B. METTRE EN oeUVRE À L'ÉCHELLE TERRITORIALE UNE POLITIQUE D'ACCÈS AUX SOINS

1. Territorialiser la lutte contre les déserts médicaux

En matière de lutte contre la désertification médicale, il importe de raisonner à l'échelle d'un territoire pertinent, au niveau infradépartemental. Il ne s'agit plus d'avoir un médecin dans chaque village, mais de définir des territoires de proximité sur lesquels l'accès aux soins sera assuré par les différents acteurs de santé.

Ces dernières années, des collectivités territoriales toujours plus nombreuses se sont engagées sur le terrain de la politique de santé, bien que celle-ci soit théoriquement une compétence de l'État. Depuis 2000, la démarche des Ateliers santé ville a été impulsée dans le cadre de la politique de la ville afin de réduire les inégalités de santé dans les zones urbaines sensibles, en impliquant les municipalités.

Mais l'implication des collectivités territoriales n'est pas limitée aux zones urbaines. Ainsi, par exemple, le département du Lot-et-Garonne a mis en place une commission de la démographie médicale qui associe des représentants du préfet, de l'ARS, du conseil départemental de l'Ordre des médecins, et de l'assurance maladie. Le territoire du département a été réparti en « aires de santé », au nombre de quinze , dans le cadre desquelles la commission valide les projets de pôles ou maisons de santé.

Votre rapporteur estime opportun de généraliser un tel système, en mettant en place dans tous les départements une commission qui définirait des périmètres de santé proches des populations et veillerait à la satisfaction des besoins de soins à l'échelle de chacun de ces périmètres. A ce titre, elle favoriserait le développement des réseaux de soins, qui permettent une articulation souple et efficace entre la médecine ambulatoire et les établissements de santé.

2. Favoriser la coopération et la délégation entre les différentes professions de santé

Dans ce cadre territorial, la perspective d'une forte diminution du nombre de médecins dans les prochaines années conduit à rechercher les modalités d'un transfert de tâches vers d'autres professions de santé afin de dégager du temps médical et de permettre aux médecins de se recentrer sur ce qui constitue leur coeur de métier et leur valeur ajoutée spécifique. Cela implique d'optimiser les compétences de chacune des professions de santé. Les infirmiers, par exemple, pourraient se voir confier l'accomplissement d'actes aujourd'hui médicaux, tels que les vaccinations, au lieu de se trouver cantonnés à des soins d'hygiène et de confort. Les pharmaciens, qui sont les professionnels de santé les plus densément présents sur le territoire, pourraient contribuer au suivi des patients atteints de maladies chroniques. Les orthoptistes et les opticiens pourraient accomplir certains des actes que les ophtalmologistes ne sont plus en nombre suffisant pour assurer en totalité. Le médecin généraliste, ainsi recentré sur son coeur de métier, aura également davantage de disponibilité pour mener certaines consultations approfondies qui ne sont aujourd'hui difficilement réalisée par des médecins spécialistes insuffisamment nombreux.

Actuellement, le code de la santé publique organise l'activité de soins en fonction de la définition des différentes catégories de professions de santé à partir de l'autorisation, donnée par voie réglementaire, de l'exécution de leurs tâches. Ainsi, les professions de santé se trouvent restreintes dans leurs initiatives de répartition entre elles de leurs activités par des décrets de compétence rigides qui énumèrent des listes limitatives d'actes.

Pourtant, le niveau de formation de la plupart des professions de santé s'est élevé depuis plusieurs décennies, et les compétences de ces professionnels peuvent être aujourd'hui utilement mises à contribution. Les progrès technologiques (techniques médicales de diagnostic, techniques opératoires, nouvelles thérapeutiques, télémédecine) devraient également faciliter l'émergence de nouveaux partages des compétences entre les professionnels de santé.

La loi HPST a mis en place un système de dérogation aux conditions légales d'exercice de leur profession qui autorise les professionnels de santé à s'engager dans une démarche de coopération sous la forme de transferts de tâches ou d'actes de soins. Ces transferts doivent être organisés dans le cadre de protocoles soumis à l'ARS, qui vérifie qu'ils correspondent à des besoins de santé dans la région concernée et aux principes édictés par la Haute Autorité de Santé (HAS). Cette dernière peut étendre un protocole de coopération à tout le territoire national. Dans ce cas, la décision d'une ARS d'autoriser le protocole est prise sur simple information de la HAS.

Pour aller au-delà de ce dispositif dérogatoire, il apparaît nécessaire de sortir d'une définition des professions de santé établie sur des décrets d'actes, et de refondre les textes sur la base de la notion de mission, comme c'est le cas à l'étranger. L'établissement de référentiels métiers pour chaque profession mettra en évidence des zones d'activités communes entre les professions, qui leur permettront de s'engager plus aisément dans la voie des coopérations par transferts de compétences.

Toutes les professions de santé ont à y gagner. Ainsi, la banalisation des transferts de compétences pourra, à terme, favoriser l'évolution de la profession d'infirmier vers un enrichissement de ses missions, au terme d'une formation de cinq ans et non plus trois seulement, comme l'ont souhaité les représentants de l'Ordre des infirmiers lors de leur audition. On peut rappeler également que l'expérimentation de « maisons de naissance » confiées aux sages femmes a été approuvée dans son principe par le Parlement dans le cadre du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, même si le Conseil Constitutionnel a finalement invalidé cette disposition pour des raisons formelles de recevabilité.

Dans ce domaine, votre rapporteur estime que le « pacte territoire santé » du 13 décembre 2012 constitue un premier pas, puisque son engagement n° 8 propose d'accélérer les transferts de compétences dans la filière ophtalmologie. En effet, la répartition des compétences entre les médecins ophtalmologistes, qui figurent parmi les spécialistes les moins accessibles aux patients, et les opticiens ou les orthoptistes, mérite d'être rationalisée. Mais il ne faudrait pas limiter à cette seule filière médicale une problématique qui vaut pour toutes.

Bien sûr, le développement de ces transferts de compétences suppose une rémunération adéquate, que les nomenclatures tarifaires actuelles ne permettent pas, dans la mesure où elles sont établies profession par profession. Les règles de responsabilité propres à chaque professionnel engagé dans un transfert de compétences devront également être précisées.

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