3. Un problème commun : l'exigence de diminution du bruit des avions
Dans la perspective d'un accroissement régulier du trafic centré sur les grands centres urbains, le bruit des avions - et donc le degré d'acceptabilité de cette progression du trafic - devient un enjeu de premier ordre.
Les objectifs environnementaux fixés à la recherche aéronautique européenne (ACARE), en ce domaine, visent à réduire de moitié à l'horizon 2020 le bruit des avions par rapport à 2000.
Le problème se pose naturellement pour les moteurs (cf. supra) mais il existe également pour les architectures de l'avion. L'ONERA, dans des études de bruit effectuées sur des données réelles, a montré que certains éléments de l'architecture (en particulier, les zones de jonction des ailes et du fuselage) généraient en approche presque autant de bruit que les moteurs .
Or, aux dires des personnes entendues, la compréhension des problématiques acoustiques dans des configurations aérodynamiques est extrêmement complexe.
Un réseau de recherche (IROQUA) a été créé en 2005 qui regroupe 30 laboratoires, Airbus, Eurocopter et Dassault Aviation, dont les principaux axes de recherche sont les suivants :
- l'acoustique externe afin de dégager des solutions de traitement du bruit à la source et particulièrement du bruit d'origine aérodynamique. Cela implique un effort de modélisation et de simulation des écoulements générateurs de bruit et de leur propagation ;
- de nouveaux dispositifs de soutes et de train d'atterrissage visant à minimiser les cavités créées pour réduire le bruit de la cellule et de la voilure ;
- la réduction des facteurs de bruits internes de la cabine (étude du comportement vibroacoustique des panneaux composites utilisés dans la cabine) ;
- la prédiction du bruit de combustion dans le moteur et de sa contribution dans le bruit aval rayonné. Cette prédiction - qui a vocation à s'appliquer à la signature acoustique de chaque élément du moteur - nécessite des développements nouveaux de méthodes expérimentales et de méthodes numériques ;
- des études sur la réduction du bruit « aval » en cas d'intégration des moteurs ;
- les impacts sonores autour des aéroports (incluant les installations) ;
- des recherches spécifiques sur de nouveaux matériaux multifonctionnels absorbant le bruit.
4. L'avionique
On peut définir l'avionique comme l'ensemble de systèmes qui contribuent au pilotage de l'avion, y compris la gestion de l'énergie à bord.
Avec la motorisation, c'est probablement la discipline aéronautique qui a enregistré les progrès les plus sensibles.
Projeter le devenir de ces technologies à un horizon de deux générations aboutit à envisager de très fortes transformations dans la conception interne des avions.
Dans les années à venir, la structuration de l'avionique et la gestion de l'énergie vont concentrer quatre grands secteurs :
- cockpit ;
- navigation et gestion du vol ;
- plateformes informatiques et réseaux embarqués ;
- gestion de l'énergie de bord.
a) La transformation des cockpits
L'effort principal de modernisation du centre de gestion de vol qu'est le cockpit va porter sur l'utilisation de technologies nouvelles d'interactions « homme-système » (grand écran interactif et tactile, imagerie en « 3D » couplés avec la recherche d'une ergonomie plus adaptée).
Ceci en vue d'objectifs d'amélioration de la sécurité pour :
- une meilleure perception du monde extérieur grâce à des techniques de réalité augmentée ou des techniques de pilotage « hors visions extérieures » ;
- une meilleure compréhension de la situation de l'appareil par l'équipage ;
- une meilleure gestion de la fatigue de l'équipage (aide à l'anticipation, surveillance de la vigilance).
b) La navigation et la gestion de vol
Il s'agit d'améliorer l'ensemble des systèmes de gestion du vol (Flight management système ou FMS).
Cette évolution vise à faire des avions de ligne des objets volants communiquant avec le sol (centre de navigation aérien et tour de contrôle) et entre eux, faisant aussi partie d'un réseau pendant toutes les phases de leur mission (du roulage sur piste au parking après atterrissage).
Cette capacité à se situer dans son environnement et à communiquer avec tous les acteurs du vol (contrôle aérien, autres avions, le cas échéant drones) permettra de répondre à plusieurs objectifs :
- la numérisation de la communication (par rapport aux communications radio) et la précision de la localisation contribueront à la modernisation de la navigation aérienne (gestion optimisée de l'espace - cf. infra ) et à la mise au point de trajectoires de vol plus économes ;
- à terme et, au-delà de ses rapports avec le contrôle aérien, chaque avion pourra communiquer avec les aéronefs de son environnement (amélioration et automatisation des commandes de vol, détection et rapport sur les phénomènes dangereux (conditions de givre, turbulences de sillage, orages, etc.).
c) Les plateformes informatiques et les réseaux
Les perspectives dans ce domaine visent à tirer toutes les conséquences de l'informatisation des systèmes de bord.
Il s'agit, notamment :
- d'établir des architectures de calcul ouvertes assises sur des plateformes informatiques modulaires, permettant de centraliser les fonctions informatiques du bord - et donc d'opérer des gains de masse au regard de la juxtaposition de réseaux qui prévaut actuellement ;
- de ménager des possibilités d'évolution dans les systèmes (apport de nouvelles fonctions à valeur ajoutée) et de faciliter leur certification ;
- de garantir la sécurité de l'ensemble des plateformes de calcul vis-à-vis des intrusions extérieures.
Mais une partie de ces progrès pourraient être pendants à une évolution dans les techniques de gravure des puces électriques.
Actuellement, ces « puces » à gravures ultrafines sont produites de façon généraliste et non spécialisée. Et plus ces puces sont fines, plus elles posent des problèmes en aéronautique :
- de fiabilité car leur durée de vie est de l'ordre de 4 ans (celles d'un avion doivent durer 30 ans) ;
- et de sécurité car plus elles sont fines, moins elles résistent aux rayonnements ionisants.
Ceci suppose, soit de trouver un autre processus de fabrication, soit de trouver des architectures électroniques résilientes.
Ce qui est d'autant plus nécessaire que les avions seront appelés à incorporer de plus en plus de composites, ce qui diminuera l'effet de « cage de Farraday » qui était un élément de protection contre les ions lourds et les neutrons qui se trouvent dans l'espace.
d) La gestion de l'énergie de bord
L'électricité se substitue progressivement aux systèmes hydrauliques et mécaniques mais l'objectif est de passer au tout électrique à compter de 2025.
Cette évolution devrait générer des gains de masse (en particulier par rapport aux systèmes hydrauliques dont le câblage est plus lourd) et une moindre consommation de carburant (les temps de roulage sur les pistes avec des moteurs thermiques qui ne sont pas conçus pour cet usage sont relativement coûteux en kérosène).
Cela implique des puissances de génération d'électricité de plus en plus fortes (supérieures à 1 MW pour un avion de ligne, soit 1/1 000 de tranche nucléaire) et donc :
- des architectures électriques intelligentes (smart grid) pour une gestion optimisée de la distribution vers les différents usages de l'avion ;
- des nouvelles technologies de générateur d'électricité à haute densité ;
- et des nouvelles technologies de stockage (batteries à grande puissance).
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Dans une discipline où notre pays demeure un des premiers et un des rares acteurs mondiaux (dans un secteur industriel, celui des usages électroniques où nous avons perdu pied), il est nécessaire de rappeler que les technologies de l'avionique de 2040 :
- d'une part, se préparent dès aujourd'hui ;
- et, d'autre part, doivent continuer à bénéficier d'importants soutiens publics qui font partiellement défaut aujourd'hui.