II. APRÈS DEUX EXERCICES DÉFICITAIRES, UNE RENTABILITÉ STRUCTURELLEMENT FAIBLE
Le contexte concurrentiel évoqué ci-dessus a nécessairement réduit la profitabilité de la SFIL. À l'issue des exercices 2013 et 2014, la SFIL a présenté un résultat net négatif : - 68,9 millions d'euros en 2013 et - 33,8 millions d'euros en 2014 .
Il est vrai que plusieurs événements exceptionnels ont contribué négativement au résultat : la contribution de 150 millions d'euros au fonds de soutien aux collectivités territoriales en 2013, puis celle de 18 millions d'euros au fonds de soutien aux hôpitaux en 2014, ainsi que certains effets liés à la comptabilisation des dérivés.
Dans son rapport, en date du 29 avril 2015, le mandataire indépendant (chargé du suivi des engagements pour le compte de la Commission européenne), relève ainsi que « selon la synthèse de l'arrêté des comptes au 31 décembre 2014 :
« - le produit net bancaire de SFIL consolidé s'élève à 75 millions d'euros, soit un niveau inférieur à celui prévu par le plan d'affaires [...] ;
« - le résultat brut d'exploitation de SFIL consolidé s'élève à - 24 millions d'euros, soit un niveau inférieur à celui prévu par le plan d'affaires [...] ;
« - les pertes nettes (- 34 millions d'euros) sont supérieures à celles prévu par le plan d'affaires .
« L'ensemble des trois objectifs financiers du plan (produit net bancaire, résultat brut d'exploitation, résultat net) ne sont a priori pas respectés. Des éléments comptables, généralement retraités par les analystes (- 20,9 millions d'euros net) ainsi que l'impact de la contribution exceptionnelle au fonds de soutien pour les hôpitaux (- 18 millions d'euros) doivent cependant être retraités des comptes 2014 pour établir une comparaison judicieuse avec les données du plan présenté à la Commission. [...]
« Ainsi retraité, le résultat net consolidé de SFIL (- 4 millions d'euros) est supérieur à celui du plan [...] . En outre, il est utile de noter que certaines actions [...] permettant de maîtriser les frais généraux de SFIL ont d'ores et déjà été entreprises en 2013 et poursuivies en 2014 avec notamment le gel de 38 recrutements prévus initialement (effectif cible passé de 416 à 381 postes), le déménagement du siège social de SFIL (prix moyen par m² moins cher et surface moins importante) 19 ( * ) et, enfin, des simplifications des systèmes d'information qui devraient générer des économies dans le futur ».
Ces mesures de gestion permettant de réduire le déficit prévisionnel étaient indispensables car elles soulignaient la volonté tant des actionnaires que de la direction de la SFIL de respecter les engagements pris auprès de la Commission européenne. Il s'agissait donc d'une question de crédibilité.
Mais, il est également apparu que, à elles seules, ces mesures ne suffiraient pas à restaurer l'équilibre financier de la société compte tenu d'un environnement qui avait profondément changé depuis sa création. À cet égard, la présentation d'un budget 2014 reposant sur une hypothèse de pertes nettes de l'ordre de 24 millions d'euros a constitué une forme « d'électrochoc » et a conduit les actionnaires et la direction à engager une réflexion sur la trajectoire financière de la SFIL .
Ainsi, lors de sa réunion du 5 décembre 2013, portant notamment sur le budget 2014, le conseil d'administration a longuement échangé sur les mesures correctrices à entreprendre. Même si du fait de ses fonds propres excédentaires, les pertes successives n'ont pas posé de problème de solvabilité à la SFIL 20 ( * ) , il était cependant évident qu'elle ne pouvait conserver un modèle d'affaires structurellement déficitaire, compte tenu d'une production en retrait par rapport aux hypothèses initiales et des marges plus faibles.
Le président du conseil d'administration s'est alors engagé à présenter, lors de la prochaine réunion, les réflexions « engagées depuis plusieurs semaines avec une analyse des pistes en matière de volumes, de prix, de revenus globaux avec ajustement ou non du périmètre tel qu'il existe aujourd'hui permettant de revenir à une trajectoire différente de résultats ». C'est à l'issue de cette réflexion qu'il a été décidé, à la fin de l'année 2014, de lancer une nouvelle activité de refinancement export ( cf. infra ).
La faible rentabilité de la SFIL n'est pas, en soi, surprenante. Lorsque la Commission européenne a accepté le schéma proposé par la France, elle avait expressément relevé que le niveau de retour sur fonds propres serait faible et avait noté que « ce niveau de rentabilité correspond à ce qui peut être attendu d'une banque de développement dont l'objectif est de pallier une défaillance de marché. Ainsi, le modèle d'entreprise [...] est jugé conforme aux exigences de la Commission en termes de rentabilité attendue » 21 ( * ) .
Jusqu'à présent, la SFIL a été confrontée à des événements exceptionnels qui l'ont empêchée d'atteindre l'équilibre financier. En particulier, les efforts consentis au titre de la désensibilisation des emprunts toxiques - sous forme d'abandons de créance puis de contributions aux fonds de soutien ( cf. infra ) - ont clairement affecté le résultat et ne devraient normalement plus avoir d'effets sur les comptes dans les années à venir. De même, le nombre important de contentieux a représenté une dépense comprise entre 9 et 12 millions d'euros selon les exercices au titre des frais d'avocat.
Devant la commission des finances du Sénat, le 25 mars 2015, Philippe Mills expliquait que « notre modèle économique - et la volonté de tous nos actionnaires - est que nous devenions légèrement bénéficiaires, afin d'offrir de meilleures conditions d'emprunt aux collectivités et aux hôpitaux - avoir une marge faible - et, en même temps, de rémunérer nos fonds propres à un niveau suffisant pour satisfaire les investisseurs en obligations sécurisées ».
La plupart des interlocuteurs de votre rapporteur ont confirmé que « le modèle économique de la SFIL n'est pas de nature à dégager structurellement des résultats », pour reprendre la formule de l'un d'entre eux, ce que confirme la trajectoire financière prévisionnelle transmise par la SFIL à votre rapporteur.
Trajectoire financière de la SFIL
(en millions d'euros)
Réalisé 2013 |
Réalisé 2014 |
Réalisé 30/06/2015 |
|
Résultat net comptable |
- 68,9 |
- 33,8 |
- 26,0 |
dont éléments de volatilité comptable |
5,9 |
- 18,4 |
- 1,2 |
dont contributions aux fonds de soutien (après impôt) |
- 98,4 |
- 11,8 |
|
dont abandons de créance (après impôt) |
- 10,8 |
- 6,5 |
|
Résultat net récurrent |
34,3 |
2,9 |
- 24,8 |
dont provision pour contribution au fonds de résolution unique (après impôt) |
- 10,0 |
||
dont provisions spécifiques |
- 3,7 |
- 21,8 |
- 18,3 |
dont provisions collectives |
- 16,8 |
4,7 |
- 0,6 |
Source : SFIL
Le résultat net récurrent donne une idée plus précise de la « santé financière » de la société. Il correspond en effet au résultat dégagé par la société hors événements exceptionnels, qui sont, pour la SFIL : des éléments de volatilité comptable ; les contributions aux fonds de soutien ; les abandons de créance consentis dans le cadre de la politique de désensibilisation ( cf. infra ). En revanche, le mandataire indépendant cité plus haut considère quant à lui que les abandons de créance ont fait partie de la gestion courante de la société et ne doivent pas être considérés comme « exceptionnels ». L'effet significatif de la volatilité résulte principalement d'ajustements relatifs à la comptabilisation des couvertures par dérivés détenus par la SFIL.
En 2015 et 2016, la contribution au fonds de résolution unique (mis en place au niveau de l'Union européenne pour gérer les conséquences d'une éventuelle faillite bancaire) va affecter négativement le résultat. Néanmoins, d'après les informations transmises à votre rapporteur, « le résultat devrait devenir structurellement légèrement bénéficiaire, à partir de fin 2016 » du fait de la montée en charge de la nouvelle activité de refinancement export et par la mise en oeuvre à grande échelle de la politique de désensibilisation, permettant notamment de reprendre des provisions constituées sur des clients actuellement classés en « encours douteux ». Au total, la nouvelle activité pourrait permettre de dégager, selon des sources de presse 22 ( * ) non confirmées à votre rapporteur, 10 à 17 millions d'euros de résultats supplémentaires 23 ( * ) .
Au total, la société estime que la marge commerciale actuellement dégagée « assure la viabilité à long terme du dispositif ». La SFIL devrait tendre progressivement vers l'équilibre financier . Cette prévision repose cependant sur l'hypothèse d'un certain dynamisme du marché du crédit au secteur public local dans les années à venir. Or, suite à la baisse des dotations de l'État, les collectivités territoriales pourront choisir soit de réduire leur dépenses d'investissement et donc leur recours au crédit, soit, au contraire, d'accroître leur endettement pour réaliser les investissements prévus, d'autant que les taux d'intérêt sont historiquement bas. Il existe par conséquent une incertitude forte sur le contexte de marché à court et moyen termes, susceptible de décaler dans le temps le retour à l'équilibre.
* 19 D'après la SFIL, ce déménagement représente une économie, en année pleine, de l'ordre de 2,2 millions d'euros.
* 20 Au 31 décembre 2014, les fonds propres de la SFIL s'élèvent à 1,4 milliard d'euros, soit 100 millions d'euros de moins qu'a sa création.
* 21 Paragraphes 673 à 675 de la décision de la Commission européenne du 28 décembre 2012.
* 22 Les Echos, « La banque publique de refinancement export est sur les rails » , 7 mai 2015.
* 23 En tout état de cause, le marché des grands contrats export est fluctuant selon les années.