3. Un manque criant de compétitivité
Le manque de compétitivité et la faible productivité de l'économie portugaise s'expliquent notamment par la faiblesse du niveau de formation au Portugal. L'OCDE évalue le nombre des détenteurs de diplômes d'enseignement secondaire à environ 20 % des Portugais entre 25 et 64 ans, contre 70 % en moyenne dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE. La moitié de la population active n'a pas atteint 9 années de scolarisation. 45 % des jeunes entre 18 et 25 ans arrêtent leurs études après un maximum de 9 ans de scolarisation. Le nombre des écoliers de 18 ans augmente régulièrement, mais leur nombre reste encore aux deux tiers en-dessous de la moyenne européenne.
Ce manque de formation n'a pas été sans incidence pour les entrepreneurs au détour des années cinquante et soixante. Ceux-ci n'ont pas su réinvestir les sommes liées à un premier décollage économique et moderniser ainsi les structures afin de répondre aux défis économiques à venir.
La question du marché du travail et de la tradition protectrice de l'État n'est, quant à elle, pas anodine au Portugal. Le Préambule de la Constitution prévoit en effet que le texte fondamental doit permettre « d'ouvrir la voie vers une société socialiste ». Toute remise en cause globale du droit du travail est donc considérée comme une rupture avec les acquis de la « révolution des oeillets ».
Le marché du travail est, par ailleurs, de plus en plus segmenté, avec une forte proportion de travailleurs indépendants et de salariés en contrat à durée indéterminée. Ces derniers bénéficient des dispositions parmi les plus protectrices en Europe. Le licenciement individuel est en effet très difficile à obtenir à la différence du licenciement collectif pour raison économique. Celui-ci demeure néanmoins rare au regard de la taille des entreprises lusitaniennes. La règle de la « juste cause » en matière de licenciement individuel fragilise ainsi toute velléité d'embauche pour une période déterminée. Il existe à ce sujet un tabou politique, empêchant toute remise en cause.
Le coût du travail demeure, de façon générale, élevé. Le recours par l'employeur aux recibos verdes (reçus verts) est à cet égard assez révélateur. Créé à l'origine pour les professions libérales, ce régime assimile les employés à des travailleurs indépendants. Ils n'ont de fait aucun droit aux indemnités chômage et maladie ni aux congés. L'employeur peut parallèlement cesser du jour au lendemain de recourir à leurs services et n'est pas tenu de cotiser à la sécurité sociale en ce qui les concerne. Ce type de contrat est souscrit par environ 20 % de la population active. L'État portugais emploie environ 140 000 personnes sous ce régime.
Par ailleurs, le montant des allocations chômage peut paraître dissuader le retour à l'emploi : le salarié licencié bénéficie des deux tiers de sa dernière rémunération, cette allocation étant versée trente-huit mois. Celle-ci peut être complétée par les revenus provenant de l'économie informelle, qui représenterait entre 20 et 25 % de la richesse nationale.
Au coût du travail, s'ajoute une faiblesse de la mobilité géographique au sein de la population active portugaise. Si le pays tend à renouer avec sa tradition migratoire, il convient de noter que la population ne traverse pas le territoire pour trouver un emploi. L'importance du nombre de propriétaires - 80 % de la population est propriétaire de son logement - comme l'atonie du marché locatif conditionnent sans doute une telle situation. La location immobilière est en effet fragilisée par des dispositions encadrant le montant des loyers, rendant peu rentable tout investissement dans le secteur.
Cette absence de mobilité se conjugue à une faible flexibilisation du temps de travail, grevant là encore le coût du travail.
Enfin, en dépit des réformes entreprises depuis 2005 pour alléger le poids de l'État, les entreprises dénoncent, par ailleurs, un climat peu propice à l'activité, entretenu notamment par la lourdeur des procédures administratives et la lenteur de la justice en matière commerciale et sociale.