d) Le critère de généralité est d'interprétation trop subjective pour être opérationnel
Ces déclassements montrent que le critère de généralité est d'interprétation trop subjective pour être opérationnel. On peut discuter sans fin quant au fait de savoir si les déclassements opérés étaient justifiés ou non. En réalité, dans la quasi-totalité des cas il n'y a pas de raison objective pour privilégier une solution plutôt que l'autre.
Le fascicule relatif aux « Voies et moyens » ne définit plus le critère de généralité.
Dans le tome II du fascicule annexé au projet de loi de finances pour 2008, le Gouvernement définissait ce critère par l'observation qu'« une disposition applicable à la grande majorité des contribuables peut être considérée comme la norme (par exemple, l'abattement de 20 % sur les traitements et salaires). A l'inverse, l'avantage accordé à une catégorie particulière de contribuables ou d'opérations constitue une dépense fiscale ». L'application du critère de généralité est donc délicate. En particulier, une disposition non sectorielle n'intéressant de fait qu'un faible nombre de contribuables doit-elle être considérée comme une dépense fiscale ? Qu'en est-il, par exemple, d'une disposition qui ne concerne que les groupes ? Cette définition ne le précise pas. En particulier, elle n'obligeait pas à effectuer en 2006 les deux principaux déclassements, relatifs au régime des sociétés mères et filiales et au régime d'intégration fiscale de droit commun des résultats des groupes 36 ( * ) .
La situation est encore plus ambiguë depuis le projet de loi de finances pour 2009, qui annonce que, parallèlement à la suppression du critère d'ancienneté, demandée par le rapport précité de 2008 de nos collègues députés, « le caractère général de la mesure est réévalué », sans indiquer en quoi consiste cette réévaluation. Le critère de généralité ne fait donc plus l'objet d'aucune définition 37 ( * ) .
L'encadré ci-après indique l'interprétation que le Gouvernement fait actuellement du principe de généralité. Jusqu'à récemment, une disposition bénéficiant à une faible proportion de contribuables était considérée comme une dépense fiscale. Désormais, tel n'est le cas que si seule une partie des contribuables potentiellement concernés le sont effectivement. Ainsi, certains régimes bénéficiant exclusivement aux grandes entreprises, mais à la majorité de celles-ci (régime d'intégration de droit commun des résultats des groupes des sociétés françaises, régime des sociétés mères et filles), ont été « déclassés » en « modalités de calcul de l'impôt ».
L'interprétation actuelle du principe de généralité par le Gouvernement « Ainsi, la généralité d'une mesure fiscale s'apprécie désormais non de façon purement numérique, mais au regard de la proportion de contribuables qui, potentiellement concernés, en bénéficient effectivement. C'est ce qui a conduit à ne plus retenir parmi les dépenses fiscales le régime d'intégration de droit commun des résultats des groupes des sociétés françaises et celui des sociétés mères et filles. En effet, il concerne moins d'entreprises que l'exonération accordée aux entreprises nouvelles dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire. Toutefois, ce dernier demeure un dispositif localisé, ciblé au regard de l'ensemble des entreprises et répond à un objectif d'incitation spécifique, autant d'éléments qui justifient son classement en dépense fiscale. A contrario, le régime d'intégration vise indistinctement toutes les entreprises en situation de constituer un groupe, n'a pas de vocation incitative et poursuit un objectif purement fiscal, puisqu'il s'agit d'éviter les doubles impositions . » Source : réponse du Gouvernement au questionnaire adressé par la commission des finances |
Ces évolutions suggèrent que, comme l'a souligné Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale, lors de l'audition du 27 avril 2011 38 ( * ) , « cette définition est peut-être insuffisamment précise ».
* 36 Selon le rapport précité du Conseil des prélèvements obligatoires, dans ce dernier cas « ce déclassement a été opéré en raison de la portée large de la mesure : en 2008, 80 000 sociétés membres d'environ 20 000 groupes en ont bénéficié », de sorte que « ce régime semble être progressivement devenu le régime de droit commun des groupes ».
* 37 Selon le fascicule annexé au projet de loi de finances pour 2011, « le caractère général d'une mesure fiscale a été réévalué et le critère d'ancienneté n'entre plus depuis 2009 dans la définition de la norme fiscale car il conduisait à exclure du recensement opéré par le fascicule Voies et Moyens des dispositifs qui conservent toutefois le caractère de dépense fiscale ».
* 38 Table ronde sur les niches fiscales, dont le compte-rendu est reproduit en annexe au présent rapport d'information.