2. Un contexte plus favorable
A la phase de tension sur les marchés obligataires qui a suivi l'octroi de l'aide européenne à l'Irlande a succédé une phase de relatif apaisement, lié en grande partie aux avancées des négociations intergouvernementales en matière de gouvernance économique. Le Pacte pour l'euro - qui devrait faciliter la volonté gouvernementale espagnole de décorréler les salaires de l'inflation -, le renforcement des capacités d'actions du Fonds européen et sa pérennisation au-delà de 2013 ainsi que l'adoption de nouvelles dispositions en matière de surveillance budgétaire contribuent à une détente des marchés à l'égard de l'Espagne.
L'impact de ces réformes sur les marchés financiers a été parfaitement appréhendé par les autorités espagnoles qui militent pour un renforcement des capacités du Fonds de stabilisation et son intervention sur les marchés. Elles s'étaient également déclarées favorables au projet d' eurobonds. Au-delà de la question des fonds alloués ou du renforcement de la gouvernance économique, l'Espagne milite pour un renforcement de la coordination des politiques économiques, via notamment la stratégie UE 2020 et la recherche de nouveaux financements, à l'image du projet de taxe sur les transactions financières.
Les milieux économiques espagnols pointent néanmoins un risque lié à l'implication potentielle du secteur privé dans les mesures de restructuration de la dette après 2013. Une telle participation pourrait en effet conduire les investisseurs à se détourner de la dette souveraine, en particulier espagnole, dès lors qu'un risque apparaît. Le rôle des agences de notations s'avère à cet égard crucial. Une dégradation de la note d'un État, fût-elle modérée, pourrait, encore plus qu'avant, conduire à une difficulté à trouver des financements sur le marché primaire.
La crise que traverse actuellement le Portugal et qui le conduit inéluctablement vers une demande d'aide auprès des institutions européennes et internationales ne sera pas sans incidence sur l'économie espagnole exposée tant au niveau des banques que de ses entreprises au risque lusitanien. Les entreprises espagnoles présentes au Portugal réalisent en effet 9 % du PIB portugais, les établissements financiers espagnols détenant 34 % des actifs internationaux de leurs homologues portugais (33 % pour la France), soit 76 milliards d'euros. L'agence Moody's a, à ce titre, encore abaissé la note d'une trentaine d'établissements bancaires le 24 mars, dans la foulée de la démission du gouvernement portugais. Il n'en demeure pas moins que l'effet de contagion ne saurait être celui annoncé il y a quelques mois. Plusieurs analystes mettaient alors en avant un jeu de dominos tragique, liant irrémédiablement les sorts de Lisbonne et Madrid.
Il est, en effet, délicat, au regard des données recueillies, de conclure à une quelconque interdépendance entre les deux pays face à la crise de la dette souveraine. Il convient, à cet égard, de rappeler que l'écart entre les bons du trésor allemand et espagnol est redescendu à environ 200 points (280 à la fin de l'année 2010) alors qu'il atteint près de 500 points entre l'Allemagne et le Portugal. Les taux à dix ans reflètent également cette disparité entre les deux pays 7,66 % au Portugal, le 24 mars, contre 5,16 % en Espagne. La crise de la dette souveraine pourrait, sauf conjonction d'évènements majeurs - incapacité des États membres de l'Union européenne à trouver un terrain d'entente au sujet du futur mécanisme européen de stabilisation ou en matière de gouvernance économique conjuguée à une explosion du taux de créances douteuses au sein des établissements financiers espagnols, à des stress tests négatifs et à un arrêt des réformes entreprises -, s'arrêter au Portugal.
Un tel constat ne suppose pas, pour autant, que l'économie espagnole puisse renouer avec les années d'expansion qu'elle a connues entre 1996 et 2007. La crise que traverse l'Espagne a clairement mis en avant les limites de son modèle économique mais aussi l'ampleur des défis structurels auxquels elle est confrontée.