C. UNE ÉCONOMIE RÉSILIENTE, DIVERSIFIÉE, LOCALISÉE ET ATTRACTIVE

TENDANCE

Si, dans un premier temps, les activités de service aux particuliers progressent encore, le repli progressif des effectifs agricoles et industriels se confirme.

Les agriculteurs, exposés à une forte concurrence sur des marchés mondiaux, subissent le détricotage progressif de la PAC. Le mouvement de concentration des exploitations - dont les moins rentables sont délaissées - se poursuit en conséquence, mais sans que des filières spécifiques ne parviennent à remplacer, au niveau national, toute la valeur détruite. Dans le secteur secondaire, les salariés subissent de plein fouet la désindustrialisation et les délocalisations. Les développements de la crise actuelle renforcent encore ces tendances.

L'ouverture de tous les marchés nationaux à la concurrence fait pleinement jouer la théorie des avantages comparatifs, ce qui favorise des spécialisations territoriales dangereuses pour les populations locales, lorsqu'elle ne participe pas, dans les campagnes les moins dotées en niches productives, à leur désertification économique.

On assiste désormais à un processus territorialisé de « destruction créatrice ». Il se caractérise par une fréquence accrue des destructions d'emplois dans les campagnes, et des créations d'emplois concentrées dans les aires métropolitaines, ces dernières bénéficiant désormais d'un différentiel de croissance accru vis-à-vis des zones rurales.

Au bout d'une dizaine d'années, l'écart de revenu productif se creuse au détriment de nombreuses campagnes, au point qu'il n'est plus compensé par le développement résidentiel. Circonstance aggravante, sous l'impact de politiques publiques restrictives, les bases publiques ainsi que sanitaires et sociales s'étiolent progressivement.

Dès lors, l'économie résidentielle, longtemps motrice du développement rural puis, dans un premier temps, encore épargnée par la crise, se replie à son tour. En dépit de besoins exponentiels, la croissance des services à la personne est stoppée par une désolvabilisation rapide de la demande due aux restrictions budgétaires. A l'exception des zones rurales procurant des aménités exceptionnelles pour les urbains et jouissant d'une desserte satisfaisante, le rattrapage économique de la plupart des campagnes cesse, et l'écart de développement se creuse, à nouveau, vis-à-vis des grandes aires urbaines.

Si l'augmentation progressive des coûts de transports nationaux et internationaux finit par restituer plusieurs degrés de compétitivité à certaines productions implantées dans les zones rurales, il est malheureusement trop tard pour rapatrier ou ressusciter les activités disparues.

TAUX DE CROISSANCE ANNUEL MOYEN DE L'EMPLOI PAR SECTEUR DEPUIS 1999

(espace à dominante urbaine / espace à dominante rurale)

Source : INSEE (2004-2007)

SCENARIO

Tandis que la coexistence d'activités agricoles, industrielles ou de services s'observe à une échelle de plus en plus réduite, on assiste à un rééquilibrage des moteurs internes et externes de la croissance des territoires ruraux.

L'économie des campagnes, prises dans leur ensemble, s'appuie toujours sur la base résidentielle résultant de ses aménités - demande de proximité des touristes et des habitants, actifs ou retraités - et sur ses ressources naturelles, en particulier l'agriculture. Les services à la personne se développent à la hauteur de besoins croissants engendrés par l'augmentation continue, jusqu'en 2030, de la population des retraités, et par un certain retour des familles.

La production industrielle et de services aux entreprises s'accélère car, forts de leur diversité, tous les territoires ruraux parviennent à mettre en avant des avantages comparatifs afin de renforcer leur base économique et soutenir l'activité locale. Les campagnes déjà dotées d'une base productive solide anticipent et favorisent certaines diversifications d'activité. De nombreuses innovations économiques se font jour sur la base de projets territorialisés, dans le lignage des actuels « pôles d'excellence rurale ».

Certaines formes de « préférence territoriale » (organisées ou spontanées) émergent. En particulier, les marchés publics passés dans les territoires ruraux intègrent systématiquement la proximité, facteurs de développement local, dans les critères de choix.

Dans le domaine agricole, la PAC poursuit son inflexion vers un soutien au développement rural, au détriment du strict soutien à la production. Dès lors, l'activité se polarise, d'une part, autour de la production intensive d'un petit nombre de produits compétitifs, d'autre part, dans un foisonnement de filières spécifiques orientées sur la qualité et/ou la proximité, soutenues par des politiques spécifiques. En aval, les filières agro-industrielles (agro-alimentaire, chimie verte, agrocarburants) poursuivent leur développement.

Les circuits courts, de la production à la consommation, se multiplient et concernent, outre les biens alimentaires, les biens technologiques, les services environnementaux, l'énergie (méthanisation) et les activités récréatives ou sanitaires.


FILIÈRES TERRITORIALISÉES

L'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) promeut un soutien plus général, notamment européen, aux « filières territorialisées », dont « les objectifs [sont] de fixer la valeur ajoutée dans les territoires, de maintenir de l'emploi et des activités en milieu rural et d'améliorer la réponse des exploitations agricoles aux demandes des consommateurs .

Les filières territorialisées :

- se fondent sur une production particulière ou un gisement localisé ;

- concernent des filières alimentaires ou non alimentaires ;

- permettent de développer une nouvelle filière ou de relocaliser une production existante ;

- sont initiées et portées par des acteurs agricoles ;

- sont source d'innovation technique et organisationnelle ;

- ont un territoire d'action déterminé par le projet à l'inverse des fonds « LEADER 60 ( * ) ».

Les filières territorialisées contribuent à l'objectif de cohésion économique et territoriale de l'Union européenne et répondent aux défis de la politique de développement rural : accès aux ressources énergétiques, urbanisation, marginalisation de certaines zones rurales... ».

A titre d'illustration, l'APCA cite, parmi d'autres exemples, la relance de la production de porcs noirs de Bigorre, la marque collective « Terres d'Eure-et-Loire » ou encore le pôle d'excellence rurale « Circuits courts et restauration collective » du Pays de Velay ».

Par ailleurs, l'organisation des entreprises industrielles et de service, dont la nature réticulaire se généralise à mesure que les réseaux de communication s'améliorent, s'accommode aisément de ressources humaines puisées dans les territoires ruraux, pour satisfaire aussi bien des besoins exprimés sur place qu'une demande extérieure à ces territoires. Dans ce contexte, le télétravail fait un « grand bond en avant » dans une France singulièrement retardataire.

D'une façon générale, la diversification des activités est un objectif uniformément poursuivi, en cohérence avec la mobilité croissante des facteurs de production, qui précarise tout schéma de développement local fondé sur une seule activité.

Ce dynamisme, plutôt endogène, est cependant entretenu par des démarches interterritoriales débouchant sur des alliances utiles dans un contexte très compétitif, et par un renouveau de la planification économique aux fins de coordination subsidiaire des diverses stratégies territoriales.

PRINCIPAUX LEVIERS

diversification socio-professionnelle et des classes d'âge

gouvernance améliorée


• amélioration de l'image des territoires ruraux


• politiques locales privilégiant l'accueil d'actifs et de projets


• accompagnement de l'innovation économique et de l'incubation de projets territorialisés


• encouragement et organisation des démarches de labellisation (de type AOC 61 ( * ) ou IGP 62 ( * ) pour les activités agricoles) et des circuits courts permettant de valoriser la production locale


• soutien aux services à la personne


• marchés publics et clauses de proximité


• adaptation des normes à la réalité des territoires

accès facilité aux réseaux de communication physiques

accès aux réseaux électroniques


• télétravail


• entreprises (services et production)

accès aux services et à la santé


• formation


* 60 Le programme européen de développement rural LEADER (liaison entre les actions de développement de l'économie rurale) est un programme européen destiné à soutenir des projets « pilotes » en zones rurales. Ce programme est alimenté par le FEADER (fonds européen agricole de développement).

* 61 Appellation d'origine contrôlée.

* 62 Indication géographique protégée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page