2. Le financement de la nouvelle ingénierie publique
a) La fin de l'ingénierie publique : un « transfert rampant » ?
Le désengagement de l'Etat incite les collectivités à se doter de leurs propres outils d'ingénierie, comme en témoigne l'exemple des départements et de leurs agences techniques départementales. Ainsi, M. Jacques Pélissard, président de l'AMF, a rappelé devant votre mission que « dans les zones rurales, l'ingénierie publique [...] a purement et simplement disparu ! [...] Les conséquences sont financières. Certains départements ont créé une agence départementale au service de toutes les communes ; des bureaux d'études intercommunaux ont été mis en place. Dans mon intercommunalité, qui compte 33.000 habitants, nous avons ainsi mutualisé un bureau, mais avec un coût supplémentaire. L'Etat allège son dispositif sur le terrain : tant mieux pour les finances publiques d'Etat ; mais les finances publiques locales supportent un poids nouveau . » 197 ( * ) .
En d'autres termes, la décision de l'Etat de réduire le champ de l'aide qu'il apportait aux collectivités territoriales, depuis de nombreuses décennies, en matière d'ingénierie publique, se traduit par une hausse des dépenses de ces dernières, ce qui renvoie à la problématique des « transferts rampants ».
En effet, la mise en place d'agences techniques départementales relève du principe de libre administration des collectivités et ne s'apparente pas à une obligation légale pour les conseils généraux. A ce titre, les départements ne peuvent prétendre à une compensation financière de la part de l'Etat, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. C'est pourquoi votre mission estime que la fin de l'ingénierie publique s'assimile à un transfert rampant, dont il faut prévoir les sources de financement.
b) Quel financement pour cette nouvelle ingénierie ?
Doit être distingué le cas des départements de celui de l' intercommunalité pour définir le financement auquel ces collectivités pourraient prétendre.
Comme votre mission l'a proposé précédemment, les conseils généraux qui le souhaiteraient pourraient demander, à titre expérimental, de gérer l'ATESAT . Ce transfert ferait l'objet d'une convention qui préciserait les modalités du transfert ainsi que le financement. Dans ce cadre, les conseils généraux pourraient bénéficier d'une dotation budgétaire de l'Etat, reposant sur les principes définis par le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.
Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution Le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose que « tout transfert entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui lui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Ainsi, de cet article découlent deux dispositifs de compensation différents : - la compensation des compétences transférées par l'Etat : selon les dispositions du premier alinéa de l'article L. 1614-4 du CGCT, les charges transférées aux collectivités sont compensées soit par le transfert d'impôts d'Etat, conformément au principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales, soit par les ressources du fonds de compensation de la fiscalité transférée (FCFT), soit par la dotation générale de décentralisation (DGD) ; - le financement des compétences créées ou étendues : ce régime est moins protecteur que le précédent. La loi doit en effet prévoir un accompagnement financier des compétences créées ou étendues, mais ne fixe pas de seuil. Toutefois, une décision du Conseil constitutionnel 198 ( * ) a jugé que, pour bénéficier d'un accompagnement budgétaire de l'Etat, les compétences considérées doivent être obligatoires, entièrement nouvelles ou entraîner un accroissement de périmètre ou de volume financier. |
Afin de favoriser le transfert de certaines compétences communales liées au droit de l'urbanisme aux communautés de communes ou aux communautés d'agglomération dont elles sont membres, votre mission propose une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF), comme outil d'intégration supplémentaire des EPCI. Par ailleurs, un tel transfert permettrait de renforcer la cohérence de l'application des permis de construire et du droit des sols sur un espace plus pertinent.
Proposition n° 44 : Financer le transfert de l'ATESAT aux départements assurant cette compétence à titre expérimental et prévoir une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les EPCI prenant en charge l'ingénierie territoriale de leurs communes membres. |
* 197 Audition du 23 mars 2011.
* 198 Conseil constitutionnel, Décision 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale.