c. La perte d'une expertise nationale indépendante
Les universités et les instituts français ont fortement réduit leurs activités sur les OGM.
L'ANR a même arrêté de faire des appels d'offres sur les OGM puisqu'elle ne recevrait pratiquement plus de dossiers. Il reste quelques activités sur les espèces modèles. Mais il résulte de cette situation la diminution du nombre d'experts français pour faire l'évaluation des dossiers, et donc des risques accrus et une moindre indépendance de l'expertise nationale.
Cette perte d'expertise, pour l'instant limitée, pourra se révéler fortement préjudiciable à terme, et il convient d'évaluer le risque de l'inaction de manière urgente.
d. La clause de sauvegarde
Philippe Kourilsky, ancien directeur de l'Institut Pasteur et co-auteur d'un rapport sur le principe de précaution en 1999, déclarait devant la mission d'information sur les OGM en 2005 « en l'absence de certitudes, la précaution consiste à privilégier la rigueur procédurale ».
Dans le domaine du « risque du risque », le principe de précaution devrait s'apprécier par le respect des procédures. Le fait que le principe de précaution reconnu au niveau national dans le champ de l'environnement inspire la jurisprudence dans des domaines plus larges, et notamment dans celui de la santé publique et dans celui de la sécurité, devrait amener le législateur à préciser dans une loi ordinaire les champs d'application du principe de précaution et la notion de risques potentiels au regard du respect des procédures dans ces différents champs.
Sur le thème OGM et santé, aucune publication n'a à ce jour confirmé l'existence de risque dans ce domaine. Et pourtant c'est l'argument du principe de précaution qui a été employé pour justifier l'utilisation par la France de la clause de sauvegarde du maïs Monsanto 810.
La Cour de justice européenne a condamné la France pour la mise en place de la clause de sauvegarde ; le Conseil d'Etat a suivi cet arrêt de la Cour européenne de justice et considéré que le ministère de l'Agriculture n'avait pas pouvoir général pour prendre ces arrêtés. En effet, les Etats membres ne sont compétents pour prendre des mesures d'urgence que s'ils établissent, non seulement l'urgence, mais aussi l'existence d'un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement. Le Conseil d'Etat a donc jugé que la France n'avait pas sur démontrer l'existence d'un tel risque.
Ainsi, dans son communiqué, le Conseil d'Etat indique que « le ministre de l'agriculture n'a pu justifier de sa compétence pour prendre les arrêtés, faute d'avoir apporté la preuve de l'existence d'un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l'environnement ».
Pourtant, le ministre de l'environnement a déjà déclaré qu'une nouvelle procédure suspensive serait déposée.
Nous partageons l'avis de la Cour de Justice européenne, car la France n'aurait jamais pu démontrer que des éléments nouveaux remettent en cause l'innocuité de ce maïs, autorisé depuis plus de 10 ans en France mais dont la culture est suspendue depuis l'activation de la clause de sauvegarde, et toujours cultivé en Espagne. D'ailleurs, à l'inverse de ce que déclare Mme la ministre de l'environnement, les comités de préfiguration du Haut Conseil des Biotechnologies n'a jamais parlé en décembre 2009 de dangers nouveaux.
Les OGM ont été en fait les victimes expiatoires du Grenelle de l'environnement. Si le Gouvernement met en place un nouveau moratoire avant les semis de printemps, il s'exposera à une nouvelle annulation. Il serait quand même étonnant qu'un sujet qui devrait être traité sous l'angle de la propriété intellectuelle fasse l'objet d'une guerre procédurale où les scientifiques serviraient d'alibi à des décisions politiques déjà prises. Malheureusement, la firme Limagrain en France et BASF en Allemagne ont d'ores et déjà délocalisé leurs laboratoires de recherche sur les biotechnologies végétales.