II. UN BESOIN DE FINANCEMENT EN PARTIE INCERTAIN

En dépit de la qualité des études les plus fréquemment citées, force est de reconnaître qu'une certaine indétermination subsiste quant au besoin de financement du déploiement du très haut débit.

La diversité des estimations en témoigne avec, notamment :

- l'étude de l'Association des régions de France (ARF) de décembre 2008 (effectuée avec le concours de l'AVICCA et de la Caisse des dépôts et consignations) qui situait les enjeux autour de 30 milliards d'euros , moyennant un déploiement alternatif à la fibre pour les foyers les plus coûteux à raccorder ;

- l'étude de la DATAR de 2009 qui évaluait à 22 milliards d'euros la couverture des 40 % des foyers les plus coûteux à raccorder, en n'incluant pas les coûts du dernier segment du raccordement (celui correspondant au branchement de chaque foyer à son abonnement), qui est susceptible de varier selon le rythme des abonnements et envisageant, comme le travail de l'ARF, le recours à des alternatives à la fibre.

- l'estimation rendue publique par l'ARCEP en novembre 2011 qui a, plus récemment, évalué l'investissement nécessaire pour atteindre l'objectif d'une couverture de 70 % de la population à l'horizon 2020 et 100 % en 2025 (soit dans un délai de 14-15 ans correspondant au PNTHD d'origine) à 21 milliards d'euros sous des conventions de calcul analogues à celles des autres études.

Plus récemment, l' ARCEP a complété son estimation en ajoutant aux 21 milliards d'euros 9 milliards d'euros correspondant aux coûts de dernier raccordement pour un montant global de 30 milliards d'euros .

Au-delà du témoignage qu'apporte la diversité des estimations sur les difficultés de chiffrage du coût du déploiement du THD, les conventions suivies par chaque étude rappellent qu'elles ont une dimension partiellement hypothétique.

Autrement dit, les estimations disponibles reposent sur des conventions qui en déterminent pour partie les résultats.

Certaines de ces conventions portent sur des choix qu'il est possible de maîtriser. Ainsi en va-t-il du taux de couverture ou du degré de panachage technologique qui ont des effets majeurs sur les résultats de la scénarisation des coûts de déploiement.

D'autres, sans être arbitraires, sont plus nettement hypothétiques (les progrès de productivité par exemple).

D'autres conventions enfin apparaissent comme plus arbitraires en ce sens qu'elles influencent les résultats des scénarios dans un sens donné sans qu'on puisse en justifier la sélection autrement qu'en invoquant la nécessité d'un choix de convention : c'est en particulier le cas du choix d'exclure certaines techniques ou certains coûts qui peuvent s'avérer nécessaires pour conférer au déploiement du THD sa cohérence économique.

Au-delà d'une certaine insistance sur les incertitudes sur le coût global de l'ambition du très haut débit pour tous, ce sont les enseignements des études sur la structure de ce coût qu'il importe de mettre en valeur pour les conclusions qu'ils conduisent à tirer sur les modalités de couverture du besoin de financement du déploiement du THD.

Les études ici présentées offrent de ce point de vue un enseignement commun : l'équilibre financier du déploiement du THD pour tous supposera une mobilisation des fonds publics qui, pour être incertaine dans son montant, impliquera la mise en place d'un système garantissant une péréquation adaptée.

A. L'ÉTUDE DE LA DATAR (9 FÉVRIER 2010)

1. Un coût qui varie selon le scénario envisagé

Dans l'étude réalisée pour le compte de la DATAR, le coût du THD va du simple au double selon l'architecture envisagée, celle-ci variant selon la profondeur du déploiement et ses modalités techniques.

COÛTS DE DÉPLOIEMENT POUR DIFFÉRENTS NIVEAUX DE COUVERTURE

Taux de couverture et technologies utilisées

Coût total

dont financement public

80 % de la population et des entreprises couverts en fibre optique à l'abonné (FTTH)

15 Mds€

6 Mds€

100 % de la population et des entreprises couverts dont 80 % en FTTH et 5 % par équipement des sous-répartiteurs et 15 % en 4G/LTE (mobile de prochaine génération)

18 Mds€

8 Mds€

100 % de la population et des entreprises couverts en fibre optique à l'abonné

30 Mds€

15 Mds€

Source : DATAR

La couverture de 80 % de la population en technique FttH nécessiterait un investissement de 15 milliards d'euros .

L'extension de cette couverture au reste de la population augmenterait cet investissement dans des proportions très inégales selon les choix techniques :

de trois milliards d'euros, soit une progression linéaire, si 5 % de logements sont couverts par l'équipement des sous-répartiteurs et 15 % par le réseau mobile 4 G / LTE de prochaine génération, pour un investissement total de 18 milliards d'euros.

de 15 milliards d'euros dans l'hypothèse d'une couverture complète par la FttH, soit un doublement de l'investissement qui, de 15 milliards d'euros pour 80 % de la population passe à 30 milliards pour une couverture totale.

L'investissement marginal est fortement croissant. A titre d'illustration, il passe d'une moyenne de 1,88 milliard d'euros par décile de population pour les huit premiers déciles à 7,5 milliards d'euros pour les deux derniers suivant un rapport de un à quatre.

Mais, en réalité, le coût de déploiement de la fibre est continuellement exponentiel comme le montrent le tableau et le graphique ci-dessous. La couverture de 95 % de la population nécessiterait 23 milliards d'euros d'investissement, les 5 % les plus coûteux à rendre éligibles un investissement représentant 7 milliards d'euros.

COÛT DE DÉPLOIEMENT DE LA FIBRE OPTIQUE PAR TRANCHE DE POPULATION

Couverture

20 %

40 %

60 %

80 %

100 %

Coût de la tranche (Mds€)

1,5

2,5

4

7

15

Coût cumulé (Mds€)

1,5

4

8

15

30

Source : DATAR

Source : DATAR

Cette progression s'explique par la nature des investissements nécessaires .

Selon l'étude adoptée par la DATAR, la construction du réseau horizontal, qui représenterait plus de 80 % des coûts, exige un coût qui est raisonnable en zone urbaine, de quelques centaines d'euros par prise. En revanche, en zone rurale, il est fréquent de devoir parcourir plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres pour desservir le hameau suivant. Les coûts de construction sont alors de plusieurs milliers d'euros par habitant.

La longueur du réseau à déployer croît exponentiellement à mesure de l'augmentation du taux de couverture. Ainsi en va-t-il pour les coûts.

Selon les chiffres mentionnés par la DATAR, hors bâtiments uniques isolés, le réseau de fibre optique suppose de déployer 1 100 000 kilomètres de fibre dont 500 000 kilomètres (un peu moins de la moitié) pour couvrir 80 % des ménages, 300.000 kilomètres supplémentaires pour couvrir 95 % de la population (soit 15 % des logements) et 300.000 kilomètres encore pour achever le déploiement complet et atteindre les 5 % de la population restant 43 ( * ) à desservir.

C'est, par conséquent, du fait de l'économie des coûts fortement croissants de déploiement du réseau de fibre pour les logements peu denses que le panachage technologique, recourant pour ces zones, à des solutions de montée en débit sur le réseau fixe et de téléphonie mobile, est nettement moins coûteux.

Le besoin de financement public croît avec le niveau d'investissement nécessaire au THD .


* 43 Il s'agit d'une population qui réside dans des hameaux, de moins de cinq logements.

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