B. DES SECTEURS D'INTERVENTION DIVERSIFIÉS
1. Une diversité thématique en évolution
La coopération décentralisée française se traduit par une très grande diversité des thèmes abordés. Témoin de cette dynamique, Cités Unies France développe depuis cinq ans des groupes thématiques relatifs aux principaux domaines d'action de la coopération décentralisée. Ces derniers sont au nombre de 11 :
- la jeunesse ;
- le développement durable et le climat ;
- les achats éthiques ;
- le tourisme responsable ;
- l'eau et l'assainissement ;
- les migrants et le co-développement ;
- l'éducation au développement ;
- la sécurité alimentaire ;
- la coopération urbaine ;
- l'économie ;
- l'énergie.
Cette liste est toutefois loin d'être exhaustive. Ainsi, l'atlas français de la coopération décentralisée recense près de 35 thèmes, les principaux en termes de montants étant l'éducation la santé, l'eau et l'assainissement, l'aide à la gouvernance ainsi que l'agriculture et la pêche.
En outre, on constate une évolution des thèmes des projets de coopération pour plusieurs raisons :
• comme le souligne le Président de Cités Unies France, lorsqu'un partenariat ancien existe entre une collectivité française et une collectivité du Sud, les projets suivent l'évolution démographique de la collectivité bénéficiaire. Ainsi, l'on passe de projets tournés vers la santé/maternité et l'école primaire à des actions à visée économique pour employer la jeunesse ;
• la demande des collectivités du Sud évolue. D'une part, elles souhaitent bénéficier de la fourniture d'un matériel ou de la construction d'un bâtiment, qu'il s'agisse d'un bus, d'une clinique, d'un puits. Mais surtout, elles demandent de plus en plus une formation à la gestion et un accompagnement , pour pouvoir, une fois le projet fini, exploiter de façon autonome les fruits de cette action de coopération. D'autre part, ce changement résulte également du contexte politique. On observe ainsi un mouvement de décentralisation et de retrait de l'Etat résultant des principes de « bonne gouvernance » promus en matière d'aide au développement par le FMI, la Banque mondiale et, de manière plus générale, par les institutions internationales. Les collectivités du Sud se trouvent ainsi confrontées à de nouveaux enjeux : assurer de nouvelles compétences ou encore trouver des financements locaux ;
• le développement d'une nouvelle logique en matière d'aide au développement promu par les conférences internationales de l'ONU ou par l'Union européenne allant au delà de l'aide à un Etat et faisant de la collectivité territoriale du Sud non plus seulement un simple bénéficiaire, mais un acteur de son propre développement . En témoigne la déclaration du Secrétaire général des Nations-Unies, lors du Sommet du Millénaire en 2005 : « Comment pouvons-nous espérer atteindre les objectifs du millénaire et de développement sans accomplir de progrès dans des domaines comme l'éducation, la lutte contre la faim, la santé, l'accès à l'eau, les conditions sanitaires et l'égalité des genres? Les villes et les gouvernements locaux ont un rôle crucial à jouer dans tous ces domaines. Si nos objectifs sont mondiaux, c'est au niveau local qu'ils peuvent être le plus efficaces ». Rejoignant le point précédent, il s'agit désormais de donner les moyens à la collectivité du Sud d'agir, par un transfert de savoir faire.
Les conditions d'éligibilité aux cofinancements du ministère des Affaires étrangères et européennes sont d'ailleurs explicites sur ce point. Le ministère concentre ainsi son aide sur la formation, l'accompagnement, ainsi que sur le « soft power » :
• mise en place d'un appel à projet d' appui institutionnel ;
• exclusion explicite des infrastructures dans le programme relatif au secteur de l'eau et de l'assainissement : peuvent être financés par exemple une assistance à la maîtrise d'ouvrage, une aide à la gestion, une action de formation ;
• éligibilité des projets « portant sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage locale dans la formulation d'une stratégie de développement d'un tourisme ancré dans le territoire » pour l'appel à projet pour le tourisme durable et la valorisation des patrimoines naturel et culturel ;
• mise en place d'un appel à projet pour lutter contre la fracture numérique.
La répartition de l'aide publique au développement en fonction des types de projets témoigne de cette évolution. Ainsi, la coopération technique 23 ( * ) est le principal type de dépense avec 24 millions d'euros en 2010, loin devant l'aide alimentaire développementale 24 ( * ) (0,9 million d'euros).
L'évolution des projets de coopération décentralisée au Burkina Faso La synthèse de « l'évaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso », réalisée en octobre 2009 par le Centre international d'études pour le développement local, à la demande du ministère des Affaires étrangères et européennes, témoigne de l'évolution des thématiques dans les projets de coopération. Les opérations de coopération décentralisée sont classées en quatre types : - relation de jumelages marquée par une approche humanitaire et « assistancielle » centrée sur l'éducation, la santé et l'accès à l'eau ; - relation de mise en oeuvre de projets avec une approche visant à favoriser le développement des territoires au moyen d'équipement sociaux et productifs, microcrédits, développement agricole et à organiser les habitants pour les gérer ; - relation d'appui technique essentiellement en matière institutionnelle afin d'aider la collectivité du Burkina Faso à assumer ses nouvelles compétences. Ce nouveau type de relation est récent et a émergé en même temps que le processus de décentralisation au Burkina Faso ; - approche d'intérêt mutuel. L'étude relève que, globalement, « les relations de jumelage au sens strict, marquées par une approche humanitaire, ont tendance à évoluer vers des relations d'une des trois autres types » 25 ( * ) . |
2. Une diversité géographique se développant vers de nouveaux pays
Les collectivités territoriales françaises mènent plus de 12 600 projets de coopération décentralisée dans 147 pays. Toutefois, une analyse, continent par continent, de ces chiffres révèlent de fortes disparités.
Ainsi, l'Europe est la première zone géographique en nombre de projets , plus de 8 000. Toutefois elle est exclue de ce rapport, car ces projets sont l'héritage de nombreux jumelages qui se sont développés au lendemain de la Seconde guerre mondiale et n'ont pas pour vocation l'aide au développement. On constate cependant que certains de ces jumelages européens connaissent une nouvelle dimension : ils deviennent la base d'une action conjointe de deux collectivités du nord vers une collectivité du Sud.
La nouvelle dimension du jumelage entre la ville de Chambéry et celle d'Albstadt (Allemagne) Les villes de Chambéry et d'Albstadt sont jumelées depuis plus de trente ans. En 2005, les comités de jumelage ont décidé d'agir conjointement pour mener des actions en faveur du développement portant sur l'éducation des enfants et l'alphabétisation des femmes dans la commune de Bisoro, au Burundi. Un projet de construction d'un réseau d'adduction d'eau en liaison étroite avec l'ONG chambérienne Hydraulique Sans Frontière est également en cours. |
La première zone géographique bénéficiaire de projets de coopération décentralisée en matière d'aide au développement est l'Afrique. La répartition financière de l'aide publique au développement des collectivités territoriales corrobore ce fait, puisque les collectivités françaises ont alloué en 2010 près de 41 millions d'euros à ce continent, soit 60% de l'aide déclarée.
Les Amériques sont la deuxième zone en termes de montant, avec 14%, notamment dû à Haïti (6,6 millions sur près de 9 millions d'euros), suivies de l'Asie-Océanie avec 6,9 millions d'euros, soit 11% dont 2,2 millions d'euros vers le Vietnam, puis du Proche et Moyen-Orient, avec 2,8 millions d'euros, soit 5% dont la moitié pour les territoires palestiniens. L'Europe avec 2,1 millions d'euros, soit 3% des allocations, est loin derrière 26 ( * ) .
Répartition des projets de coopération
décentralisée
par zone géographique (sauf
Europe)
Zone géographique / pays |
Nombre de collectivités
françaises
|
Nombre de projets de coopération décentralisée (total 12 609) |
Montant de l'APD
|
Afrique |
782 |
2 527 |
40,2 millions |
Sénégal |
103 |
349 |
7,6 millions |
Mali |
168 |
420 |
5,8 millions |
Madagascar |
76 |
218 |
5,5 millions |
Burkina Faso |
180 |
250 |
4,5 millions |
Bénin |
53 |
250 |
3,5 millions |
Niger |
37 |
104 |
2,4 millions |
Maroc |
88 |
259 |
2,3 millions |
Amérique du Nord |
348 |
496 dont plus de la moitié avec le Québec |
Non indiqué |
Amérique Centrale |
88 |
176 |
7,4 millions
|
Haïti |
44 |
83 |
6,6 millions
|
Amérique du Sud |
64 |
178 |
1,9 million |
Proche et Moyen Orient |
133 |
345 |
2,8 millions |
Territoires palestiniens |
65 |
179 |
1,4 million |
Liban |
25 |
73 |
1,3 million |
Océanie et Asie |
193 |
538 |
6,9 millions
|
Chine |
65 |
150 |
1,3 million |
Vietnam |
34 |
207 |
2,2 millions |
L'Afrique subsaharienne concentre le plus grand nombre d'actions de coopération décentralisée, lesquels se situent principalement dans cinq pays : le Mali, le Burkina Faso, le Sénégal, le Bénin et le Niger. Elle représente ainsi près de 20% de l'ensemble des actions de coopération décentralisée en matière de développement et plus d'un tiers des dépenses d'aide au développement des collectivités territoriales. Madagascar, le Maghreb, le Vietnam sont également des régions privilégiées des actions de coopération décentralisée.
Depuis les années 90, on observe une évolution et la mise en place d'actions de coopération décentralisée dans des régions et pays du monde qui jusque là n'était pas concernés. De nombreuses coopérations ont vu le jour avec la Russie dans les années 90, ou avec la Chine à partir des années 2000. Sur 150 actions de coopération décentralisée menées en Chine, 50 ont été mises en place depuis 2000, dont 36 depuis 2005.
En outre, si traditionnellement les coopérations décentralisées se concentrent dans les pays francophones, elles se tournent aujourd'hui vers les pays anglophones, hispanophones ou lusophones . Le nombre de projets de coopération décentralisée dans des pays d'Amérique centrale et latine a fortement augmenté depuis 2000, surtout depuis la deuxième moitié des années 2000. Au Chili ou en Argentine, la quasi-totalité des projets de coopération décentralisée ont été mise en place à partir de 2000, dont plus de la moitié après 2006. De même, au Paraguay, la moitié des actions de coopération décentralisée ont été instaurées après 2007. Témoin de cette ouverture vers de nouveaux pays, une coopération décentralisée a été mise en place pour la première fois au Panama, en 2010. En outre, 4 nouveaux « groupes-pays » ont été créés récemment à Cités Unies France : l'Amérique centrale et Cuba, le Brésil, le Chili et l'Argentine.
La zone méditerranéenne a également trouvé un nouveau dynamisme suite au printemps arabe.
Enfin, les grandes catastrophes naturelles ou humanitaires ont également été vectrices d'actions de coopération décentralisée afin de répondre à l'urgence humaine, comme en Haïti.
* 22 Rapport sur les collectivités locales et la coopération au développement (2006/2235-INI), rapporteur Pierre Shapira.
* 23 Par coopération technique, on entend « l'apport de savoir-faire sous forme de personnel, de formation et d'activités de recherche, avec les coûts qui y sont associés », définition du ministère des affaires étrangères et européennes dans le cadre de la télédéclaration de l'APD.
* 24 « Fourniture et transport de denrées alimentaires, contributions en espèces pour l'achat de denrées alimentaires et apport de produits intermédiaires (engrais, semences, etc.) dans le cadre d'un programme d'aide alimentaire », définition du ministère des affaires étrangères et européennes dans le cadre de la télédéclaration de l'APD.
* 25 Synthèse de « l'évaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso », Centre international d'études pour le développement local, octobre 2009, pages 4 et 5.