ANNEXE 2 : EXAMEN DU RAPPORT PAR LA DÉLÉGATION

La délégation, le 4 juin 2013, procède à l'examen du rapport d'information de M. Claude Belot, rapporteur : « Collectivités territoriales : mobiliser les sources d'énergies locales »

M. Claude Belot, rapporteur. - Madame la présidente, mes chers collègues, il s'agit d'un sujet qui m'est cher depuis longtemps, depuis l'époque où j'avais, à l'université de Poitiers, la responsabilité d'un enseignement de géographie économique, et au moment même où le prix du baril de pétrole commençait inexorablement sa progression à la faveur du choc pétrolier de 1973. À cette époque, j'ai eu la charge de traiter le sujet d'agrégation qui concernait justement les sources d'énergie. Cela fait donc maintenant plus de quarante ans que je m'intéresse à cette question et que je constate que tous les problèmes que nous avons connus, depuis, dans ce domaine, étaient déjà identifiables même s'ils n'étaient pas encore bien perçus, notamment par le grand public. C'est également à cette époque que mes fonctions d'élu m'ont permis de passer de la théorie à la pratique, de joindre, si vous me permettez l'expression, le geste à la parole et de me confronter ainsi aux difficultés de réalisations pratiques en matière d'énergie.

Depuis, j'ai une certitude ; dans une France qui a bien changé, et au moment où les présidents de région débattent entre eux de la transition énergétique, le temps où la politique de l'énergie se concevait strictement à Paris est révolu. Sans remonter trop loin dans l'histoire, on s'aperçoit que les collectivités territoriales sont depuis très longtemps impliquées dans les questions d'énergie, à l'image des paroisses qui s'occupaient déjà en leur temps des bois communaux et du chauffage, par exemple. Dans ce quartier même, autour du Sénat où nous nous trouvons, les premiers becs de gaz ont été installés à partir de 1860, avant tout pour des raisons de sécurité. On croit tout inventer aujourd'hui, alors que les démarches sont anciennes et l'on constate que l'intégralité de la révolution énergétique de l'électricité et du gaz a été pilotée par les collectivités territoriales, à savoir les communes et leurs groupements, dans le cadre de délégations de service public. Dans ma commune par exemple, qui fut loin d'être la première, le conseil municipal décida en 1902 le déploiement de l'électricité par une délégation de service public à un ingénieur qui a mis en place une usine de production électrique dont les alternateurs étaient alimentés par des gazogènes au bois. La plupart des maires de France que l'on interroge aujourd'hui ignorent pourtant, et c'est très dommage, que c'est à l'initiative des communes que notre pays a pu connaître ces évolutions.

Cette situation s'est poursuivie jusqu'en 1946, moment où l'on a créé les grandes entreprises de l'énergie, notamment EDF et GDF, qui ont été chargées par les gouvernements successifs de conduire la politique énergétique de la Nation. Elles l'ont fait en essayant de retirer le maximum de prérogatives aux collectivités territoriales, sans grande opposition d'ailleurs pour nombre d'entre elles, il faut bien le reconnaître. Cela a eu pour conséquence de faire de la France le pays le plus centralisé du monde en matière de production et de distribution d'énergie. Mais c'est aussi ce qui nous a permis de développer l'énergie nucléaire, par exemple, à travers de grandes entreprises au capital d'État. Puis, pendant plus d'un demi-siècle, les collectivités territoriales se sont mises en retrait sur ce sujet, avec des flux et des reflux périodiques. Souvenons-nous de l'actualisation des contrats de concession des communes en 1996. La plupart des communes ont alors dû rechercher dans leurs archives les contrats de distribution électrique qui avaient été signés avec EDF cinquante ans plus tôt, et décider si elles souhaitaient poursuivre ou non leur lien contractuel avec cette entreprise. Le choix de la simplicité, celui de poursuivre ces contrats, a été fait par la majorité d'entre elles, tel est le cas de ma commune.

Or, depuis quelques années, nous sommes entrés dans un monde nouveau, avec la redécouverte de l'intérêt de la proximité et de la pertinence des collectivités territoriales pour s'occuper de l'énergie, alors qu'elles étaient envisagées, récemment encore, comme des éléments perturbateurs de cette politique. Si l'on redécouvre la proximité, c'est parce que l'on parle désormais d'énergies renouvelables, c'est-à-dire d'énergies à portée de main, ou sous nos pieds, si je prends l'exemple de la géothermie : les collectivités territoriales sont en première ligne pour assurer le développement de ces sources, comme en témoigne le cas des réseaux de chaleur. L'ensemble de la législation de ces dix dernières années permet aux collectivités de le faire, je pense notamment au « Fonds chaleur », créé par Jean-Louis Borloo lorsqu'il était ministre de l'Environnement. Ainsi, de nombreuses collectivités ont pu déployer, par exemple, des réseaux de chaleur alimentés par la biomasse exploitée au niveau local. Et, contrairement à ce que l'on entend souvent, l'industrie française dispose bien de tout le matériel nécessaire pour construire des chaufferies destinées à la mise en place d'un réseau de chaleur. Cela signifie que les collectivités territoriales ont la possibilité d'agir de façon significative pour influencer la politique énergétique de notre pays : le droit le permet ; les temps ont bien changé puisqu'on ne nous empêche plus de prendre des initiatives ; des financements existent tel le « Fonds chaleur » pourtant sous-utilisé par les maires, malheureusement ; et les risques technologiques ont disparu. Dès lors, tout dépend de la volonté politique de s'investir ou non dans cette direction. Je remarque que le Sénat a été très actif et a soutenu de nombreux amendements dans ce domaine, je pense en particulier à la TVA à 5,5 % sur les énergies renouvelables ou encore à l'obligation pour GDF de prendre dans son réseau le méthane produit à partir des stations de biogaz.

Sur ce dernier point, les communes françaises sont d'ailleurs très en retard puisque l'on paye des fortunes pour éliminer les boues des stations d'épuration ou pour éliminer nos déchets verts - ceux d'entre vous qui sont maires le savent pertinemment. Or, si l'on utilise ces déchets pour alimenter nos stations de biogaz, d'une part on économise le coup de leur traitement et, d'autre part, on produit du méthane qui peut être utilisé dans un réseau de chaleur pour produire de l'électricité, ou bien dans des véhicules. Au total, les initiatives de ce type constituent une bonne opération financière et représentent une action positive pour notre pays. Encore faut-il que les collectivités territoriales aient envie de le faire. Nos collègues élus du Nord et de l'Est de la France le savent bien pour l'avoir observé sur leurs territoires : les entreprises belges, hollandaises et allemandes, pendant des années, les ont débarrassés de leurs déchets à prix d'or, alors qu'en réalité elles se réjouissaient de pouvoir les exploiter pour produire du méthane et du biogaz alimentant leurs réseaux de bus.

Heureusement, malgré notre retard, de nombreuses actions sont aujourd'hui conduites par les collectivités, au premier rang desquelles les communes et leurs groupements. Elles démontrent la faisabilité de ces initiatives énergétiques.

Concrètement, l'action des collectivités territoriales pour contribuer à la transition énergétique vers un modèle plus économe et moins émetteur de gaz à effet de serre, peut se faire à différents niveaux. La collectivité peut d'abord agir comme consommatrice d'énergie (électricité et carburant) et opter pour un comportement économe, faisant ainsi oeuvre de démonstration et se montrant bonne gestionnaire. La collectivité peut ensuite être pédagogue, c'est-à-dire agir auprès des acteurs concernés en expliquant (par exemple lors de la délivrance d'un permis de construire) que des économies d'énergie peuvent être réalisées. Paradoxalement, nombre de nos concitoyens sont confrontés à une surinformation sur ces sujets et ne disposent pas toujours de la compétence technique pour pouvoir arbitrer. À cet égard, les Maisons de l'énergie, quand elles existent, souvent déployées par les intercommunalités avec l'aide de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), fonctionnent bien et ne coûtent pas cher.

La collectivité joue également un rôle de gestionnaire des réseaux, cette mission lui ayant été confiée par la loi. Malheureusement, nous avons trop longtemps laissé les opérateurs faire ce qu'ils voulaient, sans réel contrôle de la collectivité territoriale. En vérité, il faut que les maires soient très vigilants dans leurs rapports avec GDF ou EDF, car il n'est pas toujours sûr qu'ils agissent au nom de l'intérêt général. C'est pourquoi il ne faut pas hésiter à recourir à des conseillers en énergie, dont l'activité est justement de faire diminuer la facture d'électricité pour les collectivités en passant à la loupe les contrats. L'avantage de ces services, c'est que ces sociétés se rémunèrent uniquement sur les économies qu'elles font réaliser aux collectivités territoriales. Il faut également obliger les opérateurs à bien respecter les contrats de concession et à ne pas se départir de toutes les possibilités offertes par la loi de 1946. Et, lorsque sur le terrain, le contrôle ne veut pas se faire au niveau des communes, il doit pouvoir se faire au niveau des intercommunalités.

Enfin, les collectivités peuvent avoir un rôle de productrice d'énergies locales, à savoir des énergies renouvelables, le plus souvent. Le développement d'énergies territoriales représente une formidable opportunité pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, réaliser des économies substantielles et créer des emplois non délocalisables. Dans ce domaine, j'appelle au pragmatisme, les collectivités devant exploiter les énergies les plus adaptées à leur contexte territorial. Ces énergies locales ont le mérite de la simplicité et surtout de nous éviter le renforcement des réseaux nécessaires au transport. Il n'y a donc que des avantages à voir les collectivités développer ce type d'énergies.

En définitive, j'ai la conviction que nous sommes à un tournant, et qu'après le Grenelle de l'environnement, qui a essayé de donner des outils aux collectivités territoriales, c'est désormais sur ces dernières qu'il faut fonder nos espoirs. Le thème de la transition énergétique ne doit pas être occulté par la question du nucléaire, énergie à laquelle je ne suis pas, à titre personnel, opposé, car il s'agit d'une chance pour notre pays et surtout, sa place doit être relativisée, l'électricité ne représentant dans les faits que 22 % de l'énergie totale française consommée, ce qui est très négligeable au regard de la consommation finale de nos concitoyens. De la même manière, le thème de la transition énergétique ne doit pas être occulté par la problématique des gaz de schiste, sur laquelle je me suis penché et qui méritera d'être envisagée sereinement, si l'on découvre qu'il sera dans notre intérêt de le faire. Le débat énergétique ne se résume donc ni au nucléaire ni au gaz de schiste, et les solutions que nous pourrons trouver pour assurer la transition énergétique de notre pays ne pourront être mises en place sans l'action et la mobilisation pleine et entière des collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre exposé sur l'évolution historique de l'énergie. Il est opportun de souligner que les communes et les intercommunalités jouent un rôle important dans ce secteur, notamment en matière de développement d'énergies renouvelables de proximité et en matière de politique d'économies d'énergie, point non négligeable dans la période économique actuelle.

J'aurai pour ma part trois questions. Premièrement, je sais que des sociétés privées interviennent en matière d'hydroélectricité. Qu'en est-il des collectivités territoriales ?

Deuxièmement, dans mon département, nous sommes sollicités par des agriculteurs qui font de la méthanisation. Or, ceux-ci éprouvent aujourd'hui des difficultés dans la gestion de leur dossier avec EDF : ils ne parviennent pas à obtenir l'autorisation de réinjecter dans le système l'énergie qu'ils produisent.

Enfin, les collectivités doivent assumer leurs prérogatives, afin de contrôler ce qui est fait en matière d'énergie, surtout dans le monde rural. Je voudrais connaître votre avis sur les syndicats départementaux d'électrification. Il semble qu'il y ait beaucoup de conseillers municipaux et de maires adjoints, mais peu de maires dans ces syndicats. Selon moi, il s'agit là d'un vrai problème.

M. Claude Belot, rapporteur. - Le réseau hydroélectrique est relativement important, notamment dans les zones de montagnes et sur les grands fleuves comme le Rhin et le Rhône. Il est le fruit d'entreprises privées qui l'ont développé afin de répondre à leur demande d'électricité. La présence publique est surtout étatique, bien que les collectivités territoriales soient souvent associées. Ainsi, le département du Rhône était présent au capital de la compagnie générale du Rhône. Certes, peu de collectivités territoriales se lancent actuellement dans l'hydroélectricité. On peut cependant souligner que le potentiel hydroélectrique disponible est, en France, en grande partie utilisé. En outre, le montage d'un dossier afin d'exploiter de petites chutes est souvent difficile en raison de la pression forte de Bruxelles et des écologistes, motivée par les répercussions des projets sur la faune, notamment sur la migration des poissons.

La relation entre les agriculteurs et GDF est en pleine évolution. Aujourd'hui, à partir du moment où on lui fournit un méthane épuré en certaine quantité, GDF n'a aucun problème pour le prendre. En ce qui concerne EDF, je connais une expérience très réussie de méthanisation de grande ampleur dans le Menez breton, région d'élevage importante. Les acteurs locaux, qu'il s'agisse des agriculteurs ou des collectivités, ont été capables de se fédérer. Ils ont effectué un travail pionnier dans ce domaine. Personnellement, je pense que la puissance publique, notamment les départements et les grandes intercommunalités, ont un véritable rôle à jouer sur cette question, en raison des pouvoirs de négociation dont ils disposent. En outre, on ne doit pas oublier l'obligation légale pour EDF de racheter à un prix fixé toute électricité produite.

Enfin, pour les syndicats départementaux d'électrification, certains exécutent toujours leurs missions traditionnelles. En effet, ils ont été instaurés en 1926 par le législateur, pour électrifier les campagnes, se finançant par un fonds dédié : le FACE. L'électrification du monde rural n'a été achevée en France que vers 1955-1960. Pendant un demi-siècle, la France était divisée entre ceux qui s'éclairaient à la bougie et ceux qui s'éclairaient à l'électricité, ce qui a contribué à détériorer l'image des campagnes. Maintenant que l'électrification rurale est terminée, ces syndicats se concentrent sur l'éclairage public. Ce sont souvent des syndicats riches, car ils bénéficient toujours d'un fonds qui continue d'être alimenté, alors qu'ils n'ont plus de gros travaux à payer. Certains syndicats travaillent aujourd'hui sur les nouvelles énergies, font du conseil dans ce domaine. Ou encore, on s'aperçoit qu'il est possible de mutualiser un poteau ou une tranchée, propriété du syndicat, pour y faire passer la fibre optique. Certains syndicats refusent cette évolution, d'autres sont au contraire très pionniers. Dans mon département, je fais partie de ceux qui revendiquent une évolution.

Je tenais également à évoquer le fait qu'en 1946, certains maires se sont regroupés pour distribuer, voire produire eux-mêmes l'électricité dont leurs communes avaient besoin, ce que la loi leur permettait. C'est le cas notamment dans la Vienne, dans les Deux-Sèvres, le Médoc ou encore en Lorraine, où l'électricité était produite à partir des hauts fourneaux. Seul l'écart entre la production et les besoins était acheté à EDF. On a ici des exemples d'énergies locales, avec des démarches pionnières depuis plus de cinquante ans en matière de production d'énergie.

Dans la Vienne, la société de distribution du syndicat d'électrification s'investit beaucoup dans le développement de l'énergie solaire et a pris un engagement de rachat de cette énergie à un prix convenable. En conclusion, un syndicat d'électrification peut être en sommeil, il peut se cantonner à ses missions traditionnelles de changement de lignes ou d'éclairage public, mais il peut également être un outil très fort de développement et de mutation énergétique.

M. François Grosdidier. - Ce rapport nous rappelle le rôle éminent des maires dans ce domaine. Souvent, on s'interroge sur la pertinence de leurs actions en matière d'énergie ; lorsque nous intervenons, nous créons la surprise. Les acteurs du secteur se demandent pourquoi nous décidons de nous occuper d'énergie. En effet, pour un certain nombre d'entre eux, cela ne nous concerne pas.

Ce rapport souligne l'importance de conserver a minima une maîtrise, au moins juridique, de l'action politique dans ce domaine. Car, si nous l'abandonnons, elle sera vite reprise par d'autres.

Je souhaite poser trois questions. Dans mon département, la Moselle, beaucoup de collectivités territoriales ont mis en place des régies d'électricité. Aujourd'hui, se pose la problématique de leur viabilité du fait de la réorganisation du marché européen. En effet, les outils existants se retrouvent bloqués. Elles ne bénéficient ainsi plus de monopole sur leur territoire historique d'intervention, mais en même temps elles ne disposent pas des capacités pour s'étendre aux territoires voisins.

Ma deuxième question porte sur la méthanisation. Je constate un réel intérêt des acteurs locaux publics pour cette technique. Ce que je ne comprends pas, c'est le désintérêt des grands acteurs publics ou privés nationaux, qui ne font preuve d'aucun volontariat. Pourquoi l'initiative doit-elle toujours venir des acteurs publics ?

Enfin, ma troisième question s'adresse plus au technicien qu'au parlementaire et concerne les gaz de schiste. Lorsque l'on évoque cette énergie, on nous parle également des dégâts provoqués sur l'eau potable. Les techniques d'extraction vont-elles pouvoir évoluer à moyen terme afin d'être plus respectueuses de l'environnement ?

M. Claude Belot, rapporteur. - Les régies de Moselle, qui jouissent d'une très bonne réputation au niveau national, font face aujourd'hui à un problème d'adaptation. Toutefois, je pense que l'on peut faire confiance aux « gens du cru », si vous me permettez l'expression, pour trouver, en toute intelligence, une solution à cette situation. Ces régies ont démontré leur utilité. Notre collègue, M. Pintat, est président de son syndicat départemental d'électrification dans le Médoc. Cela se passe très bien, en raison de la très grande proximité avec le client. On sait qui est responsable. En Suisse, il y a beaucoup de régies cantonales qui mettent en valeur toutes les chutes d'eau et cherchent des sources locales de production d'énergie avant de se tourner vers l'extérieur. Il en est de même en Autriche, où le bois est mis en valeur. Les Suisses ne payent pas un coût démesuré par rapport aux Français, malgré une production et une fourniture d'électricité éclatées entre une multitude de régies locales. La spécificité française fait que EDF, entreprise originaire d'un pays de taille relativement moyenne, est le plus gros distributeur d'électricité au monde.

En ce qui concerne les gaz de schiste, la formation géologique du Massif central et de son pourtour laisse à penser que du schiste pourrait s'y trouver. Mais en région parisienne, par exemple, ces couches de schiste sont situées à 2 000 mètres sous la surface, alors que les nappes phréatiques alimentant l'eau potables sont en superficie, à 200 mètres de profondeur au maximum. Sur le bassin parisien, on constate beaucoup d'expériences réussies de géothermie. Les gens qui en bénéficient payent le watt beaucoup moins cher que ceux qui se chauffent au gaz ou au fioul. Ce sont des collectivités locales ou des offices HLM qui sont à l'origine de ces initiatives. Certes, cela concerne à chaque fois un petit nombre de population, mais au final c'est important. S'agissant de la fracturation hydraulique, cette technique est déjà utilisée par les foreurs d'eau, pour améliorer le débit. Moi-même, dans mes puits d'énergie, j'ai fait utiliser cette technique afin de maximiser la production d'énergie par les roches. Mais cette fracture se fait à 2 000 mètres, alors que les sources d'eau se trouvent à 200 mètres. Aucune communication n'est possible entre les deux. Au vu du contexte politique actuel, à mon avis, l'exploitation du gaz de schiste va être amenée par l'Union européenne. L'Union européenne servira de bouc émissaire sur le thème : « l'Europe nous impose de faire des recherches géologiques ». Or, si le résultat est positif, il serait absurde, à mon sens, de ne pas aller chercher le gaz. L'arrivée du gaz de schiste aux Etats-Unis n'avait pas été prévue. Or, ils en disposent en très grande quantité pour un prix dérisoire. Outre-Atlantique, le gaz naturel est cinq fois moins cher qu'en France, ce qui représente un avantage économique très important. En outre, ils possèdent du charbon en quantité importante, dans les Appalaches notamment, où cette ressource affleure à la surface. Aussi, ils le revendent aux Allemands qui ont remis en route leurs centrales thermiques, suite à la décision de Mme Merkel d'aller vers la fin de l'électricité nucléaire. Or, la combustion du charbon est ce qu'il y a de pire en matière de rejet de CO 2 . En France, pour faire plaisir aux écologistes, on refuse tous travaux sur le gaz de schiste. Mais pour pouvoir répondre aux besoins électriques lors des pics de demande en hiver, on achète de l'électricité en Allemagne. Je ne pense pas que cette absurdité durera très longtemps, on en sortira mais je ne sais pas quand. Aujourd'hui, il serait intelligent de faire des forages, pour savoir si ces gaz de schiste existent. En Pologne, la configuration géologique laissait présager la présence de cette énergie, mais les forages n'ont rien donné. En France, nous avons de bonnes chances d'en posséder, dans les Vosges ou le Massif central.

M. François Grosdidier. - En Lorraine, nous disposons du gaz de houille.

M. Antoine Lefèvre. - Je tiens à remercier notre collègue Claude Belot pour sa présentation.

Je crois qu'il important de rappeler le rôle - qui peut être central - des maires. Certaines de nos institutions ont pu l'oublier. Je pense donc qu'il faut les replacer au coeur d'un certain nombre de dispositifs.

Lorsque l'on mentionne le plan climat, ou encore le Grenelle de l'environnement, cela m'évoque l'une de nos précédentes séances relative à l'inflation normative...

Lors des questions orales au Gouvernement, ce mardi matin, j'ai posé une question sur le gaz de schiste à Mme Delphine Batho, ministre de l'Écologie. J'aurais préféré avoir une réponse comme celle du rapporteur Claude Belot, qui laisse entrevoir la possibilité de nouvelles pistes de réflexion. Nous avons tous pu observer les films terrifiants sur telle ou telle expérience malheureuse aux États-Unis. Il ne s'agit pas de faire la même chose, puisque nous n'avons évidemment pas envie de défigurer nos territoires. Pour cela, nous avons donc besoin de données scientifiques. Mais l'on constate que, pour des raisons idéologiques, on ne peut même pas poser la question.

En ce qui concerne la question du charbon, l'exemple est édifiant même si je ne peux aborder le sujet, n'étant pas spécialiste. Il serait cependant judicieux de faire confiance à l'intelligence scientifique. Par la suite, le politique se déterminera à partir de ces éléments. Il faut faire preuve de plus de pragmatisme et voir quels sont nos besoins et utilités en matière d'énergie.

La ministre de l'Écologie, dans une interview dans le journal Le Figaro, a déclaré que la croissance était compatible avec une réduction de la consommation d'énergie...

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - C'est ce que l'on appelle en général la décroissance !

M. Antoine Lefèvre. - Cette déclaration est réductrice. À la suite d'un voyage en Chine, et contrairement à ce que l'on peut dire, j'ai constaté que ce pays est attentif aux questions d'environnement et à la problématique de l'énergie. Il est essentiel d'observer de temps en temps ce que les uns et les autres font, et de reprendre quelques recettes qui ont fait les Trente Glorieuses dans notre pays.

M. Claude Belot, rapporteur. - Je reviens sur le sujet de la Chine, pays qui est vu comme le plus grand pollueur. La France est le cinquième pays industriel du monde et représente 2 % de la pollution industrielle mondiale en matière d'émission de CO2. La France est ainsi en tête du classement mondial, aux côtés du Canada ou de la Norvège, par exemple, grâce à son énergie nucléaire.

La consommation de pétrole en France était, il y a trente ans, deux fois plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui. De nos jours, en effet, les voitures consomment beaucoup moins et les voitures hybrides sont une réalité. J'ai créé, avec mon ami Jean-Pierre Beltoise, un circuit automobile mesurant 2,7 kilomètres et dédié aux véhicules du futur. Sur ce circuit, des voitures de série à deux litres peuvent maintenant rouler. Ce sont des véhicules qui pourront être commercialisés très bientôt. Ainsi, si l'on résonne au moyen terme, la consommation pétrolière est appelée à diminuer.

Lors d'une conférence de presse tenue à la fin de la semaine dernière, M. André Desmarais affirmait que l'on devait, en France, arrêter de vivre dans l'incohérence qui consiste à protester contre la fermeture des raffineries et à demander en même temps la baisse de la consommation de carburant.

On peut réussir à diminuer les consommations énergétiques dans un certain nombre de domaines, ou encore faire de la production énergétique artificielle avec du solaire. Cette énergie, à laquelle je crois, va prochainement connaître de nombreuses évolutions, et la France est très présente dans cette recherche. On produira de l'électricité à partir du solaire, mais il faudra évidemment la stocker.

Le problème qui se pose à nous, bien que la France se situe parmi les meilleurs, est de faire encore mieux, même si cela peut pénaliser notre économie. Par comparaison, les Chinois s'intéressent prioritairement à la production, à l'exportation et aux emplois. De notre côté, nous cherchons à être parfaits. Et à force de perfection, notre pays n'aura plus de production, plus rien à vendre. Je crois donc que la ministre de l'Écologie est réellement dans l'erreur.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie beaucoup, Monsieur Belot. Vous avez parlé précédemment de pédagogie, je pense que votre rapport constituera un outil très intéressant et fera oeuvre de pédagogie auprès des maires. Nous ne manquerons pas de l'adresser également aux associations d'élus.

M. Claude Belot, rapporteur. - À titre de conclusion, je formulerai six recommandations : maintenir la distribution d'électricité et de gaz comme compétence obligatoire des collectivités territoriales ; inciter les collectivités territoriales à s'appuyer sur les moyens d'accompagnement existants dans la conduite de leurs politiques énergétiques locales ; encourager les collectivités territoriales à être des actrices économes de l'énergie dans le cadre de leurs consommations, en utilisant tous les leviers à leur disposition ; sensibiliser les élus locaux à la capacité d'action énergétique des collectivités territoriales dans le cadre de l'exercice de leurs compétences en utilisant la fonction de maîtrise d'ouvrage et d'aménagement ; développer la fonction incitatrice et de conseil des collectivités territoriales en encourageant les élus locaux à devenir des acteurs pédagogues en matière d'énergie ; enfin, attirer l'attention des élus locaux sur la capacité des collectivités territoriales à être un puissant levier de développement des énergies renouvelables au niveau local et dans le cadre de leurs compétences de distribution et de production, en privilégiant en particulier les réseaux de chaleur.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Il ne me reste qu'à constater le consensus des membres présents de la délégation sur l'adoption de votre rapport.

Le rapport est approuvé.

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