6. Pierre Brunhes, chef du service du tourisme, du commerce et de l'artisanat à la DGCIS100 ( * ) (ministère du redressement productif)

12 juillet 2012


Pour l'action économique déconcentrée, l'échelon régional est-il, et sera-t-il toujours optimal ? Le regroupement des directions régionales à vocation économique dans les Dirrecte 101 ( * ) s'avère-t-il fructueux ?

La REATE (réforme des administrations territoriales de l'Etat) a acté le niveau régional comme celui de pilotage des politiques publiques, notamment celle du développement économique. Cette décision, cohérente avec les étapes passées et proposées de la décentralisation, a entraîné la mise en place des Dirrecte qui permettent, au sein de leur pôles 3E, de concentrer les activités de développement des entreprises et de l'emploi et de mettre en oeuvre des programmes cohérents de développement des territoires.

En matière de développement économique, les Dirrecte ont pour mission essentielle d'accompagner les entreprises à chaque étape de leur évolution, d'anticiper et d'accompagner les mutations économiques. L'enjeu premier est de soutenir la création et le développement des entreprises ainsi que la compétence des salariés dans le cadre d'une stratégie de croissance de l'activité et de l'emploi.

Regroupant les compétences relatives à l'emploi et au développement économique, les Dirrecte disposent d'équipes qui, sur l'ensemble du territoire régional, agissent en synergie en la matière.


• Les dispositifs publics de soutien à l'activité économique sont-ils suffisamment dotés et bien articulés, le cas échéant, avec des dispositifs d'initiative régionale ? Qu'en est-il, en particulier, du FISAC ?

Depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la région est le cadre du développement économique. Les Dirrecte diffusent leur action au sein des régions, notamment dans les départements via les DDPP, sous l'autorité des préfets, et via les sous-préfets. Cette concentration était nécessaire, et elle est efficace. Les Dirrecte ont un rôle essentiel dans les démarches partenariales locales.

[ Renée Nicoux - Dans la gestion des fonds, il existe un problème de délai d'attribution, si bien qu'une gestion plus locale, par exemple, départementale, ferait espérer plus de souplesse.]

Les Etats généraux du Sénat apporteront-ils une solution ? Concernant le FISAC, le ministre réfléchit à une meilleure allocation des moyens en renonçant au caractère universel de ce système, au profit d'une plus grande sélectivité des projets. Les métropoles n'ont probablement pas toutes besoin du FISAC...

[ Gérard Bailly - Certes, non].

Par ailleurs, est-il utile que les décisions d'allocation du fonds remontent au ministre ?

[ Gérard Bailly - Quand on veut faire aboutir un projet, il faut un tour de table, et force est de constater que l'échelon départemental est plus commode, pour l'organiser, que l'échelon régional.]

[ Renée Nicoux - On doit parfois passer par le préfet pour accéder au niveau régional... Pour le FISAC, on observe plus d'un an de retard pour le versement des aides, ce qui pose de gros problèmes. Par ailleurs, je regrette l'absence de fongibilité des crédits entre chaque action.]

Il conviendrait en effet d'attribuer les fonds là où les besoins sont les plus forts.

Je déplore, en effet, que le système « Chorus » par exemple, ait rallongé les procédures de paiement, engendrant des délais difficilement compressibles... et admissibles.

[ Renée Nicoux - L'« animation » du dispositif et l'ingénierie comptent aussi beaucoup pour le FISAC.]


• Au sein des territoires ruraux, la présence d'artisans et surtout de commerces apparaît-elle comme déterminante pour les décisions d'installation ou de départ de particuliers ?

Je renvoie volontiers à une analyse de l'INSEE intitulée « A la campagne comme à la ville » (INSEE PREMIERE). Plus de la moitié des communes de moins de 1 000 habitants n'ont plus de commerce de proximité. Cette situation semble irrattrapable, ce qui n'est pas le cas pour les artisans qui peuvent trouver plus facilement des opportunités d'implantation dans les petites communes. Au demeurant, toutes ces situations fondent la politique du FISAC.

Les territoires ruraux peuvent être des lieux d'expérimentation et d'innovation (livraisons, commerces et services, notamment liés à l'économie numérique). Par exemple, des télécentres permettent aux très petites entreprises et auto-entrepreneurs de partager un espace Internet et de faire du télétravail...

[ Ronan Kerdraon - il ne faut pas trop encourager les auto-entrepreneurs, mais plutôt les commerçants et les services]


• De votre point de vue, la « base résidentielle » devient-elle prépondérante pour le développement des territoires ruraux ? 100 nouveaux résidents induiraient, en moyenne, la création de 20 emplois sur un territoire, dont une proportion probablement importante doit concerner le commerce et l'artisanat...

La définition de la base résidentielle est toujours contestable. Celle de l'INSEE renvoie aux revenus versés sur le territoire. Toutefois, le commerce et l'artisanat profitent à la fois des revenus des résidents et de ceux des touristes. Par ailleurs, les entreprises de production de biens tirent aussi la demande de services locaux. Il faut, d'une façon générale, rechercher l'attractivité des territoires.

[ Gérard Bailly - les résidences secondaires ouvertes trois semaines par an ne posent-elles pas problème ? Avec l'augmentation des prix qu'engendre la demande de résidences secondaires, il existe un effet d'éviction pour l'accès au logement de personnes qui pourraient y habiter à l'année, avec des retombées économiques probablement plus importantes sur l'activité locale.]


• (La perspective, à moyen terme, d'une connexion facilitée en haut, puis en très haut débit dans les territoires ruraux pourra-t-elle infléchir le seuil de densité commerciale jugé communément acceptable par les résidents ?)

Le rapport de la délégation sénatoriale à la prospective sur le commerce électronique (janvier 2012) anticipe une diminution des grandes surfaces situées en zones périurbaines, la mise en place de nombreux entrepôts logistiques à proximité de noeuds routiers, suscités par l'essor du commerce électronique, un retour vers les villes, « voire vers les campagnes car le commerce de proximité pourra s'appuyer, lui-même, sur l'e-commerce pour fournir diverses prestations comprenant parfois une valeur ajoutée de nature artisanale ». Cette analyse est partagée par mon administration.

Au demeurant la densité commerciale n'est plus un critère d'aménagement commercial (LME, 2008) car anti communautaire, il convient de se reporter aux besoins des consommateurs en bassins de vie, les schémas de cohérence territoriaux (SCOT) les prendront en compte dans la cartographie des projets d'implantation des surfaces commerciales.


• Le tourisme rural est-il appelé à connaître un succès croissant ? La préservation du potentiel de ce tourisme est-il un enjeu prioritaire ? La planification foncière est-elle en phase avec cet objectif ? Le système français d'aires protégées constitue-t-il une réponse ?

Le tourisme rural représente près d'un tiers de la fréquentation touristique française (30,2 % des nuitées). Il est essentiellement commercialisé sous la forme d'hébergements non marchands (71,4% des séjours). Le tourisme rural bénéficie de l'étalement des séjours dans le temps. Les acteurs locaux se professionnalisent. La richesse et la diversité des sites, du patrimoine et des activités proposées participent au dynamisme de sa croissance.

Le développement des activités alternatives se poursuit activement. Ainsi les agriculteurs contribuent pour une part importante au développement du tourisme en zone rurale. Les prestations qu'ils offrent (camping à la ferme, fermes auberges, bistrots de pays, assiettes de pays, vente directe de produits du terroir) viennent compléter les prestations traditionnelles offertes par les hôtels, cafés et restaurants et l'hôtellerie de plein-air.

Les actions engagées ces dernières années en faveur du tourisme rural s'inscrivent dans le champ de la réglementation, de la qualification de l'offre, de la professionnalisation des acteurs et d'un tourisme plus durable.

Une fiscalité foncière différenciée en fonction du taux d'occupation des particuliers pourrait être envisagée. Par ailleurs, une initiative du type « France-Vélo-Tourisme » est à saluer.


* 100 Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services.

* 101 Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

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