(2) Une opposition de certains Etats membres, dont la France
La France et l'Allemagne semblent vouloir vider ces propositions d'une grande part de leur contenu.
Ainsi, la déclaration franco-allemande publiée le 18 octobre 2010 à l'occasion de la rencontre tripartite Allemagne-France-Russie était nettement en retrait par rapport aux propositions de la Commission. Certes, contrairement à la Commission européenne, la France et l'Allemagne proposaient, de manière très volontariste (et peut-être peu réaliste), une révision du traité avant 2013, afin, « dans le cas d'une violation grave des principes de base de l'Union Économique et Monétaire », de permettre « la suspension des droits de vote de l'État concerné ». Cependant, il n'était plus question de majorité inversée.
(3) La position du Conseil européen : l'adoption de sanctions par vote inversé impliquerait l'adoption préalable d'une recommandation à la majorité qualifiée
Le Conseil européen d'octobre 2010 a « fait sien le rapport du groupe de travail sur la gouvernance économique » présidé par Herman Van Rompuy. Ce rapport reprend les grandes lignes des propositions de la Commission, et en particulier chacun des éléments indiqués ci-avant.
Cependant, ce rapport propose implicitement diverses modifications qui reviendraient à faire perdre à la règle de « majorité inversée » une grande partie de son impact. En particulier, il n'évoque la procédure de « majorité inversée » ni au stade de la recommandation que le Conseil doit adopter, sur proposition de la Commission, demandant à l'Etat de prendre les mesures nécessaires (dénommées « mesures suivies d'effet » dans le cas du volet correctif) dans un certain délai, ni au stade de la recommandation constatant, le cas échéant, au bout de ce délai, que l'Etat n'a pas pris ces mesures. Ce n'est qu'au stade de cette dernière recommandation que l'Etat se verrait imposer la constitution d'un dépôt portant intérêt (dans le cadre du volet préventif) ou une amende (dans le cadre du volet correctif) 17 ( * ) par un vote à la majorité inversée.
De même, l'accord adopté par le Conseil Ecofin le 15 mars 2011 ne fait référence à la majorité inversée que pour l'imposition d'un dépôt ou d'une amende 18 ( * ) . Cet accord a ensuite été validé par le Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, qui a confirmé l'objectif d'une adoption des textes en juin 2011.
Cette interprétation de l'accord du 15 mars 2011 - recommandation à la majorité qualifiée, puis le cas échéant sanctions quelques mois plus tard adoptées par vote inversé -, peu évidente à la lecture des documents publics, rejoint notamment les analyses de la presse spécialisée 19 ( * ) .
Par ailleurs, cette réforme ne serait pas rétroactive 20 ( * ) . Elle pourrait concerner les seuls déficits excessifs constatés à compter de 2013 - année fixée par le Conseil pour la fin des déficits excessifs dans tous les Etats de la zone euro (Grèce et Irlande exceptées).
* 17 « Si le Conseil décide, conformément à l'article 126, paragraphe 8, du traité que l'État membre n'a pas pris de mesures suivies d'effets pour corriger le déficit excessif dans le délai imparti, une amende est imposée par décision arrêtée à la majorité inversée ».
* 18 « Afin de déclencher la sanction de façon plus automatique qu'à l'heure actuelle, la règle de la majorité inversée serait introduite, en vertu de laquelle la proposition de la Commission d'imposer un dépôt ou une amende serait considérée comme adoptée sauf si elle est rejetée par le Conseil à la majorité qualifiée » (communiqué de presse, 15 mars 2011).
* 19 Ainsi, selon le numéro 4162 du magazine « Europolitique » (16 mars 2011) : « Le processus commence par un avertissement de la Commission pour dettes et déficits trop élevés ou politiques inadaptées au libre jeu de la concurrence. Une recommandation de les modifier suit un mois plus tard. Elle doit être acceptée par le Conseil à la majorité qualifiée. Le pays pris en défaut dispose ensuite de cinq mois pour procéder à des réformes, ou subir des sanctions, qui ne peuvent être annulées que par une majorité qualifiée d'Etats ».
* 20 Le rapport du groupe de travail précise : « Ces nouvelles sanctions et mesures prises pour assurer le respect des règles ne peuvent s'appliquer rétroactivement. Il conviendra de prévoir une phase transitoire pour l'application de certains éléments des présentes propositions ».