14. Jacques Savatier, conseiller du président directeur général de La Poste, directeur des affaires territoriales et du service public
Jeudi 19 juillet 2012
La Poste, grande institution publique : 80 000 tournées de facteurs en France, 21 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 1 milliard d'euros d'investissement, 15 000 personnes à l'étranger ; derrière l'institution, une grande entreprise logistique et commerciale.
Elle est marquée par une double évolution : l'avènement de la société numérique (dématérialisation du courrier et des actes administratifs) et la libéralisation totale des marchés.
Le courrier va perdre 30 % en valeur de 2008 à 2015. À mi-parcours, une diminution de 14 % est d'ores et déjà constatée. 1 % de diminution représente 100 millions d'euros de recette. Or les coûts fixes sont importants (points de distribution). Au-delà de - 4 %, cela devient difficile à gérer.
Opportunités liées au commerce électronique. Pour compenser - 1 % de courrier, il faut + 5 % du côté des colis.
La Poste assume une mission d'aménagement du territoire par l'intermédiaire de ses points de contact : bureaux de poste, agences postales communales (APC), agences postales intercommunales (API) et relais poste (RP), qui sont au nombre de 17 000 sur l'ensemble du territoire français. Sur 9 800 points de contact en zone rurale, on compte en 2011 3 800 bureaux de poste et 6 000 APC ou RP.
Il est prévu que La Poste maintienne ses 17 000 points de contact.
La libéralisation du marché pose d'importantes difficultés pour les zones de faible densité, qui représentent 80 % du territoire. L'équilibre économique du dispositif y est fragile. Les 10 000 points de contact en zone rurale représentent 13 % du chiffre d'affaires.
Le bureau de poste rend des services modestes en valeur économique mais sa représentation est forte dans les mentalités (fonction de cohésion dans les zones de faible densité, La Poste doit y répondre).
D'où le sentiment d'abandon des populations quand des bureaux ferment en raison de la fragilité du modèle économique sur lequel ils reposent.
Or la population rurale demande un service contemporain de type urbain.
Les pouvoirs publics sont conduits à financer les contraintes de service public : maintien des 17 000 points de contact et principe selon lequel 90 % des personnes doivent être à - de 20 minutes d'un point de contact.
Il est possible de travailler sur la mutualisation des lieux et des flux, sous réserve d'en consolider le modèle économique viable et pérenne.
La Poste est en effet spécialisée dans les flux mutualisés, elle peut être un acteur de la réponse aux attentes de la population. Le développement du multicanal peut permettre d'aller plus loin que la mutualisation des points d'accès, qui perdent 5 à 7 % de fréquentation par an, d'où la difficulté de les maintenir.
La distribution du courrier dans les campagnes pourrait poser les mêmes problèmes. On peut songer à mutualiser le facteur entre plusieurs donneurs d'ordre. La perspective ouverte est celle d'une mutualisation des lieux et des flux dans des réseaux d'information, ce qui renvoi à la problématique du haut et du très haut débit.
Le facteur pourrait, dans l'optique d'un réseau mutualisé, faire des visites à domicile de personnes isolées, vérifier le fonctionnement de dispositifs mis à leur disposition etc. Pour que La Poste devienne un opérateur de flux mutualisés élargis, il faudrait qu'elle soit en mesure de gérer un certain nombre de services, du côté du facteur, comme dans les points de contact, de faire de l'intermédiation en mettant à la disposition des usagers des points de contact des agents capables de les mettre en relation avec la personne autorisée à répondre à leur problème, sans se substituer à elle, ce qui implique de résoudre des obstacles juridique (les agents doivent être habilités à effectuer un certain nombre d'opérations, à gérer la confidentialité des informations transmises...). Il suffit pour cela d'un lieu d'accueil mutualisé et de flux électroniques gérés par des personnes formées.
A titre d'exemple, La Poste gère l'ensemble de la procédure d'adressage des PV d'excès de vitesse, ce qui permet la diversification du courrier. Elle peut aussi prendre le relai d'autres formes de services publics.
Il existe cependant des limites à la mutualisation (transport de denrées périssables).
En tout état de cause, tout cela ne peut pas être mis au point de façon centralisée. Pour réaliser les agences postales communales, un accord avec l'AMF a suffit, ce qui a permis d'éviter le circuit traditionnel préfet/DATAR/retour sur le terrain. Les maires doivent être reconnus comme décideurs. Le niveau central doit rester en charge de la sécurisation des solutions juridiques.