3. Le soutien au développement des maisons et pôles de santé
Les maisons et pôles de santé pluriprofessionnels apparaissent aujourd'hui comme un modèle possible de réorganisation de la médecine de premier recours, jusqu'à présent majoritairement exercée de manière individualiste. Ce modèle avait déjà été expérimenté dès les années 1980 dans les centres de santé salariés et dans quelques maisons de santé libérales, mais n'était pas parvenu à s'imposer. Il revient aujourd'hui sur le devant de la scène comme une réponse à la désertification médicale, et les expériences se multiplient, promues par des professionnels de santé et des élus.
Certes, les médecins libéraux montrent depuis longtemps une préférence pour l'exercice regroupé, qui est désormais devenu le mode d'exercice majoritaire. Mais, alors que le mode d'exercice regroupé le plus classique était celui du cabinet de groupe, les maisons ou pôles de santé pluriprofessionnels apparaissent comme une forme nouvelle de regroupement.
Une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) est le regroupement dans des locaux communs de plusieurs médecins généralistes et infirmiers exerçant à temps plein, et d'autres professionnels de santé exerçant à temps plein ou partiel : médecins spécialistes, dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, podologues, diététiciens, psychologues, orthophonistes, psychologues, etc. Un pôle de santé pluriprofessionnel (PSP) est un réseau fonctionnel de praticiens libéraux, dépourvu de locaux communs. Il peut associer des professionnels isolés, mais aussi déjà regroupés en maisons ou centres de santé. Certaines MSP ou certains PSP peuvent être adossés à un hôpital de proximité, une clinique privée ou un établissement médico-social.
La simple juxtaposition de cabinets de groupe libéraux ne forme pas une MSP ou un PSP. Ces structures, en rompant avec l'isolement, permettent d'améliorer les conditions d'exercice et le cadre de travail des professionnels de santé. L'équipement y est supérieur à la moyenne, les pratiques coopératives développées, les conditions de travail plus souples, avec notamment des périodes de congés plus longues à activité égale. Pour les patients, elles offrent une plus grande accessibilité horaire, sans accroître le temps de travail individuel des professionnels de santé.
On assiste aujourd'hui à une véritable floraison d'initiatives. Selon la Fédération française des maisons et pôles de santé, il existe déjà environ 400 structures de ce genre, et environ 1 000 projets sont en cours. Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIAT) du 11 mai 2010 a décidé un programme de 250 MSP en zones rurales sur la période 2010-2013, dont les objectifs devraient être réalisés. Tous ces projets bénéficient des financements du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs), géré paritairement par l'État et l'assurance maladie, ainsi que, le plus souvent, des collectivités territoriales concernées.
La condition du succès pour une maison ou un pôle de santé est de pouvoir s'appuyer sur un projet de santé. L'expérience montre que les initiatives qui ont réussi ont été portées par des professionnels, le plus souvent médecins, qui se sont engagés avec persévérance et ont entraîné avec eux d'autres professionnels de santé dans une aventure durant le plus souvent trois à six ans avant l'aboutissement du projet.
A l'inverse, le risque est grand pour les collectivités territoriales qui réalisent l'investissement dans les murs avant d'être certaines de l'engagement des professionnels de santé, de voir celui-ci ne jamais se concrétiser. Ainsi, les cas ne sont pas rares de communes ou de communautés de communes qui ont financé, dans l'espoir d'accueillir une MSP, des bâtiments qui sont demeurés vides par la suite, ce qui constitue un intolérable gâchis d'argent public. Il est donc essentiel que les professionnels de santé et les élus avancent de pair.
Toutefois, aussi utiles et efficaces que soient les maisons et pôles de santé pluriprofessionnels, ces structures de soins présentent des fragilités et des limites.
Cette fragilité est d'abord financière. En effet, une MSP ou un PSP qui répond à une certaine ambition a un coût de fonctionnement plus élevé qu'un cabinet médical traditionnel. Or, le mode de rémunération à l'acte est inadapté aux exercices pluriprofessionnels coordonnés car il ne couvre pas la totalité des actions à mener en plus des actes curatifs : coordination, prévention, éducation thérapeutique, évaluation, etc. La fragilité est également humaine : la mobilisation des professionnels de santé qui a permis le lancement du projet doit s'inscrire dans la durée, ce qui n'est jamais acquis.
Enfin, la principale limite réside dans le fait que les MSP et PSP contribuent d'une certaine manière à accélérer le processus de concentration géographique des professionnels de santé. Ces structures peuvent aider à maintenir la présence de ceux-ci dans les zones en voie de fragilisation, mais ne peuvent pas répondre aux besoins des zones déjà désertées.