir que la TSA ne dispose pas d'une « police du rail », contrairement à ce qui a été mis en place pour le secteur aérien. Il peut donc y avoir, ponctuellement, une présence policière - et celle-ci est toujours armée, qu'il s'agisse de la police locale ou de la police fédérale -, à bord des trains, mais ce n'est pas systématique.
Nous avons une réglementation spécifique pour les situations d'urgence, notamment pour répondre à des menaces précises, ou dans le cas d'événements d'importance. Ces procédures d'urgence incluent le contrôle aléatoire des passagers et des bagages grâce à des portiques, la présence d'officiers formés à l'analyse comportementale, la mobilisation d'agents de police - en particulier des agents de la police de l'air -, et d'experts en explosifs assistés de chiens. Le programme VIPR ( Visible Intramodal Prevention and Response ) permet donc le déploiement de forces de prévention et d'intervention sur n'importe quelle zone du territoire américain.
Les équipes du programme VIPR mènent par ailleurs, dans le cadre d'un programme annuel, des actions temporaires de contrôle dans les gares et stations de métro.
La TSA a par ailleurs développé un contrôle biométrique des employés des aéroports, en particulier pour les personnes ayant accès à des zones sécurisées, qui sera mis en place à titre expérimental d'ici deux ans. En fonction des résultats, nous envisagerons dans un second temps l'extension de cette mesure au secteur ferroviaire.
M. François Bonhomme . - Vous avez évoqué la présence de profiler dans les équipes VIPR. Avez-vous envisagé d'utiliser des contrôles biométriques ?
M. James Duncan . - Aux États-Unis, nous n'aimons pas le terme de profiler , il est beaucoup trop controversé. Il est réglementé. Les experts dont j'ai parlé sont formés à la détection objective de certains comportements, qui doivent alerter et déclencher un niveau d'implication des équipes de sécurité plus élevé.
M. François Bonhomme . - Il paraît que la chaleur corporelle d'un individu sur le point de commettre un délit augmente. Pouvoir détecter un tel changement, avec des caméras thermiques notamment, pourrait-il aider les experts comportementaux ?
M. James Duncan . - Ce type de surveillance est très encadré par la Cour Suprême. S'il est utilisable ponctuellement, il n'est pas généralisable.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Vous n'avez pas évoqué la fraude. Est-ce un problème aux Etats-Unis ?
M. James Duncan . - Nous sommes tout entier tournés vers la sécurité. La fraude est un non-sujet.
M. James Duncan . - Nous nous concentrons essentiellement sur la sécurité. La fraude est un non-sujet. Il existe des caméras de surveillance dans les gares mais elles sont placées sous l'autorité des opérateurs locaux : leur mise en oeuvre ne s'effectue pas dans un cadre fédéral, la TSA n'intervient donc pas.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Mais l'échelon fédéral peut-il avoir accès aux images enregistrées dans ce cadre ?
M. James Duncan . - En cas d'incident, les agents fédéraux ont un accès immédiat aux images. Le travail s'effectue en étroite collaboration avec les opérateurs locaux.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Merci beaucoup pour ce tour de table. Je propose aux sénateurs qui assistent de poser quelques questions.
M. Louis Nègre . - Je vous remercie tous de votre présence. Vos interventions montrent la diversité profonde qu'il existe, ne serait-ce qu'à l'échelle de l'Europe. On a également le sentiment qu'au Luxembourg par exemple, le degré de vigilance n'est pas aussi élevé que dans les pays voisins.
Aux États-Unis, il a fallu attendre l'attentat manqué du Thalys pour que des contrôles soient effectués à bord des trains. Ces attentats peuvent aussi survenir dans le métro, comme au Japon avec des gaz toxiques. Le risque existe sur les grandes lignes mais le risque est aussi très fort sur les lignes de métro. J'ai bien compris qu'en Espagne, il fallait disposer d'une carte d'identité dès qu'on était sur la voie publique, mais aux États-Unis, quel document d'identité pouvez-vous demander pour contrôler l'identité. Certains intervenants ont jugé que la fraude dans les transports était marginale, mais quel est son pourcentage ?
M. James Duncan . - Tout dépend du train dans lequel vous circulez. Par exemple, un train entre Washington et New-York fera l'objet de contrôles. Il y en sans doute moins entre Akron et Minneapolis. Plus le risque de fraude est élevé, plus il y a une probabilité de contrôle. Ce contrôle n'est cependant pas systématique. Quant à la pièce d'identité, il n'y a pas d'obligation de prouver son identité.
M. Louis Nègre . - Si l'on vous contrôle et que vous n'avez pas de billet, comment contrôle-t-on votre identité ?
M. James Duncan . - En réalité, l'identification se fait par le billet. Il n'y a pas d'obligation d'avoir une pièce d'identité. Il y a des milliers de pièces d'identité, au niveau local, mais à moins d'être dans le cadre du programme VIPR, il n'existe aucune obligation de prouver son identité.
Mme Odette Herviaux. - Je voulais également remercier très sincèrement les intervenants ; cela nous permet de disposer d'un certain recul sur le sujet. Il est en effet important de distinguer entre ce qui relève de la sécurité et ce qui relève de la fraude. Il me semble que cette distinction avait été précisée lors de la mise en place de la mission d'information.
M. Alain Fouché , rapporteur . - La mission d'information traite seulement de la question de la sécurité et non de la fraude.
Mme Odette Herviaux. - J'aimerais demander aux intervenants ayant évoqué la mise en place de contrôles, qui donc allongent les délais, une estimation du temps d'avance nécessaire aux voyageurs pour arriver avant l'embarquement. Nous sommes tous attachés au principe d'un transport ferroviaire ouvert mais quand on voit les flux, on imagine mal un contrôle systématique à l'instar de ce qui est fait pour les avions.
Mme Elena Perez-Villanueva. - Je pense que pour les contrôles liés au TGV, il n'existe pas beaucoup d'attente car une gestion des flux a été mise en place et les voyageurs anticipent l'existence de ce contrôle. Ce contrôle n'existe cependant que dans les TGV, le généraliser ne serait pas envisageable.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Dispose-t-on d'une estimation du coût que cela représente ?
Mme Elena Perez-Villanueva. - Je ne sais pas, je peux demander une estimation du coût. Mais ce contrôle intervient sur un nombre limité de lignes, considérées comme sensibles. Il ne serait pas possible de le généraliser.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Ces mesures sont-elles financées par la société de chemin fer exploitant le réseau ?
Mme Elena Perez-Villanueva. - Oui, c'est effectivement le cas.
M. Alain Fouché , rapporteur . - En France, la SNCF nous a indiqué que c'était trop cher.
M. François Bonhomme . - En cas de fraude, comment cela se passe-t-il ?
Mme Elena Perez-Villanueva. - Le fraudeur est passible d'une amende administrative.
M. Pedro Antonio Vargas Camacho, Attaché d'intérieur. - Si un passager n'a pas de billet, on l'identifie et on ouvre un dossier administratif - et non pénal, car nous ne disposons pas d'un délit de fraude habituelle comme en France. Si on ne l'identifie pas, la police effectue cette identification à distance, et si elle ne le peut pas, la police accompagne la personne au commissariat. Les patrouilles de police embarquées peuvent également permettre la lutte contre la fraude.
M. François Bonhomme , rapporteur . - J'ai une question pour tous les intervenants. Les acteurs privés de sécurité peuvent-ils consulter ou avoir accès à des fichiers, notamment celui des personnes recherchées ?
M. Pedro Antonio Vargas Camacho. - En Espagne, ce n'est pas possible pour les agents de sécurité privée. L'équivalent de la CNIL l'interdit formellement.
M. James Duncan . - La TSA travaille en étroite collaboration avec les services de police locaux ; ce sont eux qui disposent des informations et savent qui contacter pour avoir accès à ces fichiers.
Mme Annegret Korff.- Nous avons en Allemagne une législation des plus strictes en matière de fichiers. Les agents de sécurité privée n'ont donc pas accès à ces données, mais comme ils sont intégrés dans le centre de coordination des mesures de sûreté avec la Bundespolizei , ils peuvent avoir accès via elle aux éléments nécessaires, mais ils n'y ont jamais accès de leur propre initiative.
Mme Marie-Jeanne Dos Santos.- C'est la même chose au Luxembourg.
M. Alain Fouché , rapporteur . - En Belgique ?
Mme Nathalie Cassiers. - Dans le plan de prévention contre le terrorisme, la SNCB doit établir des procédures adaptées pour prendre des mesures en cas de menace terroriste. Le contact avec la police se fait dans ce cadre.
M. Jean-Jacques Filleul . - Je voudrais revenir sur le Thalys, c'est un sujet d'actualité. La ministre a fait une proposition d'instaurer des portiques de sécurité dans les gares, qui a été favorablement accueilli par la population. Comment cette mesure va-t-elle être reçue en Belgique ? La Belgique va-t-elle implanter un système équivalent en Belgique ? Je pense que ce serait important que cette mesure soit expérimentée sur le Thalys.
Mme Nathalie Cassiers. - Il existe déjà une coopération entre nos deux pays, par le biais de patrouilles conjointes. On y réfléchit de notre côté, et dans le cadre de cette coopération, il y aura des échanges, cela m'étonnerait que nous fassions des choses très différentes.
Mme Annegret Korff.- Il existe également des gares Thalys en Allemagne. La réaction à la mesure proposée hier n'était pas si positive, surtout parce que nous n'avons pas été informés de la mesure. La population et la presse ont été plutôt critiques. Nous serions tout à fait d'accord pour coopérer là-dessus, mais encore faudrait-il nous solliciter.
M. Jean-Jacques Filleul . - Vous avez raison mais en même temps, il faut réagir vite ; je pense qu'il y a une vraie solidarité entre nos deux pays. Les Pays-Bas sont également concernés.
M. Alain Fouché , rapporteur . - C'est une façon de bousculer les choses pour les faire avancer ; il est vrai que si l'on veut que cette mesure de sécurisation soit efficace, l'ensemble du trajet doit faire l'objet de ce contrôle.
M. François Bonhomme . - La mise en oeuvre de cette mesure est annoncée pour le 20 décembre !
Mme Annegret Korff.- Je veux simplement observer que nous avions posé à la France la question de la mise en oeuvre de portiques de sécurité une semaine avant l'annonce et qu'il nous a été répondu que ce serait éventuellement fait pour une petite gare en février ou en mars.
M. Alain Fouché , rapporteur . - Nous vous remercions d'être venus nous donner des informations. Cela nous a permis d'apprendre beaucoup d'éléments. Merci également à nos collègues sénateurs ayant participé à ce débat.