2. Midi-Pyrénées
Mercredi 28 novembre 2012
a) Syndicat mixte du pays Midi-Quercy (Nègrepelisse, Tarn-et-Garonne)
Réunion de MM. Jean Cambon , Président du pays, Philippe Darbois , directeur du pays Midi-Quercy, Olivier Mora , ingénieur agronome, chercheur à l'INRA, Mme Renée Nicoux et M. Gérard Bailly , rapporteurs.
Jean Cambon - L'espace rural se définit négativement, par rapport à la ville, qu'il n'est pas. Les maladies de l'espace urbain nous invitent à réfléchir à l'avenir des campagnes en voie de péri-urbanisation, où il faut à la fois penser l'espace et la centralité. Le syndicat mixte, support juridique du pays Midi-Quercy, dispose de leviers très limités. Notre choix est donc de faire ce que les autres ne font pas. Par exemple, s'intéresser aux paysages, qui sont un bien commun que tout le monde doit valoriser. L'urbanisme peut être utilisé à cette fin. Nous avons élaboré une « charte paysagère » et invité les communes à mettre les plans locaux d'urbanisme (PLU) en accord avec cette charte, qui n'a cependant pas de valeur normative et nous croyons d'ailleurs, en la matière, aux démarches volontaires. En retour, les collectivités - la région, le département - ont développé des aides spécifiques accordées aux communes acceptant d'obéir à la charte paysagère.
Deuxième exemple, en matière de consommation d'énergie et de climat, nous avons lancé en 2004 un diagnostic énergétique du territoire.
On parle beaucoup de mixité dans les banlieues et pas assez dans les zones rurales, où la diversité sociale est pourtant une exigence fondamentale. Le problème du climat est une approche intéressante pour favoriser l'inclusion, au sein des zones rurales, en fédérant les personnes autour de problématiques générales, voire mondiales.
Le syndicat mixte propose des services spécifiques aussi bien aux communes (25 sur 49 ont adhéré) qu'aux particuliers. Par exemple pour l'efficacité énergétique des bâtiments, le syndicat mixte mobilisant ainsi 60 % des aides de l'ANAH du département.(alors que le Pays MQ ne représente que 22% de la population départementale)
Gérard Bailly - Quelles sont vos actions concrètes pour préserver l'agrément des paysages ?)
Jean Cambon - Un inventaire du patrimoine bâti a été lancé via une convention avec la région. 4 personnes y travaillent à temps plein. Dans les PLU, en cas de changement de destination d'un bâtiment, le style d'origine doit être conservé. Il reste cependant difficile d'obtenir la démolition des bâtiments agricoles récents se trouvant désaffectés.
Par ailleurs, la maison de l'emploi Midi-Quercy (basée à Caussade) est centrée vers des métiers traditionnels. Le thème de la tradition et de la typicité est donc élargi à la problématique de l'emploi. Il existe, par exemple, des formations à l'isolation thermique des bâtiments anciens. D'ailleurs, des formations ad hoc existent déjà souvent, simplement, elles ne sont pas mobilisées par les campagnes.
Renée Nicoux - J'observe cependant qu'il est difficile de convaincre les artisans de se soumettre à un complément de formation sur ces sujets. Les difficultés sont moindres avec les jeunes agriculteurs, pour lesquels on constate un véritable changement de mentalité.
Jean Cambon - Autre exemple, nous avons lancé des « éco-défis » aux commerçants dont beaucoup ont eu à coeur de les relever.
Renée Nicoux - Concernant la charte paysagère, quelles ont été les autres actions ?
Jean Cambon - Il existe un système d'entretien, par communauté de communes, pour les rivières et ruisseaux. Le pays a aussi pris l'initiative d'une charte forestière qui traite de nombreux aspects : énergie, environnement, tourisme... Concernant le problème du morcellement foncier, les propriétaires sont incités financièrement à échanger des parcelles, facilement identifiées via une bourse d'échange.
Nous avons aussi engagé un état des lieux de la biodiversité lié à la forêt. En définitive, le syndicat mixte est un bon relai de politiques nationales parfois peu actives.
Gérard Bailly - Comment valoriser la filière bois ?
Jean Cambon - La filière bois énergie fonctionne bien même si le petit parcellaire constitue une difficulté.
Le bois d'une scierie nous revient à 35 euros la tonne, le pin des landes à 80 euros et celui fourni par les agriculteurs à 120 euros.
Gérard Bailly - Quel pourrait être, selon vous, l'avenir de la ressource forestière à 30 ans ?
Jean Cambon - Je pense qu'il sera marqué par les progrès de l'agro foresterie. Je précise, par ailleurs, que les réseaux de chaleur sont gérés en régie.
Gérard Bailly - Les campagnes étaient autrefois parsemées de multiples PME, dont de très nombreuses disparaissent à la faveur de mouvements de concentration. Existe-t-il des nuances locales concernant ce phénomène ?
Jean Cambon - Ce problème pose la question des services proposés par les communes, de leur capacité en termes d'ingénierie. Un chef d'entreprise jugera une installation problématique s'il n'y a pas de logement ni de service disponible, problèmes insolubles si la population locale estime que la situation est satisfaisante pour ce qui la concerne. D'où l'intérêt, j'insiste beaucoup sur ce point, de lutter contre la non mixité des zones rurales.
Philippe Darbois - En Midi-Quercy, le tissu des PME est encore relativement épargné, même s'il est fragile. Mais heureusement, la main d'oeuvre compétente est toujours là. Pour développer les « niches » productives, nous avons un conseil de développement composé de personnes remarquables, souvent retraitées. L'analyse de ce conseil a débouché sur une double préconisation, concernant l'agriculture, avec le développement des circuits courts, et en faveur de l'accompagnement de quelques niches productives. Le conseil a également cherché à organiser en réseau, autant que possible, les différentes entreprises.
Jean Cambon - Il faut mettre l'accent sur les spécificités du territoire pour favoriser les différents types de production.
Concernant le tourisme, la professionnalisation est nécessaire. Midi-Quercy représente 43 % du tourisme du département, qui n'a pas, en la matière, de politique globale. Je serais favorable à une attribution de la taxe de séjour, actuellement perçue par la commune, au niveau du pays Midi-Quercy, accompagnée d'une mise en réseau des informations à destination des touristes.
Renée Nicoux - La mutualisation est au coeur du sujet pour le tourisme.
Philippe Darbois - Globalement, les communes adhèrent à nos projets, ainsi que les hébergeurs. L'agrotourisme est accompagné. Depuis 10 ans d'accompagnement, le potentiel touristique du pays n'est cependant pas encore réalisé et, dans l'attente des développements futurs, il convient donc de préserver ce capital.
Gérard Bailly - Le problème de la rentabilité des investissements pour le tourisme se pose avec acuité, car elle n'est pas immédiate.
Jean Cambon - En effet ; autre type de problème, celui de la conflictualité, pour lequel je citerais les activités nautiques pratiquées sur la rivière Aveyron, qui ont nécessité une étude pour réconcilier les usages.
Renée Nicoux - A ce sujet, quid des responsabilités et des réglementations ?
Jean Cambon - Pour l'essentiel, la rivière n'est pas domaniale et la question de qui doit faire les aménagements reste souvent pendante.
Philippe Darbois - Concernant Natura 2000, nous essayons de faire en sorte que les prestataires touristiques s'approprient la démarche, de telle sorte que la contrainte se transforme en valorisation.
Gérard Bailly - Comment voyez-vous l'évolution du tourisme à l'horizon de 2040 ?
Jean Cambon - Je prévois une forte croissance. La proximité de Toulouse et de Montauban offre un gros potentiel si nos offres progressent en qualité.
Gérard Bailly - Les investissements requis nécessiteraient probablement une politique d'accompagnement financier...
Renée Nicoux - ... un accompagnement qui pourrait avoir lieu au niveau de l'Etat ou de la région.
Jean Cambon - Lorsqu'on sollicite, sur ces sujets, la solidarité financière de la région, elle nous est généralement accordée. La question est celle de l'identification des sites à fort potentiel, car on ne peut tout entreprendre à la fois. Cette expertise pourrait être faite, par exemple, au niveau régional.
Renée Nicoux - ... régional, au minium. Ces soutiens pourraient rentrer dans des démarches et des conventions existantes.
Olivier Mora - Le tourisme a été, jusqu'à présent, une activité très saisonnière. Quelle stratégie développer face à cette temporalité ?
Gérard Bailly - En effet, dans mon territoire, on se bat pour que les commerçants ouvrent plus souvent à partir d'avril.
Jean Cambon - C'est la même chose dans les villes de montagne.
Renée Nicoux - Je pense que les entreprises familiales, plus réactives, sont a priori les mieux armées pour s'adapter à ces variations saisonnières.
Jean Cambon - Il reste que cette question n'est pas suffisamment creusée. Par exemple, un touriste est prêt à franchir certaines distances pour accéder à certains services. Il faudrait étudier les seuils d'acceptabilité spécifiques à ces résidents occasionnels que sont les touristes.
Olivier Mora - Je voudrais aborder la question de la relation aux métropoles et aux villes moyennes. Comment le problème des friches est-il abordé dans le contexte d'une certaine désagrégation agricole.
Jean Cambon - L'agriculture tend, en effet, à se concentrer sur les terres fertiles.
Olivier Mora - Comment structurer des réseaux de villes cohérents et liés à la métropole ?
Jean Cambon - C'est ici que se pose, à mon avis, la question du SCOT rural. Celui-ci peut préciser quel est le réseau de relations en son sein. Il peut encore préciser ses relations vis-à-vis d'un SCOT voisin, en l'espèce, le SCOT de Montauban.
Gérard Bailly - Il est malheureusement souvent difficile de convaincre les maires de s'intégrer à des plans ou des structures qu'ils vivent eux-mêmes et plus encore, leurs conseillers municipaux, comme des abandons de pouvoir...
Qu'envisagez-vous pour l'agriculture ?
Jean Cambon - Mon idée générale est que sur une planète où la population augmente tandis que la surface des terres arables tend à diminuer avec le réchauffement, l'agriculture demeurera un atout. Dans le pays Midi-Quercy, on distingue l'agriculture de vallée, rentable et céréalières, et l'agriculture de coteaux, principalement axée sur l'élevage et la polyculture, et plutôt pauvre. Pour l'agriculture céréalière, la gestion de l'eau deviendra problématique avec le maïs, qui nécessite une bonne irrigation. Ici comme ailleurs, le nombre d'agriculteurs diminue au bénéfice de la surface des exploitations. Concernant les normes environnementales ou autres, j'estime que les agriculteurs devront s'adapter aux demandes de la société, tout comme l'ont fait les industries.
Renée Nicoux - Quelles sont les atteintes que porte la périurbanisation aux surfaces cultivables ?
Serait-il raisonnable d'envisager des constructions « verticales » en zones rurales ?
Jean Cambon - Je trouve hypocrite de rédiger des textes pour endiguer des vagues humaines qui sont irrépressibles et, par ailleurs, parfaitement légitimes. Les gens ont le droit de décider comment ils veulent habiter. Jusqu'à quel point ? Je ne saurais le dire.
Gérard Bailly - Il me semble qu'il serait préférable de s'orienter vers la construction de « villages nouveaux ». En un mot, il faut organiser la périurbanisation.
Jean Cambon - En matière d'urbanisme, l'histoire montre que les menées coercitives ne sont jamais parvenues à endiguer le flot des besoins. Je pense que la réponse doit venir d'en bas.
Gérard Bailly - Par exemple, via le PLUI (plan locaux d'urbanisme intercommunaux).
Philippe Darbois - en matière de maîtrise foncière, la logique veut de commencer par faire un SCOT, les communes prenant ensuite conscience de l'enjeu urbain, ce qui favorise la mise en place de PLUI.
Gérard Bailly - Quel est votre opinion sur le potentiel des circuits courts et celui de l'agroalimentaire ?
Philippe Darbois - Nous travaillons sur un « signe de reconnaissance » des produits locaux. Une vingtaine de collectivités achète des productions locales, biologiques ou autres et nous privilégions les circuits courts (moins d'intermédiaires)...
Renée Nicoux - ... qui sont aussi, pour être complet, des circuits de proximité.
Philippe Darbois - J'en arrive aux nouvelles technologies. Il existe un schéma dans lequel le pays s'est inscrit. Il est une réponse à la problématique du déplacement, en comprenant l'enjeu du télétravail. Dans la perspective d'installation de télétravailleurs, le cadre de vie est donc, ici encore, stratégique.
Jean Cambon - Le problème, pour le déploiement des réseaux, reste celui de la rentabilité.
Pour conclure, je dirai que le pays est une échelle intéressante car il est moins contraignant que la communauté de communes, et a pleinement vocation à constituer un véritable territoire de projets. Je regrette donc que le pays ne fasse plus l'objet d'une reconnaissance et d'un encadrement juridique spécifique.
b) Conseil régional de Midi-Pyrénées (Toulouse)
Echange de vues sur l'avenir des campagnes au conseil régional de Midi-Pyrénées en présence de :
Philippe Clary , directeur de l'aménagement du territoire
Denis Ferte , président de la commission agriculture et alimentation
Michèle Garrigues, vice-présidente de la commission agriculture et alimentation
Didier Houi, directeur général adjoint des services en charge du développement durable, des territoires et des transports
Nancy Cazorla, Mission prospective, évaluation et concertation citoyenne
Christian Saves, directeur général adjoint en charge du pôle Audit, expertise et concertation
Olivier Mora, ingénieur agronome, chercheur à l'INRA
Renée Nicoux et Gérard Bailly, rapporteurs
Renée Nicoux et Gérard Bailly présentent la démarche générale du Sénat pour leur rapport sur l'avenir des campagnes.
Olivier Mora présente le travail de l'INRA sur les ruralités à l'horizon 2030 pour ce qui concerne la région toulousaine.
La discussion s'engage.
Michèle Garrigues - Avec les PLU inscrits dans les SCOT, on ne peut plus distribuer les permis de construire avec la même facilité qu'avant. Avec l'expansion de l'agglomération toulousaine, la problématique des transports est de plus en plus prégnante.
Didier Houi - La coexistence d'un dynamisme démographique et, d'une façon générale, d'une densité encore très faible dans la région, débouche sur un dilemme, dans le contexte d'un certaine contrainte budgétaire : il faut développer les transports dans l'agglomération toulousaine pour répondre à une certaine demande, tout en améliorant l'infrastructure des zones les plus éloignées de la métropole, bien qu'elles soient déjà en surcapacité.
Michèle Garrigues - Le problème est celui de la deuxième couronne. A certaines heures, il faut parfois deux heures pour parcourir 15 km. Les gens s'installent de plus en plus loin car l'augmentation des prix les repousse.
Didier Houi - Le foncier est en effet au coeur du problème.
Michèle Garrigues - Il faut densifier pour ne pas pénaliser les collectivités qui sont obligées, par exemple, d'engager des frais importants liés à l'acheminement de l'eau potable jusqu'aux résidences.
Denis Ferte - Précisons cependant que la région comporte un paysage historiquement « mité » avec une multitude de fermes éparses.
Gérard Bailly - Pour attirer les gens dans les zones rurales il faut y maintenir les services et les équipements.
Renée Nicoux - Réciproquement, une baisse du nombre d'habitants entraîne une diminution des services, ce qui amorce un cercle vicieux.
Gérard Bailly - La fiscalité pour les particuliers est plus faible dans les villes car elle bénéficie de dotations plus élevées ainsi que d'importantes ressources fiscales en provenance des entreprises, qui y sont proportionnellement plus nombreuses.
Michèle Garrigues - Par ailleurs, la superposition des normes concernant l'habitat pose problème.
Renée Nicoux - J'ai même pu relever des contradictions entre certaines normes d'accessibilité et des normes de sécurité.
Didier Houi - Concernant les rénovations, l'effet de levier des subventions régionales est important puisque lorsque nous versons un euro, dix à quinze euros se trouvent dépensés qui viennent au surplus alimenter le chiffre d'affaires de PME locales. Par ailleurs, les parcs naturels régionaux se révèlent très intéressants pour ce qui concerne la remise en état du petit patrimoine.
Michèle Garrigues - Qu'anticipez-vous en ce qui concerne le volet agricole ?
Renée Nicoux - Le problème principal est aujourd'hui celui de la politique européenne en plein devenir.
Gérard Bailly - Mais de votre point de vue, quelle sera l'évolution de l'agriculture à 20 ou 30 ans ? Qu'en est-il de son éventuelle orientation vers les circuits courts ou le « bio » ?
Denis Ferte - Pour les grandes cultures, nous n'avons pas d'inquiétude à long terme, ce qui n'est pas le cas de l'élevage, pour lequel une recherche de qualité peut constituer une partie de la réponse, ainsi que notre « plan protéines », qui vise à rendre notre région autosuffisante. Parce que soutenues, les filières bio et fermière se développent, mais elles demeurent peu rentables dans l'ensemble. La mise en place d'une bannière intitulée « Sud-ouest France » a été ouverte à 120 produits. Ce type de démarche est essentiel pour diffuser des produits locaux. Je rappelle que les Chinois sont les premiers acheteurs de Bordeaux. Par ailleurs, de nouvelles technologies sont prometteuses pour la production d'énergies : le biogaz (méthanisation), l'éolien et le photovoltaïque. Leur développement est néanmoins conditionné par la motivation, d'une entreprise, d'une coopérative ou d'une commune.
Didier Houi - La région est motrice sur la méthanisation en apportant des aides financières. En 2 ou 3 ans le nombre de projets a explosé. En 2040 on peut imaginer qu'une optimisation des ressources énergétiques renouvelables aura lieu, où la part des forêts sera substantielle.
Renée Nicoux - N'existe-t-il pas des risques pour les terres agricoles si elles ne se mettent à produire que pour les méthaniseurs ?
Denis Ferte - En région Midi-Pyrénées, c'est impossible car les cultures dédiées sont exclues du dispositif de soutien.
Didier Houi - La différence du prix du porc entre l'Allemagne et la France s'explique par le recours, pour la première, à des procédés de méthanisation. Par ailleurs, on refuse de soutenir le bois-électricité en raison d'un trop mauvais rendement.
Michèle Garrigues - En ce moment, se tient ici un colloque sur la qualité de l'air où l'on apprend que le chauffage au bois doit rester accessoire car il est très polluant, d'où l'importance de développer le chauffage au bois par des réseaux de chaleur plutôt que par des combustions individuelles.
Gérard Bailly - Comment envisagez-vous l'évolution de l'élevage ? Hors-sol ? Le nombre d'ovins et de bovins diminue. Cette évolution vous paraît-elle réversible ?
Denis Ferte - Nous avons très peu de poulaillers industriels. Les évolutions que vous évoquez me semblent dépendre de la résolution des problèmes de concurrence avec nos voisins. Concernant l'élevage des ovins et des bovins, seule une politique forte des pouvoirs publics pourrait, selon moi, renverser la tendance.
Gérard Bailly - Par ailleurs, la vente directe présente des avantages, mais elle pèse sur la vie sociale des producteurs, en raison d'un déphasage entraîné par de nombreuses contraintes horaires...
Renée Nicoux - La mortalité des bêtes en raison de la présence de l'ours ou du loup est-elle problématique ?
Didier Houi - Je rappellerai simplement qu'il existe un facteur de 1 à 100 entre la mortalité liée à l'ours et celle liée au chien errant.
Gérard Bailly - Je m'interroge sur la mesure dans laquelle la chasse pourrait compléter les revenus et procurer un supplément d'activité dans les campagnes.
Renée Nicoux - En tout état de cause, il ne faut pas négliger la dimension récréative et culturelle de cette occupation.
Didier Houi - Avec l'augmentation de la population rurale, il est possible que nous nous orientions, en 2040, vers une grande conurbation Montauban-Toulouse-Albi. Nous avons constaté avec surprise que la région de Rodez, pourtant éloignée de la métropole toulousaine, se développe au même rythme. Ces évolutions, jointes à l'augmentation de l'âge moyen, doivent nous pousser à anticiper une augmentation du nombre d'équipements de santé de proximité ainsi que de l'offre de transports collective. A ce sujet, je déplore que la région ne dispose pas de ressources fiscales dédiées pour les transports. Par ailleurs, se pose la question de l'adaptation au changement climatique, à l'horizon 2040, ce qui posera des problèmes pour de nombreuses cultures particulièrement consommatrices d'eau et pour lesquelles l'agroforesterie offrira peut-être, du moins en partie, une réponse. Je vous indique qu'une augmentation des températures moyennes de 2 degrés en 2040 correspondrait au climat madrilène. Une étude est en cours sur l'évolution des stations de sports d'hiver en basse altitude qui sont exposées à un enneigement de plus en plus aléatoire. Le thermoludisme, qui consiste à utiliser le thermalisme à des fins ludiques, constitue une des pistes d'occupation des touristes.
Renée Nicoux - Avez-vous du gaz de schiste ?
Didier Houi - Oui, mais nous ne savons pas très bien en quelle quantité et des études seraient nécessaires pour connaître notre potentiel réel.
Gérard Bailly - L'énergie hydraulique est-elle menacée par le classement de certains cours d'eau ?
Didier Houi - Dans toute la mesure du possible nous soutenons les dispositifs de micro-centrales.
Michèle Garrigues - A cet égard, je voudrais évoquer l'anecdote d'un projet de barrage et de station d'épuration qui a été bloqué à cause d'une micro-espèce prétendument menacée.
Didier Houi - Des obstacles environnementaux sont trop souvent soulevés alors qu'ils sont le déguisement d'intérêts patrimoniaux.
Renée Nicoux - Il en va de même pour les éoliennes ... il y a trop d'obstacles soulevés au nom de l'environnement.
Michèle Garrigues - C'est l'éternelle opposition entre ruraux et urbains pour lesquels la campagne est un terrain de jeu ! J'ajoute que l'étude des impacts environnementaux est loin de constituer une science exacte : j'ai vu jusqu'à trois officines rendre des résultats différents. Par ailleurs, les stations à lagunage sont souvent problématiques.
Renée Nicoux - J'estime, en effet, que les projets ne devraient plus pouvoir être remis en cause, passé un certain stade.
Michèle Garrigues - Concernant l'école, je regrette certaines fermetures, lorsqu'on sait que, compte tenu des évolutions démographiques en cours, il faudra les rouvrir - et avec quelles difficultés - un ou deux ans plus tard... Concernant les communautés de communes, certaines font des PLUI, dont je pense qu'ils ont vocation à devenir obligatoires. Je rappelle d'ailleurs que les SCOT seront, eux, obligatoires dans toutes les communes à l'horizon 2018.
Renée Nicoux - Ces PLUI sont parfois perçus comme dangereux par les communes, qu'elles déshabillent de leurs compétences
Michèle Garrigues - Dans le domaine sanitaire et social, les maisons de santé marchent bien, en revanche, les urgences sont surchargées.
Gérard Bailly - Dans le même registre, je déplore qu'à Dol, sur douze pharmacies, une seule soit de garde ... sans moyens de faire évoluer ce ratio, car l'Ordre des pharmaciens établit souverainement les permanences...
Michèle Garrigues - Dans l'Ariège, soumise à un fort vieillissement démographique, la politique en faveur des personnes âgées est tout à fait exceptionnelle.
Renée Nicoux - Mais la multiplication des EPHAD ( établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) entraîne une hausse des coûts problématique.
Michèle Garrigues - C'est exact. Les maisons de retraite vont, à terme, se vider car les revenus baissent même si, à l'heure actuelle, nous nous trouvons encore en situation de sous-capacité. On peut augurer d'un retour progressif à une structure familiale où, avec l'allongement de la durée de vie, la seconde génération (fraîchement sexagénaire et retraitée) s'occupe de la première (largement octogénaire) et de la quatrième (jeunes enfants) tandis que la deuxième travaille.
Denis Ferte - Le maintien à domicile poursuit son essor grâce au tissu associatif.
Christian Saves - Avec le haut débit, le développement du télétravail constitue un espoir mais il est conditionné par la présence de réseaux et beaucoup de projets ont été abandonnés en raison de la faiblesse de ces derniers.
Gérard Bailly - Les opérateurs préfèrent équiper les villes avant d'aller dans les campagnes pour des problèmes de rentabilisé évidents.
Renée Nicoux - J'observe que France Télécom ne se donne même pas la peine, parfois, de répondre aux appels d'offre.
Denis Ferte - Concernant les transports, il est souvent moins coûteux de faire une ligne de cars que d'entretenir le passage d'un train.
Renée Nicoux - En outre, les gares sont parfois excentrées.
Christian Saves - Entre l'autocar et le train, le prix de revient se situe dans un rapport de 1 à 6... Pour le rail, l'enjeu est aujourd'hui bien moins de construire de nouvelles lignes que d'assurer l'entretien du réseau existant, trop longtemps négligé.
Gérard Bailly - Les effectifs sont-ils suffisants dans les centres de secours pompiers ?
Denis Ferte - La situation est tenable tant que le volontariat fonctionne.
Michèle Garrigues - En tout état de cause, les territoires s'opposeraient à une fusion de la police et de la gendarmerie car les services et le fonctionnement de cette dernière sont beaucoup mieux perçus.
Nancy Cazorla présente le SRADDT (schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire) de Midi-Pyrénées.
c) Conclusion
Edith Heurgon - J'aimerais que chacun de nos invités nous fasse part d'une conclusion ou d'une proposition en vue de la rédaction du rapport sur le sujet d'aujourd'hui.
Stéphane Cordobes - Le bon côté de l'urbanisation quasi-généralisée en France réside dans le fait que les campagnes sont au centre et non dans les périphéries. Le fait de se situer au centre de l'urbain invite sans doute à repenser les modes de partenariat entre la campagne et l'urbain et les nouveaux modes d'urbanité en cours d'invention dans les campagnes.
Armand Fremont - Je reviens sur ce qui a été écrit par Laurent Davezies. Lisez son ouvrage, il mérite réflexion.
Olivier Paul-Dubois-Taine - J'ai une suggestion à faire : il me semble qu'il est possible, grâce à l'apport d'aides publiques légères, de favoriser l'innovation dans les campagnes. Il y a en effet moins de contraintes que dans les villes. Le principal frein à l'innovation dans les grandes villes est la complexité de la gouvernance. Nous devons thésauriser et valoriser ce potentiel.
Olivier Mora - Des collectivités territoriales mettent en place des structures de concertation.
Il faut revisiter aujourd'hui cette question : ces forums territoriaux devraient également être engagés dans des actions extra-sectorielles et être constitués de lieux de création d'une véritable innovation territoriale qui permettrait de traiter des questions d'énergie et d'alimentation. Ces sujets font actuellement l'objet de politiques macro-économiques mais posent parfois problème au niveau des territoires.
Jean-Yves Pineau - Voici quelques mots de Vincent Piveteau, Olivier Dulucq et Franck Chaigneau : « créativité, innovation, expérimentation sont à l'ordre du jour. Une volonté forte de se saisir de manière responsable de l'exploration d'un avenir en commun souhaitable et durable. Il faut des liens, des ponts, du dialogue entre les territoires, de la confiance entre acteurs et décideurs à tous les étages. Il reste à écrire le récit commun entre villes et campagnes. Que le rural soit co-auteur de la métropole, que la métropole soit co-auteur du rural. Réinventer la République et ses territoires dans un sens commun, dans un sens du commun. Il faut donner un cadre juridique au couple encore illégitime de l'urbain/rural. Vers un PACS territorial ? »
Edith Heurgon - J'ai souvent employé deux mots : le yin et le yang de la campagne. Il ne faut pas les séparer. Innovation oui, mais innovation coopérative. Comment arrêter de travailler chacun de son côté dans son domaine et son territoire ? Il faut trouver le moyen de faire coopérer des dispositifs. Que partageons-nous, entre ville et campagnes ? Nous partageons de nombreuses choses et beaucoup veulent profiter à la fois de la ville et de la campagne.
Renée Nicoux - Je voudrais remercier l'ensemble des contributions de ce jour, menées en vue de l'amélioration de la vie dans les campagnes. De nombreuses innovations se mettent en place dans les campagnes. Mais nous nous trouvons fréquemment confrontés au problème du manque d'ingénierie. Nous n'avons pas les moyens de la financer. Sans ingénierie, l'innovation n'est pas possible. Péréquation et solidarité sont essentielles pour faire aboutir ces projets. Ces derniers permettraient une vie commune plus adaptée. L'interaction entre les villes et les campagnes doit se construire. Elle nous permettrait de passer moins de temps à défendre le peu qui existe sur les territoires qu'à travailler pour l'avenir.
Joël Bourdin - Merci à Edith Heurgon, à tous les experts présents aujourd'hui et à nos rapporteurs.