B. UN PROCESSUS DEVENU INÉQUITABLE
1. Une légitimation indispensable
a) Correction ou arrangement ?
Un glissement sémantique peut être constaté dans le choix des termes utilisés pour la rédaction des documents de la Commission ou des conclusions du Conseil concernant le rabais britannique. Cette évolution témoigne de celle des notions censées justifier ce mécanisme.
La formulation essentielle reste toutefois celle de Fontainebleau (1984) selon laquelle « tout État membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative est susceptible de bénéficier, le moment venu, d'une correction » .
Le Conseil de Paris de décembre 1974 avait, pour sa part, évoqué des « compensations financières » 59 ( * ) en dédommagement d'une situation budgétaire reconnue comme « inacceptable », conformément à la rhétorique des autorités britanniques.
Le Conseil européen de Dublin du printemps suivant (mars 1975) se réfèrera, de son côté, à un « mécanisme correcteur » , mais celui qu'il tentera d'instaurer ne trouvera jamais à s'appliquer, ses critères se révélant inadaptés (voir plus haut).
Par la suite, il sera question d' « arrangement relatifs aux ressources propres » , d'autres États ayant obtenu aussi, par différents moyens, des réductions de leur contribution nette.
b) Une exigence d'équité fondamentale
Qu'il s'agisse de « compensations », de « corrections », ou d'« arrangements », l'objectif poursuivi doit être l' équité .
Cette exigence fondamentale, en effet, va être rappelée, de façon explicite et systématique, à l'issue des sommets européens successifs, à partir de celui de Berlin 60 ( * ) , qui posera comme principe, en mars 1999, que le système des ressources propres des communautés devrait « être équitable » et « refléter au mieux la capacité contributive de chaque État membre » .
Le Conseil va confirmer ensuite à Bruxelles, en décembre 2005, que les aménagements particuliers apportés au système des ressources propres des communautés européennes « devraient être guidés par l'objectif général d'équité » (termes repris dans les considérants de la DRP du 7 juin 2007).
Auparavant, la Commission, avait critiqué, dans un rapport du 7 octobre 1998, la pertinence de la notion de déséquilibre budgétaire, prétexte de la correction britannique initiale, d'un point de vue aussi bien conceptuel que méthodologique : elle estimait que les soldes considérés ne traduisaient pas l'ensemble des avantages que les États membres (et particulièrement le Royaume-Uni) pouvaient retirer de leur appartenance à l'Union européenne.
Ces préoccupations ont conduit à une double remise en cause du rabais britannique, eu égard :
- d'une part, à son caractère exclusif qui favorisait le Royaume-Uni par rapport à d'autres États dans une situation similaire ;
- mais surtout, d'autre part, à l'évolution du lien entre la prospérité relative britannique (très améliorée depuis Fontainebleau) et la charge budgétaire de la Grande-Bretagne, comparable à celle d'autres pays, voire « surcompensée » :
* 59 Le terme de « compensation » a le mérite de ne pas comporter d'ambigüités quant à d'éventuels effets, en réalité inexistants, de réduction des déséquilibres en question. Mais le terme « correction » correspond mieux à une compensation institutionnalisée et calculée selon des critères prédéfinis.
* 60 Déjà, en mai 1980, le sommet de Bruxelles s'était référé prioritairement à cette notion pour qualifier la situation britannique non plus d'« inacceptable », comme à Paris en 1974, mais d'« inéquitable ».