IV. LA SENSIBILITÉ DE LA TRAJECTOIRE DES FINANCES PUBLIQUES À LA CONJONCTURE

Dans son avis du 15 avril 2013 portant sur le programme de stabilité 2013-2017, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a mis en évidence l'existence d' incertitudes s'agissant des hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent la trajectoire des finances publiques retenue par le Gouvernement . Parmi les aléas qu'il identifie, certains sont susceptibles, selon lui, « de différer la reprise de l'économie », alors que d'autres peuvent « avoir un impact positif sur la prévision ».

Aussi a-t-il été jugé utile d'être en mesure d'appréhender les conséquences d'une dégradation plus importante que prévu de la conjoncture économique. C'est la raison pour laquelle des projections de solde effectif, de solde structurel et de dette publique ont été réalisées sur la base de deux scenarii plus dégradés que celui retenu par le Gouvernement :

- le premier scénario ( scénario A ) retient une hypothèse de croissance du PIB de -0,1 % en 2013, conforme à celle de l'Insee et de la Commission européenne 32 ( * ) et de +0,8 % en 2014, qui correspond aux prévisions récentes de l'OCDE 33 ( * ) ; à compter de 2015, la croissance effective est supposée converger vers la croissance potentielle, telle qu'estimée par la LPFP, sans toutefois la dépasser, et atteindre +1,5 % en 2015-2016 puis +1,6 % en 2017 ;

- le second scénario ( scénario B ) retient les hypothèses de croissance du Consensus Forecasts de juin 2013 pour les années 2013 et 2014, à savoir respectivement -0,3 % et +0,6 % ; à compter de 2015, la croissance effective est également supposée converger vers la trajectoire de croissance potentielle de la LPFP, sans toutefois la dépasser, et atteindre +1,5 % en 2015-2016 puis +1,6 % en 2017.

Ces deux scenarii ne peuvent être regardés que comme une « analyse de risques » permettant de disposer d'un ordre de grandeur des conséquences d'une moindre croissance. Cependant, cette démarche ne doit pas occulter les aléas positifs entourant les actuelles prévisions macroéconomiques ; ceux-ci ont d'ores et déjà été analysés par votre rapporteur général lors de l'examen du programme de stabilité 2013-2017 34 ( * ) , mais il faut par ailleurs noter que :

- la France pourrait bénéficier d'une hausse de la demande allemande, tirée par une augmentation des salaires, en moyenne, de 2,6 % au cours de l'année 2012 ; cette tendance semble devoir se poursuivre en 2013 35 ( * ) . En outre, l'activité économique de l'Allemagne pourrait être stimulée si l'on considère le plan de « relance » envisagé par la Chancelière allemande , Angela Merkel qui consiste, notamment, en la réalisation de 25 milliards d'euros de travaux d'infrastructures routières ;

- le Premier ministre a annoncé un plan d'investissement , dont les modalités devraient être précisées au début du mois de juillet ; il s'agit de donner un nouvel élan aux investissements d'avenir et d'en développer les effets, afin d'accroître le potentiel de croissance français ;

- les effets du pacte de compétitivité devraient peu à peu se faire ressentir ; ainsi, Louis Gallois, commissaire général à l'investissement a jugé que les premiers effets des mesures engagées (CICE, etc.) apparaîtraient « dans deux-trois ans ».

Sensibilité des recettes publiques à la conjoncture

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Scénario du Gouvernement

Croissance (en %)

0,0

0,1

1,2

2,0

2,0

2,0

Recettes*

1052,3

1098,4

1134,0

1175,9

1219,4

1259,8

Elasticité des recettes

1,1

0,9

0,9

1,0

1,0

1,0

Scénario A

Croissance (en %)

0,0

-0,1

0,8

1,5

1,5

1,6

Recettes*

1052,3

1096,5

1128,0

1164,1

1201,3

1236,3

Elasticité des recettes

1,1

0,9

0,9

1,0

1,0

1,0

Ecart

0,0

-2,0

-6,0

-11,9

-18,1

-23,5

Scénario B

Croissance (en %)

0,0

-0,3

0,6

1,5

1,5

1,6

Recettes*

1052,3

1094,5

1124,0

1159,9

1197,1

1231,9

Elasticité des recettes

1,1

0,9

0,9

1,0

1,0

1,0

Ecart

0,0

-3,9

-10,0

-16,0

-22,4

-27,9

* Les prévisions de recettes sont établies sur la base des hypothèses d'élasticité retenues dans le cadre du programme de stabilité 2013-2017 et intègrent les mesures nouvelles annoncées.

Source : commission des finances (à partir des hypothèses du programme de stabilité 2013-2017 appliquées aux données 2012 établies par l'Insee le 15 mai 2013)

Sensibilité du déficit et de la dette à la conjoncture

(en % du PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Scénario du Gouvernement

Croissance (en %)

0,0

0,1

1,2

2,0

2,0

2,0

Solde effectif

-4,8

-3,7

-2,9

-2,0

-1,2

-0,7

Solde structurel

-3,9

-2,2

-1,2

-0,4

0,0

0,3

Dette publique

90,2

93,6

94,3

92,9

90,7

88,2

Scénario A

Croissance (en %)

0,0

-0,1

0,8

1,5

1,5

1,6

Solde effectif

-4,9

-3,8

-3,2

-2,6

-2,0

-1,7

Solde structurel

-3,9

-2,2

-1,2

-0,4

0,0

0,3

Dette publique*

90,2

93,9

95,2

94,8

93,8

92,6

Scénario B

Croissance (en %)

0,0

-0,3

0,6

1,5

1,5

1,6

Solde effectif

-4,9

-3,9

-3,4

-2,8

-2,2

-1,9

Solde structurel

-3,9

-2,2

-1,2

-0,4

0,0

0,3

Dette publique*

90,2

94,2

95,9

95,6

94,8

93,7

* Il est supposé que seule la variation de la dette imputable au déficit est sensible aux évolutions du PIB (les éléments exogènes, soit ceux non pris en compte dans le calcul du déficit mais comptabilisés dans la dette publique, conformément aux règles européennes - dettes contractées par le FESF, apports au capital du MES, etc. -, sont déterminés en retenant les hypothèses du programme de stabilité 2013-2017).

Source : commission des finances (à partir des hypothèses du programme de stabilité 2013-2017 appliquées aux données 2012 établies par l'Insee le 15 mai 2013 et du rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques)

Les projections réalisées sur la base des scenarii A et B font apparaître la sensibilité des recettes aux hypothèses macroéconomiques . Ainsi, comme cela a été indiqué, les recettes publiques seraient inférieures à la prévision de près de 2 milliards d'euros en 2013 si la croissance était ramenée à -0,1 % et d'environ 4 milliards d'euros si le PIB reculait de 0,3 %.

Afin de mesurer la sensibilité du déficit et de la dette publique à la conjoncture, il est supposé que les objectifs de dépenses arrêtés par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité sont respectés. Dès lors, seules les recettes varient selon l'hypothèse de croissance retenue ; en outre, les mesures nouvelles annoncées sont intégrées aux projections.

Si l'on considère l'ensemble de la période de programmation, il apparaît que la trajectoire de l'ajustement structurel retenue par le Gouvernement ne permettrait pas, en cas de dégradation de la situation économique - et tant dans le scenario A que B - de faire revenir le déficit en deçà de 3 % dès 2014 comme le prévoit le programme de stabilité 2013-2017. Toutefois, il apparaît que le niveau d'effort structurel prévu par le programme de stabilité permettrait de mettre fin au déficit excessif - au sens du pacte de stabilité et de croissance - dès 2015 (le déficit effectif serait de 2,6 % du PIB dans le scénario A et de 2,8 % du PIB dans le scénario B), conformément aux recommandations de la Commission européenne du 29 mai 2013. Le déficit effectif serait, malgré tout, proche de 2 % du PIB à la fin de la programmation et le ratio de la dette publique sur le PIB, supérieur à son niveau de 2012.

Il faut, en outre, rappeler que cette dernière a retenu une hypothèse d'évolution du déficit effectif selon laquelle la « France devrait parvenir à un déficit nominal de 3,9 % du PIB en 2013, de 3,6 % en 2014 et de 2,8 % en 2015 » ( cf . supra ).

S'agissant de l'évolution du solde structurel, sa trajectoire resterait inchangée ; en effet, le creusement de l'écart de production (soit la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel) lié à la dégradation de la situation économique n'aurait pour effet que d'accroître la part conjoncturelle du déficit effectif. Il faut noter que l'écart de production utilisé dans le cadre de ce calcul repose sur l'hypothèse de croissance potentielle arrêtée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Quant à la dette publique, si la dégradation des conditions économiques - et l'augmentation du déficit effectif qui en découle - provoquerait un relèvement de son niveau maximal (95,2 % du PIB en 2014 dans le scénario A ou 95,9 % du PIB dans le scénario B au cours de la même année), celle-ci amorcerait sa décroissance conformément aux prévisions du programme de stabilité 2013-2017, soit à compter de 2015 ; sa réduction est cependant moins rapide ensuite.

Evolution du solde effectif selon les hypothèses macroéconomiques

(en % du PIB)

Evolution de la dette publique selon les hypothèses macroéconomiques

(en % du PIB)

Source : commission des finances (à partir des hypothèses du programme de stabilité 2013-2017 appliquées aux données 2012 établies par l'Insee le 15 mai 2013 et du rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques)


* 32 Cf . Commission européenne, « European Economic Forecast », European Economy 2/2013 , printemps 2013.

* 33 Cf . OCDE, « OECD Economic Outlook », Vol. 2013/1, mai 2013.

* 34 Ibid.

* 35 Ainsi, au cours du printemps dernier, ont été accordées plusieurs augmentations de salaires significatives : les fonctionnaires régionaux ont obtenu une hausse de leur traitement de +5,6 % sur deux ans ; sur les vingt prochains mois, 3,7 millions de salariés du secteur de la métallurgie (automobile, machines-outils, etc.) devraient bénéficier d'une hausse des salaires de 5,6 % ; de même, le patronat de la distribution allemande a proposé une augmentation des salaires de 4 % en deux étapes à près de 3 millions de salariés.

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