C. LA LOI N° 92-125 DU 6 FÉVRIER 1992 RELATIVE À L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE LA RÉPUBLIQUE : VERS UNE CONSOLIDATION JURIDIQUE
La coopération décentralisée n'a cessé de se développer, allant au-delà de ce que prévoyaient les textes. Tirant les conséquences pragmatiques de la situation, la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République consacre l'ensemble de son titre IV à la coopération décentralisée.
L'article 131 de cette loi autorise « les collectivités territoriales et leurs groupements [à] conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France » .
Comme le soulignent les conclusions de l'étude conduite par le groupe d'amitié France-Arménie du Sénat 6 ( * ) , cette loi permet, d'une part, à l'ensemble des collectivités territoriales de mener des actions de coopération et, d'autre part, élargit les zones concernées, qui ne se limitent plus désormais aux seules régions transfrontalières .
Toutefois, ces nouvelles possibilités restent encadrées afin de respecter les prérogatives étatiques :
• les actions de coopération ne peuvent intervenir que dans les domaines de compétences propres aux collectivités décentralisées . La coopération décentralisée constitue donc une modalité particulière de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et non une compétence nouvelle. De même, comme le souligne la circulaire du 26 mai 1994, « les groupements ne peuvent exercer une action avec des collectivités territoriales étrangères ou leurs groupements que dans le strict cadre des compétences qui leur ont été transférées. Inversement, si une collectivité territoriale, qui a transféré une compétence à un groupement souhaite mener une action de coopération décentralisée ressortissant de cette compétence, cette action devra être conduite par le canal du groupement » ;
• elles ne peuvent conclure d'accord de coopération avec un Etat étranger ou des organisations internationales ;
• les collectivités territoriales doivent respecter les engagements internationaux de la France.
La circulaire de 1994 rappelle aussi les principes généraux applicables à ces conventions. Ces dernières ne doivent entre autres pas porter atteinte :
- au principe d'indivisibilité de la République et de la souveraineté nationale ;
- aux intérêts nationaux et à la cohérence de la politique étrangère dont la responsabilité incombe au Président de la République et au Premier ministre ;
- au principe de spécialité : une coopération décentralisée ne doit pas interférer avec les compétences des autres collectivités territoriales du fait d'une convention de coopération décentralisée.
Afin de s'assurer du respect de ces dispositions, les conventions, comme tout acte des collectivités territoriales, sont soumises au contrôle de légalité. D'autre part, l'article 134 de cette même loi institue une commission chargée d'établir et de tenir à jour un état de la coopération décentralisée et de formuler toute proposition tendant à renforcer celle-ci. Le titre IV de la loi de 1992 concilie ainsi la coopération décentralisée et l'indivisibilité de l'Etat et son monopole en matière de diplomatie .
La loi de 1992 modifie également le régime applicable aux sociétés d'économie mixte locales , en permettant aux collectivités territoriales étrangères d'y participer sous certaines conditions :
- un accord préalable entre les Etats concernés, qui fixe le cadre juridique dans lequel s'exercera la coopération décentralisée, est nécessaire ;
- une condition de réciprocité au profit des collectivités territoriales française doit être prévue par l'accord ;
- seules les sociétés d'économie mixte locale dont l'objet exclusif est d'exploiter des services publics d'intérêt commun sont concernées. Dès lors, dans la pratique, seules des actions de coopération transfrontalière sont concernées.
Enfin, l'article 133 de la loi élargit le domaine d'intervention des groupements d'intérêt public à la coopération transfrontalière ou interrégionale, mais dans un secteur géographique limité à la Communauté économique européenne. En effet, ceux-ci peuvent être créés « pour mettre en oeuvre et gérer ensemble, pendant une durée déterminée, toutes les actions requises par les projets et programmes de coopération interrégionale et transfrontalière intéressant des collectivités locales appartenant à des États membres de la Communauté économique européenne ».
* 6 Fédérer les initiatives, promouvoir la coopération décentralisée en Arménie, Conclusions de l'étude conduite par le groupe interparlementaire d'amitié France Arménie, Sénat, CA n°101, septembre 2011.