B. QUEL EST LE MONTANT OPTIMAL DE PÉRÉQUATION ?
La suppression de la taxe professionnelle, son remplacement par la contribution économique territoriale et la mise en place de nouveaux fonds visant à répartir, entre collectivités territoriales, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, sont l'occasion de réformer l'ensemble des dispositifs de péréquation, afin de renforcer leur performance et leur lisibilité , aussi bien pour les citoyens que pour les élus locaux.
Dans ce cadre, il est nécessaire d'aborder la question du niveau optimal d'un dispositif de péréquation. Bien que cette question ne soit généralement pas abordée par les études portant sur la performance des politiques péréquatrices, elle apparaît pourtant essentielle, dans la mesure où elle invite à réfléchir aux limites à ne pas dépasser pour mettre en oeuvre un dispositif de péréquation efficient. S'interroger sur le niveau optimal d'une politique péréquatrice revient à fixer un niveau minimal et maximal, en-deçà et au-delà desquels la péréquation s'avèrerait inefficace.
La péréquation vise à pallier les handicaps de certains territoires pour leur permettre de disposer des ressources financières nécessaires à la mise en oeuvre de politiques publiques locales, d'où la nécessité de trouver le seuil minimal à partir duquel une politique péréquatrice est efficace pour les collectivités territoriales bénéficiaires.
Mais il est tout aussi nécessaire de fixer un seuil « maximal » de péréquation. En effet, le bénéfice d'un niveau élevé de dotations de péréquation peut aussi conduire à des effets pervers . Il peut dissuader les collectivités territoriales bénéficiaires de mettre en place des politiques publiques dynamiques visant à rattraper leur retard économique vis-à-vis de celles qui sont mieux loties financièrement, et les installer ainsi dans une position d'assistanat. Par ailleurs, les collectivités territoriales contributrices aux différents dispositifs peuvent, en revanche, renoncer à poursuivre une politique de développement économique, puisque la croissance de leurs ressources fiscales serait « sanctionnée » par un écrêtement au profit des collectivités territoriales bénéficiaires. Autrement dit, fixer un niveau optimal de péréquation revient à s'interroger sur l'existence d'une « courbe de Laffer 11 ( * ) de la péréquation » au sein de laquelle toute politique de péréquation produirait des effets positifs et vertueux.
Pour juger du caractère optimal d'un système de péréquation, il convient d'abord de définir des objectifs clairs et lisibles, acceptés par l'ensemble des acteurs, collectivités bénéficiaires et contributrices, accompagnés de moyens budgétaires suffisants, destinés à les atteindre. Or, le choix d'un objectif de péréquation est une décision relevant du champ politique qui devra être débattu à l'occasion des clauses de rendez-vous.
Il est important de faire preuve de réalisme et de prudence dans ce domaine dans l'attente des simulations que le gouvernement doit remettre au Parlement le 1 er juin 2010. Celles-ci reposeront d'ailleurs sur des hypothèses macro-économiques issues de choix politiques.
Sous ces réserves méthodologiques, vos rapporteurs ont fait le choix de limiter leur réflexion sur le niveau optimal de la péréquation réalisée dans le cadre de la CVAE, mise en place par la loi de finances pour 2010, en la considérant comme une donnée désormais incontournable.
Suite à l'adoption d'un amendement du gouvernement lors de la commission mixte paritaire du 18 décembre 2009, l'article 78 de la loi de finances pour 2010 prévoit la création de fonds de péréquation de la CVAE pour les départements et les régions, présentés précédemment. Vos rapporteurs souhaitent soumettre à la sagesse du Sénat une proposition tendant à porter à 33 % la part péréquatrice du produit de la CVAE , contre 25 % actuellement. Cette proposition est fondamentalement novatrice car elle vise à développer une péréquation fiscale en lieu et place de dotations budgétaires et de concours financiers de l'État .
En revanche, les critères de répartition entre départements et entre régions, adoptés par la loi de finances pour 2010, pour le quart de CVAE paraissent pertinents sous réserve de l'évaluation à venir. Les critères de répartition sont présentés dans le tableau suivant, la pondération de chaque critère étant d'un tiers .
Critères de répartition de la part péréquatrice de la CVAE
Départements |
Régions |
Population |
|
Nombre de bénéficiaires de minima sociaux et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) |
Effectif des élèves scolarisés dans les lycées publics et privés et celui des stagiaires de la formation professionnelle |
Longueur de la voirie départementale |
Superficie, retenue dans la limite du double du rapport entre, d'une part, le nombre d'habitants de la région et, d'autre part, la densité de population moyenne de l'ensemble des régions |
* 11 La courbe de Laffer est une modélisation économique, développée par l'économiste américain Arthur Laffer, chef de file de l'école de l'offre, basée sur l'idée que la relation positive entre croissance du taux d'imposition et croissance des recettes de l'Etat s'inverse lorsque le taux d'imposition devient trop élevé.