D. LES LEVIERS DE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT
1. Les plafonds d'emplois et les dépenses de personnel
Le document « tiré à part » en vue du débat d'orientation des finances publiques ne comporte pas d'indications sur les emplois et les dépenses de personnel de l'État au-delà de l'exercice 2015.
L'évolution du plafond d'emplois envisagé pour l'année 2015 s'inscrit dans le cadre de la stabilisation des effectifs au cours du quinquennat prévu par l'article 7 de la LPFP pour 2012-2017, sur un périmètre incluant l'État et ses opérateurs. En conséquence, les créations d'emplois dans les secteurs prioritaires (60 000 postes dans l'enseignement 66 ( * ) , 3 200 postes dans la sécurité et la justice, auxquels s'ajoutent des créations de postes pour Pôle emploi) doivent être compensées par des diminutions d'effectifs dans les autres secteurs.
S'agissant des seuls emplois de l'État , 4 278 équivalents temps plein (ETP) avaient été créés par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 67 ( * ) et 7 172 ETP ont été supprimés en 2013 68 ( * ) . La loi de finances initiale pour 2014 a prévu une diminution de 3 174 ETP, ce qui, au total, conduirait à une diminution de 6 068 ETP des emplois de l'État entre 2012 et 2014.
En 2015 , les schémas d'emplois ministériels prévoient une diminution de 1 177 ETP . Le solde prévisionnel d'évolution des emplois de l'État s'établirait ainsi à - 7 245 emplois sur la période 2012-2015 .
Les créations d'emplois prévues au profit de certains opérateurs (notamment les universités et Pôle emploi) réduisent toutefois l'impact des diminutions de postes dans les ministères : la création de 3 468 ETP était prévue dans les opérateurs en 2013 et 2014 . Les arbitrages ne sont pas encore connus concernant l'évolution de ces emplois en 2015.
En ce qui concerne la répartition des créations de postes pour l'État en 2015, détaillée ci-après, celles-ci s'élèveraient à 9 421 ETP dans l'éducation nationale, auxquels s'ajouteraient 140 ETP pour l'enseignement technique agricole, 600 ETP pour le ministère de la justice et 405 ETP dans la police et la gendarmerie.
Les suppressions de postes concerneraient principalement le ministère de la défense (- 7 500 ETP) et le ministère des finances et des comptes publics (- 2 491 ETP).
Schémas d'emplois ministériels 2015 |
|
(en équivalents temps plein, ETP) |
|
Ministères |
2015 |
Affaires étrangères et développement international |
-220 |
Affaires sociales et santé |
-150 |
Agriculture, agroalimentaire et forêt |
-25 |
dont enseignement technique agricole |
140 |
Culture et communication |
15 |
Défense |
-7 500 |
Droits des femmes, ville, jeunesse et sports |
-6 |
Écologie et logement |
-834 |
dont écologie, développement durable et énergie |
-515 |
dont logement et égalité des territoires |
-319 |
Économie, redressement productif et numérique |
-55 |
Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche |
9 421 |
Finances et comptes publics |
-2 491 |
Intérieur |
116 |
dont police et gendarmerie |
405 |
Justice |
600 |
Outre-mer |
2 |
Services du Premier ministre |
100 |
Travail, emploi et dialogue social |
-150 |
TOTAL |
-1 177 |
Source : ministère du budget |
S'agissant des dépenses de personnel , le Gouvernement s'était fixé comme objectif de limiter la progression de la masse salariale à 1 % au cours de la période 2012-2015 . Il convient de rappeler que la masse salariale (hors pensions) a connu une diminution historique en 2013 (- 90 millions d'euros par rapport à 2012 à périmètre constant, en incluant les fonds de concours 69 ( * ) ), sous l'effet de l'absence de revalorisation de la valeur du point de la fonction publique, de la forte diminution des mesures catégorielles, mais aussi de facteurs plus exceptionnels, comme l'extension en année pleine 2013 des suppressions d'emplois résultant du schéma d'emplois 2012 70 ( * ) et l'abrogation du dispositif d'exonération de cotisations sociales au titre des heures supplémentaires.
Le respect de la progression de 1 % de la masse salariale entre 2012 et 2015 suppose de contenir les aléas qui pèsent sur les dépenses de personnel de plusieurs missions, en particulier :
- au ministère de la défense, du fait, notamment, des dysfonctionnements du logiciel LOUVOIS, dont le remplacement, annoncé en décembre 2013, ne sera mis en oeuvre qu'à partir de 2015 ;
- au ministère de l'éducation nationale, du fait d'une sous-évaluation récurrente du glissement vieillesse technicité (GVT) solde 71 ( * ) , qui s'est élevé à + 215,5 millions d'euros en 2013, soit un écart de 95,5 millions d'euros avec la prévision en loi de finances initiale (+ 120 millions d'euros).
L'atteinte de l'objectif du budget triennal 2012-2015 nécessitera, selon la Cour des comptes, de nouveaux efforts sur les différents facteurs d'évolution de la masse salariale en 2015 ; le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a ainsi indiqué à notre commission 72 ( * ) : « Nous formulons seulement des recommandations pour atteindre l'objectif d'évolution des dépenses de personnel que vous avez voté, soit une progression de 250 millions d'euros par an. L'augmentation spontanée est de 1,4 milliard d'euros par an. Le gel du point d'indice et la réduction des mesures catégorielles devraient limiter la progression à 750 millions d'euros. Nous disons simplement que la politique aujourd'hui conduite ne permettra pas de respecter l'objectif fixé sans prendre de mesures supplémentaires. Nous suggérons donc plusieurs pistes, comme la restauration du jour de carence, la réduction du nombre de fonctionnaires, l'augmentation de la durée du travail et l'étalement des avancements. D'autant que le gel du point d'indice ne pourra durer éternellement, car la politique salariale se doit d'avoir un minimum de dynamisme. Pour retrouver des marges de manoeuvre, vous devrez utiliser d'autres leviers ».
2. Les économies sur les autres postes de dépenses
S'agissant des dépenses relevant d'autres titres, le Gouvernement dispose d' un ensemble de leviers pour améliorer l'efficacité de la dépense publique et réaliser des économies :
- les réformes mises en oeuvre dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), impliquant en particulier une diminution des dépenses de fonctionnement de l'État 73 ( * ) selon des objectifs transversaux fixés à 5 % de ces dépenses en 2015, 10 % en 2016 et 15 % en 2017 par rapport aux crédits de la loi de finances initiale pour 2014 ;
- la maîtrise des dépenses des opérateurs, notamment par le plafonnement et l'écrêtement 74 ( * ) des ressources qui leur sont affectées ;
- une meilleure évaluation des investissements.
Les comités interministériels de la MAP (CIMAP), et plus particulièrement celui du 18 décembre 2013, ont mis l'accent sur des objectifs chiffrés d'économies, en partie repris dans le programme de stabilité pour 2014-2017. Les économies résultant de l'évaluation des politiques publiques et de la modernisation de la gestion publique ont été évaluées entre 5 et 7 milliards d'euros lors de la réunion du CIMAP du 18 décembre 2013, dont 3 milliards d'euros dès 2014, pour un ensemble de 185 mesures. La MAP constitue ainsi un levier significatif, mais non exclusif, pour atteindre l'objectif de 50 milliards d'euros d'économies.
Pour l'État, les économies attendues de la MAP concernent notamment :
- la modernisation de l'achat public, à hauteur de 2 milliards d'euros entre 2013 et 2015 ;
- la modernisation des infrastructures informatiques de l'État, laquelle devrait générer 500 à 800 millions d'euros d'économies à l'horizon 2017-2020 ;
- une meilleure gestion des prélèvements obligatoires et des dépenses fiscales ;
- la modernisation de la fonction financière de l'État ;
- la réforme de la communication gouvernementale ;
- la rationalisation de la politique du logement.
S'agissant des dépenses des opérateurs , des règles de maîtrise de leurs dépenses, qui avaient progressé plus rapidement que celles de l'État, ont été définies par la loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017 :
- pour les dépenses, un principe général a été posé (« les opérateurs de l'État contribuent à l'effort de redressement des finances publiques par la maîtrise de leurs dépenses ») ;
- s'agissant des ressources, la LPFP a consolidé le plafonnement des taxes qui leur sont affectées, dont le principe avait été posé par l'article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.
L'article 12 de la LPFP avait prévu des abaissements du plafond des taxes affectées, par rapport à la LFI 2012, à hauteur de 191 millions d'euros en 2013, 265 millions d'euros en 2014 et 465 millions d'euros en 2015. La LFI 2014 prévoit un abaissement du plafond de 402 millions d'euros à périmètre constant, soit au-delà de l'objectif de la LPFP pour 2014.
D'autres mesures sont également prévues. Conformément aux engagements pris par le Gouvernement lors de la présentation du programme de stabilité, 2014-2017, les subventions pour charges de service public et les taxes affectées seraient réduites de 2 % en 2015, 4 % en 2016 et 6 % en 2017 par rapport aux montants inscrits en LFI 2014. Or, l'évolution des seules subventions pour charges de service public de l'ensemble des opérateurs a diminué de 1,3 % en 2013 par rapport à 2012 et serait en légère hausse, de 0,8 %, en 2014 75 ( * ) . La réduction des ressources des opérateurs venant de l'État, qu'elles prennent la forme de subventions ou de taxes affectées, nécessitera donc soit un effort accru d'économies, soit un effort accru de mobilisation des ressources propres et, plus probablement, les deux.
La programmation triennale pour la période 2015-2017 devrait également comporter des regroupements d'établissements et des rebudgétisations, notamment pour mettre fin à certains doublons.
En ce qui concerne les investissements , conformément au décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013, pris en application de l'article 17 de la LPFP 2012-2017, une évaluation socio-économique associant le commissariat général à l'investissement (CGI) a été mise en place, selon les modalités suivantes :
« - à partir d'un seuil de 20 millions d'euros hors taxe (HT), le projet d'investissement doit faire l'objet d'une déclaration annuelle au commissariat général à l'investissement (CGI), et son évaluation socio-économique préalable doit répondre à un certain formalisme ;
« - à partir d'un seuil de 100 millions d'euros HT, et dans le cas où celui-ci représente au moins 5 % de l'investissement total, une contre-expertise indépendante est rendue obligatoire. Le CGI fait réaliser cette contre-expertise, qui vérifie la conformité de l'évaluation au cahier des charges, et en analyse les hypothèses, méthodes et résultats. Le CGI rend un avis après réception du rapport de contre-expertise ;
« - l'inventaire, tenu par le CGI, et un état des contre-expertises indépendantes réalisées font l'objet d'un rapport public de synthèse destiné au Parlement » 76 ( * ) .
* 66 Mission « Enseignement scolaire » et universités.
* 67 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.
* 68 Le schéma d'emplois de la LFI 2013 prévoyait une réduction de 2 416 ETP. En exécution, celui-ci s'est élevé à - 7 172 ETP du fait de moindres créations d'emplois par rapport à la prévision. Ainsi, dans l'éducation nationale, les créations d'emplois se sont élevées à 5 159 ETP, contre une prévision de 8 781 ETP.
* 69 Cf. rapport n° 716 (2013-2014) de M. François MARC, fait au nom de la commission des finances, déposé le 10 juillet 2014, pour le détail des déterminants de cette évolution.
* 70 Dans l'éducation nationale, les créations ou suppressions de postes n'interviennent qu'en septembre.
* 71 Le solde du glissement vieillesse technicité (GVT) combine :
- le GVT positif, correspondant à l'augmentation de la rémunération individuelle d'un agent en raison de son avancement sur la grille indiciaire (composante vieillesse) et de son changement de grade ou de corps, par concours ou promotion au choix (composante technicité),
- le GVT négatif, traduisant le fait que les nouveaux entrants, en début de carrière, ont un salaire généralement inférieur aux sortants, qui se trouvaient en fin de carrière.
* 72 Cf. le compte rendu de son audition par la commission des finances en date du 18 juin 2014.
* 73 Le rapport du Gouvernement (p. 22) vise explicitement trois postes : les achats, les dépenses immobilières et les systèmes d'information. Cette liste n'est pas exclusive et doit également inclure les dépenses de communication, au regard des chantiers lancés ou annoncés dans le cadre de la MAP.
* 74 L'écrêtement signifie que, en cas de dépassement du plafond de taxes affectées, l'excédent est reversé au budget de l'État.
* 75 Source : réponses du Gouvernement au questionnaire de la Cour des comptes.
* 76 Source : rapport du Gouvernement (citation p. 42).