CONTRIBUTIONS DES MEMBRES DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
1. Contribution de M. Pierre-Yves Collombat, membre de la commission d'enquête
Les AAI ou comment gouverner sans le peuple et sans risque ?
Si la nature juridique des autorités administratives (AAI), qualifiées d'« oxymore juridique » par le doyen Gélard, laisse perplexe, leur multiplication commence à poser des questions politiques aussi préoccupantes qu'informulées. Parmi elles : quelle est la légitimité des dites autorités, de certaines en tous cas, à prendre des décisions de grandes conséquence ? Pourquoi ce dessaisissement volontaire par l'Etat de prérogatives importantes normalement les siennes, alors même que son évanescence commence à inquiéter ?
Si l'on suit la Constitution (article 3) : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » et « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice »
Il est donc clair qu'une administration n'a pas de légitimité (donc de pouvoir légitime) propre mais seulement une légitimité « dérivée », légitimité qu'elle tient de celle de l'instance qui l'a désignée et sous le contrôle de laquelle elle agît.
Parler d'autorité administrative « indépendante », c'est renverser ce principe, la légitimité de l'Autorité ne venant pas de son lien de subordination à l'instance légitime qui l'a désignée mais de son indépendance par rapport à celle-ci et de toute autre autorité légitime, législative par exemple.
D'où la question : sur quoi est fondée la légitimité d'une AAI qui n'est ni élue, ni subordonnée à une autorité élue, qui n'est pas une autorité judiciaire, indépendante au sens de l'article 64 de la Constitution, ni une juridiction administrative ?
Créer des AAI revient donc à attribuer l'exercice de la souveraineté à un groupe, une « section du peuple » , ce qui pour quelqu'un chez qui l'esprit de finesse n'est pas aussi développé qu'au Conseil constitutionnel est manifestement contraire à la constitution. D'autant qu'une foi créées ces AAI cherchent, comme tout organisme, à agrandir leur champ de compétences.
Comme montre le rapport de la commission d'enquête sénatoriale, la sociologie des AAI laisse apparaître que, c'est la proximité de ses membres au pouvoir présent et passé, leur appartenance à des cercles restreints censée leur conférer un pouvoir d'expertise (milieux de l'audiovisuel, milieux financiers, etc.) ou plus généralement leur appartenance aux grands corps de l'Etat censée leur conférer de ce seul fait, l'indépendance en principe recherchée qui légitime leur pouvoir. Il faut avouer que le « peuple » dans sa diversité est un peu loin de ces cercles. Avouez que cette gouvernance des « meilleurs » cher à Platon, des « lettrés » post- modernes, dont la pertinence et l'efficacité restent à prouver - question que la commission d'enquête n'a pas abordée, faute de moyen et de temps - n'a, en tous cas, pas grand-chose à voir avec la démocratie.
Ce qui nous amène à notre seconde interrogation : qu'est-ce qui peut pousser un Etat où l'essentiel du pouvoir politique est concentré à la présidence de la République, à se dessaisir ainsi de ses prérogatives au profit d'organismes dont la légitimité est aussi problématique ?
La raison la plus évidente, c'est le choix d'une Europe qui serait essentiellement régulée par le simple jeu de la concurrence « libre et non faussée ». Autre oxymore puisque pour n'être pas faussée la concurrence ne doit pas être libre mais, dans certains secteurs essentiels, être régulée... D'où des AAI.
Confier à des autorités « administratives », la mission de faire fonctionner selon les règles du marché libre des secteurs évidemment monopolistiques ou oligopolistiques - énergie, transport ferroviaire, réseau autoroutier, fréquences hertziennes etc.- ne manque pas de sel. En fait, la mission de ces AAI est de faire « comme si », comme si la concurrence existait là où elle n'existe pas, fut-ce au prix d'une extrême complication. Mais, comme le dit le président de la Commission de régulation de l'énergie « ce n'est pas parce que ce système est compliqué qu'il ne fonctionnera pas ».
Autre cause occasionnelle de la création d'AAI par le gouvernement : allumer un contre-feu devant un scandale qui se développe ou simplement se décharger d'arbitrages à ennuis, sans pour autant perdre totalement la main. Le problème c'est qu'à force de se retirer l'Etat devient de moins en moins visible et que les contre-feux devenus permanents et autonomes finissent par compliquer la vie de beaucoup de gens qui ne s'attendaient pas à être traités de la sorte. Ainsi, une erreur de casting élyséen dans la composition du gouvernement est-elle à l'origine de la création de la HATVP. Résultat des milliers d'élus et de responsables administratifs tenus, au nom de la nouvelle religion de la transparence, de multiplier les déclarations d'intérêts et de patrimoines ! Nous confessons ne pas bien voir le lien entre cet exercice de mortification publique et la restauration de l'ordre moral, nous confessons douter du remède si le but est de fortifier la confiance des Français dans leurs gouvernants.
Cela signifie-t-il que toutes les fonctions actuellement remplies par des AAI soient des complications inutiles ? Certainement pas. Mais que ces fonctions doivent être obligatoirement remplies par des AAI plutôt que par des organes spécialisés de l'administration, des juridictions existantes, voire des organismes corporatistes ou privés est une autre affaire. Une affaire à examiner au cas par cas.
2. Contribution des sénateurs du groupe socialiste et républicain, membres de la commission d'enquête
Sans avoir partagé l'initiative d'une commission d'enquête sur ce sujet, les sénateurs du groupe socialiste et républicain ont suivi les travaux de cette commission et notamment les nombreuses auditions de représentants de ces autorités auxquelles elle a procédé.
Ils n'en partagent pas l'ensemble des conclusions et s'interrogent en particulier sur le contraste entre la tonalité volontiers accusatrice de nombreux passages du rapport, et la portée finalement très modeste des recommandations que ce même rapport préconise en conclusion.
1. D'abord il semble à la lecture du rapport que le législateur ait été complètement dépourvu de clairvoyance lorsqu'il a, à de nombreuses reprises, opté délibérément pour la création d'autorités indépendantes, ou pour la transformation en de telles autorités d'organismes précédemment dotés de missions consultatives. À aucun moment dans le corps du rapport n'apparaît la reconnaissance d'une justification positive pour confier certains pouvoirs de régulation à des collèges indépendants plutôt qu'à l'exécutif. Qu'il s'agisse de garanties renforcées en faveur des libertés publiques ou des droits de la personne, ou de vigilance dans l'exercice de la concurrence économique ou de fonctions-clé de l'économie, le rapport ne retient jamais d'arguments offrant une base légitime à la mise en place de telles autorités.
Nous pensons au contraire que, dans plus d'un cas, les parlementaires ont fait un choix judicieux en instaurant une telle distanciation entre des domaines-clé et l'exécutif. C'est d'abord avec la CNIL, en 1977-78, qu'a été conçu ce modèle d'un collège réunissant des personnalités d'origines diverses, habilitées à organiser leurs propres services administratifs, pour statuer sur des décisions emportant des conséquences potentiellement graves sur le droit à la vie privée et la protection des informations personnelles. Il ne nous semble pas que cela ait consisté à « se défausser » d'une responsabilité, comme le suggère le rapport.
De même, lorsqu'au cours des années 80 et 90 la Commission des opérations de Bourse et le Conseil des marchés financiers sont dotés d`une autonomie croissante pour constituer ensemble, en 2003, l'Autorité des Marchés Financiers, l'indépendance ainsi consacrée est un gage premier de crédit et d'attractivité internationale de la place financière de Paris, qui ne pouvait plus être gérée par une administration ministérielle.
Rappelons aussi une donnée élémentaire : l'indépendance d'organes régulateurs est dans plusieurs cas l'application réfléchie d'un accord européen auquel la France a souscrit, visant à assurer l'égalité entre agents économiques de toute l'Union dans des domaines où l'État est inévitablement « juge et partie », notamment comme actionnaire de certains des compétiteurs. Et les entreprises françaises bénéficient de l'intervention d'organes indépendants comparables lorsqu'elles opèrent chez nos voisins.
Le rapport aurait gagné, selon nous, à reconnaître ces motifs solides de légitimité de bon nombre d'autorités administratives indépendantes (AAI), au lieu de sembler considérer leur création comme le résultat d'expédients et de démissions politiques. Sa conclusion principale, qui consiste à recommander le maintien de la quasi-totalité des autorités indépendantes les plus importantes, y aurait gagné en conviction.
2. Est ensuite engagé un procès aux termes duquel, selon les termes du rapport, le fonctionnement des AAI représenterait « une atteinte aux droits du Parlement et de la justice ». Les motifs invoqués n'emportent pourtant pas l'adhésion. Certes, les autorités indépendantes ne peuvent pas être saisies par les parlementaires sous la forme d'une « interpellation », selon le terme curieusement repris du vocabulaire de la III° République, c'est-à-dire d'une question en séance. En revanche rien n'empêche les commissions compétentes des assemblées d'inviter les présidents des AAI à venir justifier, devant le public, les choix auxquels se sont livrés les collèges ou à présenter l'analyse qu'ils font du secteur qu'ils ont à réguler. Et cette pratique est au contraire très courante ; on peut soutenir que de telles auditions donnent au contrôle parlementaire un impact au moins égal à celui d'une simple question minutée. La demande évoquée en fin de rapport d'un document de contrôle budgétaire est utile ; elle n'est cependant pas centrale au regard du sujet du contrôle politique des choix d'opportunité des AAI.
Parallèlement, la critique d'une restriction du pouvoir des juridictions manque de justification. Si on se place dans la perspective fréquemment évoquée par le rapporteur, à savoir l'exercice des mêmes pouvoirs de régulation par une administration ministérielle, il y aurait dans chaque cas une décision, réglementaire ou individuelle, soumise ensuite au contrôle d'un juge. Avec une AAI, il y a également de telles décisions, générales ou particulières, qui sont dans les mêmes conditions contrôlées par le juge compétent. Non seulement on ne voit pas où est le recul, mais le fait que l'autorité indépendante ait statué sous une forme collégiale, et après une expression publique des personnes ou intérêts en cause, accroît plutôt la transparence et la capacité du juge de vérifier la régularité de la décision contestée.
3. Sur le recrutement des membres des collèges d'AAI, une critique revient à plusieurs reprises mettant en cause la participation de membres des juridictions supérieures. On peut certes comprendre l'aspiration, exprimée en termes prudemment généraux, à une plus grande « diversité » d'origines des participants aux instances collégiales décisionnelles. Mais, outre que c'est déjà le cas des deux tiers au moins des membres, le rapport esquive le problème pourtant réel des conditions de recrutement de ces autorités si l'on veut que leur indépendance ne soit pas contestée. Les cadres administratifs responsables des secteurs concernés sont a priori peu légitimes : ils ont pris antérieurement, et reprendront en sortie de mandat, des décisions dans un champ soumis au contrôle de l'autorité. Le risque de conflit est donc prononcé, sauf si on prend systématiquement des administrateurs en fin de carrière. De même les professionnels du secteur privé peuvent avoir du mal à justifier d'une « indépendance » complète vis-à-vis du secteur où ils ont eu des responsabilités et peuvent à nouveau en exercer : cela se voit par exemple pour les journalistes siégeant au CSA ou pour les dirigeants financiers membres de l'AMF et de l'Autorité de la concurrence.
Ajoutons que les décisions des AAI ont des implications juridiques complexes, dans des domaines de droit souvent très spécialisés, qui requièrent en tout cas la présence de juristes dans le « dosage » de chaque collège. Puisque leurs décisions sont soumises au contrôle juridictionnel, dans des champs où les motifs de contentieux sont légion, il apparaît prudent que des magistrats y siègent. Ils pourraient certes être choisis dans d'autres juridictions que les cours supérieures, comme c'est le cas par exemple à la CNDP.
4. D'autres critiques sont émises dans le rapport, dont il ne semble pas possible de tirer des conséquences utiles. Ainsi est mise en cause la disposition de ressources non budgétaires pour certaines AAI, qui serait susceptibles d'affecter leur indépendance parce que provenant d'activités qu'elles ont mission de réguler. Mais l'examen plus précis de ces situations ne révèle pas de source réelle de contradictions, et le rapport ne formule finalement aucune critique sur le fonctionnement financier des AAI, dont le pilotage contractuel avec le Gouvernement se révèle équilibré.
De même est évoquée la concentration à Paris de la quasi-totalité des AAI - alors que leurs missions, si elles revenaient à l'exécutif, y seraient nécessairement exercées aussi. Nous considérons que dans certaines conditions la localisation en région de certaines AAI est tout à fait soutenable, mais le rapport n'approfondit pas du tout cette question et se borne à critiquer le coût de la localisation d'une AAI située au Mans.
De même le rapport esquisse une remise en cause de la participation de parlementaires aux collèges décisionnels des AAI, sans en tirer de conséquences. Il est vrai qu'on peut hésiter en principe sur la participation de législateurs à des instances de décision oeuvrant dans des domaines habituellement confiés à l'exécutif, et que, sur des problèmes de modalités comme le maniement d'une information très technique et comme la participation à des séances fréquentes, la présence de parlementaires se heurte à certains obstacles. Mais dans beaucoup de cas les objectifs de transparence et de pluralisme que recherche la création d'autorités indépendantes sont cohérents avec la présence de non-spécialistes représentatifs de la société dans son ensemble, comme les élus nationaux. Les cas dans lesquels la spécialité et la technicité des sujets traités rendent cette participation inopportune sont assez bien délimités dans les textes actuels.
Pour assurer une diversité de représentation et élargir le pluralisme, il serait sans doute judicieux d'appeler plus fréquemment des représentants des partenaires sociaux dans les collèges de certaines autorités. Mais le rapport, qui exprime un souhait un peu abstrait de « diversification », ne fait pas mention de cette possibilité.
5. De manière significative, le rapport ne porte aucune appréciation sur le bilan d'activité des autorités indépendantes dont le concept même est fortement critiqué. Beaucoup d'entre elles ont pourtant des domaines de décision très étendus, c'est même une des réalités que le rapport déplore à plus d`une reprise. De surcroît, leur mission de régulation leur impose souvent la recherche d'un équilibre particulièrement exigeant entre, par exemple, l'intensité de la concurrence et la viabilité économique des producteurs ou, dans d'autres cas, le respect de libertés essentielles et l'exercice de grandes responsabilités d'État. C'était sans doute une mission vaste mais, dans la conception commune du contrôle parlementaire, on pouvait s'attendre à ce qu'une commission d'enquête sur les autorités indépendantes étende son investigation aux grands axes et au bilan des politiques menées par les AAI les plus importantes.
Il est satisfaisant de noter au contraire que nulle part dans le rapport il n'est articulé de véritable critique contre la manière dont, par exemple, la CNIL assure la protection des données personnelles et évite les traitements intrusifs sans faire obstacle au développement de l'économie numérique dans le pays, ou dont l'Autorité de sûreté nucléaire adapte les mesures de précaution post-Fukushima sans surcharger l'équilibre économique de l'entreprise productrice. On peut logiquement interpréter cette abstention comme une forme de reconnaissance d'un pilotage adapté par les principales AAI des domaines d'intervention qui leur ont été confiés. Puisque beaucoup de ces autorités sont entendues par des commissions sénatoriales, l'exploitation de ces échanges aurait sans doute permis d'attester que les cas de critique sont circonscrits. En tout cas, l'absence de débat sur ce point donne une coloration au moins favorable à la pertinence des choix produits par le travail des collèges en cause.
6. Deux propositions limitées de réforme sont avancées dans le rapport, avec lesquelles les sénateurs socialistes peuvent se déclarer d'accord : le resserrement de la liste des AAI, et la clarification des obligations déontologiques de leurs membres.
Sur le premier point, il faut convenir que la liste des organismes détenant la qualité d'autorité indépendante n'est pas homogène, et que les conditions dans lesquelles le Conseil d'État a tenté de les énumérer, dans son rapport annuel de 2001, commencent à dater. C'est essentiellement au cours de la dernière décennie qu'une conception plus cohérente du droit des AAI s'est établie, et une partie des organismes auxquels on continue d'appliquer ce qualificatif n'en relèvent plus réellement. Il y a donc une utilité à ce que le Gouvernement et le Parlement opèrent une mise à jour de cette liste et renvoient certaines instances collégiales, dotées d'attributions limitées, au champ traditionnel des commissions consultatives donnant un avis préalable à la décision d'une autorité relevant du Gouvernement. Une dizaine des instances figurant sur la « liste de 2001 » pourraient ainsi être reclassées dans le domaine réglementaire.
Le débat doit toutefois être approfondi pour deux entités, détenant pour l'essentiel des attributions consultatives mais touchant à des domaines essentiels de la sécurité nationale : la Commission, récemment réformée, de contrôle des techniques de renseignement ; et celle compétente en matière de secret de la Défense nationale. Il apparaît préférable, pour assurer un dialogue équilibré avec l'autorité gouvernementale dans ces matières, que ces instances conservent la qualité d'autorités indépendantes.
La question est plus ouverte pour deux autres instances officiellement consultatives, de composition beaucoup plus large, et appelées surtout à offrir un cadre à un pluralisme à vocation humaniste : la Commission consultative nationale des Droits de l'Homme et celle compétente pour l'éthique des sciences de la vie et la santé. Leur fonctionnement les éloigne beaucoup plus du « modèle » des AAI décisionnelles ; mais leur mission et l'impact public de leurs avis ne permettent pas aisément de les classer dans la variété des commissions consultatives « ordinaires ».
Des fusions d'AAI sont évoquées. Les signataires les reçoivent avec de grandes réserves : le CSA et l'ARCEP n'ont ni les mêmes missions ni les mêmes intérêts supérieurs à défendre : le CSA exerce d'abord une régulation culturelle et de contenu informatif, tandis que l'ARCEP régule une concurrence technico-économique de transmetteurs de données. Quant à une fusion CNIL-CADA, elle réunirait un organisme aux services étendus, chargé principalement de limiter la circulation incontrôlée des données, avec une instance très légère dont le rôle est de faciliter la diffusion d'une seule catégorie d'entre elles.
L'autre proposition relative à l'établissement de règles déontologiques homogènes applicables aux membres des AAI, est bienvenue devant les disparités subsistantes. Elle ne devrait pas poser de difficultés particulières, le « corpus » de base applicable aux détenteurs de fonctions administratives majeures étant maintenant clarifié, notamment à la suite des dernières réformes relatives à la « transparence de la vie publique ».
7. Il reste qu'au terme de ce rapport se trouve, par différence, confirmée la légitimité de confier à des autorités collégiales indépendantes la mission de régulation, assortie de pouvoirs exécutifs importants, dans les domaines majeurs où cette option a été retenue : la concurrence, les marchés financiers, la sécurité des institutions financières, les cessions d'actifs publics, l'énergie, les télécommunications, l'audio-visuel, la protection des données et la sécurité de leur traitement, la sécurité nucléaire, la santé, la défense des droits individuels, etc. Ceci n'était pas évident à la lecture des arguments ayant soutenu la création de la commission d'enquête et des développements très critiques du rapport. On ne peut que voir là les paradoxes, déjà maintes fois observés, de l'exercice particulier des commissions d'enquête parlementaires, dont le déclenchement et l'achèvement produisent en général des sonorités fort différentes.
3. Contribution de M. Michel Canévet, membre de la commission d'enquête
La commission d'enquête a mené, pendant plusieurs mois, un travail d'investigation assez exhaustif sur les 42 organisations ou commissions considérées comme autorités administratives indépendantes (AAI).
Le nombre de ces AAI et la création continue de nouvelles instances montrent l'urgence de redéfinir le cadre dans lequel elles évoluent et de préciser leur statut.
Je souhaite donc que le statut d'AAI soit précisé et que ne soit pas considérée comme AAI toute nouvelle instance créée.
Une autorité administrative indépendante est une instance appelée à effectuer des missions de régulation dont l'indépendance est nécessitée par l'implication et les intérêts de l'État, dont ce serait normalement le rôle, dans le secteur d'activité concerné. C'est le risque de conflit d'intérêt qui justifie la création d'une instance indépendante.
Je souscris aux préconisations du rapport de la commission d'enquête sur le nécessaire positionnement du Parlement, quant à la qualification du caractère d'AAI des instances concernées.
Le Parlement doit également assurer un contrôle permanent du fonctionnement et de l'activité de ces AAI, comme il le fait, ou doit le faire, pour le Gouvernement.
Le financement des instances aujourd'hui considérées comme AAI est significatif, près de 600 millions d'euros dont 85 % pour 10 AAI. Il est quasi équivalent aux moyens dévolus pour le conseil et le contrôle de l'ETAT (Cour des comptes, Conseil d'Etat, HCFP, CESE), soit 640 millions d'euros en 2016.
Il s'agit donc de moyens budgétaires conséquents dont l'accroissement est important au fil des années, en décalage réel avec le cadre contraint imposé par l'ETAT concernant les dépenses publiques. Le contrôle du Parlement sur les moyens dévolus a donc encore plus de sens et doit s'effectuer régulièrement.
L'optimisation des moyens, dans un contexte de nécessaire réduction de la dépense publique afin de permettre le retour à l'équilibre des comptes publics, est impérative.
C'est pourquoi, je préconise le rapprochement de plusieurs organisations :
- la CNIL et la CADA, pour l'accès à l'information,
- le CSA et l'ARCEP, pour le contrôle des média audiovisuels,
- la CNCCFP et la HATVP, pour la déontologie publique,
- l'ARJEL et l'AFLD, pour le secteur des jeux,
- le défenseur des droits et le CGLPL, pour les droits de chacun,
- la CRE et le médiateur de l'énergie, pour la lisibilité du secteur de l'énergie,
La CPPAP, le Conseil supérieur de l'agence France Presse et le Médiateur du livre, avec une réflexion à mener sur le regroupement des autorités liées aux médias,
La Commission des sondages avec la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l'élection du Président de la République pouvant éventuellement être regroupées au sein de la HATVP.
Parmi certaines instances définies comme AAI, je considère que certaines relèvent plus de conseils ou commissions chargées d'émettre des avis :
- la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN),
- la Commission nationale consultative des Droits de l'homme (CNCDH),
- la Commission nationale consultative d'éthique (CNCE),
- le Haut conseil des finances publiques (HCFP),
- la Haute autorité de santé (HAS),
- la Commission nationale du débat public (CNDP),
- la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC)
- la Commission des infractions fiscales (CIF),
- la Commission nationale de l'aménagement commercial (CNAC),
- le Comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires (CIVEN).
D'autres instances ont plus la qualité d'instances de régulation dans le secteur privé comme le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) ou l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), dont le titre d'AAI n'est pas établi.
Ces préconisations non exhaustives visent d'une part à rendre plus lisible pour le citoyen l'organisation des pouvoirs dans notre société et d'autre part à rationaliser les organisations annexes aux pouvoirs publics en définissant celles qui ont un caractère autonome du fait de leurs activités de contrôle et de régulation et celles qui ont un rôle consultatif, tout en ayant un caractère d'indépendance, mais qui ont pour mission d'éclairer le public et les décideurs.