AUDITION DE MME ANNE MICHEL, JOURNALISTE (LE MONDE)
(jeudi 4 juillet 2013)
Mme Nathalie Goulet, présidente . - Nous recevons maintenant Mme Anne Michel, journaliste au Monde.
Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je vous informe qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Anne Michel prête serment.
Mme Anne Michel . - Un journaliste décrit les faits, il n'est ni un prescripteur ni un auxiliaire de justice et n'a pas se substituer au législateur. S'il est témoin de faits intéressants, il doit en faire part, comme je le ferai devant vous, tout en montrant les failles de la législation, de la régulation du secteur bancaire et financier. Cela est d'autant plus fondé que les intermédiaires, qui participent largement à ce système, renvoient à la responsabilité du législateur : si la loi est mal faite, il revient au politique de la changer !
Après un mois et demi d'enquête sur 120 000 sociétés offshore, nous avons publié un article le 4 avril, soit 48 heures après les aveux de Jérôme Cahuzac, qui lui ont donné une résonnance particulière. Offshore Leaks constitue une expérience inédite reposant sur la coopération de cent journalistes de quarante pays différents et d'un consortium de journalistes américains financé par le mécénat, l'ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists). Le Monde, sollicité par le consortium, avec lequel il avait déjà coopéré sur le trafic de tissus humains, a accepté sa proposition de travailler sur deux millions et demi de documents provenant de sociétés spécialisées dans la création de quick companies, et stockés sur des disques durs d'ordinateur représentant 260 gigaoctets, soit 160 fois plus que les télégrammes diplomatiques de WikiLeaks.
Ces documents étaient très divers : actes juridiques de création de sociétés, échanges de lettres ou de courriers électroniques entre intermédiaires financiers ou avocats d'affaires, récépissés de factures toujours anodines, puisque le but des montages est justement la dissimulation. Le Monde a exploité les fichiers pour remonter le fil des trusts ou des compagnies financières internationales aux Îles Vierges britanniques. Malgré ces montages, nous avons retrouvé, derrière les prête-noms, les véritables bénéficiaires économiques.
Le résultat, c'est la fameuse liste française de 130 noms, que nous n'avons pas tous publiés. Nous avons en effet choisi de nous concentrer sur ceux qui faisaient sens : des personnes emblématiques, censées incarner certaines valeurs, en situation de responsabilité, ou des institutions bien en vue. Nous avons également procédé par thèmes, pour arriver à deux conclusions essentielles : d'une part, le recours aux sociétés offshore s'est banalisé au point de concerner gros et petits entrepreneurs de province, et pas seulement les oligarques russes ; d'autre part, les intermédiaires financiers ont un rôle très actif dans ces montages pour lesquels la régulation n'est pas forcément adaptée.
Mme Nathalie Goulet, présidente . - Le deuxième volet de cette commission d'enquête et les textes qui arrivent dans les prochaines semaines sont là pour cela.
Aviez-vous des compétences économiques suffisantes pour exploiter ces données ; les avez-vous vérifiées et avez-vous monté une équipe ?
Mme Anne Michel . - La vérification des données est essentielle. Nous avons ainsi interrogé les bénéficiaires identifiés sur l'éventuelle activité économique de leurs sociétés. L'opération engagée par l'ICIJ fait sens ; elle est différente de ces bases de données brutes publiées sur internet, puisqu'elle résulte d'un travail de filtrage et de vérification. La rédaction a fait appel à moi parce que je suis une journaliste économique, et que j'ai pour interlocuteurs réguliers les entreprises et les banques.
Mme Nathalie Goulet, présidente . - Ma question n'avait rien de personnel : la technicité des produits et l'inventivité des fraudeurs posent la question de la formation des personnes ayant à connaître de ces sujets.
Mme Anne Michel . - L'administration fiscale bute sur l'impossibilité de remonter au bénéficiaire final. En l'absence d'aveu, elle ne peut rien faire. Il n'y a pas de registre des sociétés offshore, ni d'obligation de les déclarer pour les intermédiaires. Cette enquête est une chance ; même s'il a été nécessaire de se plonger dans une masse de données pour les trouver, toutes les informations utiles y sont : noms de sociétés, intermédiaires, noms de dirigeants ou d'actionnaires - presque toujours les mêmes prête-noms - et, enfin, bénéficiaires économiques réels, que l'on retrouve facilement, par des recoupements entre fichiers, que je vous montrerai. Nous n'avons jamais été démentis, ce qui prouve que la matière était saine. Nous n'avons rayé de la liste que les sociétés qui avaient une réelle activité économique.
Mme Nathalie Goulet, présidente . - Votre enthousiasme est contagieux.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Qui sont les mécènes du consortium ?
Mme Anne Michel . - Le site de l'ICIJ est très bien fait sur ce point. Il existe quelques dizaines de fondations de ce genre aux états-Unis, dont l'indépendance n'a jamais été mise en doute. L'ICIJ ne pouvait pas connaître à l'avance les résultats du dépouillement, ce qui rend des conflits d'intérêt peu probables. Les résultats ont en outre touché des intérêts très puissants en Asie ou en Russie, jusqu'à l'entourage de Vladimir Poutine.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Pourrez-vous nous communiquer les coordonnées de votre alter ego à Washington ?
Mme Anne Michel . - Bien sûr.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Votre investigation a duré plus d'un an ?
Mme Anne Michel . - Deux mois, pour la part du Monde. Les disques durs étaient parvenus au président du consortium alors qu'il n'était que journaliste d'investigation en Australie. Il lui a fallu attendre de disposer de moyens financiers pour exploiter les données.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - C'est une opération d'envergure, qui a mobilisé du temps, de l'argent, des compétences, de l'énergie. Quel était l'objectif assigné ?
Mme Anne Michel . - Nous n'avions pas d'objectif assigné, sinon de faire notre métier de façon exemplaire en exploitant un matériau précieux. Nous avons travaillé en réseau, échangeant des informations de manière sécurisée pour explorer des pistes à l'étranger. J'ai par exemple découvert des montages offshore impliquant des bénéficiaires grecs - des armateurs, selon mon confrère grec. Depuis, les administrations fiscales des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et d'Australie ont obtenu ces informations ; la France a demandé à y avoir accès.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Quelles suites vont être données à cette enquête ? Le Monde se serait désolidarisé de l'idée d'une publication...
Mme Anne Michel . - Peut-être pour trouver des fonds, l'ICIJ a décidé de publier, de manière restrictive et pédagogique, une partie des listes sous forme de base de données accessible à tous. Le Monde s'est désolidarisé de cette initiative, qui n'avait pas été annoncée et qui nous semble contraire à la démarche suivie jusqu'ici, consistant à passer par le filtre d'un grand média ne publiant que des informations vérifiées. J'ai retrouvé dans la base de données des noms que j'avais rayés, parce qu'ils correspondaient à de vraies activités économiques. Cela ne remet pas en cause le travail antérieur.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Avez-vous été en contact avec l'administration fiscale depuis ?
Mme Anne Michel . - Non. Certains pays ont été plus offensifs que la France pour réclamer des comptes aux intermédiaires financiers. À ma connaissance, l'administration fiscale n'a pas demandé d'explications aux banques.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Et le G8, avec sa fracassante déclaration finale ?
Mme Anne Michel . - Le G8 donne l'impulsion politique au niveau international. En inscrivant dans la loi l'obligation pour les banques de publier la liste de leurs activités et bénéfices pays par pays, paradis fiscaux inclus, la France a fait bouger les lignes en Europe. S'agissant des autres multinationales, en revanche, elle préfère attendre une décision européenne. Après le G8 et avant le G20 de Saint-Pétersbourg début septembre, nous suivrons le G20 finances de juillet, qui portera sur la généralisation des échanges automatiques de données.
Mme Corinne Bouchoux . - Avez-vous cherché à faire la jonction entre votre travail et celui de Denis Robert sur Clearstream 1 ? J'ai cru comprendre que vos relations s'étaient refroidies.
Chacun est surveillé, tout le monde espionne tout le monde, dit Le Monde de ce soir. Malgré les précautions prises, avez-vous des raisons de penser qu'il a pu y avoir des fuites ? Le secret a-t-il été préservé ou certaines personnes ont-elles été contactées ? Vous auriez pu vouloir épargner certains anciens responsables politiques...
Mme Anne Michel . - Nous n'avons cherché à épargner personne. M. Augier a été cité en raison de son rôle public, d'où des questions de légalité et d'éthique. Nous avons découvert incidemment qu'il était bénéficiaire de sociétés offshore ; il nous a répondu de manière très transparente.
Nous n'avons subi aucune pression. La confidentialité a été maintenue jusqu'au 4 avril ; l'accès aux fichiers était sécurisé, l'équipe peu nombreuse. Les données dont nous disposions ne nous ont pas permis de poursuivre des pistes politiques, mais le travail continue.
Mme Corinne Bouchoux . - Confirmez-vous avoir rencontré des noms de responsables politiques ?
Mme Anne Michel . - Je ne peux vous le dire avec certitude, compte tenu de la masse de données.
Mme Corinne Bouchoux . - Peut-on parler de présomption ?
Mme Anne Michel . - Je ne saurais m'avancer. D'autres enquêtes parallèles sont en cours, je laisse à ceux qui les mènent la responsabilité de leurs propos.
Outre le thème général de la transparence, je ne vois guère de lien avec Clearstream 1. Denis Robert a été l'un des premiers à dénoncer l'opacité du secteur financier. Il n'a toutefois pas accepté que Le Monde relève certaines inexactitudes dans son livre...
Mme Corinne Bouchoux . - Denis Robert s'était focalisé sur l'exemple argentin ; c'est en cela que l'on peut tracer un parallèle avec la Grèce et la crise des dettes souveraines.
M. Yvon Collin . - Nous comprenons votre prudence sur ces dossiers délicats. Plusieurs de nos interlocuteurs, notamment des responsables de la lutte contre la fraude, nous affirment que l'on avance à grands pas, que la crise a aidé à faire avancer les choses. D'autres nous ont dit que certains grands États pratiqueraient un double langage, car les espaces de liberté que sont les paradis fiscaux leur seraient bien utiles. Partagez-vous ce sentiment ?
Mme Anne Michel . - Les crises financières sont en effet l'occasion de réformer les angles morts de la régulation. Cependant ces occasions passent très vite, et l'on revient rapidement aux vieilles habitudes : ou les mêmes excès se reproduisent, ou les dérives financières se déplacent. L'ingénierie financière est inventive.
La disette budgétaire contraint les États à récupérer de la matière fiscale, d'où de nouvelles politiques de régulation. Les États-Unis ont été moteurs en la matière. Il faut toutefois distinguer l'évasion fiscale des particuliers de celle pratiquée par les multinationales, car les montants en jeu ne sont pas comparables.
L'OCDE a repris les combats des années 1960 : après l'échange de données à la demande, acté lors du G20 de 2009, l'engagement public de passer à un échange automatique. L'OCDE me paraît être le bon échelon pour avancer, sachant que l'Union européenne peine à faire aboutir la directive « Epargne ».
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Si la volonté politique est réelle, qu'attend-on pour mettre un terme à la règle de l'unanimité sur les questions fiscales ?
Mme Anne Michel . - Le G8 d'Irlande du Nord a affiché un front uni contre l'évasion fiscale. C'est dans cette instance resserrée que peuvent se prendre de vrais engagements politiques, disent les diplomates. Que David Cameron n'ait pas fait d'exception pour les territoires d'outre-mer et les dépendances britanniques, souvent cités parmi les paradis fiscaux, est un signe majeur. Le mouvement politique qui s'amorce est très intéressant à observer.
M. Michel Bécot . - Pourquoi ne pas citer les noms de sociétés commerciales ? Avez-vous reçu des témoignages à la suite de la publication de votre enquête ? Les États-Unis et le G8 jouent un rôle moteur, dites-vous ; y a-t-il vraiment un espoir de voir les choses évoluer ?
Mme Anne Michel . - En prenant des engagements de principe, le G8 donne une impulsion au G20. Les chefs d'État y discutent de manière plus frontale, et il est plus facile de prendre des décisions à huit qu'à vingt.
Notre enquête a mis au jour 122 000 sociétés offshore, trusts ou compagnies financières internationales dont la finalité est de dissimuler les bénéficiaires économiques réels. Certaines sociétés exercent toutefois de vraies activités économiques. J'ai ainsi enquêté sur un entrepreneur du textile du nord de la France qui possédait une société à Singapour ; le montage, peu sophistiqué, recouvrait de vraies activités d'import-export.
Oui, j'ai reçu après mon enquête des témoignages de financiers repentis, souvent des retraités ayant participé à des montages opaques dans des paradis fiscaux. La crise des subprimes a été un détonateur pour certains, qui ont pris la mesure des choses une fois le scandale révélé.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Quand nous l'avons auditionné, votre confrère Marc Roche, fin connaisseur de la City, nous a expliqué qu'il faut quatre ingrédients pour faire de l'évasion fiscale : un client, un avocat, un paradis fiscal et une banque. Pouvez-vous décrire le rôle des banques françaises sur les territoires concernés ?
Mme Anne Michel . - Deux banques françaises reviennent souvent dans nos fichiers : BNP Paribas et le Crédit agricole, mais toutes les grandes banques fonctionnent de cette façon. Les clients souhaitant passer par une banque française se rendaient dans une filiale, à Jersey ou en Asie ; la banque faisait alors appel à un prestataire de services financiers spécialisé dans la création de quick companies, Portcullis TrustNet ou Commonwealth Trust Limited. Les banques françaises sont censées vérifier que le client final n'est pas de nationalité européenne. L'enquête a montré qu'il y avait bien des Européens parmi les bénéficiaires ; les banques disent y avoir mis bon ordre depuis 2010 - mais nous ne disposons pas de données postérieures à cette date.
Les fichiers de l'ICIJ font apparaître 56 montages de sociétés offshore à partir de filiales de BNP Paribas à Jersey, à Singapour, aux Iles Vierges, aux Samoa, aux Seychelles ou à Hong Kong, et 36 montages à partir des filiales du Crédit agricole en Suisse et en Asie. La vraie question reste celle des moyens d'investigation des régulateurs européen et français : selon sa présidente Danièle Nouy, l'Autorité de contrôle prudentiel ne pouvait mener à bien ses investigations dans les paradis fiscaux, faute de fondement légal pour intervenir à l'étranger. La loi bancaire a corrigé cette anomalie.
Concrètement, BNP Paribas Jersey Trust Corporation Limited a ainsi été prestataire de services pour Triple 888 Fortune Limited, société offshore sise aux Iles Vierges britanniques, dont les administrateurs, fictifs, sont domiciliés à Jersey, aux Iles Vierges et aux Caïmans. Parmi ses actionnaires, UBS Nominees Limited, sise à Jersey... Bref, un montage opaque par excellence.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Qui sont les ayants droit ?
Mme Anne Michel . - Je vous communiquerai la réponse.
M. Charles Revet . - Le consortium est financé par le mécénat, avez-vous dit. N'y avait-il pas une idée directrice derrière, un objectif particulier ? Comment expliquez-vous que les États ne se soient pas davantage investis dans ce travail ? Avez-vous des pistes à suggérer au législateur ? Enfin, avez-vous subi des pressions pour freiner la diffusion de certaines informations ?
Mme Anne Michel . - La presse française est indépendante. Nous n'avons subi aucune pression directe. Interrogez l'ICIJ : tout est transparent, ils vous communiqueront la liste de leurs donateurs et mécènes.
Les États n'ont pas accès à une information complète. Ce n'est que si le bénéficiaire passe aux aveux que l'administration fiscale peut remonter le fil. L'échange automatique des données et la coopération entre administrations fiscales devrait toutefois faciliter les choses.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - N'avez-vous jamais pensé à prendre contact avec l'administration fiscale ?
Mme Anne Michel . - J'ai interrogé les spécialistes de la lutte contre la fraude fiscale sur les montages théoriques, les questions de légalité et d'éthique.
M. Charles Revet . - Vous êtes-vous beaucoup déplacée pour cette enquête ?
Mme Anne Michel . - J'ai recueilli une partie des données informatiques auprès de la correspondante permanente de l'ICIJ à Madrid. Pour le reste, j'ai travaillé à distance sur les fichiers.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Pouvez-vous nous communiquer les documents que vous avez évoqués ?
Mme Anne Michel . - Oui, il s'agit de documents de travail qui ont été publiés.
Plus largement, les failles dans la régulation des secteurs bancaire et financier sont en train d'être colmatées, au niveau national et international. Le G8 a validé un accord politique pour remédier à l'absence de registre des sociétés offshore, en prévoyant des obligations déclaratives nouvelles et renforcées pour les particuliers, les entreprises mais aussi les intermédiaires financiers, banques ou cabinets d'avocats.
La liste noire de l'OCDE sera réactualisée en 2014 : on verra si les engagements pris en 2009 par les États concernés ont été suivis d'effet. De son côté, la France souhaiterait qu'on lève l'interdiction faite à l'Union européenne de désigner des moutons noirs en son sein. Notre pays joue un rôle moteur, dans la lutte contre l'opacité. Ainsi, sous pression française, la principauté d'Andorre a adopté une nouvelle politique fiscale, instauré un impôt sur le revenu et pourrait passer à l'échange automatique de données. Reste le cas de Monaco.
Autres pistes : l'obligation pour les banques de déclarer les opérations auxquelles elles participent ainsi que les comptes bancaires ouverts dans leurs filiales à l'étranger, ou encore le renforcement de la responsabilité pénale des intermédiaires financiers. N'oublions pas que la transparence est le principe fondateur de l'économie de marché.
Mme Nathalie Goulet, présidente . - La commission aura à coeur de vous entendre à nouveau avant de remettre son rapport. Les schémas d'optimisation fiscale sont dans notre viseur, et nous ne désespérons pas de faire adopter nos amendements sur ce sujet.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - « La preuve du pudding, c'est qu'on le mange », dit Friedrich Engels. Bon appétit !