II. LE SYSTÈME D'IMMATRICULATION DES VÉHICULES (SIV) RÉNOVÉ

Outre la sécurisation accrue des titres d'identité, l'objectif de simplification des démarches a représenté une ligne d'horizon des préfectures et des sous-préfectures au cours des dernières années. Le nouveau SIV relève de cette double ambition. Fondé sur un partage des tâches entre le réseau préfectoral et les professionnels de l'automobile, son bilan demeure toutefois à ce jour en demi-teinte.

A. LE PARTAGE DES TÂCHES ENTRE LE RÉSEAU PRÉFECTORAL ET LES PROFESSIONNELS DE L'AUTOMOBILE

Le SIV est entré en application à compter du 15 avril 2009 pour les véhicules neufs et du 15 octobre 2009 pour les véhicules d'occasion .

Il permet à tous les propriétaires de faire désormais immatriculer leur véhicule soit directement chez les garagistes habilités, soit en préfecture . Pour mémoire, le système précédent ne permettait de le faire qu'en préfecture.

Le propriétaire du véhicule peut demander l'immatriculation de celui-ci partout en France , indépendamment de son domicile.

En outre, le numéro attribué l'est pour tout le cycle de vie du véhicule, quels que soient les aléas qui pourraient ensuite l'affecter.

La nouvelle procédure de délivrance du certificat d'immatriculation d'un véhicule est résumée dans le schéma ci-dessous.

Le circuit de délivrance du certificat d'immatriculation

Les professionnels de l'automobile habilités par le ministère de l'intérieur (garagistes, concessionnaires...) 27 ( * ) effectuent, avec le nouveau SIV, les démarches auprès des préfectures et délivrent immédiatement un certificat provisoire comportant le numéro définitif d'immatriculation, qui est valable un mois.

Produite par l'Imprimerie nationale, la carte grise est ensuite acheminée au domicile par voie postale au moyen d'un « courrier suivi contre signature ».

Ainsi, l'usager qui achète son véhicule auprès d'un professionnel bénéficie d'un acheminement direct du certificat d'immatriculation de son véhicule à son domicile, sans qu'il ait à se rendre en préfecture.

Grâce notamment au recours à la télétransmission des données et à Internet, il était attendu du nouveau SIV :

- un gain de temps et l'économie d'un déplacement en préfecture pour le demandeur 28 ( * ) ;

- une simplification de la procédure d'immatriculation s'imposant à l'usager.

B. LES RÉSULTATS EN DEMI-TEINTE

1. Le rétablissement de la performance

La mise en place du SIV s'est caractérisée par de graves dysfonctionnements initiaux du système informatique , avec pour corollaire une détérioration très nette du délai de traitement des dossiers aux guichets des préfectures. Si la première phase de la transition, dédiée aux véhicules neufs, a été négociée difficilement par les services mais néanmoins avec un relatif succès, il n'en va pas de même de la seconde phase, à partir du 15 octobre 2009. En effet, à partir de cette date et jusqu'à la fin de l'année 2009, la situation aux guichets est devenue particulièrement tendue du fait de la nécessité de traiter également sous le SIV les flux des véhicules d'occasion. Au cours de cette période, les temps d'attente se sont considérablement dégradés, l'insatisfaction voire l'exaspération des usagers se sont fortement accrues et la souffrance des agents aux guichets a été réelle.

Les difficultés informatiques ayant par la suite trouvé leur solution, les performances sont désormais satisfaisantes. Selon le RAP de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2013, le délai de délivrance des cartes grises s'est établi à trois jours en 2011 et 2012. Cet indicateur s'est même encore légèrement amélioré en 2013 en atteignant 2,9 jours . La cible pour 2015 demeure à trois jours.

2. La part majoritaire des préfectures et des sous-préfectures pour les véhicules d'occasion

De la mise en place du nouveau SIV, il était espéré si ce n'est la disparition, au moins une réduction très significative du flux des demandeurs d'immatriculation en préfecture . Cette anticipation s'appuyait sur l'idée que les propriétaires de véhicules passeraient très largement par les professionnels de l'automobile afin de faire procéder aux immatriculations.

Or, ainsi que l'annonçait votre rapporteure spéciale dès 2009 dans son rapport précité sur « La nouvelle génération de titre d'identité : bilan et perspectives », cette anticipation était optimiste. Autant pour les véhicules neufs l'acheteur passe fréquemment (dans plus de 90 % des cas 29 ( * ) ) par son concessionnaire pour des raisons de commodités, autant les préfectures demeurent majoritairement (dans plus de 50 % des cas) sollicitées pour ce qui est du traitement des certificats d'immatriculation des véhicules d'occasion .

Ce constat s'agissant de l'occasion ne doit d'ailleurs pas surprendre. Il n'est pas difficile de comprendre que le réflexe d'un particulier achetant un véhicule d'occasion à un autre particulier demeurera encore longtemps de se tourner vers la préfecture, plutôt que d'aller solliciter un professionnel. Il s'agit là non seulement de la rançon de la qualité du service dispensé par les préfectures (et les sous-préfectures) mais aussi d'un calcul économique rationnel : alors que le service au guichet en préfecture est gratuit , il est payant auprès d'un opérateur privé.

En effet, pour les propriétaires de véhicules préférant passer par un professionnel de l'automobile, un coût supplémentaire de transaction est apparu . Alors que le service identique rendu en préfecture ne donne pas lieu au versement d'une taxe additionnelle, la plupart des professionnels de l'automobile font, eux, payer cette prestation. Si à ce jour aucune étude exhaustive n'a été menée, il semble toutefois que le coût supplémentaire supporté par l'usager varie de quelques dizaines d'euros à plus d'une centaine d'euros .

Au transfert d'une compétence des préfectures vers les professionnels de l'automobile a donc répondu la création d'un tarif supplémentaire à la charge d'une frange des usagers .

En outre, au-delà même du libre choix de l'usager, les préfectures conservent une responsabilité exclusive pour certaines tâches complexes qui ne peuvent pas être confiées aux professionnels. Ces tâches correspondent à l'immatriculation des véhicules importés, des taxis et du parc de l'État, ou encore à la modification du fichier suite à des changements d'état civil ou au règlement de successions, par exemple.

3. La nécessité de contrôler le dispositif

Dans le cadre du fonctionnement présent du SIV, votre rapporteure spéciale s'interroge sur certaines pratiques de la part d'opérateurs privés agréés. Ainsi, devant l'entrée de certaines préfectures est-il possible de relever la présence de « rabatteurs » de ces opérateurs . Ceux-ci vantent leurs services dans le domaine de l'immatriculation des véhicules (distribution d'argumentaires commerciaux...).

Pour votre rapporteure spéciale, il y a là quelque chose de choquant à voir un opérateur privé vendre ainsi un service qui relève d'une prérogative de puissance publique. N'y a-t-il pas un risque que ce type de pratiques contribue à remettre en cause le service public dû par l'État aux usagers et à instaurer un « service de l'immatriculation à plusieurs vitesses » ?

En outre, le risque de fraude de la part de professionnels indélicats est réel. Aussi, le contrôle des opérations effectuées dans le SIV est-il un enjeu majeur conditionnant la crédibilité de l'ensemble du système. Dès 2010, le ministère de l'intérieur a engagé une politique de contrôle qui a abouti à de nombreux retraits d'habilitation 30 ( * ) , voire à des procédures judiciaires dans les cas les plus graves.

Il faut par ailleurs remarquer que cette activité de contrôle vient préempter une part des emplois dégagés par la mise en place des procédures automatisées liées aux titres sécurisés, et en particulier le SIV.

Recommandation n° 7 : fiabiliser le dispositif du SIV en assurant un contrôle suivi des professionnels de l'automobile agréés.


* 27 Les professionnels de l'automobile sont alors lié à l'État par une convention passée avec le Préfet de leur département d'exercice et ils sont raccordés au SIV. Actuellement 21 000 professionnels participent à ce système.

* 28 Le changement d'adresse ne nécessite plus obligatoirement de démarche en préfecture depuis 2012 grâce à l'ouverture de la télédéclaration en ligne sur le site www. mon.service-public.fr.

* 29 Source PAP pour 2014 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

* 30 Près de trois cent cas sont d'ores et déjà répertoriés.

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