3. Les clusters et les pôles de compétitivité
Instaurés en 2004, ces pôles ont une utilité certaine lorsqu'ils sont tournés vers les entreprises et lorsque les entrepreneurs se sont appropriés les outils à leur disposition. Ils permettent de dépasser l'innovation technologique et d'aboutir à différentes formes d'innovation organisationnelle.
On y retrouve des partenaires ayant des intérêts conjoints : des entreprises, leurs clients, des universités et des centres de recherche. Leur financement est mixte Etat-régions. Des doctorants sont souvent associés à leurs travaux, ce qui permet de changer le regard que leur portent les entreprises.
Certains sont importants, d'autres de taille plus moyenne.
(i) En Haute- Savoie
En Haute-Savoie, nous avons pu voir d'une part le pôle d'activités en sciences de la vie, biotechnologies, et technologies médicales, d'Archamps, ainsi que le pôle spécialisé dans le décolletage.
Au technopôle d'Archamps, les élus locaux ont utilisé plusieurs outils pour des activités nouvelles, en constituant un pôle d'activités en sciences de la vie, biotechnologies, et technologies médicales qui regroupe maintenant 750 personnes. Ils ont ainsi favorisé la constitution d'une communauté de chercheurs transnationale, et rendu attractive l'implantation d'entreprises.
Pour ce faire, ils ont créé en 2009 une plateforme regroupant diverses technologies, constituant un dispositif intégré de technologies, permettant des analyses cellulaires, moléculaires et in vivo, dans des stations d'expertise. Cette plateforme, financée par le soutien du Fonds européen de développement régional (FEDER) à la région Rhône-Alpes, est gérée par une association GIP qui regroupe le syndicat mixte Aménagement du genevois, l'université Joseph Fourier de Grenoble et la SEMAG. Cette plateforme, où sont menés divers projets tant académiques que de valorisation industrielle, est utilisée par d'autres entreprises qui externalisent une partie de leurs activités. Son efficacité est renforcée par une pépinière d'entreprises biotech. Plusieurs laboratoires académiques y sont associés.
C'est un exemple de réussite d'un mélange entre public et privé, qui permet les vraies innovations d'aujourd'hui. S'y rajoute une dimension transfrontalière.
La constitution d'un pôle consacré au décolletage était particulièrement appropriée dans une région où sont situés les deux tiers de ce type d'activité, dans un contexte où le marché français représente un dixième du marché mondial.
Ce pôle qui génère 100 brevets par an, regroupe 266 entreprises qui emploient 23 000 salariés. Plus de deux tiers de ces entreprises participent à deux projets du pôle.
Les financeurs ont voulu en faire une structure très légère (moins de 3 employés) qui mutualise plusieurs acteurs économiques du territoire, dont le syndicat du décolletage, l'université de Savoie, l'observatoire stratégique de la sous-traitance, la CIC de la Haute Savoie, la chambre des métiers et de l'artisanat, l'union des industries et métiers de la métallurgie, l'association pour la valorisation des connaissances, MIND, Thésame (association faisant émerger des projets collaboratifs dans le domaine de la mécatronique et du management), et l'Agence économique départementale. Une convention avec le Conseil général permet le fonctionnement du pôle.
Son objectif est d'emmener les sous-traitants vers l'excellence, dans l'ensemble des processus, y compris commercial et pas seulement industriel, et dans le développement durable, grâce à des gains de productivité, en les amenant à proposer à ses clients des assemblages de pièces de diverses origines. Il permet de garder des emplois sur place et de ne pas délocaliser en restant compétitif. Il facilite aussi l'évolution des emplois vers des fonctions plus nobles (gestion de production, études).
(ii) En Lorraine
En Lorraine, trois pôles de compétitivité ont été mis en place : le premier Materalia, dans le domaine des matériaux innovants, le second, Fibres Grand Est dans le domaine des fibres en lien avec l'Alsace, le troisième Hydreos dans le domaine de l'eau, en lien avec l'Alsace lui aussi.
Ces pôles poursuivent les mêmes objectifs : développer la compétitivité, conforter la présence sur le territoire d'activités industrielles à fort contenu technologique, accroître l'attractivité de la région, favoriser la croissance et l'emploi.
Leur action est également identique, puisqu'ils cherchent à favoriser des partenariats entre industriels, enseignants et chercheurs autour de projets d'innovation collaboratifs axés sur des marchés à haut potentiel de croissance.
Materalia s'est constitué dans un contexte où l'industrie régionale représente plus de 15 % de la métallurgie et de la sous-traitance automobile française. Ses priorités stratégiques portent sur l'énergie, l'aéronautique, l'automobile et le médical. Traitant de la métallurgie, des nanomatériaux, des composites, des nouveaux procédés de fabrication et du développement durable, il est aujourd'hui le premier pôle français pour la fonderie, la forge et l'estampage, ainsi que pour la fabrication d'équipements automobiles et la recherche collaborative sur les matériaux. C'est le deuxième pôle français pour les services industriels du travail des métaux.
Fibres Grand Est a pour ambition de faire émerger une industrie moderne des fibres, domaine qui recouvre le bois, le papier, les textiles et les composites. Ce pôle entend susciter et accompagner l'innovation dans les produits et process des entreprises qui y appartiennent, en promouvant des activités nouvelles à forte valeur ajoutée.
Il entend également remplacer les matériaux à faible « écobilan » par des matériaux nouveaux issus des fibres et de leurs dérivés, et susciter des interactions entre les technologies du textile, du papier et du bois. Il a pour objectif de devenir d'ici 2015 le pôle de compétitivité leader national des éco-matériaux.
(iii) Une dynamique nationale
Au cours de nos auditions, nous avons également pu entendre les représentants des pôles Finance-Innovation, Medicen, Minalogic et Végépolys, dont le rôle attracteur et structurant sera décrit dans les différents chapitres les concernant.
Cette dynamique de mutualisation doit continuer à s'ouvrir aux PME, pour leur permettre, par la mutualisation de moyens, services, marchés et réseaux qui leurs seraient inaccessibles autrement, de développer un tissu d'Entreprise de taille intermédiaire (ETI) dynamique et créateur d'emplois et de valeur.
Tous les pôles n'ont pas vocation à être compétitifs à l'échelon mondial, mais chacun doit avoir pour vocation de structurer autour de lui un écosystème propre à son domaine, alliant compétences techniques et juridiques, investisseurs et centres de recherches.
C'est grâce à ces structures à échelle humaine que l'on fera émerger les bonnes pratiques, les bonnes idées, qui pourront ensuite remonter dans une stratégie bottom-up vers les pôles à rayonnement international, à l'inverse du jacobinisme top-down dont nous savons généralement faire preuve pour tuer dans l'oeuf les initiatives locales.
Cet élan sans précédent doit permettre de dégager des stratégies de branche, en lien avec les régions et les collectivités locales pour leur donner une porte d'entrée sur les marchés européens et internationaux.