II. LES INTERVENTIONS À VISÉE ESTHÉTIQUE : UN ENCADREMENT TARDIF ET INSUFFISANT

A. UN ENJEU DE SOCIÉTÉ À PART ENTIÈRE

La multiplication spectaculaire des recours aux interventions à visée esthétique soulève de nombreux enjeux à la fois sociaux, culturels et économiques .

Le développement du secteur de l'esthétique reflète une préoccupation généralisée d'embellissement des corps qui n'est pas nouvelle. Cependant, compte tenu du poids de l'image et du regard porté sur le vieillissement dans les sociétés contemporaines, les enjeux de cette évolution se posent en des termes nouveaux.

Face à ces inéluctables évolutions et à une appréhension du risque de plus en plus marquée, il ne s'agit pas de moraliser les pratiques mais de réglementer les transactions et les produits dans un contexte où les transformations du corps passent de plus en plus par le marché.

1. Un secteur économique florissant
a) Un marché en forte croissance

En 2008, le marché mondial de la beauté et du bien-être était évalué à 500 milliards de dollars, dont 100 milliards pour les soins de lutte contre le vieillissement. La croissance de cette portion du marché devrait être comprise entre 8 % et 10 % par an au cours des prochaines années.

Globalement, la même image de la femme tend à s'imposer aux populations des grandes métropoles, qu'elles soient situées en Occident ou dans les pays émergents. C'est au sein de la zone Asie-Pacifique que l'accroissement du marché est le plus rapide. La demande de produits anti-âge, de blanchiment des dents, d'éclaircissement de la peau et de protection contre le soleil y est particulièrement forte.

Les vingt-cinq pays où le recours aux interventions esthétiques médicales
est le plus développé

1. Etats-Unis

11. Argentine

21. Australie

2. Chine

12. Russie

22. Venezuela

3. Brésil

13. Italie

23. Arabie saoudite

4. Inde

14. France

24. Pays-Bas

5. Mexique

15. Canada

25. Portugal

6. Japon

16. Taïwan

7. Corée du Sud

17. Royaume-Uni

8. Allemagne

18. Colombie

9. Turquie

19. Grèce

10. Espagne

20. Thaïlande

Source : International Society of Aesthetic Plastic Surgery (Isaps) Biennial Global Survey, 2010

b) Des interventions de plus en plus diversifiées

Les interventions de chirurgie et médecine esthétiques les plus pratiquées sont globalement les mêmes dans les principaux pays occidentaux. En mars 2012, la société américaine des chirurgiens esthétiques (American Society for Aesthetic Plastic Surgery - Asaps) , a indiqué que près de 9,2 millions d'interventions ont été pratiquées aux Etats-Unis, en 2011. Les interventions les plus couramment accomplies en chirurgie esthétique étaient la liposuccion, et les injections de toxine botulique, au titre de la médecine esthétique.

La chirurgie esthétique représentait 18 % des actes pratiqués (contre 82 % pour les actes de médecine esthétique) mais 63 % du chiffre d'affaires total (contre seulement 37 %) pour la médecine esthétique.

Le marché est essentiellement féminin puisque 8,4 millions d'actes ont été réalisés pour cette clientèle (soit 91 % du total) contre huit cent mille pour les hommes. Les dépenses totales s'établissaient à 10 milliards de dollars dont 6,2 milliards au titre de la chirurgie esthétique, 1,7 milliard pour les injections, 1,6 milliard pour les actes de réjuvénation. Près de 400 millions étaient consacrés aux procédures non invasives, notamment l'utilisation du laser pour la dépilation et le traitement des varices.

Par comparaison, la France représente un marché de faible importance. En 2009, près de trois cent mille actes de chirurgie et de médecine esthétiques ont été réalisés par environ 465 chirurgiens plasticiens, soit 1,7 % des procédures mondiales. La France se classe au quatorzième rang mondial, derrière les Etats-Unis, la Chine et le Brésil qui figurent aux premiers rangs du classement 37 ( * ) .

Quant aux actes de médecine esthétique, dont la croissance annuelle atteint 11 % en moyenne dans le monde et 5 % à 8 % en France, ce sont principalement des injections de toxine botulique, de neuromodulateurs et d'acide hyaluronique, l'épilation par laser, ou encore l'injection de graisse autologue.

Si la part des femmes demeure encore largement majoritaire dans ces interventions (près de 85 %), celle des hommes va croissant.

Aux actes de médecine esthétique viennent s'ajouter les nombreuses prestations proposées dans les divers centres et instituts de beauté. Epilations, stylisme d'ongles et de cils, bronzage artificiel, blanchiment des dents, modelage, spas, soins du corps et du visage, traitements amincissants : plus de onze millions de soins de beauté et de bien-être auraient été réalisés en France en 2011 .

Selon les informations communiquées par la Confédération nationale artisanale des instituts de beauté (Cnaib), la France compterait trente-six mille entreprises et soixante-cinq mille esthéticiennes relevant des chambres de métier et de l'artisanat, pour un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros . Quant aux entreprises représentées par la Confédération nationale de l'esthétique parfumerie (instituts, centres de bronzage en cabine, spas, prothésistes d'ongles mais aussi fabricants de cosmétiques, équipementiers, distributeurs), affiliées à 90 % aux chambres de commerce et d'industrie, elles emploieraient près de cinquante mille salariés dans environ quarante mille entreprises, pour un chiffre d'affaires annuel de près de 3 milliards d'euros .

Ces montants démontrent que le secteur de l'esthétique médicale est bien engagé sur la voie de la banalisation. Tandis que les demandes des patients évoluent au fil de l'apparition de nouvelles techniques, le regard sur les interventions a changé . Le recours à la chirurgie et à la médecine esthétiques peut apparaître moins futile et plus avouable.

Dans le même temps, comme en témoigne le recours aujourd'hui plus fréquent à la médecine esthétique qu'à la chirurgie esthétique , les techniques les plus prisées sont celles qui sont les moins invasives . Ainsi qu'en conviennent les professions médicales concernées, les demandes dont elles sont saisies expriment souvent le souhait d'aller vers « quelque chose de naturel », si possible sans effraction cutanée ou période de convalescence. Aux opérations irréversibles sont préférées les interventions ponctuelles mais régulières, qui se résorbent progressivement et permettent, en cas de besoin, de « corriger le tir ».


* 37 Isaps Biennial Global Survey.

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