TRAVAUX DE LA COMMISSION - AUDITION POUR SUITE À DONNER À L'ENQUÊTE RÉALISÉE PAR LA COUR DES COMPTES SUR LE BILAN DE LA RÉFORME DES OFFICES AGRICOLES ET DE LA CRÉATION DE L'AGENCE DE SERVICES ET DE PAIEMENT (ASP)
Réunie le mercredi 26 octobre 2011, sous la présidence de Mme Marie-France Beaufils, vice-présidente, la commission a procédé à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le bilan de la réforme des offices agricoles et de la création de l'agence de services et de paiement (ASP) .
Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Nous voici réunis pour la dernière des trois auditions qui ont eu lieu cette semaine et la semaine dernière, suite à des enquêtes réalisées par la Cour des comptes, à la demande de la commission des finances du Sénat.
L'enquête qui nous occupe aujourd'hui concerne le bilan de la réforme des offices agricoles et de la création de l'agence de services et de paiement (ASP).
Nos collègues Yannick Botrel et Joël Bourdin, rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » suivent ce dossier avec attention mais nous devons plus particulièrement cette enquête à Joël Bourdin qui était seul rapporteur spécial de la mission en décembre dernier, lorsque la commission des finances a saisi la Cour de cette question.
Depuis les dernières élections sénatoriales, notre commission a en effet eu le plaisir d'accueillir dans ses rangs Yannick Botrel, qui co-rapportera donc désormais avec Joël Bourdin les crédits de cette mission.
Nos collègues de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ont été invités à cette audition et notre réunion est ouverte à la presse.
Nous recevons aujourd'hui pour la Cour des comptes, M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour, MM. Alain Doyelle et Didier Guédon, conseillers maîtres, et Mme Michèle Coudurier, conseillère référendaire.
Pour l'ASP, nous entendrons M. Edward Jossa, président-directeur général.
FranceAgriMer est représenté par son directeur général, M. Fabien Bova.
Enfin, pour le ministère de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, nous recevons MM. Jean-Marc Bournigal, directeur du cabinet du ministre, et Philippe Helleisen, conseiller budgétaire.
Afin de préserver une possibilité de débat, j'invite les représentants de la Cour des comptes et des administrations concernées à se limiter aux principales observations. Ensuite, chaque commissaire pourra librement poser ses questions.
J'indique, enfin, aux membres de la commission des finances qu'ils devront prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.
M. Yannick Botrel , rapporteur spécial . - Permettez-moi avec Joël Bourdin de revenir sur les motifs qui sont à l'origine du choix de la commission des finances de confier à la Cour des comptes une enquête sur le bilan de la réforme des offices agricoles ainsi que la création de l'ASP.
Tout d'abord, cette investigation fait suite à des voeux exprimés tant par l'ancien président de la commission, Jean Arthuis, que par Joël Bourdin en sa qualité de rapporteur spécial. C'est un rapport particulier relatif aux comptes et à la gestion de l'office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) qui avait en effet conduit, en 2009, le Président Arthuis à envisager un contrôle portant sur les offices agricoles.
Dès 2001, la Cour avait dans son rapport public, suite à un contrôle portant sur la gestion des aides européennes à l'agriculture, relevé le caractère complexe et coûteux des offices et suggéré leur regroupement. Il existait alors treize structures, dont dix offices agricoles coordonnés par l'agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA). D'après ce rapport, la gestion des offices se caractérisait par une absence de transparence et par la difficulté d'exercer efficacement les contrôles. La Cour avait recommandé une rationalisation de la gestion des aides communautaires à l'agriculture en France.
Depuis dix ans, la Cour des comptes a donc appelé l'attention des pouvoirs publics sur la pertinence d'un remaniement du dispositif national d'interventions en matière agricole.
Différentes réformes étant intervenues entre-temps, notamment la création de l'ASP, mais aussi la fusion de la plupart des offices agricoles dans FranceAgriMer, il a semblé utile de dresser un bilan de ces mesures.
Les fusions se sont-elles déroulées dans de bonnes conditions ? Conduisent-elles à des résultats satisfaisants ? Permettent-elles par exemple de dégager des économies ou débouchent-elles à l'inverse sur des coûts majorés ? En outre, les réformes réalisées sont-elles suffisantes par rapport à ce qui serait possible ou souhaitable ?
Voici quelques questions auxquelles la commission des finances espère qu'il lui sera plus facile de répondre au terme de cette enquête.
Pour conclure, je salue l'excellent travail des magistrats de la Cour des comptes, et c'est avec grand intérêt que j'ai pu échanger avec eux ces derniers jours.
M. Joël Bourdin , rapporteur spécial . - Pour prolonger les propos de mon collègue, je rappelle que le travail demandé par la commission des finances à la Cour des comptes visait aussi à contrôler la mise en oeuvre des réformes engagées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Il y a un an, dans mon rapport sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, j'avais observé que « les réformes des opérateurs du programme 154 appelées par la RGPP, semblent encore loin de permettre des économies dignes de ce nom ».
Pourtant, depuis le 1 er avril 2009, en conséquence du mouvement de réforme impulsé par loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole et ainsi que par les décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques adoptées le 12 décembre 2007 dans le cadre de la RGPP, le paysage institutionnel des offices agricoles a été profondément réformé.
Deux axes de réforme avaient été retenus en 2007 :
- la création d'une grande agence de paiement par la fusion entre le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) et l'Agence unique de paiement (AUP) ;
- la fusion des offices agricoles dans une structure unique.
Le premier axe devait conduire, à l'horizon 2010, à un gain en effectifs compris entre 600 et 730 ETPT et à une économie budgétaire située entre 33 et 40,7 millions d'euros. Le second axe, à savoir la fusion des offices agricoles dans FranceAgriMer, devait conduire à un gain en effectifs de 260 ETPT et à une économie budgétaire de l'ordre de 15,4 millions.
Quid de ces objectifs fixés par le Gouvernement et qui concernent les gestionnaires de près de 18 milliards d'aides diverses ? La réduction des effectifs se traduit-elle par la baisse des dépenses de personnel ? A quel prix a-t-on pu éviter les conflits sociaux ? A-t-on pu rationaliser les implantations immobilières de ces structures ? Les dépenses informatiques n'ont-elles pas explosé au terme de ces fusions ambitieuses ? Comment assurer une meilleure articulation entre les interprofessions et FranceAgriMer ? En outre, le maintien de deux organismes payeurs avec une compétence géographique limitée - l'Office du développement agricole et rural de Corse (Odarc) et l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (Odeadom) - est-il justifié ?
Voici quelques questions auxquelles je souhaite que cette audition permette de répondre et je remercie à mon tour les magistrats de la Cour des comptes pour leur travail de très grande qualité. Je remercie également les autres intervenants présents devant nous d'avoir bien voulu venir éclairer la représentation nationale sur ce sujet.
M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes . - L'enquête demandée par votre commission à la Cour des comptes s'est déroulée de janvier à mai 2011 et a donné lieu avec les organismes concernés et avec le ministère à une procédure contradictoire.
Tout d'abord, le rapport rappelle les circonstances dans lesquelles la réforme des offices agricoles s'est faite : la réforme a été initiée en 2003 dans le cadre de la réforme de la PAC et elle a connu deux temps. D'abord, un rythme lent avec la réduction de douze à huit au 1 er juin 2006 du nombre des organismes nationaux intervenant en matière agricole. Cette première phase a duré trois ans et demi. Ensuite, le rythme s'est accéléré avec une deuxième phase initiée à l'occasion de la RGPP. Cette phase a duré vingt-et-un mois et le nombre d'organismes est passé à quatre au 1 er avril 2009 : deux organismes à compétences larges - l'ASP, héritière du CNASEA et de l'AUP - et FranceAgriMer. Ensuite, deux organismes à compétence géographique spécifique : l'Odeadom et l'Odarc.
Si cette réforme en deux temps a été complexe à mener, elle a néanmoins abouti et les mesures issues de la RGPP de 2007 ont été rendues possibles par la première phase plus lente de cette réforme. Un signe positif à noter : les bénéficiaires des aides n'ont subi que de très faibles retards dans les versements qui leur étaient dus.
J'en viens à la situation actuelle. Il existe désormais quatre opérateurs : le premier est l'ASP, qui verse 9,5 milliards d'euros d'aides agricoles sur un total distribué de 16,5 milliards, cette différence s'expliquant par le fait que l'ASP, comme le Cnasea auparavant, intervient dans d'autres secteurs que l'agriculture, notamment l'emploi et la formation professionnelle. L'ASP est donc un grand guichet qui distribue quantité d'aides. 85 % des aides agricoles concernent le premier pilier de la PAC et les 15 % restant le second pilier.
Le deuxième opérateur est FranceAgriMer, qui verse 1,2 milliard d'euros d'aides exclusivement agricoles, en majorité de crédits nationaux.
Le troisième est l'Odeadom, qui verse environ 250 millions d'euros et ses aides sont très majoritairement européennes : il s'agit des programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei), soit l'équivalent du premier pilier de la PAC pour l'outre-mer.
Enfin, dernier opérateur : l'Odarc distribue un peu plus de 25 millions d'euros d'aides agricoles sur les crédits de la collectivité territoriale de Corse, de l'Etat et, enfin, de façon très minoritaire, de l'Europe.
Les trois premiers organismes qui sont des établissements publics de l'Etat - à la différence de l'Odarc, qui a un statut d'établissement public territorial - se sont vu assigner des objectifs de performance par leur autorité de tutelle, mais ces objectifs ont été fixés tardivement.
Un des buts de la réforme était la réduction des effectifs : de 4 000 en 2007, ils doivent être aujourd'hui légèrement supérieurs à 3 500, dont environ 2 200 à l'ASP, 1 250 à FranceAgriMer et 40 à l'Odeadom.
L'organisation sur le terrain est très différente d'un organisme à l'autre. L'Odeadom n'a pas de services déconcentrés et fait appel pour certaines tâches aux services du ministère de l'agriculture. L'ASP dispose d'un important réseau territorial mais délègue certaines tâches aux services du ministère, et FranceAgriMer fait de même.
La critique formulée par la Cour des comptes avant la réforme reste donc valable : le dispositif de distribution des aides hésite entre la logique « services de l'Etat » et la logique « offices ». Or, les ordonnateurs ne sont pas les mêmes et les comptables publics non plus, d'où un mélange qui conduit assez souvent à ne plus savoir qui est responsable de l'ordonnancement et du paiement. On se retrouve avec deux ordonnateurs d'un côté et deux comptables de l'autre, ce que la réforme n'a pas amélioré.
La rationalisation immobilière est, elle, bien avancée. En région parisienne, les offices sont regroupés depuis 2007 à Montreuil dans un immeuble de 33 000 m 2 , nommé l'Arborial, qui est loué à une compagnie d'assurance. Le regroupement géographique a précédé les fusions d'organismes mais cette rationalisation appelle quelques remarques. L'ASP continue, comme le Cnasea avant elle, à avoir une double implantation centrale, Montreuil qui est normalement une antenne, et Limoges qui devrait être le siège. Les surfaces par agent à Montreuil devraient être réduites, la RGPP étant plus exigeante que ne l'était la tradition dans la fonction publique. Or, et c'est dommage, le bail conclu avec la compagnie d'assurance et dont le loyer se monte à 14,3 millions par an, ne permettait de réduire les surfaces louées que jusqu'au 31 mai 2011. L'occasion n'a donc pas été saisie. Pour densifier l'occupation de l'Arborial, il n'y a plus qu'une solution : faire venir d'autres services ; puisqu'on ne peut plus soustraire des surfaces, il faut ajouter des agents. C'est d'ailleurs ce qui a été fait avec l'arrivée de l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao).
La rationalisation des implantations immobilières en province progresse : l'ASP avait quarante-neuf implantations au moment de sa création le 1 er avril 2009. Aujourd'hui, elle n'en a plus que quarante-trois, dont cinq sont inoccupées et en instance de vente. Elle ne devrait plus en posséder que vingt-six au 31 décembre 2012. FranceAgriMer ne devrait avoir à la même date que trente-deux implantations, à comparer aux quarante-six au 1 er avril 2009.
Le rapport de la Cour traite aussi des freins aux économies fixées par le Gouvernement ainsi que des évolutions envisageables.
Tout d'abord, la gestion des personnels des offices agricoles se caractérise par sa complexité, en raison de la diversité des statuts et des engagements pris lors des réformes, notamment l'absence de mobilité géographique forcée et de licenciement. Les agents de l'ASP et de FranceAgriMer pouvaient opter entre le maintien d'un statut de contractuel de droit public et celui de fonctionnaire. Cette faculté était offerte par des décrets du 20 octobre 2010 pour une durée d'un an. L'échéance de l'option vient donc d'être atteinte et les résultats de ce droit d'option doivent maintenant être connus. Les administrations et les organismes présents ont sans doute des données actualisées sur les choix effectués par les agents et sur l'impact financier de ces décisions.
Autre point : de gros chantiers informatiques sont à prévoir. Les offices agricoles, et en premier lieu l'ASP, vivent grâce à leur informatique. Le Cnasea, avant l'ASP, avait fondé sa réputation sur son aptitude à effectuer rapidement des versements de masse, cette réputation n'étant pas usurpée. L'ASP fonctionne aujourd'hui avec deux applications principales datant de 2007, Isis et Osiris. L'informatique sera inévitablement un important poste de dépenses dans les années à venir. Pour l'ASP, il ne s'agit pas de remplacer Isis et Osiris, non encore amortis, mais de procéder à une rationalisation, notamment avec l'unification des trois chaînes de paiement et des deux applications de recouvrement. Pour FranceAgriMer, un important travail de rationalisation, notamment des multiples applications existantes, devra être mené pour aboutir à deux systèmes d'information majeurs, l'un pour les aides et l'autre pour les données socio-économiques.
Enfin, un des objectifs de la réforme était de réduire les refus d'apurement des dépenses communautaires, qui sont souvent un motif d'irritation lorsque Bruxelles refuse d'admettre des dépenses déjà effectuées. Un rapport de la Cour des comptes présenté devant la commission des finances il y a trois ans avait démontré le poids relatif de ces corrections financières et le caractère le plus souvent systémique - expression moderne que l'on peut traduire par délibéré - des manquements relevés. Admettons que la réglementation européenne ne brille pas par sa clarté et qu'il y ait parfois des problèmes d'interprétation. Quelques progrès ont été relevés, mais l'absence d'unité dans les systèmes d'information des offices et le maintien des organismes déconcentrés de l'Etat dans les circuits de paiement et de contrôle des aides conduisent à constater que rien d'important n'a été fait pour réduire le montant des refus d'apurement. Sans doute la date importante dans ce domaine n'est-elle pas 2009 - l'année de réforme des offices - mais 2013, avec la nouvelle PAC.
Le nombre des organismes payeurs peut-il être réduit à l'avenir ? La tendance dans les Etats membres de l'Union européenne est de fusionner ces structures. Faudrait-il passer à un seul organisme payeur en France ? La Cour des comptes aborde la question mais ne prend pas parti. L'Odarc est un cas à part en raison des compétences dévolues à la collectivité territoriale de Corse. Il y a donc là un problème juridique. L'Odeadom existe pour des motifs politiques, c'est clair pour tout le monde, mais il n'a même pas le monopole du versement des aides agricoles outre-mer et il ne dispose pas de services sur place. Il ne s'acquitte pas non plus de sa tâche réglementaire de collecte de l'information sur l'ensemble des mesures agricoles outre-mer. La Cour des comptes a d'ailleurs récemment formulé une série de critiques, mais sans aller jusqu'à prôner sa suppression, puisque ne seraient visés que 40 emplois. Restent les deux gros organismes, l'ASP et FranceAgriMer. Dans son rapport, la Cour des comptes relève que la répartition des compétences entre eux est, dans l'ensemble, pertinente, à quelques ajustements près. Elle ne recommande donc pas la création d'un organisme unique à ce stade. En revanche, le nombre de conseils spécialisés de FranceAgriMer devrait être réduit. Si le maintien d'un nombre élevé de conseils spécialisés a pu faciliter le processus de fusion, il en existe aujourd'hui plus - onze - qu'il n'y avait d'offices avant la fusion - neuf - ce qui parait excessif.
Pour conclure, la réforme des offices agricoles comporte donc des éléments positifs et négatifs. La réforme, menée en deux temps, n'aboutit pas à un dispositif complètement rationnel et performant. Une fois encore, l'échéance de 2013 pourrait être l'occasion de nouveaux changements, mais elle reste nécessairement entourée de flou.
M. Edward Jossa, président-directeur général de l'Agence de services et de paiement (ASP) . - Initialement, il avait été prévu d'économiser de 700 à 800 ETPT dans la nouvelle agence, mais le schéma était différent car il faisait intervenir les services extérieurs de l'Etat, au niveau départemental en particulier. En définitive, le rôle de ces services extérieurs a été préservé afin de favoriser une relation de proximité avec les agriculteurs.
Concernant l'ASP à proprement parler, la fusion devait permettre la suppression de 291 ETPT. L'année dernière, un audit de l'Inspection générale des finances (IGF) a estimé que les gains attendus de la fusion avaient été surestimés mais qu'en revanche ceux résultants d'une amélioration de la productivité étaient plus importants que prévu. Les objectifs ont donc été revus et globalisés sur une nouvelle période : de 2009 à 2013, 348 ETPT devaient être supprimés, dont 160 sur la seule période 2011-2013. Nous sommes en ligne avec ces objectifs.
En ce qui concerne la fusion, les gains sont réels et ils sont dus, pour une petite partie, au rapprochement des structures, avec la suppression de certains postes de directeurs et de chefs de service, mais les marges de manoeuvre étaient relativement limitées, car notre taux d'encadrement de catégorie A est faible, de l'ordre de 20 %. En cas de réductions supplémentaires, nous risquions un phénomène de sous-encadrement. En fait, l'essentiel des gains est dû à la mise en commun des contrôleurs de l'AUP et du Cnasea. Le contrôle des surfaces cultivées se fait en effet d'août à octobre alors que les contrôles sur les animaux et les contrôles contractuels ont lieu tout le long de l'année. La fusion a donc permis le lissage et la réorganisation des contrôles, ce qui a engendré l'essentiel des gains de productivité.
La rationalisation du parc immobilier a été conforme aux objectifs : de cinquante-deux implantations en région, nous passerons fin 2012 à trente-deux.
Dernière question : l'établissement doit-il demeurer sur deux sites, Montreuil et Limoges ? Très honnêtement, je ne pense pas que l'on puisse nous reprocher une situation de doublon, d'autant que tous les services financiers et les ressources humaines ont été regroupés à Limoges. Les métiers exercés sur ces deux sites sont désormais bien distincts. Restent néanmoins quelques améliorations possibles, notamment pour l'agence comptable, car des agents opèrent des recouvrements et des compensations aussi bien à Montreuil qu'à Limoges. Mais pour rationaliser le processus, il faudrait que les chaînes informatiques soient unifiées, d'où l'intérêt du projet « chaîne comptable unique ». Des gains de productivité sont donc encore possibles, mais sur un nombre limité de postes. La vraie difficulté tient au surcoût intrinsèque engendré par le siège délocalisé : l'encadrement passe 20 000 heures par an dans les transports entre Paris et Limoges.
Nous avons, en revanche, sous-estimé les gains opérationnels permis par la fusion. C'est un point important. Il existait deux systèmes informatiques, Isis et Osiris. En basculant certaines fonctionnalités sur Isis, nous avons réalisé d'importants gains de productivité. Nous avons également amélioré notre rôle d'organisme payeur, ce qui nous a permis de mieux respecter nos obligations communautaires dans de meilleures conditions.
Quand les contrôleurs arrivent dans une exploitation, ils procèdent désormais à plusieurs contrôles en une seule fois, ce qui permet à l'exploitant de ne voir le contrôleur qu'une seule fois. La qualité du service rendu est donc au rendez-vous.
En ce qui concerne les métiers, des gains de productivité sont encore possibles, grâce à la dématérialisation des procédures, notamment pour les contrats aidés. Les 150 000 employeurs de contrats aidés nous enverront leurs données par Internet, ce qui évitera une saisie papier, ce qui rendra possible une réduction de nos effectifs.
Je finirai par quelques observations : le contrat d'objectifs et de performance, dont vous avez parlé, a été signé ce matin même par M. Bruno Le Maire.
La Cour des comptes estime que le budget informatique est élevé : 45 millions d'euros en coûts de fonctionnement pour un investissement de 218 millions. Mais il faudrait comparer le budget informatique au volume de prestations que nous assurons, soit le versement de près de 20 milliards d'euros. Il me semble alors que nos coûts sont tout à fait raisonnables.
Enfin, les coûts liés à la fonctionnarisation sont sensiblement plus élevés qu'initialement prévus : nous tablions sur 5 millions d'euros et il en coûtera probablement le double. Nous estimions en effet que seuls les deux tiers des agents de l'ASP opteraient pour le statut de la fonction publique. En définitive, ils sont 84 % à l'avoir fait. En outre, le coût de la fonctionnarisation doit être revu à la hausse, du fait du compte d'affectation spéciale (CAS) pensions et de la mise en place de la prime de fonction et de résultat. Enfin, pour l'ex-Cnasea, nous avons dû interrompre un système de prévoyance spécifique à l'établissement, ce qui nous a conduits à verser une indemnité de sortie d'environ un million d'euros, mais cette dépense n'intervient que pour une année.
M. Fabien Bova, directeur général de FranceAgriMer . - FranceAgriMer est né de la fusion de neuf offices, chacun ayant sa personnalité, ses systèmes embarqués, son mode de fonctionnement et son type de gestion, y compris indemnitaire. Ces établissements avaient tous une gouvernance professionnelle. Elle est matérialisée par les onze conseils spécialisés qui permettent aujourd'hui à FranceAgriMer de suivre onze filières de l'agriculture et de la pêche.
Nous avons abandonné les organigrammes par filières au profit d'une logique par métiers. Cette évolution s'est réalisée sans rupture de service de nos prestations. En région, l'établissement, de concert avec le ministère de l'agriculture, a placé ses délégations régionales sous l'autorité des préfets de région et des directeurs régionaux du ministère, de manière à conforter le niveau régional. Cette fusion a permis de rassembler les différentes équipes en région et de les placer sous l'autorité du directeur régional, le préfet de région devenant le délégué régional de l'établissement pour sa région. La rationalisation des actions en région est donc effective. Plus de la moitié des directions régionales auront un site commun rassemblant les agents du ministère de l'agriculture, qui exercent l'autorité fonctionnelle, et les agents de FranceAgriMer.
Cette fusion s'est réalisée dans un climat social apaisé, avec un dialogue social plus constructif que revendicatif.
Les systèmes d'information étaient extrêmement nombreux, nous avons lancé une revue exhaustive de tous les processus de l'établissement, afin de modifier l'ensemble de notre système d'information. Comme nous ne pouvions pas arrêter tous les systèmes, nous avons procédé processus par processus. Un schéma directeur est en cours d'élaboration ainsi qu'une « urbanisation » de nos systèmes d'information.
Nous avons entendu les remarques de la Cour sur la mesure de la performance. Aujourd'hui, le processus en cours prévoit une mesure de la performance qui nous permettra de contrôler les gains de productivité.
La création de FranceAgriMer devait permettre une gestion transparente. C'est le cas aujourd'hui, tant sur le plan budgétaire qu'en ce qui concerne la gestion des effectifs.
La réduction des effectifs qui nous était assignée portait sur 210 ETPT d'ici 2013 et non 260. Nous les atteindrons, mais cela représente un effort important, puisque cela représente 15 % des effectifs de l'établissement, soit 3 % par an depuis la fusion jusqu'en 2013.
En ce qui concerne les économies sur les crédits de fonctionnement, vous avez parlé de 15 millions d'euros en 2013 : cet objectif sera satisfait.
J'en viens à la répartition des compétences entre le ministère et FranceAgriMer : je précise qu'en matière d'ordonnancement et de paiement, seul l'établissement est responsable. En aucun cas, les services déconcentrés du ministère ne participent à l'ordonnancement ni au paiement des aides nationales ou européennes.
Les aides nationales peuvent représenter des montants importants en cas de crise notamment. Les aides européennes concernent soit la régulation des marchés, soit des filières plus spécifiques comme la viticulture ou les fruits et légumes. Il peut nous arriver de traiter de sujets importants en matière de crédits communautaires, comme ce fut le cas il y a deux ans lors de la restructuration sucrière, qui s'est élevée à plus d'un demi-milliard d'euros. Si les services du ministère peuvent participer à l'instruction de certaines aides, en particulier pour la gestion de crises, il y a une unicité en termes de gestion comptable et de paiement au niveau de l'établissement.
J'en viens au coût de l'intégration : le montant est plus élevé qu'initialement estimé, notamment en raison du CAS pensions et du coût des agents qui intègrent la fonction publique. Au terme de l'exercice de leur droit d'option, c'est-à-dire le 21 octobre 2011, 712 agents avaient demandé leur intégration dans la fonction publique, soit 65 % des effectifs relevant du statut commun rattachés administrativement à FranceAgriMer.
M. Jean-Marc Bournigal, directeur du cabinet du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire . - Je me félicite que le Sénat ait choisi de s'intéresser aux agences de paiement du ministère, car il s'agit d'un sujet d'importance pour nous, mais aussi pour nos concitoyens qui bénéficient des aides de la PAC.
Je remercie la Cour des comptes pour le travail qu'elle a effectué sur ces quatre établissements, car il nous permet d'améliorer leur fonctionnement. Pour le ministère, ces réformes s'imposaient : une nouvelle organisation devait permettre de clarifier les rôles des organismes payeurs tout en mutualisant les compétences. Comme nous ne pouvions pas nous permettre un ralentissement du paiement des aides aux agriculteurs, l'exercice était périlleux, d'autant que nous devions répondre également aux attentes des autorités communautaires.
Cette réforme a été rapidement mise en place, même s'il y avait eu une phase initiale en amont de la RGPP concernant la rationalisation des offices. Parallèlement, le ministère de l'agriculture a réformé la totalité de son administration centrale et déconcentrée. En dehors des opérateurs des organismes payeurs, les autres opérateurs ont également été restructurés.
Les principaux éléments chiffrés ont été cités : je n'y reviens donc pas. Ils sont déclinés dans le budget triennal 2011 - 2013 et également dans les contrats d'objectifs et de performance signés avec tous les établissements. Ces contrats permettent à l'Etat de définir les missions des établissements et ces derniers disposent alors d'une visibilité sur plusieurs années pour décliner leurs stratégies, autant en termes de personnels que de moyens qui leur sont assignés.
J'en viens à l'existence de quatre opérateurs : l'Odarc, lui, est directement lié au statut particulier de la Corse. L'Odeadom a été maintenue, car il fallait assurer une lisibilité politique des aides à l'outre-mer. En outre, les aides communautaires pour l'outre-mer étant spécifiques avec le POSEI, il était normal de maintenir en place cette structure.
Le plafond global des effectifs de l'ASP est fixé à 2 169 ETPT au 31 décembre 2012, suite aux conclusions de l'audit mené récemment par l'IGF. Pour FranceAgriMer, le plafond est fixé à 1 233 ETPT, ce qui permet à cet établissement d'assurer ses nouvelles missions, notamment l'Observatoire des prix et des marges. L'Odeadom, comme cela a été dit, n'emploie, enfin, qu'une quarantaine de personnes.
La conduite du changement peut prendre du temps, mais elle a été menée tambour battant depuis 2009. Il faut donc savoir être patient. Les effets bénéfiques de l'optimisation des systèmes informatiques ne se sont ainsi pas encore fait sentir mais il y aura des économies. La situation des agents demeure notre préoccupation principale, mais le climat social est désormais apaisé et les options ont été exercées.
En cette période d'économies budgétaires, il faut faire attention à la tentation d'aller prendre des crédits sur les dotations des opérateurs. On croit souvent que ces derniers vivent largement, mais les réformes successives leur ont imposé plus de transparence et une optimisation de leurs ressources, notamment immobilières. Leurs marges sont maintenant calculées au plus juste et c'est un point sur lequel nous sommes très vigilants.
M. Joël Bourdin , rapporteur spécial . - La Cour des comptes recommande de rendre plus cohérent le partage des compétences entre l'ASP et FranceAgriMer. Où en est l'audit RGPP sur FranceAgriMer ? Pourquoi ne rapproche-t-on pas davantage les deux agences ? N'est-il pas possible de réduire le nombre de conseils spécialisés de FranceAgriMer ? Pour répondre à M. Bova, dans le cadre de la RGPP, il était bien prévu en 2008 de réduire de 260 ETP l'effectif de cet organisme, pour une économie de 15,4 millions d'euros : je n'ai pas cité ces chiffres au hasard !
Est-il légitime, monsieur Bournigal, de laisser subsister deux organismes payeurs à compétence territoriale limitée pour la Corse et l'outre-mer ? L'Odeadom ne pourrait-il pas devenir un compartiment de FranceAgriMer ? Peut-être vous heurtez-vous à des résistances venant de l'Assemblée nationale et du Sénat ?
Il y a quelques années, à la suite d'une enquête de la Cour des comptes et d'irrégularités constatées dans le versement des aides de la PAC, j'ai publié un rapport d'information sur les refus d'apurement. Les organismes payeurs n'en sont pas responsables, et c'est donc vers le ministère que je me tourne. Comment compte-t-il faire évoluer les comportements vers une plus grande régularité ?
En ce qui concerne les implantations immobilières des agences, il existe selon la Cour des capacités inutilisées, notamment à l'Arborial de Montreuil. Comment augmenter la densité d'occupation ?
M. Yannick Botrel , rapporteur spécial . - On n'est pas parvenu à faire autant d'économies qu'on le souhaitait sur les dépenses de personnel de l'ASP et de FranceAgriMer. Vous nous avez expliqué pourquoi un peu rapidement. Compte tenu du rattrapage statutaire des agents, peut-on s'attendre à une baisse ou du moins à une stabilisation de la masse salariale ?
Pour les contrats d'objectifs, ils ont été signés, et de façon très récente pour l'ASP. Mais la Cour considère qu'ils ne hiérarchisent pas assez les priorités, et que les objectifs de qualité et de fiabilité comptables, voire de certification, sont insuffisants.
Au sujet des refus d'apurement, j'ai relevé une formule qui m'a troublé et qui s'adresse davantage au ministère. La Cour note ainsi dans son rapport que « ce sont les procédures décidées au niveau ministériel et les comportements qui doivent désormais évoluer vers plus de simplicité et d'efficacité et un plus grand souci de régularité ». M. Bournigal peut-il nous donner des assurances à ce sujet ?
Comment clarifier le rôle des interprofessions, cette spécificité française, et mieux les articuler avec FranceAgriMer ?
M. Fabien Bova . - Le ministère, l'ASP et FranceAgriMer se concertent naturellement sur le partage des rôles, mais c'est une source de cohérence plus que d'économies, car le nombre d'emplois concernés est relativement faible. Nous procéderons à des ajustements dès que ce sera possible au plan administratif et informatique.
Les conseils spécialisés sont le lieu de la gouvernance professionnelle des filières, dans lesquels les représentants de toute la chaîne dialoguent avec le ministère de l'agriculture, mais aussi celui des finances, puisque la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que l'administration des douanes sont représentées. Cette organisation fonctionne au plus grand profit des bénéficiaires. Elle permet de définir des règles partagées, dans l'intérêt des agriculteurs. En revanche, nous avons supprimé chacun des conseils de direction des offices qui ont été regroupés. : Ils ont été utilement remplacés par le conseil d'administration de FranceAgriMer. Le nombre de conseils spécialisés ne doit pas être rapporté à celui des précédents établissements, mais à celui des filières agricoles, qui sont au nombre de onze. Lors d'une enquête de la Cour sur l'office consacré aux plantes à parfum, aromatiques et médicinales, nous avions débattu de ce sujet et étions parvenus à une formulation satisfaisante, qui convenait aux professionnels.
FranceAgriMer est chargé de la gestion de l'Arborial et cherche à en optimiser l'occupation en suivant, avec attention, l'évolution du ratio. Nous y avons accueilli l'Inao. Mais les départs sont aléatoires, et il faut attendre de disposer d'un espace cohérent pour l'offrir à un nouvel arrivant. La ville de Montreuil fait d'ailleurs l'objet d'un classement spécifique bien qu'étant au-delà du périphérique, et les loyers de l'Arborial correspondent aux fourchettes fixées par la circulaire du ministère des finances.
M. Philippe Adnot . - Ils sont assez chers quand même !
M. Fabien Bova . - Les interprofessions sont une spécificité française et représentent une richesse. Leurs missions ont été définies par la loi de 1975 et les textes qui ont créé FranceAgriMer et l'ASP sont très clairs. Elles sont spécifiques, même s'il existe des domaines de compétence croisée où nous intervenons de manière concertée, en apportant éventuellement des cofinancements. Le président de FranceAgriMer et les présidents des conseils spécialisés s'efforcent naturellement de rationaliser les interventions. La raréfaction de l'argent public et la difficulté de prélever des cotisations volontaires obligatoires (CVO) nous y incitent.
M. Edward Jossa . - La qualité comptable est une préoccupation constante pour l'ASP, et nous y travaillons avec notre agent comptable. Il faut faire des progrès avec le ministère sur la comptabilisation des autorisations d'engagement et des crédits de paiement : la gestion des premières est toujours très complexe, et c'est particulièrement le cas lorsque sont concernés l'État, d'une part, et un établissement public, d'autre part, car les méthodologies diffèrent. Le ministère a décidé de confier à la Direction générale des finances publiques (DGFip) et au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) une mission d'audit en vue d'une harmonisation.
La qualité comptable, c'est aussi la qualité des contrôles comptables : nous avons donc entrepris de moderniser notre processus comptable pour passer à un contrôle partenarial, par exemple en ce qui concerne la prime à la vache allaitante. Nous avons déjà validé des pré-requis : deux audits renforcés sur la fiabilité des systèmes, dont les résultats sont positifs. Il s'agit de passer d'un contrôle à l'acte à un contrôle des processus, et j'espère obtenir le feu vert de la DGFip sur le contrôle partenarial avant le début de l'année prochaine, pour la prochaine campagne de versement de cette prime.
M. Fabien Bova . - En ce qui concerne la qualité comptable, nous avons reçu des instructions précises du ministère pour renforcer le contrôle interne. Notre agent comptable parle volontiers d'un « contrôle intelligent de la dépense ».
Quant aux effectifs, je concède à Joël Bourdin qu'il était prévu de les diminuer de 260 ETP et de réaliser ainsi 15 millions d'euros d'économies. En 2013, nous en serons à une réduction de 210 ETP et à plus de 20 millions d'économies. La mission RGPP a d'ores et déjà rendu son rapport, et nous discutons avec le ministère de l'agriculture des suites à y donner : un passage en comité RGPP est prévu. Nous ne pouvons pas en préempter les décisions. En ce qui concerne la masse salariale, l'effort consenti la première année et celui qui est exigé dans le cadre de la programmation triennale ne sont pas de même ampleur. Il faut tenir compte du poids financier de l'intégration dans la fonction publique des agents de l'établissement qui étaient sous d'autres statuts : 4 millions d'euros en 2012 dans le compte d'affectation spéciale « Pensions », ce qui représente 700 000 euros de plus par an, de nouvelles indemnités comme la prime de fonctions et de résultats (PFR), la revalorisation de la grille indiciaire de la catégorie B, etc. Au total, nous ne parvenons pas à l'équilibre entre la hausse des dépenses et la baisse des effectifs.
M. Jean-Marc Bournigal . - Le rapport a montré que la séparation de FranceAgriMer et de l'ASP était pertinente, même si quelques ajustements sont nécessaires. A la suite de l'audit RGPP, un pré-comité de suivi est prévu à la mi-novembre, et un comité de suivi en décembre. Il faut distinguer la question des missions confiées aux deux organismes, qui ne sont pas en cause, de celle de leurs moyens à moyen et long terme ; quoi qu'il en soit, il est trop tôt pour tirer les conséquences de l'audit.
Quant aux conseils spécialisés, ils sont nécessaires pour favoriser la concertation au sein des filières. Toutes les parties prenantes y sont représentées, ce qui n'est pas le cas au sein des interprofessions. Le plus souvent, ces dernières ne représentent que quelques maillons des filières.
Pour faire des économies, faut-il s'attaquer à l'Odeadom ? L'Office a déjà déménagé à l'Arborial, et il n'est pas sûr que l'on retire beaucoup d'argent d'une évolution le concernant. Ses missions ont été recadrées : le conseil des ministres d'aujourd'hui a été l'occasion de dresser un premier bilan des travaux menés l'an dernier par le Conseil interministériel de l'outre-mer. L'Odeadom s'est alors vu confier la charge de 40 millions d'euros supplémentaires pour le développement endogène des départements d'outre-mer. Il a un double rôle de concertation et d'observation économique. Il gère d'ailleurs un programme communautaire spécifique, entièrement distinct de ceux que gèrent FranceAgriMer et l'ASP.
En ce qui concerne les refus d'apurement, je me permettrai d'exprimer mon désaccord avec les formulations proposées : la France est en-dessous de la moyenne européenne, avec 0,93 % de refus contre 1,07 %, alors même que c'est le plus gros payeur d'aides communautaires. Les choses ne sont pas toujours simples, et l'Etat ne décide pas seul de l'application de la politique agricole : il doit se concerter avec les collectivités territoriales et avec les professionnels. Notre territoire est vaste et diversifié, il compte de nombreuses zones défavorisées. Nous avons choisi de préserver cette diversité. Les paiements sont tellement massifs que les dysfonctionnements sont inévitables, mais il n'en reste pas moins que notre système est assez performant. D'ici 2013, dans le cadre de la renégociation de la PAC et de la politique de cohésion, le Gouvernement entend simplifier autant que possible les procédures, mais celles-ci ne peuvent être les mêmes pour tous les territoires.
M. Joël Bourdin , rapporteur spécial . - Que la France ne soit pas le plus mauvais élève en ce qui concerne la correction des dépenses au titre de l'apurement, je le veux bien. Mais le taux de refus reste très supérieur à celui du Royaume-Uni, de l'Allemagne ou du Danemark, et il est au-dessus de la moyenne.
M. Jean-Marc Bournigal . - Mais la moyenne est à 1,07 %.
M. Joël Bourdin , rapporteur spécial . - En tenant compte de la pondération liée à la Grèce et à l'Italie !
Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Et cela dépend de la proportion des aides.
M. Jean-Marc Bournigal . - Le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Danemark ont fait le choix de la régionalisation et de l'aide unique à l'hectare. Notre système est beaucoup plus complexe, et gère des masses financières beaucoup plus importantes : il me paraît donc assez efficace.
Le ministère de l'agriculture met cependant toute son énergie à lutter contre les refus d'apurement : toute décision passe par une boucle juridique particulière, et nous discutons avec les opérateurs pour appliquer les recommandations de la Cour des comptes.
M. Gérard César , rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire . - Je remercie la commission des finances d'avoir associé à cette réunion passionnante la commission de l'économie.
En tant que rapporteur de la loi d'orientation agricole de 2006, j'avais défendu un amendement tendant à fusionner l'AUP et le Cnasea, et je me désole que l'ASP ait aujourd'hui deux sites : les déplacements entre Limoges et Montreuil constituent une perte de temps et d'argent. Qu'entendez-vous faire pour les rapprocher, et dans quel délai ?
M. Jean-Paul Emorine . - Je partage l'interrogation de Gérard César. En France, le nombre d'exploitations agricoles est en baisse constante : les véritables exploitations sont aujourd'hui environ 400 000. Or, si les implantations de FranceAgriMer correspondent bien à celles des directions régionales de l'agriculture et de la forêt, l'ASP dispose de vingt-neuf sites, bientôt vingt-six. Comment rationaliser ces implantations, pour que le monde agricole en ait une vision claire ? Pourquoi ne pas privilégier l'échelon régional, même si les directions départementales des territoires jouent encore un rôle ?
M. Jossa a dit tout à l'heure que des agents passaient des heures dans le train pour aller de Montreuil à Limoges. C'est du temps perdu ! N'est-il pas temps de créer un site rassemblant tous les services, sans pour autant les fusionner ?
M. Edward Jossa . - Pour ce qui est de notre double implantation à Limoges et Montreuil, je ne vois pas de solution : comment revenir sur la délocalisation, alors que nous avons créé des emplois à Limoges et que la ville a contribué au financement de notre siège ? Les délocalisations sont, de plus, toujours douloureuses, et on perd une part importante des effectifs en cours de route.
Mme Bernadette Bourzai . - Et ils y sont aussi bien qu'à Paris !
Mme Renée Nicoux . - Pourquoi ne pas délocaliser tous les services à Limoges ?
M. Edward Jossa . - Dans ce cas, nous perdrions tous les informaticiens implantés à Paris, alors que nous avons le plus grand mal à les recruter au niveau de compétences requises. Encore une fois, le déménagement du Cnasea d'Issy-les-Moulineaux à Limoges a fait partir 250 agents ! Heureusement, entre la décision du gouvernement d'Edith Cresson et le déménagement effectif, il s'est passé douze ans qui ont permis de recruter progressivement de nouveaux agents.
La solution passe aujourd'hui par le recours à de nouvelles technologies comme la visioconférence, mais il faut pour cela aménager à Montreuil des salles qui ne sont pas prises en compte dans les ratios d'occupation des locaux. Nous nous efforçons en outre de limiter nos déplacements au minimum, et pour le reste nous attendons avec impatience l'arrivée du TGV à Limoges !
M. Jean-Marc Bournigal . - Le ministère de l'agriculture est aussi chargé de l'aménagement du territoire, et je puis vous dire qu'il est hors de question de revenir sur les délocalisations : nous poussons même plutôt en sens inverse. La visioconférence est une solution, qui s'impose aussi bien au ministère pour ses communications entre Paris et Toulouse, entre les services centraux et déconcentrés, ou avec les ambassades.
A l'Arborial, nous aurions pu dénoncer le contrat, mais nous avons plutôt choisi de densifier le site. Le problème est que les départs d'agents de FranceAgriMer s'échelonnent dans le temps, et que l'installation de nouveaux services suppose qu'il soit possible de dégager des plateaux assez larges. L'Inao a déjà été transféré à Montreuil, et d'autres services devraient suivre. Le ministère libérera des sites lorsque sera construit son nouveau bâtiment du douzième arrondissement de Paris.
M. Edward Jossa . - Il est important pour l'ASP de conserver un site dans chaque région, car elle travaille aussi avec les conseils régionaux, notamment au sujet des stagiaires de l'enseignement professionnel et des apprentis. Environ 60 % de nos effectifs sont affectés à l'activité régionale de l'agence, et les régions sont très attachées à cette présence. Les délégations régionales sont aussi le point d'attache des contrôleurs : c'est l'échelon adapté en termes de distances à couvrir.
Enfin, le problème de la visibilité pour le monde agricole est limité, car ce sont les directions départementales du ministère qui gèrent le front office , le contact direct avec les agriculteurs ; le département est d'ailleurs le bon échelon de proximité.
Mme Marie-France Beaufils , présidente . - M. le président Descheemaeker veut-il conclure ?
M. Christian Descheemaeker . - Je prends note de ce qui a été dit au sujet des refus d'apurement. Il y a encore des marges de progression, et il vaut mieux regarder la tête de classe que les mauvais élèves ! Les sommes en jeu avoisinent les 100 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable.
Mme Marie-France Beaufils , présidente. - Il me reste à vous remercier.
La commission autorise, à l'unanimité, la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte-rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.