C. LA CONSTRUCTION DE REPÈRES
Fabienne KELLER , rapporteure
Avant d'en débattre, nous allons partager la vision du philosophe Roland Meyer, qui s'est beaucoup intéressé, dans les quartiers sensibles, à la construction de la personnalité des adolescents.
Roland MEYER
Par rapport aux interventions que je viens d'entendre, il importe à mon sens de se demander ce que signifie le sujet, l'individu, de surcroît lorsqu'il est adolescent. De quoi l'adolescence est-elle le nom ?
Je reprendrai une notion évoquée par Anne-Marie Bazzo, selon laquelle il n'existe de mémoire que plurielle. En d'autres termes, la mémoire est une notion singulière qui se conjugue au pluriel. Lorsque l'on parle de culture dans le champ du social et de l'économique, il serait dangereux de penser qu'il puisse y avoir une unique culture commune. Il convient de s'autoriser à penser qu'une culture est toujours prise dans une dimension de multi-appartenance. Il n'y a de culture que parce qu'il y a diversité. Il n'y a de rencontre que parce qu'il y a des différences. La rencontre du même revient à la mort du lien social. Yahya Cheikh, vous avez parlé de religion comme d'une transmission familiale. D'un point de vue étymologique, la religion signifie « ce qui relie ». Elle relie l'individu à quelque chose que l'on appelle, dans le champ de la psychanalyse, un « grand autre », une sorte d'idéal.
La notion de mémoire nous renvoie à qui nous sommes. Or, à cet égard, l'adolescent se trouve dans une sorte d'entre-deux. Il se demande : « Qui suis-je ? » L'adolescence renvoie à un passage entre les liens de l'enfance, déterminés par une sorte de toute-puissance infantile, vers d'autres liens affectifs. Vous avez tous ici l'expérience des adolescents, surtout les enseignants. Vous savez que lorsque vous leur dites quelque chose, c'est ce qu'il ne fallait pas dire. Et quand vous ne leur dites rien, c'est ce qu'il ne fallait pas faire.
Ramenée dans le champ de l'économique et du social, l'adolescence représente cette crise, cette incapacité à choisir quelque chose. L'adolescent se trouve dans un vivre-ensemble, mais sans autrui. Quasiment tous les adolescents fantasment d'ailleurs un jour ou l'autre sur le fait d'avoir été adoptés. Il s'agit d'une étape nécessaire, qui équivaut à la question difficile de la séparation. L'adolescent se sépare ainsi des liens de l'enfance. L'adolescence commence lorsque l'enfant se débarrasse de ses doudous, de ses anciens jouets.
Je parle sur la base de travaux issus de rencontres avec des adolescents, que j'ai menées en tant que musicien, c'est-à-dire au moyen d'une médiation, afin d'établir un contact. Dans le rapport à l'autre, l'adolescent se retrouvera confronté à un triptyque psychiquement déterminant chez l'humain : honte, culpabilité et angoisse.
Dans les quartiers difficiles, comme les quartiers nord de Marseille, que je connais très bien, ces trois formations psychiques ramènent l'adolescent à la question du rejet, non pas des parents, mais des images parentales.
Que faire au niveau des années collège pour faire intervenir un enseignement, un lien avec l'autre ? La mémoire est fondamentale à cet égard. La question de l'adolescent est identitaire. Nous parlons de crise d'identité. Mais comment peut-on imaginer un devenir sans un rappel à un point d'origine, qui soit au-delà même du religieux, c'est-à-dire qui touche au mythe ? Lorsque l'on demande à un jeune des quartiers nord de Marseille d'où il vient, cette question est déjà vécue comme une insulte. La mémoire est le lieu même, le point d'origine, qui permet d'aller au-delà de tout ce qui résiste.
L'adolescence renvoie à une autre notion, propre à l'école et au collège : celle d'autorité. Cette dernière est non pas le pouvoir, mais une forme particulière de pouvoir, qui suppose la confiance. L'autorité ne peut se décréter. Elle implique une réciprocité. La question du collège consiste à savoir quelle réciprocité créer avec l'adolescent. La réciprocité permet d'obtenir l'obéissance. Celle-ci n'équivaut pas à la servitude. Elle revient à reconnaître une autorité, à se trouver en paix et à créer un lien. Dès lors que l'autorité est présente et que ce lien s'installe, les personnes se mettent à parler de leur histoire, de leur point d'origine.
Ainsi, dans les travaux que je mène, je lis des textes à des jeunes, et je leur demande ensuite d'écrire ce qu'ils ressentent. J'ai ainsi abordé la question de l'histoire. Ayoub, quatorze ans, mauvais élève, rejeté dans les classes car indiscipliné et agressif, a écrit ce texte, dont je vous donne lecture : « On écrit l'histoire, on lit l'histoire, on change l'histoire, on décrypte l'histoire. L'histoire en moi, l'histoire m'inspire, l'histoire me métamorphose, mon bonheur est l'histoire, l'histoire me fascine, l'histoire est ma passion, ma passion, mon élément, ma seule passion d'écrire. L'histoire m'épanouit, l'histoire m'adoucit, me rend joyeux, heureux. L'histoire referme ma blessure. Ma vie sans écrire l'histoire ? Et bien, je ne vis plus. L'histoire me comprend, m'écrit. Écrire, c'est moi qui l'écris. Toi, tu lis quand j'écris. Ma passion est d'écrire et pouvoir lire. L'histoire, encore, c'est ma mémoire, c'est mon avenir. » À mon sens, toute la prospective se trouve à cet endroit.
Fabienne KELLER , rapporteure
Cette très belle analyse de la construction de la personnalité d'un adolescent constitue un message d'espoir. Michel Cornille, vous avez oeuvré dans les quartiers de Marseille pendant toute votre vie d'enseignant et de chef d'établissement.
Michel CORNILLE
Ma vie d'éducateur a commencé en Égypte. J'ai exercé le même métier que Yahya Cheikh, mais dans le domaine de la francophonie. La francophonie fait partie du devoir de mémoire, que nous entretenons à l'étranger.
Je suis à la retraite depuis dix ans et j'habite la Ciotat. Dans cette petite ville de 32 000 habitants, la mairie a créé, il y a quatre ans, un pôle de transmission de la mémoire. Cette initiative est tout à fait heureuse, dans une ville qui a souffert de déchirements liés à la crise économique. Il a été nécessaire de recréer du lien social et d'apporter aux jeunes des pansements sur les plaies familiales.
Ce pôle municipal s'appuie sur des présidents d'association, dont je fais partie, pour raconter aux jeunes Ciotadens, non pas ce qu'ils sont, mais où ils sont, de façon à créer un lien social qui risquerait de manquer.
La Ciotat, ce sont les chantiers navals, une mono-industrie qui, dans sa ruine, a jeté la moitié de la ville au chômage. Il a fallu raconter aux enfants comment ces chantiers sont nés. Les Génois, qui ont fait la Ciotat, sont aujourd'hui Ciotadens de souche depuis plusieurs générations. Ce que l'on a réussi pour les Génois, on doit le réussir avec les nouveaux arrivants des quartiers difficiles.
Quant à moi, j'interviens en tant que président de l'association les Lumières de l'Éden . Le théâtre de l'Éden est en effet l'une des plus anciennes salles de cinéma du monde. La Ciotat, berceau du cinéma, était la ville des frères Lumière. La moitié des vingt premiers films de l'histoire mondiale du cinéma a été tournée à la Ciotat. Notre association, en liaison avec le pôle municipal de transmission de la mémoire, se rend dans les collèges pour raconter cette histoire, pour que les enfants s'approprient cette histoire, et que cette dernière devienne un trésor commun, un patrimoine qui soit de nouveau porteur de solutions économiques. En effet, outre la salle de cinéma, nous envisageons de créer des studios de cinéma. Il existe par ailleurs une école de cinéma à Aubagne. Le cinéma deviendra donc une perspective possible d'emploi pour certains de ces enfants.
Fabienne KELLER , rapporteure
Adil Jazouli, depuis trente ans, vous oeuvrez pour la transformation des quartiers fragiles au sein du comité interministériel des villes. Quel regard portez-vous sur le travail de mémoire et la construction de repères communs, qui pourraient aider les jeunes à se dessiner un avenir ?
Adil JAZOULI
Le travail effectué dans le cadre du rapport de Mme Keller sur les « années collège » envisage la conception d'un manuel commun d'histoire à la France et à ses ex-colonies. Cette histoire, complexe, est plus large que l'histoire arabo-française, et inclut également l'Indochine. Les effets de cette histoire continuent à se faire sentir. Ainsi, l'intervention française au Mali ne procède pas du hasard.
Si un travail de conception d'un manuel devait être engagé, il conviendrait de ne pas tomber dans le piège des passions de mémoire. Les mémoires sont encore à vif. À mon sens, il ne faut pas trop y toucher. La mémoire est une boîte que l'on ouvre, dont on ne sait pas comment elle va se traduire. Il n'existe pas de mémoire collective spécifique à chaque pays ou à chaque origine. Il existe, sur notre territoire, de nombreuses origines non contrôlées, de personnes de couples mixtes. Elles ne doivent pas être assignées à résidence mémorielle. Il ne s'agit pas de logiques binaires, la mixité existe beaucoup plus que l'on ne le croit. En conséquence, la plus grande prudence s'impose.
Les jeunes des quartiers s'interrogent sur la légitimité de leur présence en France. Leurs parents sont venus en France pour travailler. Mais qu'en est-il pour eux ? Une explication doit donc leur être donnée, pour qu'ils aient une histoire à raconter.
Il s'agit de rappeler l'histoire coloniale, en démarrant à 1800. Il convient d'avoir une vision. L'objet n'est pas d'écrire une histoire qui nous soit destinée, mais de donner une histoire aux générations futures. Nous devons écrire un bout d'histoire qui puisse servir aux jeunes d'aujourd'hui ou de demain.
Contrairement à ce que l'on pense, les jeunes des quartiers ont beaucoup plus de références culturelles que l'on ne le pense. Ils ont des bouts d'histoire, des bouts d'identité. Ils ne sont pas face à un vide. Il faut prendre le temps de les écouter, plutôt que de leur livrer des histoires toutes faites, bien ficelées, de leur imposer une histoire officielle. Cette dernière, ils la connaissent.
Cette histoire ne doit pas en revanche être partagée avec les pays d'origine. Elle doit être une histoire franco-française. Ces jeunes sont français. Il revient à la France de s'approprier cette histoire. Elle peut s'inspirer des histoires qui ont eu lieu ailleurs, mais elle ne peut se permettre de faire une histoire avec l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, le Mali. Le pragmatisme s'impose. Ces jeunes sont français ou réputés l'être. Il incombe à la France de les éduquer.
Enfin, pourquoi concevoir ce type d'ouvrage ? Pour renforcer et consolider le creuset français. En revanche, ce n'est pas pour donner une identité aux jeunes. Une identité ne se confère pas. Elle se construit. L'objectif est de donner aux jeunes des repères et des éclairages, afin qu'ils construisent eux-mêmes leur identité.
Fabienne KELLER , rapporteure
En effet, on peut donner aux jeunes non pas une identité, mais des éléments pour se positionner. Le Maghreb, l'Afrique noire, l'Indochine renvoient à un territoire immense, mais font partie d'une histoire partagée. Un livre d'histoire commun serait-il impossible, en raison de la complexité de ces histoires ? Marc Vigié, vous avez conduit de nombreux projets sur le travail de mémoire et la construction de la citoyenneté de nos jeunes. Qu'en pensez-vous ?
Marc VIGIÉ
Je suis particulièrement heureux de succéder à Adil Jazouli. Je serais prêt à signer le texte qu'il vient de prononcer sans en changer une virgule. L'académie de Versailles est directement confrontée à ce genre de problèmes. Elle compte en effet autant de Zep que l'académie de Créteil.
Depuis le début de ce débat, plusieurs mots n'ont pas été employés à bon escient. Ainsi, le mot « identité » est susceptible de bien des dérives, comme l'histoire récente nous l'a rappelé. L'identité renvoie à la personne. Chacun a droit à son identité.
En l'occurrence, nous parlons plutôt de creuset national, d'adhésion, de sentiment d'appartenance à une communauté nationale. En effet, dans de nombreuses classes, on trouve une vingtaine de nationalités ou d'origines nationales différentes. Mais la presque totalité des élèves présents sont soit français, soit appelés à le devenir très rapidement. Ils ne sont donc pas des étrangers. Nous ne nous adressons pas à l'autre.
Par ailleurs, dès lors que l'on évoque une réconciliation par le biais d'une histoire commune, je ne peux qu'être extrêmement méfiant. La citoyenneté, en revanche, renvoie non à l'identité individuelle, mais à des valeurs communes, un patrimoine culturel, une histoire partagée.
Nos sociétés modernes sont confrontées à des mutations permanentes. En conséquence, l'enracinement des appartenances est de plus en plus occulté. D'autant que, parallèlement, nous nous trouvons dans des sociétés ultradifférenciées, dans lesquelles différentes logiques, différents projets s'entrecroisent et s'entrechoquent constamment.
Dans ce contexte, les individus se réfèrent prioritairement aux expériences et aspirations qui leur appartiennent immédiatement. La difficulté pour les institutions officielles et « l'École » est de proposer un code de sens global.
Qu'est-ce que l'école ? L'école est d'abord le lieu de la loi et de l'ordre commun. Elle renvoie à un moment et à un espace qui échappent à la règle du quartier, du groupe, de la famille, du clan ou du réseau. L'école est un endroit où l'on accepte toutes les identités, mais aussi l'endroit où l'élève est accepté et reconnu pour ce qu'il est fondamentalement, à savoir un sujet moral. Comme tout sujet moral, pour reprendre la formule d'Albert Camus, il est amené à « s'obliger ». L'école est le lieu fondamental où s'instituent la République, la démocratie et la Nation. Cette institution est permanente, constante. Elle relève d'un travail de tous les jours et de tous les instants. Cette institution intervient au travers de la transmission d'une culture et d'une morale. Sans la transmission d'une culture commune et de valeurs institutrices et fondatrices, il ne peut y avoir d'émancipation et de sentiment d'appartenance.
Dès lors, une démarche de manuel d'histoire commun peut se révéler dangereuse à bien des points de vue. Une telle approche suppose l'existence de lieux qui ne relèvent pas totalement de la République, qui constituent des sortes d'enclaves, pour lesquelles il conviendrait de prévoir autre chose que le programme commun. Or, lors des Assises nationales des Zep de Rouen, la mise en place de programmes scolaires ou d'attitude institutionnelle spécifiques aux Zep avait été unanimement écartée.
Par ailleurs, l'histoire commune est déjà incluse dans les programmes. L'intégration par la culture et le système des valeurs morales ne renvoie pas au catéchisme républicain hérité de la Troisième République ou à un récit unique des origines.
Il convient de bien distinguer la mémoire et l'histoire. La mémoire relève d'une transmission, d'un héritage individuel. L'histoire au contraire renvoie à un récit construit, analysé, collectif. Pour autant, la mémoire peut être objet d'histoire. Certains objets mémoriels sont désormais inscrits dans les programmes d'histoire.
La démarche d'histoire commune me paraît assez bancale. Elle suppose fondamentalement qu'il existe un autre et que cet autre n'y participe pas. Or, la question coloniale et les enjeux mémoriels hérités de la question coloniale figurent dans les programmes d'histoire. Le fait religieux figure dans le programme. L'islam en tant que fait religieux ayant entraîné une culture et une civilisation est dans le programme. En d'autres termes, cette histoire commune existe déjà.
Enfin, l'enseignement des langues renvoie à l'apprentissage non seulement d'une langue, mais aussi de quelque chose dans une langue. Il existe désormais en France un système d'enseignement bilingue très développé, qui traite ce type de questions du point de vue culturel et intellectuel, et qui est présent dans les Zep.
Fabienne KELLER , rapporteure
Michel Quéré, vous avez été directeur des études et de la prévision au ministère de l'éducation nationale, et nous avons beaucoup travaillé ensemble pour cerner les enjeux en termes numériques.
Michel QUÉRÉ
Je ne parlerai pas de nombres, mais je souhaite apporter un témoignage sur une expérience éducative, que je trouve belle et qui illustre bien un certain nombre des propos tenus ce matin.
Cette anecdote a lieu dans un collège assez défavorisé, situé dans les quartiers sud de Rennes. Une multitude de nationalités y sont représentées et se confrontent. Les élèves de quatrième et de troisième ont souhaité travailler sur le lien entre mémoire et histoire de vie. Cette idée est partie d'une réflexion d'un jeune, qui estimait que l'immigration relève de notre quotidien et devrait être un projet d'instruction civique.
Tout au long de l'année, ces jeunes se sont engagés dans une analyse de la relation entre migration et histoire de vie. La notion de migration, pour des Bretons dits « d'origine », renvoie à l'exode rural. Pour les autres nationalités, l'exode porte d'un pays à un autre. Ce travail sur la relation entre migration et histoire de vie est passé par différentes composantes.
Tout d'abord, chaque élève a effectué des recherches personnelles sur son histoire et sa trajectoire familiale. Ce travail a été illustré par des rencontres-témoignages, avec des acteurs qui ont vécu cette histoire. Nous avons ainsi écouté des témoignages sur des migrations bretonnes, mais aussi sur des enjeux de migration portés par des Espagnols, des migrations africaines au sens large ou des migrations cambodgiennes. Ces récits de vie ont permis d'étudier les différentes sortes de migrations, de nature politique, économique, sociale. Cela a été alimenté par un travail classique, documentaire, et accompagné d'un acte éducatif porté par les enseignants.
Surtout , in fine , ce projet s'est traduit par des ateliers d'écriture, qui ont permis de restituer, de manière concrète, ces récits de vie. Ces derniers ont été ensuite collectivement confrontés aux familles et à des tiers. Toute une dynamique réflexive a donc émergé sur la manière dont ce travail de mémoire permettait d'identifier des repères culturels à partager, pour construire un vivre ensemble.
Cette expérience est à mon sens en lien avec un certain nombre d'interrogations pointées ce matin.
En effet, la mobilisation de récits individuels dans une perspective collective aide à la construction de l'identité de chacun. La mise en comparaison des histoires d'autrui avec la sienne participe de la construction à la fois d'une identité individuelle et de repères sur la notion de vivre-ensemble.
Par ailleurs, la qualité éducative de cette expérience tient dans une certaine forme d'inversion de la pédagogie. Là où l'on voit l'école comme un lieu de transmission des savoirs, de récits historiques, en l'occurrence, l'école est aussi en capacité d'être un lieu de fabrication du savoir, pour ne pas dire de fabrication de l'histoire, à partir de ce travail de consolidation entre identité individuelle et identité collective.
En outre, ce lieu de construction du savoir est indéniablement un lieu de construction du respect et du vivre-ensemble. La prise en compte de l'autre permet de prendre conscience de sa propre histoire. Cette mécanique éducative est à mon sens centrale pour, ensemble, déceler les contours d'une culture commune.
Enfin, ces histoires de vie doivent également s'accommoder d'une sorte de respect du droit à l'oubli. Les histoires sont parfois douloureuses. La confrontation des récits de vie, à la fois en classe mais aussi avec les familles et les quartiers, participe aussi d'une réflexion sur la construction. Elle permet de répondre aux questions suivantes : qu'est-ce que l'histoire, comment se construit-elle, quelles lignes retenir ?
À mon sens, la principale vertu pédagogique de ce témoignage est de faire des jeunes des acteurs, non pas de leur histoire, mais de l'Histoire. Les jeunes disent, à l'issue de ce travail, qu'ils ont pris conscience que la manière dont on construit les récits participe de la construction de l'histoire qui sera racontée à leurs petits-enfants. Il existe donc là une piste intéressante pour saisir une manière de construire des références communes, une culture commune, et donc une histoire commune.