2. Les projections de la démographie médicale sont défavorables à moyen terme
Face à ces besoins de soins croissants de la population, la démographie médicale apparaît sur une pente déclinante pour la décennie à venir, en raison principalement de l'effet décalé dans le temps des décisions de resserrement du numerus clausus jusque dans les années quatre-vingt-dix. En effet, compte tenu de la durée des études médicales et du temps nécessaire au renouvellement des générations de médecins en activité, les conséquences de ces décisions sont très longues à se manifester.
Selon les données du conseil national de l'Ordre des médecins, l'âge moyen des 199 821 inscrits en activité régulière, libéraux comme salariés, est de 51,5 ans. Les médecins âgés de plus de 60 ans représentent 23,5 % des effectifs, tandis que les médecins nouvellement inscrits, dont l'âge est inférieur à 35 ans, ne représentent que 6 % de l'effectif total. Entre 2007 et 2012, les effectifs des médecins généralistes libéraux ont diminué dans 84 départements de la France métropolitaine et ceux des médecins spécialistes libéraux l'on fait dans 44 départements. Plus d'un département sur deux a une moyenne d'âge des médecins généralistes libéraux supérieure à 53 ans. Plus de 40 % des départements ont une moyenne d'âge des médecins spécialistes libéraux supérieure à 54,2 ans.
Les départements les moins bien dotés en médecins sont aussi parfois ceux où la moyenne d'âge de ceux-ci est la plus élevée. Le conseil national de l'Ordre des médecins cite ainsi l'exemple de l'Orne, où 35 % des médecins généralistes libéraux sont susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2017 alors que les médecins de 40 ans et moins ne représentent que 5,8 % des effectifs, et celui du Cher, où un tiers des médecins généralistes libéraux sont âgés de plus de 60 ans et plus alors que les moins de 40 ans représentent à peine 5,8 % des effectifs. Au total, 35 départements cumulent la forte probabilité d'un départ massif d'ici 2017 et une faible présence des médecins généralistes libéraux âgés de 40 et moins.
La DREES a publié en février 2009 une étude présentant des projections pour la démographie médicale à l'horizon 2030. Dans le scénario dit de référence, qui repose sur l'hypothèse d'un maintien des comportements des médecins identiques à ceux observés actuellement, le numerus clausus , fixé à 7 300 pour 2008, serait progressivement augmenté pour atteindre 8 000 en 2011, maintenu à ce niveau jusqu'en 2020, puis diminué progressivement jusqu'en 2030. Cependant, compte tenu de la longueur des études médicales, l'effet de la baisse du numerus clausus à partir de 2021 n'est pas perceptible à l'horizon 2030.
Sous ces hypothèses, le nombre de médecins en activité en France passerait de 208 000 en 2006 à 188 000 en 2019, soit une diminution de 9,7 %. Il augmenterait ensuite, pour atteindre 206 000 en 2030, un niveau légèrement inférieur à son niveau actuel. Cette baisse du nombre des médecins dans les dix prochaines années apparaît comme inéluctable, compte tenu de l'inertie des phénomènes démographiques.
Ces projections démographiques font aussi ressortir, dans l'hypothèse tendancielle selon laquelle les postes ouverts aux épreuves classantes nationales seront à 55 % des postes d'internes en médecine générale, que le nombre des médecins spécialistes diminuera plus fortement que celui des généralistes. A cet égard, plusieurs des personnes auditionnées ont estimé que la répartition des postes par spécialités n'est pas adaptée aux besoins de la population, et que certaines spécialités apparaissent en voie de quasi-extinction.
Par ailleurs, la population française devant croître d'environ 10 % entre 2006 et 2030, la densité médicale devrait chuter davantage que les effectifs : elle passerait de 327 à 292 médecins pour 100 000 habitants entre 2006 et 2030, diminuant ainsi de 10,6 % pour retrouver son niveau de la fin des années quatre-vingt. Elle atteindrait un point bas en 2020, date à laquelle on compterait 276 médecins pour 100 000 habitants.
Cette diminution du nombre des médecins, indépendamment des inégalités dans leur répartition géographique, explique la perception aujourd'hui généralisée d'un creusement des déserts médicaux. Alors que les générations nombreuses de médecins des années soixante et soixante-dix sont parties à la conquête de nouveaux territoires, les médecins prenant aujourd'hui leur retraite ne trouvent plus que difficilement des successeurs.
Jusqu'au redressement de la démographie médicale attendu à partir de 2020, les pouvoirs publics vont donc devoir gérer la pénurie. Dès lors, la question qui se pose est de savoir comment faire en sorte que cette pénurie pèse le moins sur les territoires déjà relativement défavorisés ?