Rapport d'information n° 180 (2015-2016) de MM. Jean BIZET , Éric BOCQUET , Claude KERN et Simon SUTOUR , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 19 novembre 2015
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SYNTHÈSE
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LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS
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AVANT-PROPOS : LE DOUBLE CHOC D'OFFRE
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CHAPITRE 1ER : TURBULENCES DANS LES
AIRS
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I. LES COMPAGNIES EUROPÉENNES HISTORIQUES EN
DIFFICULTÉ
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II. TRANSPORTEURS, AÉROPORTS ET
INDUSTRIES : DES INTÉRÊTS DISTINCTS
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A. LIAISONS DE POINT À POINT CONTRE
HUB : LES LOW COST JOUENT ET GAGNENT
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B. LA CONCURRENCE INSTRUMENTALISE
L'INDUSTRIE
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A. LIAISONS DE POINT À POINT CONTRE
HUB : LES LOW COST JOUENT ET GAGNENT
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I. LES COMPAGNIES EUROPÉENNES HISTORIQUES EN
DIFFICULTÉ
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CHAPITRE 2 : VERS UN NOUVEAU
DÉCOLLAGE
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I. LA PISTE D'UNE GESTION STRATÉGIQUE DE LA
CONCURRENCE AVEC LES TRANSPORTEURS D'ÉTATS TIERS
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II. PLANIFIER UNE CONCURRENCE LOYALE AU SEIN DE
L'UNION
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I. LA PISTE D'UNE GESTION STRATÉGIQUE DE LA
CONCURRENCE AVEC LES TRANSPORTEURS D'ÉTATS TIERS
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CONCLUSION
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ANNEXES
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
N° 180
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la concurrence dans les transports aériens ,
Par MM. Jean BIZET, Éric BOCQUET, Claude KERN et Simon SUTOUR,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle. . |
SYNTHÈSE
Autrefois, les compagnies aériennes nationales utilisaient des avions de petite capacité pour transporter les passagers soit entre les aéroports régionaux directement reliés entre eux, soit entre ces aéroports régionaux et la grande plate-forme nationale, habituellement désignée par son terme anglais : hub . Les vols internationaux ne partaient en principe que du hub , à destination d'un autre hub , situé dans l'État de destination. Dans ce schéma, la concurrence entre compagnies se limitait aux liaisons de hub à hub .
Depuis que les transports aériens au sein de l'Union européenne ont été juridiquement libéralisés en 1992, certaines compagnies - préexistantes ou créées depuis lors 1 ( * ) - ont développé une offre complémentaire à celle des grands opérateurs nationaux : des liaisons supplémentaires entre petits aéroports des États membres, souvent en franchissant les frontières nationales. Se rendre directement d'un pays à l'autre sans changement à un hub : l'innovation n'était pas anodine. S'ajoute le charme séduisant de tarifs défiant toute concurrence. Le succès fut donc au rendez-vous . En apparence, les compagnies historiques n'ont été que très marginalement touchées, car leur trafic propre s'est quasiment maintenu. En revanche, leur part dans le trafic total au sein de l'Union européenne s'est réduite comme une peau de chagrin, passant des deux tiers en 1992 à quelque 42 % vingt ans plus tard. En réalité, la comparaison de ces deux chiffres sous-estime l'ampleur des dommages car, parmi les compagnies historiques, seule British Airways est véritablement prospère, deux autres grandes compagnies traversent de sérieuses difficultés, cependant que plusieurs autres ont perdu leur autonomie. Il est vrai que l'essor des compagnies à bas prix - couramment désignées par l'expression anglaise low cost - s'est manifesté simultanément à une autre mise en cause du modèle traditionnel, cette fois par des compagnies basées dans le Golfe persique.
Emirates , Etihad et Qatar Airways : qui connaissait ces noms il y a douze ans 2 ( * ) ? Quasiment personne. Qui les ignore aujourd'hui ? Probablement personne. Ces deux interrogations et la fausse analogie de la réponse qu'elles appellent suffisent à montrer l'ampleur d'une évolution fulgurante qui a pratiquement éliminé les opérateurs européens sur les lignes entre le Vieux Continent et l'Asie du Sud-Est. La tâche est virtuellement achevée en Australie et en Nouvelle-Zélande ; qu'en sera-t-il de l'Afrique orientale demain ? Nous vivons l'émergence de hubs dominants qui tendent à vassaliser les hubs historiques d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Asie, voire d'Afrique de l'Ouest.
Ces deux bouleversements n'ont pas fini de produire tous leurs effets, alors même qu'apparaît à l'horizon la perspective de liaisons directes « de point à point » reliant par long-courriers deux aéroports de taille moyenne : cette reproduction à l'échelle planétaire des low cost actuellement limitées aux court et moyen-courriers annonce un nouveau changement majeur qui produira ses premiers effets substantiels au plus tard dans dix ans.
Tels sont trois des principaux thèmes traités dans un rapport d'information qui ne saurait ignorer la contribution que les aéroports sont susceptibles d'apporter au développement local.
Cette problématique est donc riche en parties prenantes, chacune avec sa légitimité, mais chacune aussi avec ses intérêts, qui coïncident ou non avec ceux des autres participants.
Pour harmoniser cet ensemble et lui conférer une certaine cohérence, il n'y a que deux échelons possibles : l'Union européenne et les États, puisque l'aviation civile ne fait pas actuellement partie des compétences de l'OMC.
Le présent rapport d'information a pour ambition d'identifier clairement les enjeux présents et futurs. Dans ce but, son chapitre 1 er décrit les turbulences dans les airs, caractérisées par les difficultés des compagnies européennes, alors que transporteurs, aéroports et industriels ont des intérêts distincts. Le chapitre 2 s'attache au possible nouveau décollage des transports aériens de l'Union européenne, avec la piste d'une gestion stratégique de la concurrence envers les opérateurs d'États tiers et la planification d'une concurrence loyale entre compagnies de l'Union.
LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS
Propositions tendant à rendre plus transparente la concurrence avec les compagnies aériennes d'États tiers.
1) Appliquer avec détermination la directive 868/2004 du 21 avril 2004, qui tend à protéger les compagnies aériennes de l'Union européenne contre la concurrence déloyale émanant de compagnies d'États tiers.
2) Adopter une gestion stratégique de la concurrence mettant au premier rang la maîtrise des relations aériennes entre l'Union et le reste du monde, non le prix des billets.
3) Instituer dans le droit de l'Union une clause de réciprocité et de sincérité des comptes, opposable à toute prise de participation, même minoritaire, d'un opérateur de transports aériens issu d'un État tiers à l'Union dans une compagnie aérienne d'un État membre.
4) Engager des négociations internationales afin d'inclure aviation civile dans le cadre de l'OMC.
Propositions tendant à équilibrer la concurrence entre compagnies aériennes d'États membres.
5) Ne pas facturer aux aéroports les dépenses régaliennes de sécurité dans les aéroports, dont la situation deviendrait alors comparable à celle des autres lieux ouverts au public.
6) Pour déterminer les redevances que les compagnies aériennes versent aux aéroports, prendre en compte la réalité des coûts induits par les voyageurs qui prennent l'avion, par ceux qui arrivent et par les passagers en transit.
7) Mettre fin à la double taxation - rendue actuellement obligatoire en droit de l'Union - au titre des voyageurs en transit.
8) Autoriser les compagnies à réseaux et leur hub à mieux coopérer notamment via des prises de participation, mutuelles ou non, directement ou par l'intermédiaire d'une société holding détenant des parts de la compagnie et des parts de l'aéroport.
9) Adopter une définition commune des notions de « travailleur salarié » et « travailleur indépendant ».
10) Adopter un régime juridique spécifique pour l'emploi de travailleurs très mobiles au sein de l'Union européenne en raison de leur activité.
11) Introduire dans le droit de l'Union des missions d'intérêt économique général applicables à l'aviation, permettant aux États membres d'imposer - moyennant compensation - la desserte de certains aéroports.
12) Instituer, sur les aéronefs utilisés pour desservir l'Union européenne, une taxe dont seraient exonérés les appareils déjà taxés ailleurs en tant qu'actif économique.
*
Les propositions ci-dessus rejoignent les préconisations que le groupe de travail présidé par M. Bruno Le Roux a formulées il y a un an, lorsqu'il a conclu le rapport sur la compétitivité du transport aérien français, dans le cadre de la mission que le Gouvernement lui avait confiée. La différence des perspectives - purement nationale en 2014, européenne en 2015 - expliquent les différences de formulation, sans dissimuler l'analogie des problématiques.
Elles sont également en cohérence avec la résolution n° 2015/2933 adoptée le 11 novembre 2015 par le Parlement européen sur le futur paquet européen, dont le texte provisoire a été publié le 17 novembre 2015.
S'il fallait ne formuler qu'une seule recommandation, ce serait : « Adoptez enfin une stratégie pour les transports aériens ! ». Cela vaut pour l'Union européenne, comme pour chaque État membre.
AVANT-PROPOS : LE DOUBLE CHOC D'OFFRE
Un double choc d'offre a bouleversé l'économie des compagnies aériennes historiques, au profit d'opérateurs à bas prix et de transporteurs basés dans le Golfe persique. Il a influencé récemment et influencera encore les rôles respectifs des aéroports régionaux et des plates-formes ( hubs ), outre l'offre d'avions par les industriels.
Dans l'ordre chronologique, le premier choc remonte à 1992, avec l'adoption du troisième paquet aérien, destiné à libéraliser les services de transport par voie des airs au sein de l'Union européenne. En un premier temps, les règlements 3 ( * ) composant ce « paquet » n'ont guère semblé avoir d'incidence. Les compagnies traditionnelles, notamment, ont pu se sentir solidement en place. Pour la plupart, elles payent au prix fort cette erreur d'appréciation, au pire en disparaissant, dans la plupart des cas en passant des accords subis, parfois en animant l'actualité par des conflits sociaux plus ou moins médiatisés, très rarement par l'exemple d'une adaptation pleinement réussie. À l'inverse, les nouveaux venus se sont engouffrés dans ce qui paraissait un marché de niche, mais qui s'est révélé un formidable tremplin : la vente à bas prix de vols court ou moyen-courriers, pour des voyages dits « de point à point », c'est-à-dire entre deux aéroports régionaux. Le bouleversement apporté par la révolution du low cost s'est traduit par l'augmentation spectaculaire des déplacements en avion. La démocratisation de ce moyen de transport doit incontestablement être mise au crédit de ces nouveaux acteurs, mais au prix d'une recherche d'économies érigée en quête permanente et systématique, non sans excès.
Progressivement mises en difficulté sur les lignes intérieures, les compagnies historiques de l'Union ont en outre été attaquées sur leur flanc sud-est par trois compagnies basées dans les émirats du Golfe : Emirates, Etihad et Qatar Airways . En effet, les émirats pétroliers du Golfe doivent préparer l'après pétrole. Parmi les moyens de cette reconversion inéluctable, leurs dirigeants ont identifié notamment l'exploitation d'une situation géographique idéale entre l'Europe et l'Asie. D'où la création de hubs dans le désert, avec des prestations de qualité, desservis par des vols à des tarifs compétitifs et comportant une escale près des centres commerciaux fort bien achalandés. Bénéficiant de la force de frappe financière procurée par la vente d'hydrocarbures, ces projets ont connu un succès que rien n'est venu démentir au cours des dix dernières années, à tel point que les transporteurs européens sont presque totalement exclus des destinations asiatiques ou de l'océan Pacifique desservies par les compagnies du Golfe.
Telle est la situation analysée dans le chapitre 1er du présent rapport, dont le deuxième chapitre expose les pistes du nouvel envol possible des compagnies aéronautiques européennes.
CHAPITRE 1ER : TURBULENCES DANS LES AIRS
I. LES COMPAGNIES EUROPÉENNES HISTORIQUES EN DIFFICULTÉ
A. L'INÉGALITÉ MARQUÉE DES RÉSULTATS
1. Des chiffres globaux excellents
Les données publiées début août 2015 par l'Association internationale du transport aérien (habituellement désignée par son signe en anglais : IATA pour International Air Transport Association ) auraient de quoi faire pâlir d'envie les grandes entreprises mondiales des autres secteurs d'activité : le profit annuel cumulé prévu pour 2015 est presque double de celui constaté en 2014 ! La marge bénéficiaire devrait passer en un an de 2,2 % à 4 %. Pour la première fois dans l'histoire du transport aérien, le retour sur investissement devrait donc excéder le coût moyen du crédit.
Sans surprise, le taux de remplissage des avions est attendu à un niveau record : 80,2 %.
Cependant, ces chiffres reflètent une position moyenne entre trois zones géographiques peu homogènes entre elles : les États-Unis, l'Asie et l'Union européenne.
2. Des résultats peu homogènes
Ainsi la marge bénéficiaire moyenne obtenue par les transporteurs d'Amérique du Nord (7,5 %) est trois fois plus élevée que celle observée en Asie (2,5 %) ou en Europe (2,8 %), ces deux continents subissant respectivement la crise chinoise et la dévaluation de l'euro. À la seule exception de British Airways et de transporteurs à bas prix, les grandes compagnies aériennes rentables se situent aux États-Unis.
Que reste-t-il aux compagnies historiques du Vieux Continent ? La perspective de douloureuses restructurations, d'autant plus difficiles à réussir que le dynamisme du secteur ne se manifeste pas sur le territoire des 28 États membres de l'Union européenne : la Russie et la Turquie sont les deux seuls pays du continent à connaître une forte hausse des transports aériens. De surcroît, les nouveaux opérateurs à bas tarifs captent une part croissante du marché, aux dépens des grands transporteurs historiques.
Trois nouveaux sites accueillant des hubs de taille mondiale se sont affirmés depuis 2005 : le Golfe, l'aéroport d'Ankara et les aéroports de Moscou ( Cheremetièvo et Domodedovo ). Parmi les lignes apparues ces dix dernières années à destination ou au départ de ces hubs , pas une seule ne dessert l'Union européenne. D'après ACI 4 ( * ) , les marchés émergents représentent la moitié de la croissance mondiale pour les transports aériens de passagers. Au vu des tendances actuelles, les compagnies aériennes des États membres sont mal positionnées pour capter une fraction significative de ce trafic supplémentaire.
Il n'est pas certain que tous les États membres de l'Union européenne estiment urgent d'agir : la part du lion dans le transport de passagers (70,4 %) revient à cinq États (le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, la France et l'Italie).
N'assurant que 29,6 % du trafic à destination ou au départ des aéroports situés sur le territoire de l'Union européenne, les 23 autres États membres peuvent rester sereins face au trou noir qui semble absorber les liaisons aériennes entre l'Europe et les zones les plus dynamiques de l'économie mondiale.
Les trois nouveaux
hubs
apparus ou
nouvellement affirmés depuis 2005
et les lignes aériennes
supplémentaires qui les desservent
Source : ACI
Source : ACI
B. DES VOLS EUROPÉENS À L'ÉCART DES ZONES DYNAMIQUES
1. Un tropisme excessivement européen et nord-américain
L'expression « connectivité d'un aéroport » réunit trois notions : les voyages sans escale au départ ou à destination d'un aéroport donné (la « connectivité directe »), les voyages à destination ou au départ de cet aéroport, avec une escale avant d'y arriver ou après l'avoir quitté (la « connectivité indirecte »), enfin les voyages avec escale sur le hub considéré dans le but de repartir vers la destination finale (formant la « connectivité d'aéroport ou de hub »). Ainsi qu'il apparaît clairement au vu du graphique ci-après, la connectivité des aéroports européens concerne à 64 % l'Europe ou l'Amérique du Nord.
La part non négligeable de l'Asie-Pacifique (20 % de la connectivité totale) ne doit pas faire illusion : il s'agit avant tout d'une connectivité indirecte, les vols quittant l'Europe en direction de l'Asie ou du Pacifique ayant une tendance marquée à faire escale à Ankara ou, plus souvent, dans le Golfe. Ainsi, la connectivité des aéroports européens s'est accrue en tout premier lieu vers les autres destinations du continent européen ou vers l'Amérique du Nord, une zone où l'activité ne connaît pas un dynamisme marqué.
Alors que le centre économique du monde se déplace vers l'Asie, la connectivité des aéroports européens avec ce continent n'aura enregistré en 2015 qu'une hausse annuelle modérée (4,5 %).
Ce dernier chiffre illustre une tendance particulièrement inquiétante pour l'avenir à court et moyen terme : les vols vers des destinations dynamiques se dérobent sous les ailes des transporteurs basés dans l'Union européenne.
Les quatre courbes ci-dessous montrent que la conclusion est identique si l'on considère l'évolution du trafic passager depuis 2005.
Source : ACI
2. L'Asie se dérobe sous les ailes des transporteurs européens
Les deux graphiques ci-après illustrent la perte de régime au plan mondial du continent européen et de ses transporteurs aériens.
Que l'on considère l'évolution entre 2008 et 2015 de la connectivité mondiale par grande région (graphique du haut) ou l'évolution pendant la même période appréciée au départ exclusivement des aéroports de l'Union européenne, certaines tendances apparaissent de façon nette :
- à l'exception du continent africain, le dynamisme de la connectivité directe est partout inférieur au dynamisme des deux autres formes de connectivité : le rôle des hubs s'est donc affirmé entre 2008 et 2015 ;
- quelle que soit la forme de connectivité considérée, l'évolution enregistrée au Proche-Orient est de loin la plus forte : cette région du globe est celles dont la place dans les transports aériens s'est accrue avec le plus de vigueur.
La comparaison entre la connectivité mondiale et celle mesurée au départ des aéroports européens permet de tirer une conclusion majeure : l'évolution de la connectivité est systématiquement inférieure au départ des seuls aéroports européens. La mesure étant faite en pourcentage, l'effet de taille est neutralisé : le moindre dynamisme des aéroports du Vieux Continent est avéré, quelle que soit la destination des voyageurs.
La performance exceptionnelle du Proche-Orient s'explique avant tout par la captation des liaisons entre l'Union européenne et l'Asie. Alors que cette dernière région est une destination finale de toute première importance au plan mondial, avec une hausse de 20,9 % entre 2008 et 2015 des liaisons directes à sa destination ou au départ de celle-ci, la connectivité directe avec l'Europe n'a augmenté que de 4,2 %. La hausse de 49 % pour la connectivité indirecte entre des aéroports asiatiques et européens s'explique par le rôle accru des hubs du Golfe et d'Ankara. Dans les deux cas, les compagnies opérant sur ces liaisons sont extérieures à l'Union européenne. Enfin, la hausse de 47 % - enregistrée pour les liaisons au départ de l'Europe à destination de l'Asie et empruntant un hub asiatique - illustre le rôle croissant de compagnies asiatiques, qui tendent elles aussi à supplanter les compagnies européennes, cette fois avec une escale en Asie.
Source : ACI
Source : ACI
Avis du Comité économique et social européen, adopté le 17 avril 2013, portant sur « La politique extérieure de l'UE dans le domaine de l'aviation » (extraits) « 1.5 Le CESE partage les préoccupations de la Commission concernant la nécessité d'investir pour accroître les capacités des aéroports. Il est urgent de garantir des capacités aéroportuaires dans l'Union européenne afin de ne pas subir de pertes de compétitivité par rapport à d'autres régions qui connaissent la croissance, et empêcher ainsi que le trafic ne se détourne vers les régions voisines. » « 2.6 [...] le secteur européen de l'aviation ne comporte plus que deux compagnies aériennes européennes desservant l'Australie : British Airways et Virgin Atlantic , alors qu'elles étaient beaucoup plus nombreuses auparavant . » « 5.2 [...] À présent que les marchés aéronautiques les plus dynamiques ne se trouvent plus en Europe, il est essentiel que l'industrie européenne puisse se développer sur ces marchés également. » |
3. L'Union européenne voit voler des avions en nombre croissant, plus qu'elle ne fait prendre l'air aux siens
Le graphique ci-après conduit à une conclusion sans appel : les évolutions à grande échelle se passent hors des aéroports européens, dont le rang est menacé. Il en va de même pour les compagnies historiques basées sur ces mêmes aéroports.
Pour affiner l'analyse, il est utile de comparer l'évolution de la connectivité aéroportuaire (donc hors connectivité directe ou indirecte) des hubs de Francfort, Paris-Charles-de-Gaulle, Londres-Heathrow, Istanbul-Atatürk, Dubaï, Doha ou Abou Dabi et l'évolution de la seule connectivité aéroportuaire de ces mêmes plates-formes sur le marché intercontinental.
La conclusion est immédiate : entre 2005 et 2015, les quatre plus grandes plates-formes situées sur le continent européen dominent la connectivité totale en tant que hubs , mais sont restés étrangères à la hausse de la connectivité comme hubs intercontinentaux.
L'écart est spectaculaire entre 2008 et 2015 : en 2008, l'aéroport de Dubaï était le seul des trois hubs du Golfe à enregistrer une connectivité internationale supérieure à celle des quatre aéroports européens considérés. Aujourd'hui, l'aéroport de Dubaï enregistre une connectivité intercontinentale de hub quasiment identique à la connectivité cumulée des trois plus grands hubs de l'Union européenne. En 2005, la place des trois hubs du Golfe cumulés n'atteignait pas la moitié du score obtenu par ces trois grandes plates-formes européennes sur le marché intercontinental. Dix ans après, leur place est double de celle du score cumulé des aéroports de Paris Charles-de-Gaulle, Londres Heathrow et Francfort !
Ainsi, la croissance non négligeable des plus grands aéroports de l'Union comme hubs sur le marché intercontinental n'empêche pas leur marginalisation relative : à l'aune de ce critère, l'histoire se déroule en dehors de l'Union européenne.
Connectivité au départ de l'Union
européenne
vers le reste de l'Union et le reste du monde en 2015,
comparée aux constats de 2008
Source : ACI
II. TRANSPORTEURS, AÉROPORTS ET INDUSTRIES : DES INTÉRÊTS DISTINCTS
A. LIAISONS DE POINT À POINT CONTRE HUB : LES LOW COST JOUENT ET GAGNENT
1. L'attrait des vols directs : le modèle traditionnel du hub contesté
Le réseau à hub est principalement destiné aux liaisons internationales, car la desserte entre aéroports régionaux tend à privilégier des vols directs, pour des raisons évidentes de commodité. Pourtant, le système des hubs influence grandement la desserte des aéroports régionaux :
- l'offre locale est monopolisée par le seul opérateur historique, aussi bien en direction du hub national que vers un autre aéroport régional ;
- les liaisons internationales même à faible distance (entre pays européens par exemple) suppose un transit par un hub national ;
- le trajet du hub national vers le hub étranger est la seule portion ouverte à la concurrence, celle-ci étant limitée aux deux opérateurs nationaux concernés : dans le schéma traditionnel, pour se rendre de Brest à Rome en avion, il faut impérativement voyager par Air France de Brest à Paris, puis prendre un vol Air France ou Alitalia pour arriver à Rome ;
- enfin, un trajet partant d'un aéroport régional 5 ( * ) et arrivant à un aéroport régional d'un autre pays impose une escale dans chacun des hubs nationaux concernés, ainsi qu'un changement de compagnie aérienne soit dans le premier hub , soit dans le second : un voyageur de Toulouse à Édimbourg prend un vol Air France à Toulouse vers Paris, puis un vol Air France ou British Airways vers Londres, enfin un vol British Airways en direction d'Édimbourg. Dans ce cas également, la concurrence est - ou plutôt était - donc strictement limitée aux trajets entre hubs nationaux ; elle n'opposait que les deux compagnies nationales concernées.
En éliminant de façon progressive les fondements juridiques de ce modèle économique dans l'espace de l'Union européenne, le « troisième paquet » aérien a permis le premier des deux chocs d'offre mentionnés dans l'introduction du présent rapport.
L'ouverture à la concurrence de toutes les liaisons aériennes au sein de l'Union n'a pas débouché à titre principal sur une concurrence accrue entre opérateurs historiques : de nouveaux opérateurs sont apparus, proposant des billets à bas prix, principalement, du moins au début, sur les liaisons « de nulle part à nulle part ». Cette expression quelque peu méprisante désignant en pratique deux petits aéroports dépourvus jusque-là de toute liaison directe entre eux.
À en juger par leur placidité face à ce phénomène, les compagnies historiques des États membres n'avaient guère anticipé le succès de cette formule. Elle reproduisait pourtant la saga d' Air Southwest , cette compagnie qui a inventé en 1974 le concept de « low cost » et qui s'est développée grâce aux liaisons directes « de point à point » lorsque l' Airline Deregulation Act de 1978 a produit ses effets, au point d'être devenue en 2010 le premier transporteur aérien des États-Unis, avec plus de 3 200 vols quotidiens empruntés par 101 millions de passagers annuels.
Réseaux comparés d'Air France et d' easyJet
Source : Commissariat général à l'analyse et à la prospective (2013)
En Europe aussi, les transporteurs à bas prix se sont engouffrés dans les liaisons d'un aéroport régional à un autre, dans le même État ou à l'extérieur des frontières. L'essentiel est de ne verser que de très faibles redevances aéroportuaires : par nature, les frais d'une petite plate-forme sont bien plus modestes que ceux d'un hub international, surtout lorsque la collectivité territoriale concernée subventionne la desserte. En outre, le bref temps de rotation - rendu possible par la dimension réduite de l'aérodrome - permet de mieux valoriser les avions.
Ainsi qu'il apparaît sur le graphique ci-contre, les transporteurs à bas prix n'ont assuré en 1992 que 1,5 % des trajets internes à l'Union européenne. Ils sont aujourd'hui aux premières loges, avec 47 % de ces mêmes trajets (contre 44,8 % en 2012) et des valorisations boursières largement supérieures à celles de grandes compagnies nationales historiques.
Milliers de sièges disponibles par semaine
Source : Commission européenne
Source : Ryanair
Deux causes semblables pouvant avoir des effets similaires de part et d'autre de l'Atlantique, la libéralisation des lignes intérieures au sein de l'Union européenne devait logiquement favoriser l'essor des petits aéroports.
Encore faut-il que des structures de taille modeste puissent équilibrer leurs budgets.
2. Le difficile financement d'un aéroport et le soutien au développement local
a) Le difficile équilibre des comptes aéroportuaires
L'activité aéroportuaire est caractérisée par l'ampleur du capital immobilisé : 9 milliards d'euros pour l'ensemble du continent, dont la charge représente plus de 30 % du coût total des aéroports. L'ensemble des frais fixes excède 80 % des dépenses aéroportuaires.
Les chiffres collectés par Airports Council International (ACI) montrent qu'en 2012 l'Union européenne comptait 402 aéroports (dont les dix premiers ont accueilli 31 % des passagers) desservis par 253 compagnies commerciales, les dix principaux transporteurs assurant 52,9 % des voyages. Le marché du transport aérien est donc à la fois très concurrentiel par le nombre de participants et dominé par ses rares grands acteurs . La dépendance des aéroports envers les compagnies qui les desservent est souvent très forte : 84 % des aéroports accueillant plus d'un million de passagers par an dépendent d'une seule compagnie pour plus de 40 % de leur activité. Les transporteurs aériens sont en situation de monopole sur 74 % des liaisons intra-européennes.
Globalement, les redevances versées par les compagnies aériennes et les passagers ne représentent que 47 % des revenus des aéroports, soit moins que les coûts opérationnels des plates-formes aéroportuaires, avec un déficit global approchant 4 milliards d'euros par an. Parmi les aéroports européens, 60 % ne dégagent pas de profit. Cette proportion culmine à 77 % lorsque moins d'un million de passagers sont enregistrés chaque année.
Pour financer les investissements, il faut donc chercher ailleurs.
L'équation budgétaire des petits aéroports est simple à formuler dans le cas général : ou bien ils obtiennent des subventions motivées par leur contribution au développement local, ou bien ils disparaissent.
b) La subvention au service du développement local
Le principe est le suivant : des autorités locales peuvent soutenir, notamment via une subvention, l'activité d'une plate-forme aéroportuaire en espérant que les effets économiques induits par cette structure justifieront la dépense publique.
L'ACI s'est penchée principalement sur les emplois procurés d'une façon ou d'une autre par le fonctionnement des aéroports.
Réalisée à son initiative, l'analyse d'InterVISTAS a été publiée en janvier 2015. Elle repose sur la distinction entre quatre types d'emploi dont l'existence est d'une façon ou d'une autre liée au fonctionnement des aéroports :
- les emplois directs (le personnel en relation avec les voyageurs) ;
- les postes de travail indirects (les personnes dont l'activité est indispensable au fonctionnement de l'aéroport, mais dont l'activité professionnelle exclut la proximité avec les passagers) ;
- l'effet induit (en relation avec les dépenses opérées par les personnes occupant un poste direct ou indirect) ;
- l'effet d'entraînement diffus dans le tissu économique (correspondant à toute l'activité dénuée de rapport direct avec les transports aériens, mais qui n'aurait pas pu exister ou avoir la même ampleur en leur absence).
Le tableau ci-dessous détaille la répartition des 1 696 200 emplois directs induits en 2013 par les aéroports dans l'ensemble de l'espace européen.
ACTIVITÉ |
EMPLOIS |
% DES EMPLOIS |
Compagnies aériennes |
472 100 |
28% |
Fonctionnement des aérodromes |
241 800 |
14% |
Fonctionnement des aérogares |
238 500 |
14% |
Restauration et boissons |
130 300 |
8% |
Autres services aux passagers |
107 200 |
6% |
Sécurité aéroportuaire |
106 700 |
8% |
Douanes et police des frontières |
90 700 |
5% |
Desserte terrestre |
79 100 |
5% |
Entretien et réparation |
102 400 |
6% |
Autres activités |
127 200 |
7% |
Source : ACI
Le tableau suivant mentionne les emplois directs, indirects ou induits, ainsi que les revenus procurés aux intéressés, enfin la contribution au PIB (en milliards d'euros et en pourcentage.)
Source : ACI
Cependant, l'essentiel de l'incidence économique des aéroports est procuré par l'effet d'entraînement diffus, à lui seul double de celui obtenu en additionnant les conséquences directes, indirectes et induites.
Globalement, pour la seule Union européenne, l'ACI estime que 3 260 000 emplois directs, indirects ou induits sont imputables aux aéroports, pour 203 milliards d'euros (1,5 % du PIB des 28 États membres). S'ajoutent 5 700 000 emplois diffus permis par ces mêmes aéroports, soit 338 milliards d'euros (2,6 % du PIB des 28 États membres). Au total, l'activité aéroportuaire a donc procuré en 2013 presque 9 millions d'emplois et une hausse de la valeur ajoutée pour 541,4 milliards d'euros, soit 4,1 % du PIB de l'Union européenne.
La seule approche globale ayant été à juste titre jugée insuffisante, l'effet total sur l'emploi au niveau de l'espace européen a fait l'objet d'une ventilation par État, matérialisée ci-après.
Total des emplois imputables aux aéroports de l'espace européen en 2013
Source : ACI
Emplois procurés par la seule incidence économique diffuse des aéroports (2013)
Source : ACI
Allant plus loin dans l'analyse, cette étude a estimé l'influence marginale que pouvaient avoir 1 000 passagers supplémentaires sur les emplois directs d'un aéroport. Le résultat est résumé dans le tableau ci-dessous.
Emplois directs procurés à un aéroport par un accroissement du trafic
Source : ACI
Il apparaît clairement que si l'incidence marginale du nouveau passager est plus importante dans les aéroports de petite taille, elle ne tombe jamais au-dessous de 0,85 emploi direct par tranche de 1 000 passagers supplémentaires. Pour une plate-forme accueillant plus de 10 millions de voyageurs chaque année, il est cohérent de raisonner plutôt par tranche de 100 000 passagers supplémentaires, créant 85 emplois directs.
Autant dire que toute hausse de l'activité d'un aéroport procure un effet d'entraînement économique à son environnement. Parmi les causes possibles d'activité supplémentaire au cours des années à venir, les vols long-courriers de point à point méritent un développement spécifique.
3. Le long-courrier de point à point, avenir du low cost et des compagnies premium
Pour assurer des vols long-courriers de point à point, le préalable absolu consiste à disposer d'avions adaptés, combinant petite capacité et grande autonomie. Cela ne va pas de soi, puisque le système traditionnel des compagnies à hub conduisait les industriels à proposer soit des avions court et moyen-courriers de petite capacité, soit des long-courriers de grande capacité.
Le premier fabricant d'avions à s'extraire de cette logique fut Boeing, avec le 787. Surnommé « Dreamliner » cet avion offre un rayon d'action nettement plus élevé que les appareils précédents à capacité semblable : pouvant transporter 210 à 330 passagers selon les versions et configuration, il dispose d'un rayon d'action supérieur à 15 000 kilomètres. Le précédent record était détenu par le Boeing 777 « Worldliner », dont une version pouvait parcourir plus de 17 000 kilomètres sans escale (mais avec 350 à 450 passagers, ce qui laisse cet appareil dans la catégorie classique des long-courriers à grande capacité).
Lorsque Boeing a présenté son 787 en 2004, la référence aux vols long-courriers de point à point fut explicite dans le discours des dirigeants de cette société, par opposition à l'Airbus A380 (que ses caractéristiques réservent strictement aux vols long-courriers entre hubs) .
Airbus n'est pas en reste : présenté en 2006, le nouveau programme de l'A350 débouchera sur trois versions principales plus cinq variantes. Concurrent du Boeing 787 , cet appareil pourra transporter jusqu'à 350 passagers, pour un rayon d'action atteignant 18 000 kilomètres. Le premier vol d'un A350 remonte au 27 décembre 2014, pour un vol d' Etihad Airlines reliant Londres Heathrow et Abou Dabi.
Ces deux appareils ont en commun deux caractéristiques, jusque-là antinomiques :
- un grand rayon d'action ;
- la possibilité d'utiliser la plupart des aéroports existants, grâce à des dimensions très inférieures à celles des jumbo jets , privilégiés depuis 40 ans sur les longues distances.
En pratique, cela signifie que des liaisons directes à longue distance pourront être aisément opérées sur des liaisons internationales avec un nombre relativement réduit de passagers, alors même qu'au moins l'un des deux aéroports en cause sera de taille moyenne. Rallier directement Vancouver depuis Bordeaux ne semble pas a priori susceptible de remplir un jumbo comme le Boeing 747 ou l'A380, mais cela deviendra peut-être une réalité avec un appareil de 200 à 300 places pouvant parcourir cette distance en un seul vol. C'est exactement le schéma qui a fait le succès des compagnies low cost en court et moyen-courriers.
La comparaison de la dotation actuelle d' Etihad et de ses projets à dix ans est instructive : aujourd'hui, cette compagnie possède 29 Boeing 777, sur 100 appareils destinés au transport de passagers ; à l'horizon 2025, elle devrait acquérir 70 Boeing 787 et 62 Airbus A350 sur 200 appareils supplémentaires destinés à ce même transport (soit 61,5 % des dotations nouvelles). Parallèlement, l'unique Airbus A380 actuel serait rejoint par neuf autres appareils de ce type.
Il apparaît ainsi que la capacité de cette compagnie augmentera certes en long-courriers de hub à hub , mais surtout en long-courriers adaptés aux voyages directs de point à point. Un exemple à méditer.
En l'occurrence, l'évolution de l'offre industrielle donne le « la » aux transports aériens.
B. LA CONCURRENCE INSTRUMENTALISE L'INDUSTRIE
1. L'affrontement Airbus - Boeing ne perd pas de hauteur
Livraisons annuelles d'appareils (1989 - 2010) : Airbus dépasse Boeing depuis 2003
Source : « Airbus - Boeing delivery comparison 2010 » par Thefroyo
Les courbes ci-dessus illustrent la montée en puissance progressive d'Airbus entre 1990 et 2010. Depuis cette date, les deux avionneurs sont au coude à coude pour les commandes d'avions, ainsi que pour les livraisons. Signe des temps, tous deux ont ouvert des sites en Chine pour faciliter leur entrée sur un marché que les analystes s'accordent à présenter comme l'eldorado aérien du XXIe siècle. Il est vrai que la concurrence entre ces deux constructeurs mondiaux de premier plan se déplace toujours plus vers le marché chinois, où Boeing tient la corde pour l'année 2015, après y avoir fait globalement jeu égal avec Airbus au cours des 30 dernières années.
La Chine restera-t-elle un pays de cocagne pour les avionneurs ? Globalement, la flotte chinoise devrait presque tripler au cours des vingt prochaines années, avec 7 200 avions à l'horizon 2034, contre 2 600 aujourd'hui. À court et moyen termes, tous les espoirs sont donc permis, mais la volonté affirmée par les pouvoirs publics chinois de faire émerger une industrie aéronautique nationale devrait se traduire par la disparition progressive de ce débouché. L'Empire du Milieu adapte à l'aéronautique la stratégie qui lui a si bien réussi dans l'' automobile ou la construction ferroviaire : conditionner progressivement l'ouverture de son marché à l'implantation industrielle, en coopération avec son champion local. Aviation Industry Corporation of China vient de présenter son concurrent des A320 et B737 : le Comac C919.
Raison de plus pour examiner l'état de la concurrence entre les deux grands noms de l'industrie aéronautique mondiale actuelle.
Après des livraisons et des commandes record, Boeing se devait de présenter des résultats financiers du même acabit pour 2013. Malgré un début d'année marqué par la suspension des vols du 787, ce groupe a réalisé en 2013 le plus important chiffre d'affaires (86,62 milliards de dollars) et les plus gros bénéfices de son histoire : le résultat d'exploitation atteint 6,56 milliards de dollars, soit une marge brute de 7,6 % ; le résultat net a bondi de 18 %, pour s'établir à 4,58 milliards de dollars. C'est la branche « aviation commerciale » (BCA) qui creuse l'écart avec Airbus. L'avionneur a non seulement livré plus d'appareils que son rival européen, mais il a aussi atteint et même dépassé les 10 % de marge, qu'Airbus espère atteindre en 2015. Avec un résultat d'exploitation de 5,8 milliards de dollars, en hausse de 23 %, pour un chiffre d'affaires de 53 milliards, Boeing Aviation Commerciale affichait 10,9 % de marge... contre 2,9 % pour Airbus en 2012.
L'exercice 2013 d'Airbus Group s'est soldé par un chiffre d'affaires de 60,5 milliards d'euros, pour un résultat d'exploitation de 3,5 milliards.
L'écart de rentabilité entre ces géants de la construction aéronautique s'est atténué en 2014, principalement grâce à de meilleurs résultats d'Airbus.
Source : Les échos
2. L'Airbus A380, réussite ou échec industriel selon le bon vouloir du Golfe
Source : Cité des Sciences et de l'Industrie
Avec l'A380, Airbus a parié sur le modèle traditionnel des hubs reliés entre eux par des super jumbos, la destination finale étant desservie par des court ou moyen-courriers.
En 2000, Airbus annonçait qu'il allait produire 1 200 avions A380 en vingt ans. Cet appareil (525 places en trois classes) présente des coûts d'exploitation par siège comparables à ceux de l'innovant 787-9 (280 places en trois classes) et de 30 % inférieurs au 777-300ER (365 places en trois classes). Il reste que les coûts d'acquisition sont plus élevés et qu'il faut remplir le très gros porteur pour le rentabiliser (cf. graphique ci-dessus). Actuellement, Emirates est la seule compagnie à centrer sa stratégie long courrier sur ce très gros porteur (dont elle a jusqu'à présent acquis la moitié de la production) : l'A380 représente 28 % de sa flotte et 28 % de ses commandes. Le deuxième client du super jumbo - Singapore Airlines - lui réserve 17 % de sa flotte et 5 % des commandes.
Autant dire que les clients ont largement les cartes en main dans les négociations, et que les compagnies du Golfe n'ont pas besoin d'élever le ton pour faire entendre leur voix.
La proposition formulée en mars 2015 par la société Airbus d'ajouter 19 places - toutes en classe business , pour améliorer la rentabilité de l'appareil - fait suite aux demandes formulées par le président d' Emirates , M. Tim Clark. Celui-ci avait évoqué un allongement de l'avion.
Et une rumeur insistante, relayée au cours d'une interview au Sunday Times par le PDG d'Airbus, M. Fabrice Brégier, veut qu'un A380 neo soit commercialisé à l'horizon de 2020-2025 pour concurrencer la version allongée du Boeing 777, qui devrait être disponible dans cinq à dix ans. Le conseil d'administration devrait se prononcer au plus tôt fin 2015. Faut-il préciser qu' Emirates fait figure de client naturel ? 6 ( * )
En ajoutant le déblocage des Rafales à l'exportation, comment imaginer que le soutien décisif à certains programmes industriels situés dans des États membres de l'Union européenne puisse ne pas renforcer la main de compagnies à la recherche permanente de nouveaux clients à transporter, donc de nouvelles autorisations de vol ?
*
La partie continentale de l'Union européenne est aujourd'hui dépourvue de grande compagnie aérienne prospère. Les seuls prestataires de services aériens tout à la fois de grande taille, basés dans un État membre et financièrement solides ont aussi une quatrième caractéristique en commun : tous trois sont basés dans les îles britanniques. Question de culture nationale adaptée à un environnement économique concurrentiel ?
À l'échelle de la planète, l'évolution la plus marquante est l'émergence dans le Golfe de hubs dominants qui tendent à vassaliser les hubs historiques d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Asie, voire d'Afrique de l'Ouest.
Les deux seules grandes compagnies du continent qui aient conservé leur autonomie - Air France et Lufthansa - semblent éprouver quelques difficultés dans l'adaptation à un environnement bouleversé.
Cela s'explique aisément : l'aéronautique européenne (d'hier) est morte.
Mais ce constat n'empêche pas de lancer immédiatement un cri d'espoir : vive l'aéronautique européenne (de demain) !
En effet, un nouveau décollage reste possible.
CHAPITRE 2 : VERS UN NOUVEAU DÉCOLLAGE
I. LA PISTE D'UNE GESTION STRATÉGIQUE DE LA CONCURRENCE AVEC LES TRANSPORTEURS D'ÉTATS TIERS
A. L'INDISPENSABLE RÉGULATION EUROPÉENNE
Le thème de la régulation européenne recouvre en fait deux problématiques : la nécessité d'une action commune, à l'échelle de l'Union, parce que l'échelon de l'État ne suffit pas ; la nécessité désormais impérieuse de faire véritablement respecter les dispositions adoptées pour combattre la concurrence déloyale.
1. L'échelon de l'État ne suffit pas
La nécessité de ne pas s'en remettre au seul niveau des États membres vient d'être parfaitement exposée par le Comité économique et social européen, dans l'avis « Une politique européenne intégrée de l'aviation », adopté les 16 et 17 septembre 2015.
Le groupe de travail souscrit pleinement à ce que le Comité économique et social européen a dit, et si bien dit : dans le monde actuel, chaque État membre est trop petit pour conduire une véritable négociation dans le domaine aéronautique. En revanche, lorsque les 28 États membres parlent d'une seule voix, ils peuvent obtenir quelque chose.
Encore leur faut-il définir une position véritablement commune.
2. Appliquer le droit de l'Union contre la concurrence déloyale
Adopté il y a onze ans, le règlement n° 868/2004 du 21 avril 2004 était censé protéger les compagnies européennes de transport aérien contre les subventions et pratiques déloyales qui leur porteraient préjudice.
Mais ce texte antidumping aux intentions excellentes reposait sur un dispositif aux objectifs prudents et pusillanimes dans ses moyens. Ainsi, seules pouvaient être contestées des subventions spécifiques à des entreprises ou des industries relevant de l'autorité qui accorde la subvention... Encore fallait-il que le plaignant démontre l'existence d'un préjudice, en s'appuyant sur des éléments de preuve positifs permettant de mettre en évidence des subventions qui causent un préjudice. Les mesures que la Commission européenne serait alors susceptible d'adopter ne devraient dépasser ni le niveau des subventions mises en évidence par le plaignant ni l'incidence du différentiel tarifaire (!).
En d'autres termes, échapperaient à toute action des subventions qui apporteraient une parfaite santé financière à une compagnie déficitaire, extérieure à l'Union européenne. Loin d'être anecdotique, ce point justifie les développements consacrés infra au nécessaire assainissement des prises de participation. Outre cette mansuétude posée par principe, le principal point faible de ce règlement tient à la fourniture de preuves préalablement à toute investigation de la Commission : comment démontrer que tel ou tel concurrent basé dans un État tiers y perçoit une aide faussant la concurrence ?
Il n'est donc pas surprenant que le droit de l'Union n'ait guère combattu en pratique de concurrence déloyale pratiquée par un fournisseur de transport aérien de pays non membre.
Comité économique et social européen Avis « Une politique européenne intégrée de l'aviation » 16 et 17 septembre 2015 (Extraits) « Le transport aérien est l'un des rares secteurs de services à être en concurrence au niveau non pas local mais mondial. Par conséquent, les coûts de production, le soutien politique disponible et les fonds octroyés aux compagnies aériennes des pays tiers, mais refusées aux transporteurs de l'UE, ont une incidence sur la compétitivité de l'Europe. » « En l'absence d'une stratégie commune, l'on passe à côté de possibilités de garantir la croissance pour les compagnies aériennes européennes en dehors de l'Union européenne et les États membres de l'UE resteront enclins à poursuivre leurs propres intérêts nationaux, même si l'UE pourrait retirer un avantage global supérieur à la somme des avantages individuels de chaque État. » « Dans le contexte d'une économie mondialisée et d'un déplacement géopolitique de la croissance du trafic vers l'Asie, une Union fragmentée continuera à perdre de son poids et de son influence sur la scène internationale. » « L'Union européenne dispose d'atouts incomparables au niveau mondial. [...] L'accès à ce marché constitue une option très attrayante pour les entreprises des pays tiers. » « Sans une stratégie cohérente dans le domaine de l'aviation à l'échelle de l'UE qui s'appuie sur les atouts de l'Europe et réunisse des parties prenantes du continent tout entier, les possibilités de croissance de nombreuses économies européennes pourraient être compromises. » « La compétitivité de l'aviation de l'UE est en jeu dès lors que l'ensemble du réseau de valeur de l'aviation européenne n'est pas concurrentiel dans une économie mondialisée. » « [...] le CESE demande à la Commission qu'elle s'attache, lors de la mise au point de sa stratégie, à promouvoir les avantages économiques créés par l'aviation. » |
B. L'IMPÉRIEUSE APPROCHE STRATÉGIQUE
1. Emploi et développement économique
Traditionnellement, la politique de la concurrence n'a qu'un seul but au sein de l'Union européenne : faire en sorte que les consommateurs obtiennent les meilleurs tarifs possibles. La seule amodiation tendant à sanctionner les pratiques déloyales via des prix artificiellement bas fait l'objet d'un contentieux autrement moins fourni que l'abus de position dominante.
En matière d'aviation, la Commission européenne est-elle disposée à prendre en compte les spécificités du secteur ? Il ne faut pas l'exclure, puisque Mme Violetta Bulc a déclaré le 2 juillet 2015 : « Nous reconnaissons l'importance de l'aviation en tant que moteur de la croissance et de l'emploi ». Tel est précisément l'objet d'une gestion stratégique de la concurrence.
Or, le contexte économique difficile d'aujourd'hui exige que l'Union européenne cesse de focaliser sa politique de transports aériens sur le seul prix des billets d'avion. Pour les membres du groupe de travail, cette réorientation est fondamentale pour que le monde des transports aériens ne soit pas réduit dans quelques années à la juxtaposition de transporteurs low cost usant jusqu'à la corde tous les moyens que leur imagination peut trouver pour diminuer les prix de revient et capter des subventions publiques tout en vivant dans un paradis fiscal à côté de quelques compagnies appliquant des stratégies strictement nationales mises au point par des États tiers sachant très bien ce qu'ils veulent.
Cette dernière considération conduit à examiner sans plus tarder l'indispensable assainissement des règles régissant les prises de participation.
2. Assainir les règles de prise de participation
a) Le dispositif actuel est dissymétrique
Le Comité économique et social européen a écrit dans son avis du 17 avril 2013 sur « La politique extérieure de l'UE dans le domaine de l'aviation » : « 5.7 [...] les fusions et acquisitions transfrontalières ne sont autorisées que dans l'UE, alors que les régimes de propriété et de contrôle restent fondamentalement figés dans l'état où ils ont été négociés en 1944 dans la Convention de Chicago. »
Rien n'ayant changé dans l'intervalle, le CESE est revenu à la charge dans son avis « Une politique européenne intégrée de l'aviation » : « Dans une économie mondialisée, les dispositions en matière de propriété et de contrôle doivent assurément être soigneusement réexaminées et révisées. La stratégie de l'UE en matière d'aviation, pleinement tournée vers l'avenir, devrait envisager de codifier les principes de concurrence loyale de l'Union européenne, en exerçant un effet de levier sur l'acceptation de ces normes par les transporteurs issus d'États non membres de l'UE, en tant que moyen d'assurer une concurrence loyale sur les marchés libéralisés. Afin de permettre une meilleure compréhension, le CESE préconise que la Commission envisage différentes options de modification éventuelle des exigences actuelles en matière de propriété et de contrôle ».
Lorsque l'absence de véritable politique de concurrence loyale se combine avec l'autorisation de fusions ou acquisitions transfrontalières portant sur les seules compagnies d'États membres, comment s'étonner que des transporteurs européens en difficulté parce que déficitaires finissent dans l'escarcelle de transporteurs extérieurs au continent, disposant de larges fonds à placer bien qu'ils soient eux-mêmes chroniquement déficitaires ?
b) Se développer malgré un déficit chronique reste possible, pour les transporteurs d'États tiers.
Au vu des accusations de « financement opaque », « subventions cachées » et « affirmations mensongères » contenues dans le document publié en février 2015 par trois grands transporteurs aériens des États-Unis 7 ( * ) , les bénéfices dont font état les rapports d'activité des compagnies du Golfe masqueraient en fait une exploitation déficitaire.
D'après le rapport des trois compagnies américaines, Etihad Airways aurait perçu 18 milliards de dollars en subventions cachées, qui l'auraient grandement aidée à atteindre la 13 ème place au classement mondial des compagnies aériennes selon leur capacité, alors que cet opérateur n'existait pas en 1998. De son côté, Qatar Airways aurait été à peine moins bien lotie, avec des subventions occultes atteignant 17,5 milliards, une aide qui l'aurait aidée à passer entre 1998 et 2014 de la 90 ème place mondiale à la 10 ème . Enfin, Emirates aurait clandestinement perçu 6,8 milliards de dollars pour passer pendant le même laps de temps de la 30 ème place mondiale à la 1 ère .
Actuellement, la compagnie Etihad a racheté Alitalia (à concurrence de 49 % du capital) et pris une participation dans Air Berlin (29,21 % du capital). Virgin-Australia est également devenue sa filiale à 22,9 %.
Le groupe de travail propose que le droit de l'Union introduise une obligation de réciprocité dans l'ouverture transfrontalière des fusions, tout en exigeant que les acquisitions - par des opérateurs d'États tiers - de compagnies aériennes historiquement liées à un État membre soient à l'avenir autorisées par la Commission européenne, après que celle-ci aura pu librement constater l'absence de concurrence déloyale, ainsi que l'authenticité de la bonne santé financière du candidat au rachat de parts, même minoritaires.
Les neuf « libertés » de
l'OACI
L'OACI a consacré neuf « libertés », en réalité neuf facultés que les États signataires peuvent s'accorder mutuellement, mais sans être nécessairement tenus de le faire puisque l'article premier de la Convention de Chicago dispose : « Les États contractants reconnaissent que chaque État a la souveraineté complète et exclusive sur l'espace aérien au-dessus de son territoire ». Ainsi, la première « liberté », à savoir le droit de survol, s'exerce dans les conditions précisées à l'article 6 de la Convention de Chicago : « Aucun service aérien international régulier ne peut être exploité au-dessus ou à l'intérieur du territoire d'un État contractant, sauf permission spéciale ou toute autre autorisation dudit État et conformément aux conditions de cette permission ou autorisation . » Les polémiques soulevées par le développement de nouvelles lignes aériennes exploitées par les compagnies du Golfe portent essentiellement sur l'attribution à celles-ci de la cinquième et de la septième « libertés » de l'OACI. - Première liberté : Droit de survol. Droit pour un transporteur d'un État de survoler le territoire d'un autre État sans y atterrir . (Exemple : vol Air France Paris/Tokyo, en survolant la Russie). - Deuxième liberté : Droit d'effectuer des escales techniques. Droit pour un transporteur d'un État d'atterrir dans un autre État pour des raisons non commerciales , comme la maintenance ou le ravitaillement en carburant, durant un vol vers un État tiers. (Exemple : vol d'une compagnie européenne Paris/Bangkok, avec escale technique à Dubaï). - Troisième liberté : Droit de débarquer dans un État tiers des passagers embarqués dans l'État dont l'aéronef a la nationalité. (Exemple : Vol Air France Paris/Casablanca). - Quatrième liberté : Droit d'embarquer dans un État tiers des passagers à destination de l'État dont l'aéronef a la nationalité . (Exemple : Air France embarque à Casablanca des passagers à destination de Paris). - Cinquième liberté : Droit d'embarquer/débarquer dans un État tiers des passagers à destination/en provenance de tout autre État contractant . (Exemple : Air France embarque à Bangkok, sur son vol Paris-Hanoï, des passagers à destination de Hanoï - droit de trafic entre la Thaïlande et le Vietnam). - Sixième liberté : Droit pour un transporteur d'un État d'assurer un service entre deux autres États en passant par l'État où il est enregistré (troisième et quatrième libertés combinées). (Exemple : Air France embarque à New York des passagers à destination d'Athènes, via son hub de Paris-Charles de Gaulle). - Septième liberté : Droit pour un transporteur d'un État d'exploiter, entièrement hors de son territoire, des lignes et d'assurer un service entre deux autres États . (Exemple : une compagnie européenne exploite une ligne Miami/Mexico). - Huitième liberté : Droit pour un transporteur d'effectuer des dessertes nationales à l'intérieur d'un État étranger , ce qui est aussi appelé « cabotage ». (Exemple : une compagnie européenne embarque à New York des passagers à destination de Los Angeles sur son vol Europe/Los Angeles). Cette liberté n'est pas appliquée aux États-Unis qui protègent les compagnies nationales en interdisant aux étrangères de transporter du fret ou des passagers à l'intérieur du pays. - Neuvième liberté : Droit pour un transporteur d'un État d'assurer un service entre deux points situés sur le territoire d'un autre État . (Exemple : une compagnie européenne exploite une ligne New York/Los Angeles). |
À plus long terme, l'Union européenne doit s'attacher à faire entrer l'aviation civile dans les compétences de l'OMC, afin de rendre applicable son dispositif de règlement des différends, autrement plus adapté au monde moderne que la Convention de Chicago, qui remonte à 1944.
Le règlement des différends selon la Convention de Chicago et l'OMC Signée à Chicago le 7 décembre 1944 et entrée en vigueur le 4 avril 1947, la Convention relative à l'aviation civile internationale a créé l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) comme agence de l'ONU chargée de coordonner le transport aérien international. Les articles 84 à 88 de cette Convention organisent un processus devant permettre de régler les différends entre États contractants, portant sur l'interprétation ou l'application de cette Convention. La procédure est de type juridictionnel, avec l'éventuelle intervention de la Cour permanente de Justice internationale ou d'un tribunal d'arbitrage. Une sanction peut être prononcée, allant jusqu'à l'interdiction d'exploiter une entreprise de transport aérien ou la suspension du droit de vote d'un État contractant qui ne se conformerait pas à une décision prise en application de ces articles 84 à 88. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) dispose d'une procédure de règlement au vaste champ d'application, dont le but n'est pas d'identifier des coupables, mais de régler un différend . L'Organe de règlement des différends (ORD) a été institué à cette fin. Le différend est tranché dans le respect des droits des « tierces parties ». Quelque 500 différends ont été tranchés fin 2014 en suivant cette procédure, qui pourrait être utilisée pour tout sujet tenant à la concurrence dans les transports aériens. |
II. PLANIFIER UNE CONCURRENCE LOYALE AU SEIN DE L'UNION
A. ÉTABLIR DES RÈGLES COMMUNES POUR LES RESSOURCES HUMAINES
1. Mettre fin aux faux indépendants et autres emplois « atypiques »
Le Comité économique et social européen s'est saisi du sujet il y a deux ans, lorsqu'il a écrit dans son avis « La politique extérieure de l'UE dans le domaine de l'aviation », adopté le 17 avril 2013 : « Il importe que les compagnies aériennes qui desservent l'Europe se conforment aux règles et règlements de l'OIT. » Autant dire que ces règles sont parfois bafouées, d'après le Comité.
Celui-ci est revenu à la charge en septembre 2015, pour observer, dans son avis « Une politique européenne intégrée de l'aviation » : « Le CESE insiste auprès de la Commission pour qu'elle veille à ce que des règles et des normes internationales comparables soient appliquées aux concurrents de l'UE et des pays tiers. Il s'agit notamment d'encourager l'application, au niveau international, de principes de concurrence loyale ainsi que des conventions fondamentales de l'OIT . »
Surtout, son avis « Dumping social dans l'aviation civile », lui aussi adopté en septembre 2015, met en avant un arrêt rendu le 4 décembre 2014 par la Cour de justice de l'Union européenne 8 ( * ) pour souligner que des prestataires de services présentés comme des travailleurs indépendants peuvent se trouver dans une situation comparable à celle de travailleurs salariés, une situation que la juridiction au fond peut et doit vérifier. Fort logiquement, le Comité demande que l'Union européenne adopte une définition commune du « travailleur salarié » et du « travailleur indépendant ».
Le sujet est d'importance pour la loyauté de la concurrence entre compagnies traditionnelles et compagnies low cost au sein de l'Union européenne. Traiter ce thème ouvre également un difficile chantier juridique, car la notion cardinale de « base d'affectation » est parfois d'application délicate, singulièrement lorsque les membres d'équipage sont réputés « travailleurs indépendants ». Il convient donc d'introduire en droit de l'Union « des règles spécifiques pour les travailleurs très mobiles ». 9 ( * )
À juste titre, le Comité économique et social européen appuie l'action des partenaires sociaux, puisqu'il mentionne explicitement la déclaration conjointe adoptée le 5 juin 2014 par le groupe de travail sur le personnel navigant, pour dénoncer « les évolutions récentes qui menacent gravement le modèle social européen, l'emploi et la concurrence équitable sur le marché de l'aviation » et propose des changements concrets de législation.
Faisant suite à la déclaration du 5 juin 2014, la déclaration conjointe des mêmes partenaires en date du 13 février 2015 demande que soient lancées « des discussions sur un cadre au secteur de l'aviation en vue d'établir des conditions de concurrence équitable au niveau mondial ».
Le groupe de travail souscrit à l'approche et aux
analyses rappelées ci-dessus. Ses membres estiment que la Convention du
travail maritime
- adoptée à Genève le
7 février 2006 dans le cadre de l'Organisation internationale du
travail et entrée en vigueur le 20 août 2013 - fournit
une référence intellectuellement intéressante, puisque son
objectif consiste à promouvoir «
des conditions de travail
et de vie décente
s » pour des personnes dont le travail
est avant tout caractérisé par la mobilité. En outre, bien
que les conditions atypiques d'emploi mises en cause relèvent
principalement de l'Union européenne, des opérateurs basés
hors de l'Union peuvent également porter haut le drapeau de la
créativité en ce domaine. Ainsi, la compagnie
Norwegian Air
International
a créé une filiale établie en Irlande
afin d'embaucher du personnel de cabine et du personnel navigant
domicilié en Thaïlande, avec des contrats de travail
singapouriens
10
(
*
)
afin de
relier les États-Unis depuis Londres ! La Commission
européenne n'y a pas vu malice, elle qui a déploré le
refus opposé par les États-Unis, pourtant fondé sur
l'article 17
bis
de l'accord Ciel ouvert qui protège les
normes sociales existantes.
Le groupe de travail souhaite que tout opérateur de transports aériens voulant opérer au départ d'États membres, soit tenu de respecter les règles d'emploi, de rémunération et de protection sociale en vigueur sur le territoire de l'Union européenne.
2. Les employés ne doivent plus financer leurs employeurs
Il peut sembler invraisemblable que l'employeur soit rémunéré par ses employés. Telle est pourtant une partie de la réalité dans les relations que certaines compagnies low cost entretiennent avec le personnel navigant ou le personnel de cabine.
Ainsi, les hôtesses et stewards doivent parfois payer à leur futur employeur le coût de la formation d'adaptation à l'emploi dispensée par celui-ci à ces nouvelles recrues. Les conditions de travail étant ce qu'elles sont, le turnover du personnel est soutenu. Résultat : l'employeur qui évite de verser une rémunération à même de retenir ses salariés transforme leur insatisfaction en source supplémentaire de chiffre d'affaires ! Quant aux pilotes, ils doivent parfois pratiquer le « pay for fly » : ils payent pour voler. Le groupe de travail se félicite de l'étude très complète réalisée par l'université de Gand avec la contribution de la Commission européenne pour décrire de façon complète les conditions « atypiques » d'emploi trop souvent pratiquées à grande échelle par le secteur low cost 11 ( * ) . En conclusion, les auteurs de ce rapport estiment qu'il est « minuit moins cinq », en d'autres termes qu'il est grand temps d'agir.
B. CLARIFIER LES RÔLES DES OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES
1. Équilibrer les relations entre compagnies et aéroports
Portant sur les seuls aéroports français, le rapport du groupe de travail présidé par M. Le Roux 12 ( * ) observe en particulier : « Dans la chaîne de valeur du transport aérien, exploitants d'aéroports et transporteurs sont les deux maillons essentiels. Force est de constater que les rentabilités des deux activités diffèrent considérablement . » Le constat est avéré, mais la situation diffère du tout au tout selon que l'on considère un hub ou un petit aéroport régional.
a) Le hub unique dispose d'un pouvoir hypertrophié de négociation
La principale atténuation provient du cas où l'État possède à la fois le hub et la compagnie, une situation que les privatisations successives des transporteurs aériens tendent à rendre moins systématique dans l'Union européenne d'aujourd'hui. Sans l'avoir véritablement voulu, les États membres sont ainsi passés d'une relation équilibrée par l'arbitrage confié au ministre des transports à un rapport de forces économiques totalement déséquilibré au profit des hubs , face à des compagnies - nationales et privées tout à la fois - qui utilisent ces infrastructures pour les correspondances entre vols nationaux et internationaux. Les compagnies aériennes historiques doivent ainsi affronter la concurrence nationale et internationale en position de faiblesse, précisément sur la plate-forme qui constituait autrefois leur point fort 13 ( * ) .
Pour mettre fin à une situation de concurrence difficilement tenable, il est proposé de :
- permettre des prises de participation entre compagnie aérienne historique et hub , sous une forme capitalistique directe ou en créant une holding détenant tout à la fois la compagnie et son hub ;
- modifier le droit de l'Union européenne pour que les versements effectués par les transporteurs aériens au titre de chaque passager en transit prennent en compte le coût effectif de sa prise en charge, inférieur à la somme des dépenses induites par un passager qui s'envole et par un autre qui atterrit 14 ( * ) .
b) À l'autre bout de la chaîne, les petits aéroports
Trop souvent desservis par une seule compagnie aérienne, habituellement low cost , les petits aéroports subissent le rapport de force, qui penche totalement au profit du transporteur, particulièrement bien placé pour capter une large part des effets externes procurés par la desserte aéroportuaire. Les premières victimes de cette situation sont les collectivités territoriales qui subventionnent l'aéroport afin que les effets externes stimulent le développement local : la compagnie low cost récupère une fraction maximale du surplus procuré par l'activité aéronautique.
La faible capacité de négociation inhérente à leur taille est illustrée par plusieurs exemples où le refus d'accroître la « redevance » versée à Airport Marketing Services Ltd fut immédiatement sanctionné en supprimant la desserte par Ryanair . 15 ( * )
La solution à cette réelle difficulté ne relève pas principalement du droit, puisque le pouvoir de négociation de la compagnie aérienne provient en l'occurrence d'un monopole de desserte, lui-même conséquence du faible trafic inhérent aux aéroports modestes.
Il est toutefois envisageable d'officialiser en droit de l'Union une mission d'intérêt économique général en faveur des petits aéroports régionaux, afin d'encadrer les contreparties auxquelles peuvent prétendre les transporteurs desservant des plates-formes utiles à l'aménagement du territoire malgré leur taille modeste. Les membres du groupe de travail soulignent que ce régime pourrait également s'appliquer à certaines dessertes d'importance nationale, voire européenne, comme la liaison aérienne Paris-Strasbourg.
Comité économique et social européen Avis sur « La politique extérieure de l'UE dans le domaine de l'aviation » 17 avril 2013 (Extraits) « 3.3 [...] les meilleurs sites sont généralement les aéroports des grandes villes, qui sont de plus en plus saturés et ne peuvent s'agrandir en raison principalement de problèmes environnementaux. « 3.4 En raison d'un manque de capacités, certaines plateformes de correspondance européennes commencent déjà à limiter le nombre de liaisons de collecte qu'il est possible d'exploiter, un problème qu'il convient de traiter efficacement si l'on veut maintenir la compétitivité européenne. » « [...] 8.8 Le CESE appelle à nouveau à l'introduction sans délai d'un contrôle unique de sécurité, qui permettrait de réduire considérablement les coûts encourus par les compagnies aériennes et de faire gagner du temps aux passagers. Ce sujet doit dès lors être considéré comme une priorité à aborder avec les principaux partenaires. » |
2. Éliminer l'évasion fiscale comme moyen de financement.
Une fois encore, le groupe de travail doit proposer un objectif dont il est légitime de se demander comment il peut ne pas être déjà satisfait.
Il suffit pourtant de considérer la structure financière de la plus célèbre compagnie low cost européenne, Ryanair , pour observer que ses filiales en relation avec le financement ou la location d'avions sont situées sur l'île de Man, un paradis fiscal que l'on ne présente plus. Mais cela ne semble pas suffire, puisque les entreprises détenant les appareils n'apparaissent pas dans l'organigramme, établi en 2013 par Air Scoop en vue de sa publication « Ryanair's Business Model » page suivante. D'après les auditions organisées par le groupe de travail, ces filiales seraient préférentiellement localisées dans l'État du Delaware, qui n'impose pas les actifs localisés à l'extérieur de ses propres frontières. Les avions qui ne se posent pas dans le Delaware échappent donc à toute imposition sur les actifs de production.
Dans le même esprit, le recours à des salariés prétendument « travailleurs indépendants », fiscalement domiciliés dans les îles anglo-normandes, évite à ces derniers tout prélèvement fiscal autre que symbolique sur le revenu, et limite les prélèvements sociaux à leur plus simple expression. À qui profite ce dispositif ? Exclusivement à l'employeur, qui verse une rémunération nette comparable à celle que les pilotes auraient conservée sous d'autres cieux après avoir réglé un impôt sur le revenu digne de ce nom, ainsi que les cotisations sociales apportant une réelle protection. Ainsi, l'économie fiscale et sociale des prétendus travailleurs indépendants est en réalité conservée par l'employeur. Au total, l'économie fiscale directe se joint aux réductions fiscales et sociales indirectes pour assurer un bénéfice à Ryanair .
Source : AIR SCOOP Le modèle économique de Ryanair . 2013
*
Les voies d'action sont donc identifiées. Les suivre n'aura rien d'une promenade, mais peut-on rester imperturbable face à une évolution qui a déjà fait disparaître plusieurs compagnies historiques des États membres, qui a privé de toute autonomie d'autres compagnies (dont la persistance tient de l'affichage commercial plus que de la vérité), qui provoque aujourd'hui les graves convulsions dans lesquelles se débattent les deux plus grandes compagnies historiques continentales, face à une évolution qui encourage les orfèvres de l'évasion fiscale et du dumping social ?
Choisir de prendre en main l'avenir de l'aéronautique européenne, ce n'est pas seulement une question de courage immédiat, c'est aussi la conséquence imposée par la logique, voire l'instinct de survie : l'inaction exposerait à une succession de désagréments bien plus graves encore que les obstacles à franchir pour élaborer, puis conduire une gestion stratégique de la concurrence envers les opérateurs tiers à l'Union et pour mettre un terme à des pratiques contraires aux valeurs proclamées de la construction européenne.
L'audience renforcée que des mouvements dits « eurosceptiques » rencontrent ces dernières années lors de consultations électorales signifie que les peuples tendent à perdre la confiance qu'ils avaient dans des institutions et dans une construction dont les résultats leur paraissent décevants.
Les transports aériens offrent une occasion - excellente s'il en est - de démontrer la pertinence de l'Union européenne. Encore faut-il qu'elle saisisse cette occasion !
CONCLUSION
Une fois posé le diagnostic et après avoir déterminé la stratégie thérapeutique, il reste à trancher une question majeure : le rythme.
Tout va très vite. Certes, il a fallu quelques années pour que l'action des compagnies low cost et celle des transporteurs aériens basés dans le Golfe élimine certains opérateurs nationaux, mette fin à l'indépendance d'autres opérateurs historiques et fasse apparaître certaines des majors européennes survivantes comme de futures victimes, aujourd'hui en sursis. Certes, l'accélération de l'histoire des transports aériens n'a pas encore placé les échéances décisives à l'horizon de quelques mois. Néanmoins, il n'y a plus de temps à perdre pour élaborer une stratégie gagnante de l'Union européenne, afin que celle-ci conserve la maîtrise de ces liaisons aériennes avec le reste du monde, une fonction stratégique entre toutes à l'ère de la mondialisation.
La présentation prochaine de sa stratégie pour les transports aériens fournira l'occasion à la Commission européenne et aux États membres de prendre enfin à bras-le-corps un thème dont l'importance va très au-delà d'une variation marginale des prix acquittés par les voyageurs. Introduire les transports aériens dans les compétences de l'OMC ne présenterait que des avantages, mais il n'y a là aucun préalable pouvant servir de prétexte à la simple prorogation des orientations actuelles.
Simultanément, chaque État membre pourra infléchir tel ou tel aspect de sa politique - par exemple la facturation ou non des missions régaliennes exercées sur les plates-formes aéroportuaires.
Il appartient bien sûr aux compagnies aériennes concernées d'agir concrètement pour adapter leur offre et leur mode de fonctionnement à un monde qui a déjà subi d'immenses transformations au cours principalement de la dernière décennie, et qui va sans doute connaître au cours des dix prochaines années de nouvelles évolutions dont le plein effet se manifestera un peu plus tard : les transporteurs aériens qui comptent encore devront se positionner sans tarder dans la bonne direction.
Le défi est donc double pour les compagnies qui font la « une » de l'actualité non pour leurs performances mais pour les conflits sociaux à répétition qui scandent leur vie depuis quelques années : elles devront simultanément assainir la situation courante et engager l'adaptation aux transports de demain.
Mieux vaut agir, intelligemment et vite, car le temps presse !
ANNEXES
1. Le réseau européen d' Etihad Airways
2. Les formes d'emploi dans les compagnies aériennes
3. Les griefs de compagnies américaines contre leurs concurrentes du Golfe
4. Les griefs d' Etihad Airways contre les compagnies américaines
I. LE RÉSEAU EUROPÉEN D'ETIHAD AIRWAYS
Avec ses filiales européennes, Etihad Airways draine les voyageurs depuis les hubs, mais aussi depuis certains aéroports régionaux de l'Union.
Source: Etihad
II. LES FORMES D'EMPLOI DANS LES COMPAGNIES AÉRIENNES
Tous les graphiques repris ici proviennent du rapport Atypical Employment in Aviation. Final report . Universiteit Gent 2015. (287 pages)
Parmi l'échantillon de pilotes étudié par l'université de Gand, 79 % disposaient d'un contrat de travail (CDD ou CDI) signé directement avec la compagnie aérienne , seulement 5 % avaient un statut de travailleur indépendant (justifié ou non), 4 % étaient mis à disposition par une entité extérieure (qui peut être une structure coopérative de 2 ou 3 pilotes).
Parmi les pilotes disposant d'un contrat de travail signé directement avec la compagnie aérienne, 53 % volent pour une compagnie à réseau classique , 15 % pour une compagnie low cost .
En revanche, 80 % des pilotes travaillant sous statut « atypique » volent sur des lignes low cost , contre seulement 5 % pour des compagnies à réseau.
Il reste que la structure des emplois de pilotes n'a rien d'homogène au sein du monde du low cost , comme le montrent les trois graphiques suvants, portant sur les compagnies Ryanair , easyJet et Norwegian .
Ryanair se distingue par l'existence significative de tous les types de statuts, avec les plus fortes proportions de pilotes classés « indépendants » (28 %) ou « mis à disposition » (19 %), soit presque la moitié de l'effectif total de la compagnie sous deux formes d'emploi réputées particulièrement précaires.
La compagnie easyJet est caractérisée par le recours massif aux contrats directs (88 % de ses pilotes) et la quasi absence des pilotes sous statut de travailleurs indépendants.
Enfin, Norwegian privilégie l'emploi de pilotes fournis par des sociétés d'intérim (63 %), pour des contrats temporaires.
Les pilotes volant sous statut de « travailleurs indépendants » ne se distinguent pas des salariés, dont la caractéristique cardinale est l'absence de subordination envers le donneur d'ordre. Or, la réponse des intéressés au questionnaire est sans appel.
III. LES GRIEFS DE COMPAGNIES AMÉRICAINES CONTRE LEURS CONCURRENTES DU GOLFE
Les principaux griefs sont les suivants :
- une croissance trop rapide pour être honnête ;
- des coûts de fonctionnement sans commune mesure avec le reste du monde ;
- au total, des subventions massives ;
- une absurdité économique avec une hausse de l'offre sans rapport avec l'évolution de la demande et l'allongement des trajets ;
- l'ouverture d'une liaison directe reliant New-York à Milan, sans rapport avec le Golfe.
Une croissance trop rapide pour être honnête
Évolution des capacités des trois compagnies
du Golfe
et de trois compagnies américaines
Source :
Restoring open skies : addressing
subsidized competition
from state-owned airlines in Qatar and the UAE,
janvier 2015
Des coûts de fonctionnement sans comparaison avec le reste du monde
Une main-d'oeuvre très bon
marché :
part des dépenses de personnel dans les charges
d'exploitation hors carburant
Source :
Restoring open skies : the need to
address subsidized competition
from state-owned airlines in Qatar and the
UAE
, 28 janvier 2015
Source
: Restoring open skies : the need to
address subsidized competition
from state-owned airlines in Qatar and the
UAE
, 28 janvier 2015
Au total, des subventions massives (42,3 milliards de dollars pour la période 2004 à 2014, dont 17,5 milliards versés par les Émirats arabes unis, le reste par le Qatar).
Source : OPEN & FAIR SKIES
Une absurdité économique
La hausse de l'offre est déconnectée
de la demande
:
offre et trafic de passagers entre
les aéroports des États-Unis
et les destinations du Golfe
(Dubaï, Abou Dabi, Doha)
Hausse des sièges quotidiens (en moyenne) proposés à la réservation, en forte croissance .
Évolution des réservations quotidiennes moyennes depuis ou vers les plates-formes américaines de transit, en faible hausse.
Réservations quotidiennes depuis ou vers les aéroports américains atteints depuis les plates-formes de transit, en très légère diminution.
Des trajets allongés : se rendre de Chicago à Bangkok via Doha au lieu de Tokyo allonge le trajet de 13,7%
Source : Restoring open skies : the need to
address subsidized competition
from state-owned airlines in Qatar and the
UAE, 28 janvier 2015
L'existence d'une liaison directe États-Unis - Italie, sans rapport avec le Golfe
Évolution des parts de marché sur la liaison de New York à Milan : les compagnies américaines ont perdu 19 points, intégralement au profit de transporteurs du Golfe.
Compagnies des États-Unis (ou liées par accord)
Compagnies du Golfe
Autre compagnies
Source :
Restoring open skies : the need to
address subsidized competition
from state-owned airlines in Qatar and the
UAE
, 28 janvier 2015
IV. LES GRIEFS D'ETIHAD AIRWAYS CONTRE LES COMPAGNIES AMÉRICAINES
United Airlines , Delta Air Lines et American Airlines ont - ou auraient - bénéficié de subventions cachées pour plus de 70 milliards de dollars depuis 2000.
Source : RiskAdvisor
Financial & other
governmental benefits provided to
American airlines
,
Delta
Airlines
&
United Airlines, 14 mai 2015
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 19 novembre 2015 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par MM. Jean Bizet, Éric Bocquet, Claude Kern et Simon Sutour, le débat suivant s'est engagé :
M. Jean-Paul Emorine . - Je voudrais commencer par trois observations factuelles. Bien que le transport aérien soit une activité mondialisée par excellence, notre compagnie historique emploie des salariés dont le statut est sans rapport avec la situation qui règne chez nous concurrents. À l'avenir, la flotte chinoise va tripler ! Enfin, il ne faut pas que les vols low cost fassent perdre en sécurité ou en respect des horaires.
L'Airbus A380 est un avion magnifique pouvant embarquer plus de 800 voyageurs. Aux États-Unis, la recherche de Boeing est financée par le ministère de la défense, mais cet industriel reproche à Airbus le dispositif des avances européennes ! Le carnet de commandes d'Airbus concerne la terre entière.
Il y a cinq ans, j'ai pris un vol Varig pour aller au Brésil, un prix deux fois plus faible que celui d'Air France. Si notre compagnie historique ne s'adapte pas, elle disparaîtra.
J'en viens aux hubs . Le ciel de Paris est saturé. C'est Lyon qui va épauler Aéroports de paris.
Enfin, le TGV qui reliera Paris et Strasbourg en moins de deux heures conduit fatalement à supprimer la liaison aérienne.
M. Yves Pozzo di Borgo . - La compagnie easyJet gère-t-elle son personnel de la façon décrite par notre collègue Éric Bocquet ?
M. Éric Bocquet . - Non.
M. Claude Kern, rapporteur . - Je comprends la problématique du temps de trajet, mais il faut déjà réserver une place dans le TGV avec deux mois d'avance ! L'avion reste donc nécessaire. Au demeurant, un temps de trajet à peine inférieur à deux heures ne bouleversera pas le cadencement des rames.
M. Didier Marie . - Ce rapport fort intéressant ne manque pas d'inquiéter.
Nous assistons à une mondialisation croissante du tourisme. Lorsque 5 % des Chinois voyageront, il y aura beaucoup de personnes dans nos rues ! Mais les capacités de transport aérien se seront accrues d'abord. La question est loin d'être résolue.
J'en viens au second point : l'élimination du dumping social organisé par certaines compagnies, qui est inacceptable. Il est impossible d'agir efficacement à l'échelle nationale, bien que certaines compagnies incriminées concernent des publics très importants. Peu de procès ont eu lieu, peu d'aides ont été remboursées.
Quant aux compagnies du Golfe, elles ont besoin d'autorisations d'atterrir. Pour éliminer la concurrence déloyale, les négociations doivent être conduites à l'échelle de l'Union européenne. Quelles sont les intentions de la Commission européenne à ce propos ? Des prises de participation opérée dans des compagnies européennes ont un aspect problématique, dès lors que les opérateurs du Golfe sont aidés par leurs États respectifs.
M. Jean Bizet, rapporteur . - La polémique entre Airbus et Boeing ne pourrait plus durer si l'OMC incluait l'aviation civile.
Le règlement n° 868/2004 dates d'avril 2004, mais il n'a guère été mis en oeuvre. Il est d'ailleurs stupéfiant de circonvolutions qui anéantissent la protection attendue. Notre compagnie nationale a engagé des actions contentieuses auprès de la Commission européenne. Enfin, la politique en matière d'achat d'avions et d'affrètement des vols fait l'objet d'une suggestion du rapport sur la gestion stratégique de la concurrence par la Commission européenne.
M. Michel Raison . - Le système des faux travailleurs indépendants va très au-delà du simple assouplissement du droit du travail, que j'appelle de mes voeux. Cette façon de gérer ses ressources humaines est particulièrement grave dans le domaine aérien, car elle peut compromettre la sécurité des vols. L'absence de cotisations sociales est anormale.
M. Éric Bocquet . - Vous avez raison. Il y a là un véritable souci en matière de sécurité, mais aussi de responsabilité en cas de catastrophe.
L'existence de cotisations sociales, par exemple en France, provoque une distorsion de concurrence.
M. Michel Billout . - Je remercie les co-rapporteurs, qui ont illustré avec précision ce sujet d'une grande importance. Mais je reste inquiet, car je comprends la préoccupation éprouvée par les personnels d'Air France, qui ne veulent pas évoluer vers le prétendu modèle social de Ryanair .
J'espère que ce rapport éclairera les enjeux. Faute de réaction de l'Union européenne contre le dumping social, les difficultés seront inévitables.
M. Yves Pozzo di Borgo . - Nos collègues parlementaires élus à Strasbourg se sentent un petit peu seuls quand ils défendent sa place de capitale européenne. Sur place, trop peu d'investissements ont été réalisés. L'arrêt de la desserte aérienne depuis Paris est symbolique pour la France !
M. Jean Bizet, président . - Sur place, nous avons constaté qu'il est bien plus facile de s'entretenir avec un commissaire européen à Strasbourg plutôt qu'à Bruxelles. C'est pourquoi j'ai proposé à M. Harlem Désir d'organiser un déplacement conjoint à Strasbourg, ville qui pourrait devenir la capitale de l'Eurogroupe.
Certains parlementaires européens considèrent la situation d'un point de vue purement budgétaire.
Le Parlement européen vient de publier la résolution qu'il a votée mercredi dernier en vue du prochain paquet aérien. Ces conclusions sont totalement cohérentes avec celles de notre rapport. Nous serons très attentifs aux propositions que la Commission européenne doit formuler le 2 décembre.
Je propose que les quatre membres du groupe de travail adressent un courrier au secrétaire d'État chargé des transports, M. Vidalies, afin de lui remettre notre rapport.
Notre pavillon national va mieux, c'est exact, mais sur un plan strictement conjoncturel. Nous exprimerons au secrétaire d'État les inquiétudes qui persistent.
Aujourd'hui, la sécurité des aéroports est reportée sur les compagnies aériennes, alors que cette fonction régalienne est totalement prise en charge par les finances publiques aux États-Unis.
Après le 2 décembre, j'envisage de réagir par conférence de presse aux propositions de la Commission européenne, et de remettre notre rapport à Mme Violeta Bulc, commissaire européenne chargée des transports, en exigeant la moralisation de certaines pratiques.
M. Simon Sutour, rapporteur . - J'approuve cette suggestion.
Nous proposons aujourd'hui à notre commission d'envoyer un avis politique à la Commission européenne. Le rapport présenté l'an dernier par M. Le Roux aboutit à des orientations comparables aux nôtres. Maintenant, il faut agir !
À l'issue du débat, la commission a adopté, à l'unanimité, l'avis politique dans le texte ci-après, qui sera transmis à la Commission européenne, et a autorisé la publication du rapport d'information.
Avis politique
Vu le règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté, Vu le règlement (CE) n° 868/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales causant un préjudice aux transporteurs aériens communautaires dans le cadre de la fourniture de services de transport aérien de la part de pays non membres de la Communauté européenne, Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise en oeuvre du ciel unique européen (COM (2013) 410 final) du 4 juillet 2013, Vu la communication de la Commission européenne fixant les lignes directrices sur les aides publiques en faveur des aéroports et des compagnies aériennes du 20 février 2014, La commission des affaires européennes du Sénat fait les observations suivantes : Les règlements du Conseil (CEE) n° 2407/92, 2408/92 et 2409/92, remplacés par le règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil ayant libéralisé la prestation de transport dans le ciel de l'Union européenne, ils ont compromis la viabilité du modèle traditionnel des compagnies à réseau associant des lignes intérieures court ou moyen-courrier entre aéroports régionaux ou desservant un hub national d'une part, des lignes internationales de hub à hub d'autre part ; Les opérateurs à bas prix, habituellement dénommés « low cost » ont utilisé les possibilités nouvelles pour développer à un rythme exceptionnellement soutenu leur offre de voyage à bas prix, principalement entre aéroports régionaux - au sein d'un même État membre ou entre États membres. La démocratisation ainsi opérée des voyages aériens est satisfaisante en soi, mais la recherche de prix de revient aussi bas que possible s'est accompagnée d'abus trop fréquents, parfois pratiqués à grande échelle. Il convient aujourd'hui de mettre un terme à l'emploi de travailleurs prétendument indépendants dont la réalité du travail et de la subordination aux donneurs d'ordre est identique à celle des salariés. De même, les schémas d'évasion fiscale ne doivent plus perdurer ; Indépendamment des compagnies low cost , les trois grands transporteurs basés dans le Golfe ont bouleversé la logique des liaisons internationales de hub à hub , puisque les voyageurs quittant l'Europe à destination d'Abou Dabi, Doha ou Dubaï ont dans leur très grande majorité une destination finale située à des milliers de kilomètres. En pratique, les hubs européens reliés aux trois grandes plates-formes aéroportuaires du Golfe jouent - pour ces liaisons - le rôle traditionnellement dévolu aux aéroports régionaux envers le hub national. Londres, Francfort, Paris, Rome et Madrid ne sont pas des aéroports régionaux d'un émirat pétrolier, mais les liaisons aériennes fonctionnent comme si tel était le cas ! C'est vrai à un point tel que les compagnies européennes sont presque totalement exclues de nombreuses destinations en Asie du sud-est, a fortiori en Australie où les deux seuls opérateurs de transport encore présents sur les liaisons avec l'Union européenne - British Airways et Virgin Atlantic - ont des liens capitalistiques avec les compagnies du Golfe (respectivement Qatar Airways et Etihad Airways ). La situation actuelle des grandes compagnies nationales historiques basées dans les États membres de l'Union européenne est extrêmement difficile, puisque British Airways offre le seul exemple d'une adaptation réussie sur le plan de la rentabilité ; De façon générale, la commission des affaires européennes demande avec insistance que la politique suivie par l'Union en matière de concurrence dans les transports aériens prenne effectivement en compte le fait que le marché pertinent est en réalité constitué par le Globe tout entier, ce qui doit conduire à ne plus prendre en considération le seul prix des billets d'avion acquittés sur le sol de l'Union européenne ; S'agissant de façon plus précise des conditions de la concurrence entre prestataires de services aériens opérant au sein de l'Union, la commission des affaires européennes du Sénat souhaite que soient intégrés au plus vite les principes suivants : - l'utilisation d'une définition harmonisée pour la totalité de l'Union européenne des deux notions suivantes : « travailleurs salariés » et « travailleurs indépendants » ; - l'adoption de règles uniformes et spécifiques régissant l'emploi de travailleurs très mobiles au sein de l'Union européenne en raison de leur activité ; - la prise en compte des coûts effectivement induits par les passagers en départ direct, en arrivée définitive ou en transit pour établir les redevances versées aux aéroports par les compagnies aériennes ; - la possibilité, pour les États membres, de ne pas imposer aux passagers en transit une double taxation qui fait aujourd'hui payer pour chacun d'eux une somme identique à celle que la compagnie doit acquitter pour un voyageur qui atterrit et pour un autre qui s'envole ; - l'introduction dans le droit de l'Union d'un dispositif encadrant les contreparties que les compagnies aériennes peuvent exiger des petits aéroports afin de les desservir ; En outre, la commission des affaires européennes du Sénat souhaite que soient prohibés au plus vite les dispositifs d'évasion fiscale permettant de soustraire les aéronefs aux impôts sur les actifs économiques des entreprises - notamment par une domiciliation fictive dans un paradis fiscal ; Elle demande par ailleurs que les États membres puissent utiliser le dispositif des services d'intérêt économique général pour garantir la desserte aérienne de telle ou telle plate-forme régionale ; S'agissant de la concurrence avec des opérateurs externes aux États membres, la commission des affaires européennes du Sénat estime indispensable que l'Union européenne prenne l'initiative d'une négociation internationale afin d'étendre les attributions de l'OMC pour y inclure l'aviation civile ; Elle demande avec insistance l'application effective du règlement (CE) n° 868/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales causant un préjudice aux transporteurs aériens communautaires dans le cadre de la fourniture de services de transport aérien de la part de pays non membres de la Communauté européenne. Si besoin est, ce règlement devrait être adapté afin de rendre équitable la concurrence entre compagnies relevant d'États membres et celles relevant d'États tiers ; Enfin, en attendant d'appliquer les règles posées dans le cadre de l'OMC, la commission des affaires européennes souhaite vivement que les prises de participation au sein de compagnies aériennes basées dans un État membre, par des opérateurs basés dans des États tiers, respecte à l'avenir deux principes : - la réciprocité du droit, afin que les opérateurs européens ne soient pas les seuls susceptibles d'être au moins partiellement rachetés par des opérateurs provenant d'États tiers ; - la vérification préalable de l'absence de pratiques déloyales et de la sincérité des comptes publiés par l'éventuel investisseur originaire d'un État tiers. |
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
A. À PARIS
Aéroports de Paris
- M. Edward Arkwright, directeur général adjoint finances et stratégie
- M. Patrick Collard, directeur délégué à la Présidence et directeur de Cabinet du Président-directeur général
- M. Khaled Klaa, directeur adjoint des affaires publiques
Air France
- M. Gilles Bordes-Pagès, directeur de la stratégie
M. Michel Boutant, sénateur
M. Vincent Capo-Canellas, sénateur de Seine-Saint-Denis, maire du Bourget
Direction générale de l'aviation civile
- M. Paul Schwach, adjoint au directeur général, directeur du transport aérien
- M. Michel Lamalle, sous-directeur des transporteurs et services aériens à la direction du transport aérien
Fédération nationale des métiers de l'aérien et Fédération CFE-CGC d'Air France
- M. Emmanuel Salignat, président
- M. Ronald Noirot, secrétaire général
M. Bruno Le Roux, député de Seine-Saint-Denis, président du groupe Socialiste, républicain et citoyen, membre du groupe de travail sur l'étude « Compétitivité du transport aérien français »
M. Franck Proust, député européen
Syndicat national des pilotes de ligne - France ALPA
- M. Erick Derivry, président
- M. Christophe Tharot, membre du Bureau Exécutif en charge des affaires internationales
- Mme Sandrine Johnson, déléguée générale
- M. Arthur Bonhême, conseil - communication et institutions
Union des aéroports de France (UAF)
- M. Patrick Collard, premier vice-président de l'UAF, directeur de cabinet du président - Aéroports de Paris
- M. Dominique Thillaud, vice-président de l'UAF, président du directoire de l'aéroport de Nice
- M. Pascal Personne, vice-président de l'UAF, président du directoire de l'aéroport de Bordeaux
- M. Thomas Juin, vice-président de l'UAF, directeur de l'aéroport de La Rochelle
- M. Philippe Aliotti, délégué général de l'UAF
B. À BRUXELLES
Commission européenne
- M. Margus Rahuoja, directeur en charge du transport aérien
Compagnie Air France KLM
- M. Laurent Timsit, directeur de la stratégie
- M. Olivier Bertrand, représentant d'Air France KLM auprès des institutions européennes
Conseil des aéroports européens
- M. Olivier Jankovec, directeur général
Comité économique et social européen
- M. Pierre Jean Coulon, vice-président de la section « Transport Énergie »
Eurocockpit
- M. Dirk Polloczek, président
- M. Ignacio Plaza, secrétaire général adjoint
European Transport Workers, membre du Conseil économique et social européen
- M. François Ballestero, secrétaire politique pour l'aviation civile
Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM)
- M. Guy Tardieu, délégué général
FEETS-Force Ouvrière
- M. Didier Dague, représentant
* 1 Ryanair remonte à 1985 ; easyJet fut créée en 1995.
* 2 Etihad est la plus jeune compagnie, constituée en 2003 ; Qatar Airways date de 1993 ; Emirates existe depuis 1985.
* 3 Les règlements du Conseil (CEE) n° 2407/92, 2408/92 et 2409/92, remplacés par le règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil.
* 4 Airports Council International Europe (ACI) réunit 500 aéroports de 45 États de l'espace européen.
* 5 En droit de l'Union, l'expression « aéroport régional » désigne un aéroport recevant moins de 3 millions de voyageurs par an. Dans le présent rapport, elle s'applique à tout aéroport ne jouant pas le rôle de hub .
* 6 Le projet semble toutefois repoussé à des jours meilleurs après le bilan décevant du Dubaï Air Show qui s'est déroulé du 8 au 12 novembre 2015.
* 7 United , Delta et American Airlines ont publié un rapport sur ce thème le 28 janvier 2015. En juin, American Airlines a sollicité l'intervention de l'État contre l'accord Ciel ouvert avec les Émirats du Golfe, qui accusent à leur tour les transporteurs américains d'être subventionnés.
* 8 Affaire C-413/13
* 9 Le thème est largement traité dans le rapport n° 450 du 10 avril 2014 « Le droit en soute : le dumping social dans les transports » , de M. Éric Bocquet au nom de la commission des affaires européennes.
* 10 Décrit pendant les auditions organisées par le groupe de travail, le « modèle » économique d' Air Norwegian a fait l'objet de plusieurs questions posées à la Commission européenne par des députés européens.
* 11 Universiteit Gent. Atypical Employment in Aviation. Final report. 2015.
* 12 Rapport du groupe de travail « Compétitivité du transport aérien français » présidé par M. Bruno Le Roux, dans le cadre de la mission que le Gouvernement lui avait confiée. Assemblée nationale, 3 novembre 2014
* 13 Ainsi, l'État détient 17 % d'Air France et 50,6 % d'Aéroports de Paris.
* 14 Le 28 septembre 2015, la Commission européenne a déclaré ouvrir l'enquête rendue obligatoire par l'arrêt T-512/11 du Tribunal de l'Union européenne, qui impose d'engager une procédure visant la taxe irlandaise sur le transport aérien (TTA) : d'un montant forfaitaire de 3 euros, cette taxe est prélevée sur toute compagnie aérienne qui transporte des passagers, sauf en cas de correspondance ou transit. La compagnie Ryanair avait invoqué une aide d'État illégale au profit des compagnies aériennes Aer Lingus et Aer Arann .
* 15 Les redevances ainsi versées ont motivé l'ouverture de procédures par la Commission européenne dans plusieurs États membres, dont la France.