M. Robin van IJPEREN, chargé de mission à la direction générale de l'éducation et de la culture de la Commission européenne
Merci de m'avoir invité. Ce n'est pas tous les jours que je peux faire une présentation au Sénat français. Je vais essayer de présenter la position de la Commission européenne sur les classements internationaux. La dernière fois que j'ai parlé français c'était en 1993, quand j'étais étudiant Erasmus à Sciences Po Grenoble. Dans les dix prochaines minutes, je vais dire quelques mots sur le contexte européen, pourquoi la Commission s'est mêlée de ce sujet après quelques mots sur quelques initiatives que l'on soutient aussi pour augmenter la transparence sur la performance des universités et je terminerai par le U-Multirank.
Quelques mots sur le contexte européen. Si quelqu'un peut dire où se trouve cette université, il peut gagner une barre en chocolat. C'est l'université de Chypre, à Nicosie. C'est un bon exemple d'université moderne. C'est aussi un peu communiste.
Pour passer aux choses plus sérieuses, nous trouvons que la transparence est importante. Dans l'agenda pour la modernisation des universités publié en 2006 mais toujours très pertinent, il y a 4 000 universités en Europe, avec des budgets de plus en plus réduits et une concurrence croissante au niveau international. Les institutions doivent se concentrer plus sur leurs points forts. Nous croyons que partout, les universités ont besoin d'offrir des mélanges de programmes de recherche et d'éducation. Par contre, nous pensons que l'on doit se diversifier davantage sur les points forts et trouver plus de partenaires sur ces points forts dans les autres institutions mais aussi dans les entreprises.
Nous croyons aussi que les institutions doivent être plus transparentes sur leurs points forts et leurs missions. Cela est important pour bien informer les étudiants sur les missions d'une institution mais aussi sur les vraies performances. Le ranking devient de plus en plus important pour les étudiants comme instrument d'information. Nous croyons aussi que c'est important pour le management de l'université. Il y a beaucoup de résistance auprès des universités et c'est logique. Le but est que l'on utilise davantage le ranking comme outil stratégique dans les universités, car on peut se comparer aux autres universités. C'est le cas dans tous les autres secteurs et pourquoi pas l'enseignement supérieur. Nous croyons à l'utilité de cet instrument.
Quelques autres initiatives que l'on soutient pour augmenter la transparence : on a commencé le European data collection project avec nos collègues de la DG Recherche. Le rassemblement des données est un facteur-clé pour produire des rankings de bonne qualité. Beaucoup de limites des rankings existants sont à expliquer par le manque de données. Il y a beaucoup de données auprès des universités mais il y a aussi beaucoup de confidentialité et beaucoup de données ne sont pas publiques. On essaye de collecter plus de données pour faire de meilleurs rankings .
Le projet AHELO est géré par l'OCDE. Son but est de mesurer mieux la qualité de l'éducation en termes des learning outcomes . C'est un projet très prometteur, mais en ce moment il y a un manque de finances et le projet n'a pas encore démarré, mais la Commission européenne est concernée par ce projet.
Il y a l'assurance-qualité de l'éducation. Je crois que c'est un instrument très important qui donne beaucoup d'informations sur la qualité de l'éducation. Je crois que le problème est que l'information n'est pas très transparente. C'est une langue d'experts, difficile à comprendre pour les étudiants, pour les employeurs. L'autre problème est aussi que les résultats de cette assurance-qualité sont difficiles à comparer au niveau européen puisque c'est basé sur les systèmes nationaux. Cela empêche de comparer la qualité entre les institutions venant d'autres pays et cela explique aussi le succès des autres instruments de cette liste.
La classification. On a soutenu le projet U-map géré par une organisation néerlandaise et c'est un projet très important pour rendre plus transparentes ces 4 000 universités en Europe. Comme cela a été dit auparavant, il n'est pas très utile de comparer des petites institutions régionales avec une grande institution, avec un grand département de recherche. Dans ce projet, on a fait entrer les 4 000 institutions dans cinq catégories : l'enseignement, la recherche, l'innovation, l'internationalisation, le rôle régional.
C'est un bon projet et on est dans la phase consistant à remplir le modèle qui est développé pour les universités. Ce U-map sera la base de l'autre projet. Quand vous savez quelles sont les différentes catégories d'universités, les pommes, les poires, les fraises, vous pouvez comparer les fraises avec les fraises et les poires avec les poires. C'est un exercice neutre, qui ne catégorise que les missions des universités. On va développer un ranking multidimensionnel qui va mesurer les performances des institutions similaires dans une certaine dimension. C'est un peu compliqué à expliquer, mais j'espère que c'est clair.
Je voudrais dire que pour nous, le ranking est important mais on le regarde aussi comme l'un des instruments pour mesurer la transparence. Je suis aussi surpris par l'influence des rankings . Quelques indicateurs. C'est un instrument utile mais c'est également un instrument très simple. Il est fondé sur quelques données. C'est un instrument très quantitatif. Pour moi, son but principal est de signaler des différences entre institutions dans les différents pays européens. Cela ne donne que quelques informations et je crois qu'il est important de trouver davantage d'informations qualitatives pour expliquer ces différences. Cette liste est un instrument complémentaire.
Les rankings peuvent être utiles, même si ceux qui existent ont des défauts. Pour nous, il y avait deux options. Une option était de dire que les rankings existants sont mauvais. On ne fait rien, on évite la discussion. C'est souvent un peu la position des universités. Je trouve cela un peu pauvre comme réaction car les rankings sont là et on ne peut pas éviter le débat. Pour cela on a dit que l'on allait rejoindre le débat et essayer d'améliorer les rankings qui existent. C'est la raison pour laquelle nous avons commencé ce projet de multirank .
Les défauts principaux à résoudre, c'est que le ranking de Shanghai met l'accent sur la recherche. L'autre ranking connu est largement basé sur une revue des pairs et donne des résultats très subjectifs. On demande à des pairs, des experts du secteur de l'enseignement supérieur de juger les autres institutions. C'est une famille très proche et le groupe de pairs était réduit, c'est admis par le Times higher ranking . Pour cette raison, ils vont changer leur système cette année et ils vont diminuer l'importance des revues par les pairs, qui passeront de 40 % à 25 %. Ils vont également enrichir le groupe des pairs pour qu'il soit plus représentatif.
Ce sont les raisons pour commencer notre projet. Tout d'abord, on essaye de construire un ranking multidimensionnel, qui inclut l'employabilité, la qualité de l'enseignement. L'autre point très important est qu'on ne va pas créer des league labels , on ne va pas cumuler des scores sur les différentes dimensions. Le modèle sera construit d'une manière que l'utilisateur puisse choisir sa propre priorité. Si je fais mon ranking , je peux dire que pour moi la recherche et l'internationalisation sont importantes alors que l'enseignement l'est moins. Je peux cliquer dessus et me baser sur ces priorités. J'obtiendrai un ranking personnel. Notre modèle va créer des classements multiples, pas des league labels , ce qui est une grande différence avec les rankings existants. Les autres caractéristiques sont que l'on ne regarde pas seulement au niveau institutionnel, comme le Times ranking qui renforce la réputation des institutions, mais aussi au niveau des disciplines. Cette information est plus pertinente pour un étudiant par exemple. Vous voulez connaître la qualité d'une institution dans une certaine discipline mais pas la réputation générale d'une institution.
Pour finir, si c'est un succès, parce que c'est une étude de faisabilité - on ne sait pas encore si cela sera un succès, si cela entrera en vigueur - ce ne sera pas fait par la Commission. L'idée n'est pas que l'on produise un ranking chaque année, on ne produit que le modèle et on ne soutient que le développement du modèle. Si cela entre en vigueur, ce sera fait par une organisation indépendante et non pas géré par un gouvernement ou une université. On a des négociations avec un consortium de fondations européennes. Cela pourrait être une possibilité. Cela doit être aussi un ranking mondial, donc on va aussi comparer avec des institutions hors Europe.
C'est le planning du projet. En mai 2011, le rapport final. J'espère que cela va produire de la haute qualité. Je ne pense pas que cela donnera la solution absolue. Cela dépendra des indicateurs et les données qui sont accessibles, ce qui pose déjà des limitations. Je le vois comme un puzzle. Petit à petit, on rassemble plus de pièces pour augmenter la transparence. Je crois que c'est dans l'intérêt de tous. On ne peut pas être contre plus de transparence.
Merci beaucoup.