ANNEXE VII

CONTRIBUTION DE MM. MICHEL TESTON ET JEAN-JACQUES MIRASSOU, REPRÉSENTANTS
DU GROUPE SOCIALISTE

Le Schéma National des Infrastructures de Transport, prévu aux articles 16 et 17 de la loi portant engagement national pour l'environnement dite « Grenelle 1 », a pour objet de mettre en oeuvre la politique des transports de demain.

Pour le groupe socialiste, ce schéma doit être la concrétisation du droit à la mobilité. D'ailleurs, lors des débats sur le projet de loi du Grenelle 1, nous avons défendu un amendement - non retenu par la majorité sénatoriale - visant à intituler ce schéma le « Schéma de la Mobilité Durable ».

Un constat peut être fait : les inégalités territoriales se creusent. Dans certains territoires, il est difficile d'accéder à un hôpital, au lycée, à un bureau de poste ou encore à un cinéma... Dans une perspective d'égal accès de tous aux services essentiels, les transports sont un outil fondamental de solidarité entre les territoires. La liberté - constitutionnellement reconnue - d'aller et de venir ne peut être pleinement exercée que sur un territoire suffisamment doté en infrastructures de transport.

Durant de longues années, les pouvoirs publics ont abandonné cette partie de l'aménagement du territoire ce qui explique un aussi criant besoin de transports.

Malgré des actions volontaristes menées par les collectivités locales et une prise de conscience des services de l'Etat, force est de constater que nous n'avons pas une politique cohérente et globale des transports.

La question est donc de savoir si le Schéma répond à cette attente.

Le Schéma est présenté comme un document de planification, tous modes confondus, c'est-à-dire comme un document stratégique, ce qu'il n'est pas tout à fait réellement. En réalité, le schéma flèche un certain nombre de projets, souvent de manière imprécise, en oublie d'autres et suscite des interrogations principalement sur :

• les priorités ;

• le financement des opérations et sa crédibilité ;

• la nécessaire concertation pour sa mise au point.

I. DES PRIORITÉS À DÉFINIR CLAIREMENT

A notre sens, elles doivent être les suivantes :

Le mode Ferroviaire

Un aménagement équilibré du territoire suppose que toutes les régions soient, à terme, desservies par des lignes à grande vitesse ou des lignes classiques aménagées pour des vitesses élevées de manière à réduire les disparités de temps de parcours. La loi dite du « Grenelle 1 » ayant fléché un nombre très important de projets, des priorités devront être définies. Il est, notamment, urgent de décider de réaliser un barreau à grande vitesse reliant l'Est à l'Ouest de la France sans passer par la région parisienne, ce qui permettrait, en outre, de désenclaver le Massif Central.

La nécessité d'un fort soutien de l'Etat aux collectivités territoriales pour les TCSP doit être réaffirmée.

La régénération des lignes d'équilibre du territoire, ainsi que des petites lignes utilisées par les trains express régionaux - les TER - et les trains de fret est une priorité à court et moyen termes.

Le caractère d'intérêt général du fret ferroviaire, et pas seulement du wagon isolé, doit être reconnu afin de garantir la desserte de tout le territoire national. La question de l'acceptabilité sociale de l'intensification du fret ferroviaire sur certaines lignes classiques passe par la sécurisation de ces lignes mais aussi par la prise de mesures destinées à atténuer l'impact des nuisances sonores.

Il convient d'affirmer la complémentarité des différents modes de transport ce qui n'empêche pas d'estimer précisément le coût des externalités négatives de chacun d'eux.

Le mode routier

Pour les territoires non desservis par le rail ou pour lesquels la desserte ferroviaire n'est pas améliorable, les aménagements ne peuvent être que routiers. A ce sujet, il convient de rappeler, qu'en 2003, la DATAR, avait identifié plusieurs aires géographiques se trouvant à l'écart des grands réseaux de communication et justifiant des engagements financiers spécifiques pour les désenclaver.

Sur ce dernier point, des évolutions ont eu lieu entre l'avant-projet initial du schéma et l'avant-projet consolidé dont nous disposons aujourd'hui.

L'avant-projet consolidé ne répond, toutefois, aux attentes des populations concernées que par des artifices rédactionnels dont le seul but semble être de calmer les élus des territoires qui ont protesté, en particulier ceux du groupe de suivi sénatorial.

Le mode fluvial

Il ne doit pas être oublié puisqu'il constitue, à une degré moindre toutefois que le fret ferroviaire, un moyen de réduire la place du mode routier dans le transport de marchandises.

Le mode maritime

Le montant total des principaux projets de développement portuaire s'élève à 2,8 milliards d'euros, soit moins de 2% de l'enveloppe globale... Alors qu'il est un des moyens de transport de marchandises les plus propres, le maritime est le parent pauvre du SNIT...

En outre, le Schéma ne tient aucun compte de la dimension européenne de la politique de transports maritimes. Cette omission est très dommageable dans la mesure où le marché intérieur a des conséquences sur notre système de transport. Les autoroutes de la mer constituent une véritable alternative sur plusieurs dessertes (comme Barcelone, Gênes) dont la France est une des principales bénéficiaires sans y contribuer. Sur cette question, la solution est européenne et la France est actuellement très en retard. La place réservée aux autoroutes européennes dans l'avant-projet du SNIT est éloquente à cet égard...

Enfin, le groupe socialiste souhaite insister sur l'importance des interconnexions port/fer, qu'il s'agisse de la gouvernance, de la réglementation et du financement.

II. LA PROBLÉMATIQUE DU FINANCEMENT

Sur les 260 milliards d'euros de dépenses, tous modes confondus, la part attendue des collectivités territoriales, pour des infrastructures appartenant à l'Etat, s'élève à 97 milliards d'euros, soit plus de 37%, alors que celle de l'Etat se situe à un peu moins de 33%. Jamais un tel niveau de participation n'aura été demandé aux collectivités territoriales. Il leur est même demandé une participation pour la modernisation des 9800 Km de routes restées dans le domaine public de l'Etat. Comment ne pas réagir alors que celui-ci s'est déjà désengagé du secteur routier en transférant des routes nationales aux départements lors de l'acte II de la décentralisation avec des compensations somme toute modestes ? Dans ce contexte, on était en droit d'attendre que l'Etat finance seul le réseau restant dans son patrimoine !

D'une manière générale, quelle crédibilité peut-on accorder à cet avant-projet consolidé alors que le déficit cumulé de l'Etat est abyssal et que celui-ci ne mène aucune politique de relance efficace pour y remédier ? Comment les collectivités territoriales pourront-elles contribuer alors que leur marge nette d'autofinancement est toujours plus réduite du fait d'importants transferts de charges dans le domaine du fonctionnement et à la suite de la récente réforme de la fiscalité.

Faisant le constat des moyens limités de l'AFITF, on mesure bien la faute politique qui a consisté à se priver des recettes de la rente autoroutière en vendant les actions que l'Etat détenait dans les sociétés d'autoroutes. Quant à la modernisation et au développement du réseau ferroviaire, comment y faire face alors que l'Etat ne fait aucun effort d'imagination pour trouver une solution afin de réduire la dette colossale de RFF (28 milliards d'euros) ?

Pour éviter que ce schéma reste lettre morte comme le sont largement restées les mesures du CIADT de 2003, faute de réelles inscriptions financières, pour sortir de l'impasse financière actuelle, il est nécessaire de dégager de nouvelles recettes faute de quoi il ne sera même pas possible de réaliser les nouvelles lignes apparaissant les plus prioritaires à l'issue de la phase de concertation.

L'instauration de la taxe poids lourds, comme le prévoit d'ailleurs la législation européenne, serait un bon moyen d'apporter de nouveaux moyens financiers. Il en va de même avec la taxe carbone qui devrait être appliquée à tous les engins thermiques polluants, qu'ils soient routiers ou ferroviaires. On ne peut enfin éluder la question de l'attribution d'une partie du versement transport aux régions, ce qui suppose une majoration de la taxe si l'on ne veut pas pénaliser les collectivités territoriales actuellement bénéficiaires.

III. LA NÉCESSAIRE CONCERTATION

Le projet de schéma doit faire l'objet d'un large débat au Parlement, bien évidemment, mais pas seulement : les collectivités territoriales, d'autant plus qu'elles sont fortement sollicitées financièrement, mais aussi les forces vives du territoire (acteurs économiques, sociaux, associatifs...) doivent y participer.

Si le groupe de suivi, mis en place au Sénat, a examiné attentivement tant l'avant-projet que l'avant-projet consolidé et formulé de nombreuses remarques, il n'en demeure pas moins que la concertation avec les collectivités, et en particulier les régions, ainsi qu'avec les acteurs économiques, sociaux et associatifs n'a pas été réellement organisée.

Ce manque de concertation est dommageable dans la mesure où les différents acteurs peuvent apporter des éclairages particuliers sur les problématiques d'aménagement du territoire.

L'élaboration du SNIT est donc un exercice utile. Toutefois, la concrétisation du Schéma est largement hypothétique pour les raisons développées précédemment.

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