(2) Une moindre économie nette dans le cas des dépenses de personnel

Les économies en dépenses de personnel représentent l'un des objectifs essentiels de la RGPP et sont largement mises en avant par le Gouvernement pour justifier son action. Or, en la matière, les hypothèses paraissent optimistes et sont prises en défaut par les mesures d'accompagnement décidées par le Gouvernement dans le cadre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Ainsi que l'a rappelé devant la mission M. Jean-Marie Bertrand, rapporteur général du comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, un récent rapport de la Cour , remis en octobre 2010 à la commission des finances de l'Assemblée nationale 33 ( * ) , permet de mieux saisir les mécanismes à l'oeuvre et les enjeux budgétaires de cette question.

En 2009, l'économie brute engendrée par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux a été évaluée à 860 millions d'euros .

Toutefois, le Président de la République, à l'occasion de son discours sur la RGPP du 4 avril 2008, a fixé la règle selon laquelle la moitié des économies budgétaires réalisées du fait de la réduction du nombre de postes de fonctionnaire est redistribuée aux agents . Cet engagement présidentiel est depuis lors mis en oeuvre à travers l'affectation des sommes en cause à des mesures dites « catégorielles » (c'est-à-dire bénéficiant à une catégorie d'agents) et à des mesures diverses qu'on peut y assimiler (par opposition à des mesures générales du type revalorisation du point d'indice).

En théorie , la rétrocession de ces gains aurait donc dû atteindre 430 millions d'euros (soit la moitié des 860 millions d'euros d'économies brutes réalisées), via les mesures catégorielles.

Toutefois, le rapport de la Cour des comptes établit que ce « retour » aux agents s'est en réalité élevé à environ 700 millions d'euros .

Ce montant résulte, d'une part, des mesures catégorielles, qui ont représenté une enveloppe totale de 550 millions d'euros . En effet, aux 430 millions d'euros initialement prévus se sont ajoutés 120 millions d'euros au titre de réformes statutaires antérieures à la mise en oeuvre de la règle du non-remplacement d'un départ en retraite sur deux. Il s'agit, par exemple, de la réforme des corps et carrières des personnels actifs de la police nationale ou de la rénovation de la grille des personnels militaires. D'autre part, des mesures liées aux restructurations des services et menées dans le cadre de la RGPP ont occasionné, au total, un versement supplémentaire d'environ 150 millions d'euros (primes de mobilité, indemnités de départ et autres).

Ainsi, il convient de bien distinguer l'économie brute réalisée grâce au non-remplacement d'un départ en retraite sur deux et l'économie nette résultant de l'imputation sur l'économie brute de la rétrocession d'une partie des gains réalisés. Cette économie nette n'est pas de 430 millions d'euros comme le prévoyaient les hypothèses du Gouvernement, mais de seulement 160 millions d'euros . Il faut en effet minorer l'économie brute (860 millions d'euros) de la totalité des « retours » aux agents (700 millions d'euros).

Cette minoration mise en lumière pour 2009 par la Cour des comptes vaut également pour 2010 et 2011 dans des proportions comparables. Le tableau ci-dessous présente ainsi, pour mémoire, l'impact sur ces deux exercices des principales mesures catégorielles décidées.

L'impact des principales mesures catégorielles

Source : direction du budget

L'évaluation des économies réalisées grâce à la « règle du un sur deux » doit donc être assez largement minorée dans une analyse de court terme (c'est-à-dire d'un exercice budgétaire à l'autre).

Toutefois, une autre approche est également mise en avant par le Gouvernement. En effet, si l'on prend en compte l'ensemble des coûts sur une vie professionnelle (c'est-à-dire en tenant compte de l'ensemble de la carrière et de la retraite qui s'ensuit), la suppression de 150.000 emplois au sein de l'administration d'Etat, entre 2007 et 2012, correspondrait, selon M. Georges Tron, alors secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, à 170 milliards d'euros d'économies sur les 40 prochaines années.

Cette estimation relativise les gains plutôt modestes réalisés sur un seul exercice budgétaire. Elle se fonde sur une approche dynamique de la gestion des ressources humaines de l'Etat mais, une fois encore, aucune précision n'est apportée pour justifier ce chiffrage. Lors de son audition par la mission 34 ( * ) , M. Georges Tron, alors secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, s'est borné à indiquer que « si l'on pense que la carrière d'un agent de la fonction publique c'est 1.300.000 euros, un million en catégorie C et un million et demi en catégorie A+, on comprend que les économies réalisées sur 40 ans sont considérables ».


* 33 Enquête sur la masse salariale de l'Etat, demandée par la commission des finances de l'Assemblée nationale, en application de l'article 58-2 de la LOLF (octobre 2010).

* 34 Audition du 3 mars 2011.

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