N° 665

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juin 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur l' élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) ,

Par M. Claude BELOT, Mme Jacqueline GOURAULT et M. Dominique BRAYE

Sénateurs.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : M. Claude Belot, président ; MM. Dominique Braye, Philippe Dallier, Yves Krattinger, Hervé Maurey, Jacques Mézard, Jean-Claude Peyronnet, Bruno Sido, Jean-François Voguet, v ice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, secrétaires ; M. Jean-Michel Baylet, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Bérit-Débat, Pierre Bernard-Reymond, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Gérard Collomb, Jean-Patrick Courtois, Yves Daudigny, Yves Détraigne, Éric Doligé, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Didier Guillaume, Pierre Hérisson, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Claude Jeannerot, Antoine Lefèvre, Roland du Luart, Jean-Jacques Mirassou, Rémy Pointereau, François Rebsamen, Bruno Retailleau, René Vestri, Mme Dominique Voynet .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, la représentation nationale a dessiné les contours d'un nouveau paysage pour l'organisation décentralisée de notre République.

Appelée à connaître son aboutissement au milieu de la présente décennie, cette démarche est soumise à une feuille de route qui fait de 2011 une année charnière pour l'un des cadres essentiels d'exercice de la démocratie locale : l'intercommunalité.

C'est en effet avant le 31 décembre de cette année que doivent être arrêtés les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), sur la base desquels seront ensuite réalisés, pour reprendre les propres termes du législateur, « l'achèvement et (la) rationalisation de la carte de l'intercommunalité » de notre pays.

L'élaboration de ces schémas a été confiée aux préfets. En ce milieu d'année, ceux-ci ont, pour la plupart, remis leurs projets, qui sont désormais soumis aux élus : les conseils municipaux et les organes délibérants des intercommunalités et syndicats mixtes concernés ont trois mois pour rendre un avis ; chaque projet sera ensuite officiellement présenté à la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), qui pourra l'amender à la majorité des deux tiers.

Le Sénat, et tout particulièrement sa délégation aux Collectivités territoriales, se devait de relayer, au niveau national, les réactions (interrogations, attentes, craintes, points de satisfaction...) avec lesquelles les élus locaux ont accueilli, dans chaque département, les propositions du représentant de l'État.

Tel est l'objet du présent rapport qui rend compte :

- des témoignages apportés par les membres de votre délégation au cours de sa réunion du 21 juin 2011, spécifiquement consacrée aux réactions des élus locaux et à la conclusion de laquelle le Président du Sénat, M. Gérard LARCHER, a personnellement participé, marquant ainsi tout l'intérêt qu'il porte, et que porte notre assemblée, à l'avenir de l'intercommunalité ;

- de la réaction de l'Association des maires de France (AMF) ;

- de celle de l'Association des communautés de France (AdCF).

Ces trois points font respectivement l'objet d'une communication spécifique de l'un de vos rapporteurs.

Claude BELOT Jacqueline GOURAULT Dominique BRAYE

LE CONTEXTE GÉNÉRAL AU LENDEMAIN DE LA PRÉSENTATION DES PROJETS DE SCHÉMAS DÉPARTEMENTAUX DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE

Communication de M. Claude BELOT

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a fixé au 31 décembre 2011 la date-butoir impartie aux préfets pour arrêter les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI).

Ces schémas s'inscrivent dans la perspective de ce que le législateur a appelé « l'achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale », prévus pour le 1 er juin 2013 et embrassant un triple objectif  :

- la couverture intégrale du territoire national par des EPCI à fiscalité propre (sauf pour les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) ;

- la suppression des enclaves et des discontinuités territoriales (sauf, dans une certaine mesure, pour les quatre départements précités) ;

- la rationalisation des périmètres des EPCI et des syndicats mixtes. A ce titre, peuvent être prévues la création, la transformation, la fusion ou la modification des périmètres d'EPCI, ou encore, pour les syndicats de communes ou syndicats mixtes, leur suppression, transformation, ou fusion.

En ce milieu d'année 2011, les préfets ont, pour la plupart, déposé leurs projets. L'élaboration des SDCI entre donc dans sa phase de concertation officielle avec les élus.

Sans vouloir aucunement anticiper sur les avis qui seront formellement émis par ces derniers (dans le cadre des conseils municipaux ou organes délibérants des EPCI et syndicats mixtes concernés comme dans le cadre de chaque CDCI), le Sénat, et tout particulièrement sa délégation aux Collectivités territoriales, se doit de relayer, au niveau national, les premières réactions avec lesquelles les élus locaux ont accueilli, dans chaque département, les propositions du représentant de l'État.

Les témoignages recueillis à cet égard, en particulier ceux des sénateurs ainsi que des responsables des associations d'élus, autorisent un double constat :

- d'une part, la première phase de la préparation des SDCI, à savoir celle de l'élaboration des projets, s'est déroulée dans des conditions globalement satisfaisantes, du fait notamment des consignes précises adressées aux préfets ;

- d'autre part, et malgré cette bonne préparation, le dépôt des projets de SDCI a suscité quelques inquiétudes chez certains élus. De telles réactions, pour la plupart parfaitement compréhensibles, étaient sans doute inévitables : on n'imagine pas qu'une redistribution des cartes de l'ampleur de celle qui est envisagée s'effectue sans susciter ni interrogation, ni appréhension, ni même, dans une certaine mesure, opposition. On peut cependant espérer que la suite du processus permettra de les dissiper dans une large mesure pour parvenir à des schémas aussi consensuels que possible.

I. La préparation des projets de SDCI par les préfets a obéi à un « mode d'emploi » précis

Qu'il s'agisse des orientations générales fixées par le législateur ou des instructions données par le Gouvernement, en particulier par le ministre de l'Intérieur et par celui chargé des Collectivités territoriales, les préfets ont été soumis à une panoplie de consignes étoffées et précises, de nature à assurer la meilleure acceptation possible des projets de SDCI. Ces consignes ont porté à la fois sur le contenu des projets à élaborer et sur la méthode pour y parvenir, délibérément et largement ouverte à la concertation.

A. Des orientations claires sur le contenu des schémas

La loi du 16 décembre 2010 a fixé plusieurs orientations à prendre en compte par chaque SDCI ; le Gouvernement, notamment dans une circulaire cosignée le 27 décembre 2010 par le ministre de l'Intérieur et le ministre chargé des Collectivités territoriales, en a détaillé le contenu, contribuant opportunément à la bonne lisibilité de la « feuille de route » des préfets et à une mise en oeuvre harmonisée sur l'ensemble du territoire national.

Ces orientations sont au nombre de six :

- le principe selon lequel chaque EPCI à fiscalité propre doit regrouper au moins 5 000 habitants - ce seuil ne s'appliquant pas en zone de montagne et pouvant être abaissé par le préfet pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces. La circulaire du 27 décembre 2010 a précisé cette dernière notion en indiquant qu'elle recouvrait notamment les cas d'insularité, d'existence d'une frontière physique majeure ou de très faible densité démographique ;

- une amélioration de la cohérence spatiale des EPCI à fiscalité propre , au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l'INSEE, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale (étant précisé, selon la circulaire du 27 décembre 2010, qu'il n'y a pas obligation à ce que ces périmètres soient automatiquement convertis en périmètres intercommunaux). La circulaire a fort opportunément appelé les préfets qui jugeraient nécessaire de s'affranchir « des frontières administratives départementales voire régionales » à coordonner, le plus en amont possible, leurs propositions avec les travaux menés par les préfets des départements limitrophes ;

- l'accroissement de la solidarité financière , notamment, précise la circulaire « en ce qui concerne le rattachement de communes isolées à des intercommunalités ». Et d'ajouter, contribuant à « cadrer » davantage la mission impartie aux préfets : « il conviendra de prendre en compte de préférence les EPCI qui sont déjà à forte intégration fiscale (fiscalité professionnelle unique) et de veiller globalement à une intégration fiscale plus poussée des EPCI à fiscalité propre » ;

- la réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes au regard en particulier de l'objectif de suppression des double-emplois entre des EPCI ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes. La consigne a été donnée aux préfets par le Gouvernement de veiller à ce que cette réduction soit « très significative ». Pour ce faire, la circulaire précise : « il vous appartiendra d'apprécier d'une part leur activité réelle, en considérant le nombre de compétences transférées au regard de leur mise en oeuvre effective, et d'autre part la cohérence de leurs périmètres en recherchant la possibilité de transférer leurs attributions à des EPCI à fiscalité propre, notamment lorsque les périmètres sont proches. Vous vous attacherez à cibler votre action sur les communes qui sont membres d'un nombre élevé de syndicats sans que cette situation apparaisse justifiée. En effet 61 % des communes sont membres de 4 syndicats ou davantage et 1 100 communes sont membres de plus de 9 syndicats. Il vous reviendra notamment, mais pas seulement, de recenser ceux d'entre eux qui n'exercent aucune activité depuis deux ans... » ;

- le transfert des compétences exercées par les syndicats de communes ou les syndicats mixtes à un EPCI à fiscalité propre ;

- la rationalisation des structures en matière d'aménagement de l'espace, de protection de l'environnement, et de respect du développement durable .

Pour suivre au mieux ces orientations, la circulaire du 27 décembre 2010 appelle les préfets à conduire « une expertise sur la base de critères objectifs pertinents, notamment statistiques, cartographiques, géographiques et économiques (prise en compte des bassins de vie, des unités urbaines voire des aires urbaines, des déplacements domicile-travail....). ». Elle leur rappelle qu'ils disposent à cette fin d'accès à différentes bases de données, gérées par la DGCL, la DATAR... et qu'ils peuvent solliciter, à compter du 10 janvier 2011, les directions régionales de l'INSEE (celles-ci pouvant mettre à la disposition des préfets « un dossier type, établi au niveau départemental, comportant des indicateurs communaux ou par EPCI, et les cartes associées, dont la liste figure en annexe, conçu pour vous permettre de dresser un état des lieux de l'intercommunalité au regard des objectifs assignés par la loi à l'élaboration du SDCI et d'alimenter la réflexion sur les périmètres pertinents »).

B. Une démarche largement ouverte à la concertation avec les élus

Cette concertation a d'abord été voulue par le législateur lui-même, qui a notamment, à cette fin, renforcé les pouvoirs des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI). La loi de 2010 prévoit ainsi un processus de concertation officiel en trois étapes :

- une fois élaboré par le préfet, le projet de SDCI du préfet doit être transmis pour avis aux conseils municipaux et aux organes délibérants des EPCI et syndicats mixtes concernés par les propositions de modification. Ils disposent de trois mois pour se prononcer ;

- le projet est ensuite transmis à la CDCI, à laquelle sont impartis quatre mois pour se prononcer. La CDCI, à la suite d'une innovation notable de la loi de décembre 2010, dispose d'un pouvoir d'amendement sur le projet de SDCI dans lequel doivent être intégrées les propositions de modification qu'elle adopte à la majorité des deux tiers de ses membres ;

- enfin, le schéma est arrêté par décision du préfet. Il devra faire l'objet d'une révision tous les six ans, en suivant la même procédure.

Le Gouvernement a attaché une importance particulière à l'esprit de concertation avec les élus qui doit présider à l'élaboration des SDCI. La circulaire du 27 décembre 2010 en appelle ainsi aux préfets dans des termes dépourvus de toute ambiguïté : « vous conduirez ce large travail de réflexion et de concertation pour la recomposition de la carte intercommunale, en associant les élus les plus concernés (notamment les parlementaires, les membres du conseil général, l'association représentative des maires dans le département) afin de connaître leurs projets  et, plus généralement, l'ensemble des interlocuteurs intéressés au débat (représentants du monde socio-économique). Je tiens tout particulièrement à ce que cette concertation soit approfondie, car la réussite de ce volet de la réforme des collectivités territoriales suppose que les échanges avec les élus aient lieu suffisamment en amont pour que le consensus qui a globalement prévalu dans la discussion parlementaire sur les objectifs de la révision de la carte intercommunale se prolonge sur le terrain. »

Il convient de noter que, bien que la loi ne l'exige pas formellement, les préfets ont eu pour consigne de mener cette concertation dès le début de leurs travaux, autrement dit avant la phase officielle et ce afin de présenter des projets de SDCI aussi consensuels que possible : « Vous pourrez aussi, préalablement à leur présentation à la CDCI, évoquer les perspectives du schéma à l'occasion d'une séance du comité de l'administration régionale. (...) Vous pourrez, le cas échéant, étudier, en complément du projet de schéma soumis au processus de consultation, des projets de « variantes ». Ces dernières pourraient, soit constituer des projets d'amendements au schéma que la CDCI a la faculté d'adopter à la majorité des deux-tiers de ses membres, soit vous servir ultérieurement pour proposer, faute de pouvoir mettre en oeuvre l'intégralité du schéma, à la CDCI des projets alternatifs ».

C'est d'ailleurs ce souci de concertation en amont qui explique que, dans certains départements, les projets de SDCI aient été présentés avec un léger retard par rapport au calendrier initialement envisagé. Votre Délégation n'y voit pas là matière à grief et constate d'ailleurs que cette concertation officieuse a permis de lancer sur les meilleures bases la phase dans laquelle est aujourd'hui entré le redécoupage des intercommunalités : celle de la concertation officielle.

Enfin, une circulaire du 22 avril 2011, cosignée par les ministres de l'Intérieur et des Collectivités territoriales, a ajouté une nouvelle pierre à cet édifice : rappelant aux préfets qu'ils disposeront de prérogatives exceptionnelles à compter du 1 er janvier 2012, elle les invite à les mettre à profit pour améliorer le projet de schéma après la date-butoir du 31 décembre 2011 lorsque la situation dans un département semblera le justifier. Ce texte insiste cependant, conformément à l'esprit de la loi, sur le caractère exceptionnel d'une telle initiative, qui doit être soumise au cabinet du ministre chargé des Collectivités territoriales et uniquement motivée par « la situation locale et la qualité du débat en cours » et « dans la mesure où (un délai supplémentaire) permettrait de dégager une plus large majorité autour du projet de schéma sans compromettre le succès de la démarche ».

II. Le dépôt des projets de SDCI a néanmoins suscité quelques inquiétudes que l'écoute et la concertation devraient largement apaiser

A. Des facteurs de tension...

Malgré l'esprit de concertation qui a présidé à leur élaboration, les projets de SDCI ont donné lieu à des manifestations d'inquiétude, voire à certaines critiques . Ces facteurs de tension sont essentiellement de trois ordres :

1 er facteur de tension : la peur de l'inconnu

Cette peur de l'inconnu peut porter sur les conséquences politiques que des fusions d'EPCI pourraient avoir. L'exemple peut ainsi être donné de la crainte, dans certains territoires, de devoir reconsidérer la composition du bureau de l'EPCI et de remettre ainsi en cause un équilibre subtil difficilement obtenu.

La peur de l'inconnu peut aussi être d'ordre managérial : la réduction annoncée du nombre d'EPCI a d'abord fait réagir les organisations syndicales, qui y ont vu comme corollaire la suppression de nombreux services communaux et intercommunaux. Ces inquiétudes sont désormais relayées par de nombreux élus ce qui, dans certains départements, peut aggraver les tensions.

2 e facteur de tension : la peur de la « mésunion »

Il s'agit là des réticences que certaines communes ou EPCI peuvent éprouver face à la perspective d'un « mariage » avec telle commune ou tel EPCI : la crainte d'être associé à une commune qui a toujours désiré faire cavalier seul ; dans des EPCI comprenant une très grande ville, une certaine appréhension quant à l'équilibre des relations qui pourront s'instaurer avec la commune centre ; la peur du « fossé de vie », autrement dit l'idée de n'avoir aucun point commun avec d'autres communes et donc de ne pouvoir construire une véritable communauté de projet...

3 e facteur de tension : la peur du gigantisme

Les projets de SDCI prévoient assez peu de créations d'intercommunalités de grande taille.

Président d'une communauté qui dépasse largement la centaine de communes, et dont il a la faiblesse de penser qu'elle fonctionne plutôt bien, votre rapporteur n'est pas de ceux qu'inquiètent de telles perspectives.

Néanmoins, le fait est là : les quelques propositions tendant à créer de grandes intercommunalités suscitent parfois des inquiétudes. Les arguments des élus réticents face aux EPCI « grand format » se placent sur deux terrains principaux pour faire valoir leurs objections :

- le terrain de la gouvernance , au sens où, selon eux, il serait difficile de faire fonctionner efficacement un conseil à partir d'un certain nombre de membres. Cette considération ne semble cependant pas dirimante, puisque, comme pour toute assemblée, le travail au sein des conseils communautaires peut parfaitement s'organiser autour de celui de commissions constituées en leur sein ;

- l'impératif de proximité : les très grandes intercommunalités ont d'abord pour objet de conduire des politiques structurantes (logement, développement économique...) et ne sont que très rarement chargées de compétences de proximité (compétence scolaire, par exemple). Les élus réticents face à la perspective d'intercommunalités grand format redoutent donc que les communes membres de celles-ci se retrouvent contraintes d'assumer elles-mêmes lesdites compétences, ce qui constituerait un recul de la mutualisation aux antipodes de l'esprit de la réforme de 2010. Il pourrait cependant y être répondu par des « coopérations renforcées » entre des communes de ces grandes intercommunalités sous la forme de syndicats (SIVOM ou SIVU).

B. ... que la nouvelle phase dans laquelle est entrée la préparation des SDCI devrait contribuer à dissiper

Nonobstant les facteurs de tension ci-dessus présentés (et d'ailleurs non exhaustifs), les témoignages recueillis par votre Délégation invitent plutôt à l'optimisme sur l'acceptation par les élus locaux des SDCI dans leurs versions définitives.

Si, bien entendu, l'unanimité relève du domaine de la chimère, trois éléments conduisent à cette conclusion positive :

1.  Malgré les critiques qui ont été émises, les projets de SDCI sont globalement bien accueillis par les responsables locaux

Certes, comme l'a souligné notre collègue Jacqueline GOURAULT, il est difficile de donner une opinion nationale globale sur ces projets, tant les situations sont diverses. Cela l'est d'ailleurs d'autant plus pour l'AMF que celle-ci n'a pas, à ce jour, dressé un panorama exhaustif des difficultés rencontrées : pour cela, rendez-vous est pris pour le 28 juin avec les présidents des associations départementales de maires et les rapporteurs de CDCI. Dans cette perspective, Mme GOURAULT s'est livrée à une appréciation forcément prudente et que l'on peut qualifier de nuancée. C'est ainsi, notamment, qu'elle a jugé que les fusions d'EPCI étaient « le plus souvent justifiées » mais posaient certaines questions : l'avenir du personnel, la reprise de certaines compétences, les effets sur les dotations de péréquation... Elle s'est néanmoins déclarée tout à fait optimiste.

Cet optimisme a été également exprimé par notre collègue Dominique BRAYE au nom de l'AdCF. Celle-ci avait, dès le 12 mai, salué le « souci de pragmatisme et de dialogue » ayant présidé à l'élaboration des projets de SDCI. Elle avait également relativisé certains facteurs de tension tels que la peur du gigantisme, soulignant que de très grandes communautés n'étaient proposées que dans « des cas très rares ». Par la voix de M. Dominique BRAYE, elle souligne aujourd'hui de nouveau l'« effort réel de concertation préalable par les préfets » et délivre un satisfecit sur plusieurs points : l'attachement des préfets à limiter les démembrements des communautés existantes ; le travail, globalement de grande qualité, conduit sur les syndicats intercommunaux...

Pour autant, l'AdCF met, elle aussi, le doigt sur des difficultés (dont certaines sont aussi soulignées par l'AMF), par exemple sur la difficulté à disposer de simulations fiables sur les conséquences financières de la recomposition des périmètres ou sur certains « contre-exemples » locaux : quelques projets d'intercommunalités « grand format » (Nord, Lot, Pas-de-Calais...) « négligeant parfois le caractère opérationnel et « gouvernable » » ; des divergences, forcément très problématiques, entre les projets des préfets concernés dans le cas de certains EPCI interdépartementaux (Vaucluse/Bouches-du-Rhône pour le sud Luberon)...

2. Les pouvoirs publics ont clairement fait la preuve de leur volonté de prendre en considération les inquiétudes émises par les élus locaux

C'est ainsi, par exemple, que le ministre chargé des relations avec les collectivités territoriales s'est engagé devant le Sénat, le 7 juin dernier, à régler, dans le cadre du projet de loi sur le renforcement de la démocratie locale (dit n° 61), sans doute à l'automne prochain, la question, soulevée notamment par l'AMF et l'AdCF, de l'application immédiate des nouvelles règles relatives aux bureaux des EPCI.

De même, la question des implications des fusions d'EPCI sur les dotations de l'État n'a pas échappé au Gouvernement ; une initiative a par exemple déjà été annoncée pour régler le problème de l'effet de seuil de population au niveau de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Ces exemples traduisent un état d'esprit coopératif et constructif, un souci de recherche du consensus. Les discussions tenues au sein de votre Délégation seront en outre, évidemment, portées à la connaissance du Gouvernement qui pourra ainsi examiner (avec un oeil que l'on peut supposer bienveillant) les problèmes soulevés, les craintes émises et certaines requêtes : souhaits de simulations sur les conséquences financières des redécoupages, avancement de deux ans (2015 plutôt que 2017) de la clause de revoyure pour actualiser les SDCI... A cette fin, les principaux points mis en avant par les sénateurs lors de la réunion de votre Délégation font l'objet de conclusions spécifiques de vos trois rapporteurs (cf. ci-après : « Les conclusions de votre Délégation »).

3.  Les projets des préfets peuvent encore, dans chaque département, donner lieu à correction

D'abord, comme on l'a rappelé, les CDCI disposent d'un pouvoir d'amendement, dont l'exercice suppose cependant de réunir la majorité des deux tiers (ce qui, selon l'AdCF, correspond à des capacités « extrêmement inégales » selon les départements).

Par ailleurs, comme l'a souligné M. le ministre chargé des Collectivités territoriales, notamment devant le Sénat le 7 juin 2011, les projets de SDCI ont « pour vocation de servir de base à la discussion ». Il a été demandé aux préfets de ne pas s'« arc-bouter » sur leurs propositions et de prendre en compte autant que possible les résultats de la concertation.

Au final, c'est à une vision prospective et au bon sens de chacun qu'il est fait appel et en lequel votre Délégation pense pouvoir croire.

LE POINT DE VUE DE L'ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE

Communication de Mme Jacqueline GOURAULT

Il est difficile de donner une opinion nationale globale sur les schémas tant les situations sont diverses.

Dans certains départements comme l'Aude on passe de 29 à 10 communautés ou le Nord de 48 à 18, dans d'autres les modifications sont minimes : Calvados, de 29 à 27, Cantal de 19 à 17, et rien dans le Finistère, et même une communauté de plus dans le Loiret !

Même observation concernant les syndicats où, dans l'Oise, il est prévu 185 dissolutions et dans la Sarthe 115.

Plusieurs éléments ont pesé dans l'élaboration de ces schémas : la réticence de nombreux préfets à raisonner au-delà des limites départementales, l'influence de certains présidents de conseils généraux pour maintenir l'intercommunalité dans des limites cantonales ou dessiner ce qu'ils espèrent être la future carte des nouveaux cantons, le poids des grands élus dans certains départements (accentué par la concomitance avec les élections sénatoriales).

Alors que les schémas ne doivent concerner que les périmètres, un certain nombre de schémas contiennent des éléments relatifs aux compétences des syndicats (par exemple, réduction de la compétence eau et assainissement d'un syndicat à la seule compétence eau et transfert de la compétence assainissement à la communauté).

On note dans certains départements la proposition de constitution de très grandes communautés (plus de 70 communes). Ces périmètres très étendus risquent de nuire à l'intégration des compétences comme à la mutualisation des services et ne seront pas forcément source d'économies. Comment, en effet, réaliser un équipement culturel ou sportif communautaire central lorsque les communes sont éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres ? Comment prévoir un service technique mutualisé ?...

Les propositions de fusions d'EPCI à fiscalité propre, si elles sont le plus souvent justifiées, posent malgré tout un certain nombre de questions : reprise de certaines compétences, comme le scolaire, devenir du personnel, et notamment du personnel d'encadrement... A cela s'ajoute l'application immédiate des nouvelles règles concernant le nombre de vice-présidents qui, si la disposition n'est pas modifiée par voie législative, constitue un réel frein à l'accord des élus.

Les retraits de certaines communes de communautés existantes posent également la question de leurs incidences patrimoniales, conséquences qu'il faudra que l'Etat évalue, de même que des problématiques de répartition des personnels.

La réduction du nombre de syndicats risque également d'entraîner une reprise par les communes de certaines compétences sans qu'elles soient transférées aux communautés. La question est particulièrement sensible concernant le scolaire, avec en outre les conséquences qu'aura, à partir de 2013, la non-éligibilité des syndicats à la DETR.

Du point de vue financier, il est très difficile, en cas de modification de périmètres, de faire quelque simulation que ce soit aujourd'hui, même en termes de fiscalité, car il manque de nombreux éléments (bases CFE 2011, répartition CVAE, IFER... commune par commune).

Par ailleurs, l'AMF s'inquiète des conséquences qu'aura la nouvelle carte intercommunale à partir de 2013 sur les dotations de péréquation (DSU et DSR) et sur la dotation forfaitaire des communes.

La DGF nécessaire aux communautés va, en effet, devoir être considérablement augmentée, du fait de la création de 25 à 30 nouvelles communautés d'agglomération, de, sans doute, 2 communautés urbaines, de l'extension du périmètre de nombreuses agglomérations et de l'intégration de toutes les communes dans une communauté.

L'AMF réunit l'ensemble des présidents d'associations départementales de maires et des rapporteurs de CDCI le 28 juin pour établir un panorama exhaustif des difficultés rencontrées.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page