VI. POLITIQUES TEMPORELLES ET DOMAINES D'INTERVENTION
Les politiques temporelles présentent la particularité de ne pas être cantonnées à un domaine particulier.
Par nature, elles sont, à l'image du temps, transversales, et trouvent de très nombreuses applications.
Cette partie décrira les principales thématiques de ces politiques temporelles puis présentera une synthèse des auditions menées par votre rapporteur, auditions particulièrement révélatrices de » l'intelligence territoriale », de la capacité d'innovation de nos collectivités.
A. PRÉSENTATION DES PRINCIPALES THÉMATIQUES
1. Temps : égalité hommes femmes
Cette égalité pourra progresser à trois conditions 50 ( * ) :
1. la garantie d'un emploi féminin dans les mêmes conditions que l'emploi masculin ;
2. l'assurance du bien-être des enfants ;
3. un changement culturel (concernant notamment le partage des activités domestiques, parentales).
Limitons-nous à la seconde condition, et plus spécialement à la parentalité et aux jeunes enfants.
Commençons par identifier clairement les besoins de l'enfant, et ceux du ou des parents.
Voyons la contrainte travail avec la journée continue, le temps partiel, les horaires variables, la diversité d'employeurs, de lieux de travail, la précarité, le travail de week-end, de nuit, les urgences, l'imprévisible, le temps de formation, les convocations extérieures...
Autres contraintes : la situation familiale, la localisation du domicile, la difficulté ou la facilité à joindre le service de garde, la capacité financière...
Citons pour résumer la désynchronisation de fonctionnement des institutions, des entreprises, des services.
Les réponses aux besoins de garde qui nous intéressent ici sont de deux ordres :
- celles qui relèvent de la collectivité locale (directement ou indirectement). Un impératif est généralement reconnu : la flexibilité des horaires d'arrivée et de départ ;
- celles qui relèvent de l'employeur. Une démarche a retenu notre attention : celle de l'Observatoire de la parentalité en entreprise, créé en 2008 par Jérôme Ballarin, ancien directeur des ressources humaines chez Danone. A l'origine de celui-ci, la découverte du conflit temps de travail - temps parental : comment respecter ses horaires de travail ? Aller chercher son enfant à la crèche ? Le conduire en urgence chez le médecin ?
Cet observatoire est une structure associative, munie d'une Charte de la parentalité à laquelle 500 entreprises ont souscrit. Pendant longtemps les employeurs du secteur privé ont ignoré ces contraintes liées à la parentalité, les renvoyant vers les pouvoirs publics.
Des entreprises signataires de la Charte ont pris des initiatives positives : droit à l'aménagement des horaires en cas de maladie, de grossesse ou d'hospitalisation d'un proche, droit au temps partiel temporaire ou au télétravail en cas de problèmes familiaux, à un congé payé de préadaptation, à une assistance à la garde d'enfant à domicile, à un temps d'absence rémunérée le jour de la rentrée scolaire.
Certaines entreprises réservent des lits dans des crèches, organisent des services de conseils domestiques auprès des parents, de sécurité auprès des enfants...
Tous ces services offrent aussi des avantages pour les employeurs : réduction des coûts d'absentéisme, attrait auprès de jeunes talents...
Ce sont encore là des conduites minoritaires puisqu'en octobre 2013, 76% des parents actifs se plaignent de l'insuffisance d'aide des entreprises et invoquent la prégnance de la culture du présentéisme. Une nouvelle fois nous rencontrons l'inégalité du temps parental entre les pères et les mères 51 ( * ) .
Une donnée explique les difficultés de garde des enfants de moins de trois ans : un sur deux ne dispose pas de place d'accueil hors de sa famille 52 ( * ) . Certains départements sont très sous-équipés.
En juin 2013, le gouvernement a annoncé un plan d'accueil pour 2017. Sera-t-il réalisé ?
On dénombre 25% des mères qui interrompent totalement leur activité professionnelle au-delà du congé maternité, que ce soit par choix ou par contrainte.
Autre constat bien connu : les parents de condition modeste, tout spécialement les mères, ont des conditions de travail difficiles (lieux de travail multiples, horaires atypiques, plannings incertains et variables).
Pour répondre à leurs attentes, il ne suffit pas d'avoir une grande amplitude d'ouverture des crèches, de pratiquer la liberté d'arrivée et de reprise de l'enfant pour répondre aux attentes. Il faut cependant aussi considérer les horaires de travail des personnels de ces établissements.
Selon la CNAF, il existait en 2011, quatre établissements ouverts 24h/24 h et 268 crèches qui offraient des amplitudes horaires supérieures à 13 heures par jour.
Outre la création de cet observatoire, diverses initiatives ont été conduites :
- le dispositif garde d'enfant pour l'équilibre du temps professionnel, du temps familial et son organisation (Gepetto), créé en 2004, propose des modes de garde aux parents qui travaillent avec des horaires atypiques : « un professionnel de la petite enfance vient au domicile des parents, soit très tôt (dès quatre heures du matin) soit très tard (jusqu'à minuit), et prend le relais auprès des enfants, soit pour les emmener vers leur mode de garde habituel, soit pour les ramener le soir au domicile. Cela permet à l'enfant de rester le plus possible dans son cadre familial, afin de préserver son rythme biologique » (Anne-Karine Stoccheti, fondatrice de l'entreprise Optimômes qui développe ce concept en collaboration avec des collectivités locales) 53 ( * ) ;
- l'accueil des jeunes enfants en milieu rural pose également question. Citons le programme Accueil parents-enfants en Massif-Central (APEMAC), lancé en 2008 dans seize départements et porté par quatre réseaux associatifs. Objectif : soutenir la création de structures d'accueil en parfaite correspondance avec des demandes qui peuvent être très variables d'un territoire à l'autre.
Ces initiatives, fruits de l'intelligence territoriale, peuvent être un atout en termes d'attractivité d'un canton ou d'une intercommunalité. Les employeurs ne doivent pas être exclus de ces efforts de recherche d'accueil. A eux de voir s'il est possible de reconsidérer les horaires de certains de leurs personnels, de coopérer avec les collectivités territoriales, de rechercher des solutions avec leurs établissements consulaires.
L'Observatoire de la parentalité s'investit dans cette démarche de sensibilisation : une meilleure conciliation vie de travail / vie de famille peut, outre qu'elle favorise le bien-être, constituer un véritable levier de performances.
Certaines disciplines peuvent favoriser cette conciliation : planification des réunions dans un certain cadre horaire, recours encadré au télétravail, délimitation de plages de connexion et de déconnexion des smartphones...En tout état de cause, il faut éviter que la négociation sur le temps de travail n'aboutisse à des négociations individuelles personnelles.
Deux actions en matière d'égalité hommes-femmes sont présentées de manière plus détaillée ci-après.
La mise en place d'horaires continus pour les agents de propreté Dans le cadre de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes, ainsi que d'une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, plusieurs collectivités se sont engagées dans une politique de réorganisation des horaires des personnels d'entretien. Des conditions de travail difficiles Ce corps, à majorité féminine, se caractérise par un temps partiel et des horaires fractionnés, généralement tôt le matin et tard le soir, c'est-à-dire avant ou après les horaires « traditionnels » de bureau. Ces situations ne sont pas sans poser des difficultés de conciliation avec la vie familiale. Dans ces conditions, le taux d'absentéisme des agents de propreté est élevé, de 25% à 30% à Rennes avant la modification de l'organisation, par exemple. Les conditions de la réorganisation La mise en place d'un nettoyage des bureaux en horaires continus nécessite plusieurs étapes. Tout d'abord, il est nécessaire de « sensibiliser et de convaincre de l'intérêt et de la faisabilité d'une telle démarche » 54 ( * ) . Pour Patrice Vuidel, consultant associé chez Atémis et adjoint au maire de Pantin, cela représente la moitié du temps passé à la mise en place d'un tel projet. Ensuite, il convient de lever les réticences des acteurs, qu'il s'agisse des agents de propreté eux-mêmes ou des personnes utilisant les locaux. Ainsi, certains agents de propreté peuvent voir dans cette réorganisation, qui s'accompagne souvent de la mise à disposition de nouveaux matériels, une remise en cause de leur méthode de travail. Pour les personnes utilisant les locaux, il s'agit de définir, dans la mesure du possible, les horaires durant lesquels le ménage dérangera le moins. Or, certains ont pu y voir une manière indirecte de contrôler leur présence à leur bureau. Afin d'aider tant les donneurs d'ordre - collectivités ou entreprises privées - que les entreprises de nettoyage, la fédération des entreprises de propreté et le service « achats » de l'État ont labellisé une boîte à outils élaborée par la société Atemis. Cette boite à outils permet également de capitaliser les premières expériences menées dans les collectivités territoriales, notamment à Rennes, à Paris, ou dans les sociétés Danone, L'Oréal, ... Enfin, il est nécessaire de procéder à un bilan de l'expérimentation, auprès des personnels d'entretien et des occupants des locaux. Il existe aujourd'hui une réelle dynamique sur ce sujet en raison, selon Patrice Vuidel, de deux mouvements complémentaires : - la circulaire du 6 novembre 2013 relative au développement des prestations de nettoyage en journée dans les services de l'État fixe des objectifs pour 2017 de 60% des sites de chaque département ministériel devant être concernés, et de 30% des prestations de nettoyage devant être réalisées en journée. Par ailleurs, des études de faisabilité doivent être réalisées sur chaque site, et les marchés mutualisés prenant déjà en compte cette dimension du travail en journée doivent être privilégiés. Or, les marchés de l'État représentent des contrats importants pour les entreprises de propreté ; - l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a « instauré le principe d'un horaire minimal hebdomadaire de 24 heures de travail, et systématisé l'objectif d'organisation des périodes de travail en demi-journées ou en journées continues, avec des dérogations par accord de branche possibles ». Ainsi, le seuil minimal hebdomadaire a été fixé à 16 heures dans la branche des prestations de nettoyage. Cela peut conduire les entreprises de propreté à demander aux donneurs d'ordre « la mise en oeuvre d'une organisation favorable au travail en journée, en continu, afin de pouvoir respecter les contraintes légales » . Certaines collectivités et acteurs publics soutiennent la mise en place de ces pratiques. En 2009, la maison de l'emploi, la ville de Nantes et la fédération régionale des entreprises de propreté se sont intéressées à ce thème. En partenariat avec le conseil régional, le conseil général, la cité des congrès et l'agglomération, elles ont mis en place un groupe de travail. Celui-ci a donné lieu à une restitution, lors d'une conférence intitulée « Pourquoi vous allez passer au nettoyage en journée ». 180 personnes y ont participé et une charte en cinq points a été élaborée, comptant aujourd'hui entre 130 et 140 signataires sur le territoire de la région nantaise. La fédération nationale des entreprises de propreté, de son côté, propose désormais une formation-accompagnement aux entreprises qui souhaitent s'engager dans cette démarche. En 2012, la déléguée régionale à l'égalité entre les hommes et les femmes en Poitou-Charentes s'est également intéressée à ce sujet. Quatre séances de sensibilisation, d'information et d'échanges ont été organisées. A Marseille, un travail similaire porté par la maison de l'emploi, la branche professionnelle et les services de l'État est actuellement en cours. Une première réunion d'information a été organisée en février 2014. Il est intéressant de noter que, parmi les donneurs d'ordre, étaient notamment présents des acteurs économiques privés. Des temps d'échanges sur quelques demi-journées sont prévus. Les conséquences De manière générale, les expériences mises en place sont concluantes. En effet, le ralentissement de la cadence de nettoyage est compensé par la diminution de l'absentéisme. Ainsi, à Caen, l'absentéisme des personnels d'entretien a diminué de 57% suite à la mise en place du travail continu pour les agents de propreté. Cela permet également à ces personnels de travailler à temps plein ou quasi temps plein, augmentant, d'une part, leur pouvoir d'achat et, d'autre part, pour certains cas, entraînant un changement de régime social. Ainsi, on a constaté à Rennes que cette réorganisation a permis à un grand nombre d'agents d'entretien de passer au régime général de la sécurité sociale, qui offre des conditions de protection plus avantageuses en cas de problème de santé. Du point de vue des agents de nettoyage, les retours sont positifs. La communauté urbaine de Strasbourg a réalisé une enquête de satisfaction auprès des agents d'entretien et des occupants en février 2011 55 ( * ) : - 82% des agents voient la réorganisation comme une amélioration des conditions de vie et d'emploi ; - 60% estiment que cela a conduit à une amélioration de leurs conditions de travail, 7% estiment qu'il y a une dégradation de celles-ci ; - 90% considèrent qu'elle a conduit à une amélioration de leurs conditions de vie. 93% estiment que ces nouveaux horaires facilitent l'organisation de la vie de famille. Ainsi, pour 21%, le passage en horaires continus permet d'accompagner plus facilement les enfants à la crèche ou à l'école, tandis que pour 52% elle permet de pratiquer de nouvelles activités de loisirs ; - fatigue et stress sont également en diminution (pour 71 % des agents ayant répondu à l'enquête, dans le premier cas, et pour 66% dans le deuxième cas) ; - enfin, les agents d'entretien se sentent plus reconnus, dans la mesure où ils deviennent des personnels visibles par les occupants des locaux. Ainsi, 61% des agents de propreté de la communauté urbaine de Strasbourg estiment qu'avec les nouveaux horaires, leur travail est mieux valorisé par les occupants. En ce qui concerne les occupants des locaux, la grande majorité se déclare satisfaits par la propreté et la fréquence du nettoyage (82%). Enfin, 90% d'entre eux déclarent apprécier d'avoir un échange avec le personnel d'entretien ou déclarent ne pas êtes en être dérangés par leur présence. Cette enquête a toutefois permis de faire remonter certaines difficultés : des nuisances sonores ont été signalées ainsi que des passages à des moments non appropriés (appels téléphoniques, par exemple). En outre, certaines contraintes doivent être prises en compte comme l'accueil au public et le besoin de confidentialité. La charte de réunion Cette charte aborde généralement trois points : mettre en place une régulation des horaires de réunion afin d'éviter leur organisation à un moment pouvant « fortement perturber l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée » (un début de réunion le matin à 8h et le soir après 18h30 pour la communauté urbaine de Strasbourg) ; prévoir des réunions plus courtes en ciblant mieux l'ordre du jour ; réduire le temps de déplacement en recourant à des réunions à distance (visioconférence, conférence électronique,...). On peut noter que certaines administrations centrales, comme le ministère de l'Économie et des Finances, se sont lancées dans cette démarche. |
2. Temps et mobilité
Sans possibilité de mobilité, nous sommes prisonniers de notre temps et de notre espace.
La question du contenu de notre vie se trouve posée : que ce soit en Ile-de-France ou en région, chacun perçoit de manière sensible le caractère prioritaire des transports dans sa vie quotidienne.
Il faut tout d'abord savoir de quoi est faite notre mobilité, l'observer, dans un souci de liberté, d'efficacité : définir le champ de cette observation s'impose, car notre mobilité doit favoriser la construction de services.
La mobilité ne se résume pas à une offre de transports : elle doit être en correspondance aux demandes dont certaines peuvent être corrigées, modifiées. Nous avons, par exemple, un réseau ferré qui peut répondre à des besoins lourds : il ne pourra le faire qu'en coopérant pour participer à une diffusion sur l'ensemble du territoire.
Nous connaissons parfaitement les sources changeantes de cette mobilité :
- le travail, avec sa féminisation, ses aménagements de durée, la diversité de ses localisations, ses possibles périodisations ;
- les rythmes du territoire ;
- la diversité des motifs de déplacements, l'aspiration à l'autonomie ;
- l'évolution de la demande avec sa part d'événementiel, d'imprévisible ;
- la multi-appartenance territoriale.
Autant de raisons de se déplacer qui alimentent ces documents bien connus : plans de déplacements urbains, plans de déplacements sectoriels (qu'ils soient géographiques ou institutionnels). La qualité du transport figure parmi les premiers facteurs de compétitivité d'une agglomération.
La mobilité suppose :
- la multimodalité;
- l'intermodalité ;
- l'accessibilité déclinée sous toutes ses formes (matérielle, financière, informative, culturelle...).
L'intermodalité sert d'articulation entre différents modes de transport : cars, bus, taxis, modes alternatifs, trains et autres transports en sites propres (ex. : métro, tramway, etc....), sans oublier la voiture particulière, l'accès aux parcs de stationnement, les correspondances, la coordination entre système cadencé et desserte rythmée. L'intermodalité sera parfaite si le principe du ticket unique sur un territoire déterminé est mis en place et si elle concerne le plus grand nombre possible de voyageurs, qu'ils soient scolaires, travailleurs, handicapés ou autres. La négociation entre autorités organisatrices, pour incontournable qu'elle soit, peut s'avérer difficile mais nous avons des raisons d'espérer. Reste à évoquer l'essentiel : les participations financières : que demander à l'usager, aux contribuables, aux entreprises ?
Ces différentes problématiques appellent un traitement local pour observer, traiter, décider, aménager et gérer ; impulser et réguler. Des compétences, des procédures, des autorités le permettent.
Encore faut-il que les politiques publiques nationales soient respectueuses et ne fassent pas payer aux transports ce qu'elles n'ont pas voulu prendre en charge en matière de logement par exemple. Ce qui aboutirait à la ségrégation.
L'usager demande surtout d'arriver à temps, dans de bonnes conditions : il redoute les embouteillages, les retards, les heures de pointe. Le remède ? L'information, l'existence d'autres trajets (bison futé) et ...l'étalement des horaires d'ouverture et de fermeture des services administratifs, des entreprises...et des établissements scolaires et universitaires.
Le lien existant entre l'aménagement et le transport plaide encore en faveur du local : le temps de la ville nous oblige à travailler « sur » l'aménagement, mais aussi « dans » l'aménagement, au quotidien.
La mobilité nous amène à réfléchir sur la dimension stratégique de lieux importants d'interconnexion.
Nous retiendrons, à titre d'exemple, les gares ferroviaires (qui ne sont pas que ferroviaires).
Les gares, lieux d'interconnexion, de multimodalité, d'intermodalité croissante et donc d'échanges, lieux qui rapprochent les territoires, portes d'entrée d'un ensemble territorial qu'elles irriguent, qui informent, coordonnent, intègrent et optimisent une diversité de services (ex. : billettique). Les gares peuvent devenir un quartier stratégique d'une ville, d'une intercommunalité.
Coeur de convergence entre mobilité, aménagement, destin d'un ensemble urbain, la gare « entre dans la ville et la ville entre dans la gare » (AMGVF, CERTU, GART).
Une gare - avec des horaires très larges - agrège des flux de clientèles soucieuses de transport qui peuvent devenir des clientèles de commerces, de services divers, de bureaux, d'informations...
Ce lieu peut devenir attractif pour des hôtels, des services sociaux, administratifs, des centres de télétravail, des agences, des plates-formes de correspondance, des espaces de réunions...
La gare, ensemble d'activités, de constructions, d'habitat, de populations, de services peut devenir une identité, un élément du patrimoine urbain, un puissant pôle économique, financier, patrimonial, un pôle de vie de jour et de nuit.
Un nouveau quartier peut naître : il doit être parfaitement maîtrisé par l'entente des autorités concernées.
S'il faut rechercher le dynamisme et la modernité, deux écueils sont cependant à éviter : la concentration, le déséquilibre de la ville (la gare va concurrencer) et la spéculation qui fait courir un risque de fracture, de ségrégation. La gare de demain nous amène automatiquement à la coopération, à l'intercommunalité, au partenariat.
La gare de demain est inséparable de la ville de demain.
La gestion de l'hyperpointe dans les transports en commun Les transports en commun sont le moyen privilégié par de nombreuses personnes pour se rendre quotidiennement sur leur lieu de travail ou d'étude. Or, en raison d'une synchronisation encore forte des horaires de travail, on assiste à des situations d'heures de pointe voire d'hyperpointes dans les transports en commun. Elles sont facteurs de stress et de fatigue pour les passagers en raison de la suroccupation des rames. En outre, cette très forte affluence entraîne des ralentissements de la vitesse de circulation. En effet, la montée et la descente des rames est plus longue et, aux abords des quais bondés, les conducteurs roulent plus lentement pour éviter tout risque d'accident. Face à cette situation, plusieurs solutions sont possibles. La première consiste en une modification des rames, pour permettre une augmentation de leur capacité maximale, en diminuant, par exemple, le nombre de places assises ou en utilisant des voitures en « accordéon ». Une deuxième solution consiste en des aménagements plus conséquents de l'infrastructure : création d'un terminus « arrière-garde » à Rennes pour augmenter la fréquence des rames, automatisation des lignes et mise en place, le long du quai, de portes automatiques pour éviter toute chute accidentelle sur les voies, voire des travaux plus conséquents, tel le dédoublement des voies pour augmenter le nombre de trains. Or, ces projets coûtent très chers. Ainsi, on estime le coût du dédoublement du tunnel entre les stations Châtelet-les-Halles et Gare du nord, aujourd'hui partagé par les lignes de RER B et D, à plus d'un milliard d'euros. Plusieurs collectivités locales se sont lancées dans une résolution des problèmes d'hyperpointe par une action de politiques temporelles. Ainsi, Rennes 56 ( * ) , Montpellier 57 ( * ) et Poitiers ont travaillé avec leurs universités afin de décaler l'heure de début des cours et désengorger les transports en commun. Cela a exigé la mise en place d'une vraie concertation. En effet, il a fallu convaincre l'ensemble des acteurs de la nécessité de leur implication et du fait que le transporteur ne pouvait résoudre ce problème à lui-seul. Mais au final, les résultats sont visibles. Malgré une fréquentation du métro en hausse à Rennes, les flux ont diminué de 5% à l'heure de pointe et la charge moyenne de 17% à la station Pontchaillou. En outre, ce décalage a permis une économie de plusieurs millions d'euros, dans la mesure où la communauté d'agglomération n'a pas eu à acheter de nouvelles rames pour faire face à la surfréquentation. D'autres projets ou idées se développent dans le même sens. La ville de Caen a mis en place un groupe de travail avec les universités et autres établissements scolaires afin de limiter l'engorgement dans les transports en commun. En mars 2013, la SNCF a cherché à promouvoir auprès des entreprises de la région parisienne un étalement des horaires pour permettre aux salariés « d'éviter les trains les plus chargés. Il suffirait qu'une petite partie des voyageurs décale son voyage de 15 à 30 minutes pour que la qualité de service s'améliore sensiblement » 58 ( * ) . La mission temps de Strasbourg mène actuellement une réflexion sur la mise en place d'un plan de déplacement interentreprises dans le quartier d'affaires du Wacken. En effet, ce dernier accueille déjà près de 6 000 salariés et est actuellement en plein essor : à l'horizon 2020, 4 000 emplois de plus sont attendus sur ce site. D'ores et déjà, un travail avec les entreprises est mené afin d'analyser la nature de la congestion et d'étudier la possibilité de décaler les horaires. Ce travail englobe également une réflexion sur le télétravail. L'exemple du décalage des horaires dans l'agglomération lyonnaise 59 ( * ) « En ce qui concerne la mobilité des collégiens et des lycéens, l'espace des temps a été interpellé par la commune de Neuville-sur-Saône, située au bord de la Saône sur l'axe nord-sud. Entre 8h et 9h, le trafic était complétement bloqué. Près de 13 lignes de bus souhaitaient déposer les élèves en même temps. L'espace des temps a réuni autour d'une table les établissements d'enseignement publics et privés, les parents d'élèves, l'autorité organisatrice des transports (le Sytral), Kéolis, la SNCF, le conseil général, qui gère les bus scolaires, le Grand Lyon, les communes concernées et un bureau d'études. Il a été décidé de décaler de quinze minutes l'ouverture des portes des collèges privés et publics le matin et le soir. Le trafic a décru et, au-delà, cette action a été le début d'une concertation désormais annuelle entre le Sytral et les collèges afin d'anticiper la rentrée de septembre. Cela a également permis une rationalisation des lignes de bus. Ainsi, lors de l'ouverture d'un lycée dans le même secteur, deux ans plus tard, une seule ligne de bus supplémentaire a été créée, alors qu'on en prévoyait plus. Un travail est désormais mené avec d'autres sites scolaires afin de régler des problèmes de congestion similaires, notamment à la cité scolaire internationale près de Gerland. Une telle action n'est pas toujours simple à mener, car elle peut souligner des manques d'autres services de la collectivité ou des communes associées. Ainsi, il a été prouvé qu'une meilleure signalisation de l'accès aux collèges a permis de faire en sorte que certains élèves ne soient plus déposés directement devant la porte de l'établissement, mais plus en amont, finissant leur trajet à pied » . |
3. Temps et aménagement urbain
La construction de la ville, son aménagement, ses extensions, ses dimensions, ses formes, ses structures, ses vécus...influencent ses temps, ceux de ses habitants, de ses visiteurs, de ses acteurs.
Prendre en considération le temps dans l'aménagement, c'est rechercher la meilleure relation entre ces lieux utiles que sont ceux de l'habitat, du commerce, du travail, des services publics, des loisirs... Au détour du temps, de la durée de trajet, nous rencontrons l'optimalité de la ville.
La ville existe mais elle n'est jamais finie.
Il n'existe pas de modèle urbain français ou européen à l'état pur. Si chaque ville a son identité, sa personnalité, nous voyons bien que pour faire entrer la ville dans le XXI e siècle, il convient de s'entendre sur quelques principes.
Au niveau d'une unité de vie (quartier, commune, intercommunalité, bassin de vie), nous devons tendre vers une mixité sociale, fonctionnelle, intergénérationnelle, géographique, d'où l'importance de définir le territoire auquel s'appliquent ces mixités.
Ceci suppose philosophie, projet, prévision, programmation, évaluation, maîtrise (démographique, foncière, immobilière, technique, financière...).
Le temps du vécu quotidien dépend des temps de moyen et long termes des équipements, infrastructures et projets (d'où la nécessité de bien les penser !), tout comme il dépend de la ville concentrique, de la ville étalée, de la ville dense, de la ville éclatée, de la ville « rurbanisée », de la ville archipel.
Le temps s'impose comme facteur d'aménagement par référence aux principes de proximité, d'accessibilité, de coût, de sécurité.
Il participe à la localisation d'une école ; d'un parc de loisirs, d'un commerce, d'un banc public, d'un arrêt de bus, d'un parking 60 ( * ) . Il est facteur d'attractivité, d'égalité, d'économie, d'utilité sociale.
Notre « boîte à outils » ne manque pas d'instruments pour inscrire ce qui précède dans la réalité : schéma de cohérence territoriale, plan local d'urbanisme, plan local de l'habitat, schéma de développement commercial, plan d'action foncière 61 ( * ) .
Pour aller vers la « ville optimale », « la ville durable », il nous faut également mettre en place des procédures et des équipements qui soient économes en temps.
Nous retrouvons le principe de transversalité. De quoi s'agit-il ? De coordonner, de rapprocher, de réunir, d'intégrer, de simplifier.
Qu'est-ce que « le choc de simplification » voulu par le Président de la République sinon une économie de temps pour agir ?
Nous sommes là en présence d'une constante :
- Jacques Chirac, Premier ministre, partait en guerre contre le formalisme administratif et voulait humaniser les rapports entre les citoyens et l'administration ( Le Monde , 5 juin 1974) ;
- Octave Gelinier, économiste, spécialiste en organisation, concluait à l'échec de la déconcentration et regrettait qu'il n'y ait plus de décideur, ni - de ce fait - d'information et de dialogue avec l'usager : « l'usager citoyen est frustré » ( Le Monde , 25 juin 1974)
- Raymond Marcellin, secrétaire d'État à la Fonction publique et à la Réforme administrative donne en 1957 comme mission aux bureaux d'organisation et de méthode d'étudier le temps de chaque opération pour la réduire à son nécessaire !
Quelles sont les différentes formes de transversalité à développer ?
- l'autorité coordinatrice (regrettons de ce point de vue l'affaiblissement de l'autorité préfectorale) ;
- le chef de file ;
- le guichet unique. A titre d'exemple, plusieurs villes ont mis en place cette procédure qui permet aux usagers de gagner du temps en réalisant en un même lieu diverses démarches habituellement éclatées (ex. : guichet pour faciliter la rentrée scolaire) ;
- la plate-forme d'appui : plus complexe que le simple guichet unique, elle réunit en un même lieu et de manière permanente, des services dédiés à une même activité (ex. : les plates-formes d'appui aux mutations économiques créées dans le cadre du Pacte National pour la compétitivité, la croissance et l'emploi. Elles offrent des services en ressources humaines aux très petites et moyennes entreprises. État, région, Fongecif, OPCA, AFPA, Pôle Emploi y concourent) ;
- équipements polyvalents : recherche de pleine activité avec de larges amplitudes horaires. Encore faut-il que leur aménagement le permette : fonctionnement autonome de certaines parties, accès aux toilettes, aux locaux de sécurité, aux fluides, régulation du chauffage...
- équipements intégrés : réunion en un même lieu d'équipements complémentaires avec des services communs (locaux scolaires, culturels, sportifs, socioculturels...) ;
- équipements mutualisés.
Des fonctions (accueil, documentation, orientation) peuvent être mises en commun, réunies en même lieu. Cette synergie était l'esprit de la loi du 12 avril 2000 créant les maisons de services publics.
Ces différentes voies de transversalité - plus ou moins intégrées - demandent une volonté, un accord approfondi, nécessaires à la prévention des litiges. Il faut savoir dépasser les différences de statut des personnels, d'autorités budgétaires, de temps de fonctionnement.
L'utilisation temporelle maximale peut concerner des lieux qui hier encore avaient une fonction exclusive. Un bon exemple nous est donné par la rue piétonne qui, sous réserve d'aménagement, peut-être à multi-usages. La maîtrise des usages (pratiques, évolutifs, multiples) est inséparable des maîtrises d'ouvrage et d'oeuvre 62 ( * ) .
4. Temps et fonctionnement de la ville
L'intérêt pratique nous amène prioritairement à la correspondance qui doit exister entre le fonctionnement des services publics et les attentes du ou des publics. Cette correspondance intéresse tout spécialement les horaires d'ouvertures de ces services.
C'est le domaine par excellence du dialogue sociétal (entre partenaires concernés), de l'arbitrage politique, du comportement civique des usagers (n'attendons pas le dernier moment pour aller s'inscrire sur les listes électorales).
Ces questions d'horaires ne peuvent pas être traitées de manière unilatérale et uniforme. Chaque ville, parfois même chaque quartier, a son rythme de vie du fait de sa sociologie, de son économie, de ses temps particuliers : festifs, commerciaux, religieux, sportifs, patriotiques...Pensons aussi aux villes historiques, à celles qui accueillent un public international.
Chaque ville peut célébrer un évènement en fonction de son histoire, d'une présence associative, de l'interprétation qu'elle entend donner au recueil des commémorations nationales 63 ( * ) .
Il faut également veiller à l'information, à la simplification pour faciliter la vie. Illustrant cet objectif, la Poste a décidé dans certaines villes d'organiser une nocturne par semaine dans tous les quartiers ou d'ouvrir le samedi matin (également dans toute la ville) 64 ( * ) .
Une attention particulière est à porter à l'ouverture des services culturels : des horaires adaptés permettent une diversité sociale de fréquentation et donc une démocratisation culturelle accrue.
En général, les actions portant sur les services publics et l'accueil du public répondent à plusieurs objectifs : satisfaire les besoins de la population en matière d'accueil dans les services publics. Mais, une action sur les services publics est souvent aussi un moyen pour une collectivité s'engageant dans les politiques temporelles de prendre une mesure visible, plus aisée à mettre en place que dans d'autres domaines. En effet, il s'agit souvent de personnels administratifs de la collectivité territoriale, d'établissements publics et de services de la ville. Là aussi, les actions sont diverses.
a) La modification des horaires d'accueil du public dans les administrations
L'objectif est de mieux répondre à la demande des usagers. Ainsi, les services administratifs de la ville de Brive restent désormais ouverts lors de la pause méridienne au public un jour par semaine. Le bureau des temps a pu s'appuyer sur la tradition d'ouverture de la caisse des écoles le jeudi en continu, ainsi que sur le diagnostic qu'elle avait établi : toutes les administrations étaient ouvertes le jeudi midi, à l'exception de la mairie et de la sous-préfecture. À Caen, l'hôtel de ville présente la particularité d'être un bâtiment historique visitable. Or, l'accueil était commun pour les renseignements municipaux et pour les visites. En outre, les horaires étaient les mêmes tout au long de l'année, avec le même effectif. Les visites étaient également possibles tous les week-ends. Il y a eu une remise à plat avec une annualisation du temps de travail pour prendre en compte la saisonnalité. Les conditions de travail ont été améliorées en fermant l'hôtel de ville le week-end en basse saison ; et en haute saison, le planning et le roulement des agents sont connus à l'avance.
Dans le même temps, plusieurs collectivités ont travaillé sur le développement de la e-administration, afin de permettre un gain de temps pour un certain nombre de démarches.
b) Les horaires d'ouverture et l'accessibilité des équipements sportifs et culturels
Un grand nombre de villes ont profité de la construction d'un nouvel équipement ou de leur rénovation pour repenser les horaires d'ouverture. Ainsi à Rennes, l'espace des champs libres est ouvert le soir. A Strasbourg, à la faveur d'un plan de rénovation de neuf piscines, un travail sur les horaires a été fait, avec le soutien de la nouvelle cheffe de service, qui s'est investie dans la remise à plat des grilles horaires des équipes. La position des élus était de donner la priorité au grand public et aux scolaires, en diminuant les créneaux et les lignes à la disposition des associations. Une piscine nordique est désormais ouverte 365 jours par an, d'autres dès 7 heures du matin. L'adaptation des horaires s'est faite à partir des besoins exprimés par les usagers, recueillis lors d'une enquête téléphonique conduite en 2010. A Saint-Denis, le musée propose une ouverture nocturne le jeudi jusqu'à 22h, ce qui a été motif à une grève de son personnel. En effet, à l'époque cette volonté d'ouvrir en nocturne un soir par semaine était incomprise, mais elle est aujourd'hui acceptée par tous.
5. Un temps particulier : le dimanche
En livrant personnellement bataille, le dimanche 27 juillet 1214, à Bouvines, Philippe Auguste ouvrait le débat d'une désacralisation du dimanche, traditionnellement « jour du Seigneur » . On le lui doit tout entier. Le moissonneur qui entreprend de moissonner un dimanche se sent mal à son aise : la colère du ciel est sur lui.
Nous sommes loin de ce temps mais le dossier du travail dominical reste délicat au point que le Premier ministre commande le 30 septembre 2013 un rapport sur l'exception du travail dominical à Jean-Paul Bailly ancien président de la Poste, remis à son destinataire en décembre 2013.
Jean-Paul Bailly, au regard de la question, cite les principales mutations de la société : avènement du numérique, développement de la mobilité, accroissement du temps libre, vieillissement de la population, recomposition des familles, activités professionnelles des femmes, évolution des structures urbaines et du territoire, habitudes de consommations...
Il conclut à une diversité des attentes et à l'impossibilité d'avoir une vision moyenne ou globale de ces attentes.
Il dresse un premier constat : personne ne souhaite que le dimanche soit jour banalisé : « c'est un jour où l'on est maître de son emploi du temps, un jour où l'on a du temps pour soi, un jour de plus grande liberté, pour être libre ensemble », à la différence du samedi, qui reste un jour à l'emploi souvent très contraint.
Après avoir passé en revue la réalité du travail dominical, la réglementation, les incohérences d'une pratique, les attentes, les enjeux, il propose « un ensemble équilibré et cohérent » qui ne veut être ni un compromis ni un consensus. Voici les grandes lignes du scénario proposé :
1. Définir les secteurs autorisés à déroger de plein droit au repos dominical sur des activités essentielles au bon fonctionnement de la société.
2. Porter le nombre de « dimanches du maire » à 12 (avec maintien d'un haut niveau de compensation)
3. Instaurer le principe d'un double dialogue territorial et social pour les ouvertures pérennes (accord de site ou d'entreprise respectant le principe d'équité).
Au nombre des enjeux : l'emploi, le tourisme, l'équité sociale, l'animation des centres-villes, l'attractivité internationale de Paris et des autres villes du territoire. Cette demande d'ouverture du dimanche peut varier selon les villes 65 ( * ) .
6. Temps et projet éducatif territorial (PEDT)
Votre rapporteur n'a pas à commenter la réforme des rythmes scolaires. D'excellents travaux y ont été consacrés. En revanche, il doit souligner l'importance des temps péri et extrascolaires : ils présentent un enjeu égalitaire majeur. D'où l'intérêt pour une collectivité de se doter d'un « projet éducatif local » réfléchi, partenarial et assuré, reposant sur un état des lieux, une concertation et un engagement.
La circulaire n°2013-2017 du 6 février 2013 traite, dans sa troisième partie, du projet éducatif territorial (PEDT). Elle lui assigne pour objectif de « mobiliser toutes les ressources d'un territoire afin de garantir la continuité éducative entre les projets des écoles et des établissements » et que « les activités proposées aux élèves en dehors du temps scolaire et offrent donc à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité, avant, pendant et après l'école ».
Le PEDT est élaboré par la collectivité territoriale. Il formalise, coordonne et organise les activités éducatives sur « l'ensemble des temps de vie des enfants ».
Le « cadre de collaboration locale » rassemble, autour de la collectivité, l'ensemble des acteurs publics et privés qui interviennent dans le domaine de l'éducation.
Cette philosophie n'est pas nouvelle : à titre d'exemple, nous pourrions citer la circulaire du 16 juillet 1998 consacrée au contrat éducatif local (cf. Bulletin officiel de l'éducation territoriale n°29-98). Elle définit le temps périscolaire, la finalité des actions proposées, les méthodes d'élaboration et d'éducation.
Voilà un nouvel exemple qui illustre le temps des complémentarités, des contractualisations, des partenariats vers un objectif essentiel : la réussite de l'enfant. La particularité de ce PEDT est de faire appel à de multiples intervenants et donc de gérer des temps qui ne peuvent être simplement juxtaposés ou une répétition des activités scolaires.
Autre illustration de la gestion des temps : si l'on veut que des étudiants puissent y intervenir, il convient que leur temps universitaire soit compatible avec celui qui leur est proposé dans le cadre du PEDT.
Pour éviter la multiplication des temps partiels, une démarche de coordination territoriale est souhaitable. L'excellence n'en sera que renforcée.
7. Temps et formation tout au long de la vie
Chacun s'entend sur le futur de notre société, de notre économie et de citer à juste titre Alain Touraine qui, dès 1969, annonçait « la société postindustrielle », « la révolution du savoir », « la société cognitive », « la société de la connaissance », « la société de l'étude ».
Le sommet européen des 23 et 24 mars 2000 lançait le processus de Lisbonne privilégiant la connaissance. Nos collectivités territoriales se sont heureusement saisies de cet impératif de la connaissance au bénéfice de leurs personnels, de l'économie de leurs territoires et du bien-être de leurs populations.
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences fait partie de l'ordinaire. Tout ceci prédispose à plaider la cause d'une formation tout au long de la vie.
Quelle en est la consistance ? Rechercher une conjugaison idéale, individuelle et collective, des temps d'activités professionnelles, des temps de formation, des temps de latence (entre la fin d'un emploi et le début d'une activité), des temps personnels...
Ce sont des temps qui intéressent les territoires, soucieux d'emplois, d'attractivité, de compétitivité, de cohésion sociale... Une diversité d'acteurs, de publics, le changement des environnements, les cloisonnements culturels et institutionnels ne favorisent pas un impératif incontestable théoriquement central, global, essentiel, aux prises avec la vitesse et l'équité.
Nous retrouvons les principes d'éducation, de formation, d'employabilité, de flexibilité, de mobilité et donc de sécurisation des parcours professionnels.
Voilà qui ne peut que conforter la décentralisation régionale et en appeler à la mobilisation de tous 66 ( * ) .
Cette approche décentralisée permet de mettre en oeuvre l'heureuse et récente réforme qui aboutit à la reconnaissance du « compte personnel de formation », principe qui permet de suivre la personne tout au long de sa vie active et qui se substitue au « droit individuel à la formation » 67 ( * ) .
8. Temps et santé
Lorsque l'on associe ces deux mots, on pense à de multiples sujets qui nous intéressent tous : temps consacré aux soins, accessibilité aux services de santé, « déserts médicaux », urgences...
Henri Mondor s'est particulièrement attaché en tant que chirurgien à certains de ces aspects. Selon lui, un impératif comptait : « ne se soucier que d'une chose, elle est plus impérieuse que tout, c'est l'heure de la décision opératoire, l'heure chirurgicale. Un retard d'une nuit peut être fatal » 68 ( * ) , d'où la nécessité de « l'agir à temps ».
L'urgence garde toute sa place et elle n'est pas qu'opératoire. Nous retrouvons le temps dans le Pacte territoire-santé présenté en décembre 2012 par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé. Elle expose douze engagements concrets dont certains relèvent directement du temps 69 ( * ) :
- mise en place, dans chaque région d'un interlocuteur unique que les étudiants, internes ou professionnels peuvent contacter directement. Il s'agit d'aider l'installation, et d'informer sur les politiques nationales en matière de soins de proximité ;
- développement du travail en équipe pour faciliter une prise en charge complète des patients. Ceci peut se faire dans le cadre des maisons de santé pluri-professionnelles libérales et des centres de santé polyvalents. Des permanences et une extension des horaires d'ouvertures facilitent la vie des patients ;
- développement de la télémédecine et de la téléassistance (la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux devient priorité nationale) ;
- accélération des transferts de compétence afin de diminuer les temps d'attente ;
- garantie d'un accès aux soins urgents en moins de 30 minutes d'ici à 2015 (formation, équipement, rémunération des médecins correspondants de SAMU-MCS).
Une nouvelle fois la pratique contractuelle par le contrat local de santé peut servir de support à une politique territorialisée de santé au sein de laquelle le concept temps prend toute sa place.
La chirurgie ambulatoire va modifier substantiellement le temps hospitalier avec la diminution du temps de séjour, la recherche d'une meilleure utilisation des plateaux techniques, d'une meilleure coordination des examens et d'un nouveau rapport avec la médecine de ville et les acteurs de l'hospitalisation à domicile.
9. Temps, société numérique et économie
Le rapport général de la société à l'économie a beaucoup changé. Si nous prenons l'exemple d'une activité économique particulière - le commerce - trois facteurs l'ont influencé :
- la croissance de l'activité professionnelle des femmes (avec l'importance des couples biactifs) ;
- l'évolution de la durée du travail (importance des temps « disponibles ») ;
- l'augmentation du niveau de vie.
Ajoutons la mobilité, la multi appartenance territoriale et internet !
La consommation des ménages a beaucoup changé : triplement en cinquante ans de la part de l'habillement tandis que celle de l'alimentation diminue, celle des services progresse. L'alimentation (hors boisson) représentait 24,7% du budget des ménages en 1960, 15% en 2007, 12% en 2011. Les dépenses liées au bien-être, à la communication, aux loisirs et à la culture, et à la santé croissent.
La part des dépenses de logement et d'énergie est passée de 10% à 20% en cinquante ans. Ces évolutions s'accompagnent d'inégalités, et d'un effet de décalage entre « pouvoir d'achat » et « vouloir d'achat ».
Si le temps de la « course corvée » diminue, celui de la « course plaisir » augmente avec une caractéristique supplémentaire : ce temps peut être utilisé pour cumuler différentes opérations : faire du shopping, aller au cinéma, visiter une exposition, prendre un repas rapide, déambuler,...
Conséquence : le commerce doit tenir compte des horaires des clients, horaires variables suivant les jours et les régions. Une attention particulière doit être portée aux évènements, aux particularismes, aux pays d'origine des visiteurs. Rappelons que la France est le premier pays au monde par le nombre de visiteurs internationaux : 83 millions. Ces visiteurs - dont l'impact économique compte tout particulièrement - ont leurs habitudes, leurs cultures, leurs croyances. Nos régions, et villes concernées par le tourisme urbain, le tourisme international, doivent en tenir compte. C'est affaire d'accueil, d'horaires, de connaissance linguistique, de services...
Tout en respectant le droit du travail (qui parfois aurait besoin aussi d'être revisité), l'évolution de nos modes de vie invite aux changements de temps. Internet s'y emploie, avec l'explosion de l'achat en ligne. 56% de nos compatriotes, en 2012, ont réalisé un achat en ligne (37% en 2007). 21% des ventes de produits culturels physiques, 16% des ventes de produits électroménagers se font sur internet, dont le chiffre d'affaires évalué est de 45 milliards d'euros en 2012 (+20% par rapport à 2011), soit une dépense moyenne de 1400 euros en 2012 (1230 euros en 2011, 900 en 2008). « La e-economie révolutionne l'offre à travers le développement d'un commerce multicanal (internet, mobile, magazine) qui permet de capter de nouveaux clients. Le multicanal permet d'accompagner le client tout au long de son parcours et d'organiser l'offre en conséquence. En accordant à nouveau la priorité au client, il renforce les métiers du commerce autonome, de l'accueil et du conseil » 70 ( * ) . Internet est un commerce ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le e-commerce a aussi développé des sites sans magasin (« pure player » ) qui ont provoqué la chute ou la disparition de certains magasins (Virgin, Surcouf, Chapitre, etc.).
Il est incontestable qu'il faut cultiver l'attractivité des commerces et de la ville par la nature des activités, la qualité des services, la gestion des temps (horaires d'ouverture, nocturne, temps d'animation) des évènements. Comment rendre « la ville aimable » ?
Tout doit contribuer à cette qualité, facteur de fréquentation, y compris la qualité de la restauration rapide !
Des perspectives s'imposent. A titre d'exemple, nous devons nous demander quel est le devenir de nos centres-villes : centres commerciaux, patrimoniaux, culturels, économiques, sociaux, sans oublier la fonction logement ? Il est incontestable qu'il faut en cultiver l'attractivité : c'est affaire de choix d'activités, de qualité de services, d'animation, de gestion des temps (horaires d'ouverture, de fermeture, de nocturnes) d'adaptation, d'accessibilité, de circulation, de liaisons, de signalétique, de cheminements,... Bref de « culture de l'accueil et du service » 71 ( * ) . Bien d'autres questions se posent : les télécentres remplaceront-ils les bureaux urbains qui ne cesseraient de se vider ? Qu'adviendra-t-il de ces lieux avec bureaux anonymes accueillant des travailleurs nomades - espace de coworking ?
D'une manière générale le numérique lie tout, tous à tous et tout le temps. Il peut aboutir à une fusion des temps professionnels, familiaux, sentimentaux ... On peut travailler partout : chez soi, dans le train, en avion, en voiture, dans un parc, au restaurant. Avec le numérique, les frontières disparaissent : on peut louer une voiture, un appartement, organiser des rencontres, se faire diagnostiquer un problème de santé, participer à un référendum. Il peut amener réactivité, transparence, créer de « nouvelles sociabilités ». Le respect de certains principes essentiels impose une maîtrise du numérique : la transparence, l'urgence, l'immédiateté ne doivent pas dévorer ni notre « temps de vivre », ni notre « personnalité ». La liberté personnelle, l'esprit critique demandent du temps, la préservation d'une autonomie personnelle 72 ( * ) . Si le numérique permet l'ubiquité (« grâce aux nouveaux outils de communication, je peux finaliser le lancement de l'application mobile My Orange en Jordanie le lundi, animer une réunion téléphonique avec le Sénégal le mardi et participer à un comité de pilotage avec la Côte d'Ivoire le mercredi » 73 ( * ) ), il faut savoir tenir compte des cultures, des règles de fonctionnement, des exigences collectives d'un projet à partager, à construire,...Laissons à François Petetin, directeur du département projets transverses à la direction des risques du groupe bancaire BPCE, une réflexion sensée : « dans le management en réseau, la réflexion collective s'exprime beaucoup mieux quand on est tous réunis autour de la table » 74 ( * ) .
10. Temps et télétravail
Le télétravail partiel (un à deux jours par semaine) concourt à la qualité de vie au travail et vise à une meilleure articulation des temps pour toutes et tous. Il réduit notamment la fatigue et la perte de temps dans les transports. Toutefois, plusieurs points doivent être pris en compte :
- si la loi permet le recours au télétravail, notamment aux fonctionnaires, les décrets d'application n'ont pas encore été pris ;
- un télétravail à temps complet peut être contreproductif, dans la mesure où il peut affaiblir le lien social existant entre les salariés ;
- dans les grandes villes, et à Paris notamment, peu de logements disposent d'une pièce en plus pouvant être transformée en bureau. Dès lors, si la chambre ou le salon se transforme en espace de travail, la vie professionnelle empiète physiquement sur la vie familiale. Il faut donc prévoir des tiers lieu - en dehors du lieu de travail mais également en dehors du domicile - à proximité du lieu de domicile ;
- enfin, le télétravail est souvent vu comme une rupture d'égalité entre salariés. Bien évidemment, tous les emplois ne sont pas adaptés au télétravail. Toutefois, il ne doit pas pour autant être réservé aux seuls cadres. Ainsi, on peut souligner qu'Accenture a expérimenté le télétravail auprès des secrétaires 75 ( * ) .
Le télétravail en question dans les collectivités 76 ( * ) « Le télétravail a-t-il des perspectives d'avenir en France ? Alors que, dans certains pays à économie comparable, on compte jusqu'à 30% de télétravailleurs parmi les actifs en France, ce chiffre ne s'élève qu'à 9%, et tombe à moins de 2% dans la fonction publique. Pour mieux appréhender la mise en oeuvre et l'impact de ce type d'organisation du travail, le CNFPT a mené en 2013 une enquête de terrain auprès de sept collectivités de différents niveaux. L'enquête démontre que l'introduction du télétravail dans les collectivités est souvent liée à un double enjeu de développement durable et de gestion des ressources humaines, avec la volonté de limiter les déplacements domicile-travail ou d'améliorer la qualité de vie et la santé au travail des agents dans certains cas. Si les élus, les directions générales et les agents sont plutôt favorables au déploiement du télétravail (bien que des interrogations subsistent), les managers sont moins séduits. L'enquête présente ces expériences territoriales sous forme de « fiches actions », pour aider au déploiement du télétravail dans les collectivités. Sont ainsi évoqués la mise en place des critères d'éligibilité ou de formations au management à distance, la création d'un forfait mensuel de jours de télétravail, l'équipement des agents pour qu'ils puissent travailler comme s'ils étaient présents au bureau .... » |
Cette liste thématique n'est bien évidemment pas exhaustive. Ainsi, il serait souhaitable que les acteurs territoriaux de la politique des temps s'emparent du « choc de simplification » et analysent méthodologiquement un certain nombre de procédures administratives dans le but d'en raccourcir le temps. Ne pourrait-on commencer, par exemple, par réduire le temps pour la délivrance d'un permis de construire ?
* 50 Dominique Méda, Hélène Perivier, Le deuxième âge de l'émancipation, Seuil, 2007.
* 51 « Travail et famille : l'équation pas si impossible », le Monde du 22 octobre 2013.
* 52 Cf. « Résoudre le casse-tête de la garde des enfants », Alternatives Économiques Poche, septembre 2013.
* 53 Le service est financé par la CAF.
* 54 Compte rendu de l'audition de M. Patrice Vuidel.
* 55 Cf. annexe 13.
* 56 Cf. en annexe la note de la direction stratégie et rayonnement urbain de Rennes métropole expliquant le contexte, le projet, la mise en place de ce projet et les résultats constatés.
* 57 Voir notamment le compte rendu de l'audition de Mme Chrystelle Amblard.
* 58 Propos de Mme Bénédicte Tilloy, responsable de SNCF Transilien.
* 59 Compte rendu de l'audition de Mme Lucie Verchere-Tortel.
* 60 A méditer : « se donner du mal pour les petites choses, c'est parvenir aux grandes avec le temps » Samuel Beckett.
* 61 Pour complément : « Temps des Villes » op. cit., pages 22 et suivantes.
* 62 Saluons l'initiative de « Montpellier Agglomération » qui a élaboré un Schéma Directeur Temps et Territoire qui se veut document « de réflexion, d'innovation, de coordination, de régulation, autour des questions de temps pour améliorer l'aménagement de notre territoire, de ses services et de sa qualité de vie » Jean-Pierre Moure, Note de la fondation Jean Jaurès, octobre 2013 (annexe 8).
* 63 Recueil édité chaque année par le ministère de la Culture. Depuis plusieurs années, un temps a fait son apparition : le temps de la nuit.
* 64 Avec cette généralisation, l'usager s'interroge pour savoir si cette ouverture concerne son quartier ou seulement le centre-ville. L'expérimentation permet d'identifier ce qui fonctionne ou pas.
* 65 Une enquête de l'UCV (Union du grand commerce de centre-ville) de mars 2013 montre que cette demande est très différente suivant qu'il s'agisse de Marseille, de Nice (deux villes où la demande est très forte), de Biarritz ou de Bordeaux (demande plus faible).
* 66 La communauté de Rennes Métropole a organisé, les 6 et 7 mars 2006, un important colloque sur ce thème. Cf. La formation tout au long de la vie, Presses Universitaires de Rennes, 2006.
* 67 Loi n°2014--288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie locale.
* 68 Philippe Monod-Broca « Les diagnostics urgents de l'abdomen » Revue Chirurgie 1985, pages 418-524. Henri Mondor publia de nombreux ouvrages. L'un des plus connus « Diagnostic urgent- abdomen », publié en 1929, résultat de dix années de travail, fut traduit en de très nombreuses langues.
* 69 Pacte Santé Territoire. Document ministériel du 10 février 2014.
* 70 Les cahiers de l'Alliance, n°7, avril 2014, Editions Alliance du commerce, Paris.
* 71 Op.cit.
* 72 Cf. Christophe Bouton « le temps de l'urgence », Arléa 2013 ; « quand l'urgence dévore le temps de vivre », La Croix du 1 er avril 2014. En décembre 2013, les autorités civiles des États-Unis et d'Europe ont levé l'interdiction d'utiliser les téléphones mobiles, tablettes et ordinateurs portables lors des décollages et atterrissages.
* 73 Agnès da Costa, chef de projet marketing d'Orange, Le Monde, 23 avril 2014.
* 74 Le travail en réseaux donne aux cadres le don d'ubiquité, Le Monde du 27 avril 2014.
* 75 Différents termes font référence au télétravail : le télétravail à domicile, les télécentres : des personnes viennent travailler sur des lieux collectifs, centres de coworking : ce sont des lieu où l'on vient se connecter lorsqu'on est de passage.
* 76 Revue « Service public territorial » CNFPT, n°12, 2014. Toutes les études du CNFPT sont sur cnfpt.fr>onglet « S'informer » > rubrique « Nos études ».