2. Iniquité inter-temporelle

Le mouvement de décentralisation engagé depuis le début des années quatre-vingt oblige les territoires à financer une part de plus en plus importante des infrastructures de transport qui sont mises en chantier - lesquelles, au demeurant, se font de plus en plus rares.

Or, les régions, les départements qui ont pu, les premiers, bénéficier des infrastructures essentielles au développement que sont notamment les voies rapides, les autoroutes et les liaisons ferroviaires autorisant les rames à grande vitesse, n'ont généralement pas eu à les financer.

Jusqu'à quel point est-il acceptable qu'un contexte facilitateur ait pu bénéficier à certains territoires aujourd'hui bien-portants, et qu'il soit aujourd'hui refusé aux territoires nécessitant un rattrapage économique ?

3. Iniquité des dotations

La plupart des élus des territoires ruraux en témoignent : les populations des campagnes s'attendent à bénéficier de services et d'infrastructures toujours plus proches - en qualité, en quantité et en facilité d'accès - de ceux habituellement délivrés dans les zones urbaines. Les exigences en termes d'aménagement du territoire et de services collectifs s'accroissent en conséquence dans les campagnes.

Dès lors, l'association des maires ruraux de France (AMRF) estime que le calcul de la dotation globale de fonctionnement devient inique. En effet, les communes de plus de 150 000 habitants se verraient attribuer 128 euros par habitant, lorsque les communes rurales recevraient jusqu'à deux fois moins, avec un montant compris entre 64 et 88 euros par habitant pour les communes de moins de 3 500 habitants 51 ( * ) . Pour de nombreux observateurs, les charges de centralité des communes urbaines, qui sont indéniables, ne justifieraient pas un tel écart .

Guy Gilbert, professeur émérite des universités, rappelle cependant qu' « à l'origine, la DGF visait à compenser la perte de ressources fiscales résultant de la suppression ou du transfert d'impositions locales à l'Etat. Sa répartition entre collectivités consacre aujourd'hui à la fois son caractère forfaitaire et péréquateur. Cette péréquation s'appuie à la fois sur des critères de ressources (potentiel fiscal ou financier) par habitant et des critères de « charges » représentatives des « coûts » (non observés) de fourniture de services collectifs de proximité.

« La répartition de la DGF ne fait donc intervenir directement ni le niveau ni la qualité des services collectifs offerts, c'est-à-dire la dépense publique locale, et c'est logique. Dans une perspective de péréquation, et indépendamment de l'insuffisance de potentiel fiscal, seules les charges liées à la situation (supposée incontournable) d'une collectivité doivent donner droit à péréquation. La circonstance que les niveaux de services collectifs locaux se rapprocheraient entre le monde rural et le monde urbain ne suffit pas à modifier la clé de répartition des transferts péréquateurs, sauf à affirmer que ce niveau de services collectifs en monde rural résulte d'un « besoin » incontournable .

Pour le moins, « reste la question de l'évolution respective des coûts de fourniture des services en zone rurale et dans le monde urbain. Les données empiriques manquent car les coûts ne sont ni observables (sauf comptabilité adéquate) ni assimilables aux dépenses . Force est donc de recourir à des méthodes statistiques indirectes ».

Si l'on peut déplorer une approche statistique apparaissant ainsi comme lacunaire et insusceptible d'étayer des préconisations précises quant à un quelconque rattrapage, certaines orientations récentes iraient néanmoins dans le sens d'un rééquilibrage des dotations au profit des territoires les plus nécessiteux, dont les campagnes en difficulté sont une figure majeure (à côté, notamment, de celles des banlieues pauvres).

La loi de finances pour 2013 confirme ainsi la montée en puissance de la péréquation horizontale, via le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), ainsi que l'approfondissement de la péréquation verticale, avec une augmentation sensible de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU) 52 ( * ) au sein de la dotation générale de fonctionnement, dont la part forfaitaire diminue donc au profit de la part péréquatrice.


* 51 Pour les intercommunalités, l'écart irait de 64 euros par habitant pour les agglomérations à 20 euros pour les intercommunalités rurales.

* 52 Celle-ci est notamment susceptible de profiter aux villes petites et moyennes qui maillent les campagnes les plus fragiles.

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