INTRODUCTION - Joël Bourdin , président de la délégation à la prospective
Mesdames, Messieurs, chers collègues, je suis heureux de vous accueillir au nom de la délégation à la prospective. Voilà deux ans, nous nous étions penchés sur l'émergence d'un phénomène nouveau, celui de l'e-commerce, auquel nous avons consacré un rapport d'information intitulé Commerce électronique, l'irrésistible expansion . À cette époque, j'insistais sur le chiffre d'affaires exceptionnel réalisé par les e-commerçants en 2011, en l'occurrence 37 milliards d'euros.
Or, deux ans après, en 2013, ce chiffre d'affaires s'est établi à environ 50 milliards d'euros, soit une progression considérable. Son taux d'expansion, qui ne se dément pas depuis un certain nombre d'années, s'inscrit à 14 % par an.
Nous avions à l'époque identifié trois variables clés dans le développement du commerce électronique : son attractivité, son accessibilité et le comportement des consommateurs. Sur ces trois points, l'évolution des événements a pleinement conforté nos analyses.
Qu'il s'agisse du prix, de la diversité de l'offre ou du service annexe, le e-commerce est aujourd'hui plus attractif que jamais. Nous trouvons tout sur Internet. Effectuer ses courses en ligne représente un gain de temps, un gain d'argent, tout en offrant une gamme de choix plus large que celle proposée par un centre commercial.
L'accès à l'offre a quant à lui été démultiplié au cours des années écoulées. Nous avons assisté au développement de deux outils technologiques, les smartphones et les tablettes, à la fois légers, pratiques et mobiles. Ils autorisent un accès à Internet qui permet d'acheter en ligne depuis n'importe quel endroit du globe à n'importe quelle heure, en particulier depuis le déploiement de la 4G. Nos concitoyens peuvent acheter en ligne en permanence sur des sites spécialement conçus pour être consultés sur un téléphone. Nous parlons d'ailleurs davantage aujourd'hui de « m-commerce », pour mobilité, que de e-commerce. Entre 2011 et 2012, le chiffre d'affaires réalisé sur les tablettes et les smartphones passait de 400 millions à 1 milliard d'euros, soit une hausse de 160 %. Ces statistiques feraient pâlir d'envie n'importe quel autre secteur.
Les consommateurs ont répondu présent. Parmi les quarante millions de Français qui utilisaient Internet au début de l'année 2013, nous comptions trente et un millions d'acheteurs en ligne. Ce chiffre est en progression continue, il a encore augmenté de 8 % l'an dernier. Qui plus est, les analyses montrent que ces acheteurs deviennent des e-consommateurs réguliers. Au cours de l'année 2012, chacun d'entre eux a dépensé en moyenne 1 400 euros répartis sur seize achats. Nous ne nous posons plus la question de savoir si le commerce électronique s'installera durablement ou non dans les habitudes de consommation des Français et des Européens. En revanche, nous pouvons nous interroger sur les nouvelles formes que prendront les développements futurs. Les premiers produits en vente étaient les livres, les DVD, les CD. Puis sont venus les vêtements, les chaussures. Peu de temps après, nous entendions parler des drives , concernant la vente de produits alimentaires, conçus alors comme des curiosités marginales. Aujourd'hui, ce concept est entré dans les moeurs. Il est attractif et très utilisé par nos concitoyens, à chaque niveau d'âge et par l'ensemble des catégories socioprofessionnelles. Depuis lors, nous sommes passés aux services. Quelle sera la prochaine étape ? Nos invités nous le diront peut-être...
Longtemps, nous avons imaginé que le commerce physique et le commerce électronique étaient par nature incompatibles, voire concurrents. L'un devait mourir pour faire place à l'autre. Or il me semble, comme nous l'avions pressenti il y a trois ans, que nous assistons davantage à la complémentarité qu'à la compétition de ces deux formes de commerce. Le commerce électronique ne tue pas le commerce traditionnel. Parfois, le commerce électronique favorise même le commerce traditionnel. J'observe par exemple que les enseignes classiques, qui ont parfois réagi avec lenteur, ont finalement à leur tour investi sur Internet pour contrer l'offensive des acteurs entièrement numériques.
Enfin, je constate que la conjonction entre un intérêt croissant pour le développement durable et un pouvoir d'achat en baisse a entraîné l'apparition d'une nouvelle génération de consommateurs qui souhaitent consommer mieux et moins cher et cette génération y parvient, notamment grâce au commerce électronique qui participe, dans les faits, à l'évolution du pouvoir d'achat. Nous parlons en effet de crise tandis que le pouvoir d'achat global continue de progresser. Certes, les revenus n'augmentent pas nécessairement. Simplement, les achats sont moins coûteux, en particulier par le recours au commerce électronique.
Celui-ci modifie profondément les modalités du commerce tel que nous le connaissions autrefois. Nous voyons, dans les petites villes, des commerçants rejoindre le commerce sur Internet ou s'allier pour présenter un site : c'est le cas tout récemment, par exemple au Puy-en-Velay où les commerçants se sont organisés pour répondre aux clients. Le commerce électronique permet en outre aux consommateurs d'améliorer le confort de leur consommation. J'ai moi-même interrogé des personnes qui fréquentent des drives . Manifestement, elles en tirent le bénéfice de réduire le temps consacré aux courses et d'améliorer leur confort de vie. Enfin, le commerce électronique permet évidemment aux commerces traditionnels de se conforter. Je pense aux acteurs qui profitent des possibilités du commerce électronique pour vendre leurs produits non plus sur le bord d'un trottoir mais sur la totalité de l'espace national. Nous voyons ce type d'offres se multiplier. Les collectionneurs de livres, par exemple, n'ont plus à se rendre rue de l'Odéon, à Paris, chez un vieux bouquiniste. Ils peuvent accéder à des offres directes sur Internet, qui présentent notamment des photos. Les consommateurs eux-mêmes peuvent ensuite revendre leurs livres.
Je n'irai pas plus loin. Nous sommes réunis en effet aujourd'hui pour écouter les spécialistes, que je remercie de leur présence et que je vais vous présenter :
- Olivier Aizac, directeur général de Leboncoin ,
- Paulin Dementhon, président et fondateur de Drivy ,
- Thierry Petit, directeur général et cofondateur de Showroomprive ,
- Lara Rouyrès, membre du Conseil national du numérique,
- Patrick Waelbroeck, maître de conférences à Télécom Paris Tech.
Peuvent-ils nous présenter leur activité ?