AVIS DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE N° 09-A-48 DU 2 OCTOBRE 2009 RELATIF AU FONCTIONNEMENT DU SECTEUR LAITIER
L'Autorité de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre, enregistrée le 11 juin 2009 sous le numéro 09/0085 A par laquelle la commission des affaires économiques du Sénat a saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur le fonctionnement du secteur laitier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment les articles 33, 36, 81 et 82 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu le code rural ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 22 septembre 2009 ;
Les représentants du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière entendus sur le fondement de l'article L. 463-7 du code de commerce ;
Le représentant de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat ayant été régulièrement convoqué ;
Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :
INTRODUCTION
1. La crise que connaît actuellement la filière laitière, notamment caractérisée par une chute brutale des prix à la production (plus de 37 % entre septembre 2008 et avril 2009), a conduit la commission des affaires économiques du Sénat à solliciter, sur le fondement de l'article L. 461-5 du code de commerce, l'avis de l'Autorité de la concurrence sur le fonctionnement de ce secteur.
2. A partir de 1997, l'Interprofession, regroupant les producteurs et les transformateurs dans le cadre du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière, (ci-après « CNIEL »), a diffusé des recommandations de prix à la production. En 2008, dans un contexte de baisse du pouvoir d'achat des ménages notamment lié à l'envolée des prix des matières premières, le ministère de l'économie (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a mis en garde l'Interprofession sur le risque encouru, au regard des règles de concurrence, par la mise en oeuvre de telles pratiques. Cette dernière y a, dès lors, mis un terme.
3. Dans la mesure où certains des acteurs de la filière estiment nécessaires des recommandations de prix pour lutter contre la crise, la commission des affaires économiques du Sénat souhaite que l'Autorité précise « ce qu'interdit, très précisément, le droit de la concurrence français et européen en matière de fixation du prix du lait ».
4. Elle sollicite par ailleurs l'avis de l'Autorité sur le fonctionnement du secteur et les orientations à suivre pour l'améliorer, souhaitant notamment que soient envisagées les formes que pourrait prendre « un système tripartite [producteurs, transformateurs, distributeurs] d'orientation dudit prix dans le respect des règles de concurrence. »
5. A titre liminaire, l'Autorité rappelle que, lorsqu'elle est consultée en application de l'article L. 461-5 du code de commerce, elle ne peut se prononcer que sur des questions de concurrence d'ordre général. Il ne lui appartient pas, dans ce cadre, de statuer sur le point de savoir si telle ou telle pratique est ou serait contraire aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, et 81 CE ou 82 CE, ni sur la possibilité d'une exemption sur le fondement des articles 81, paragraphe 3, CE ou L. 420-4, I, 2° du code de commerce. Seule une saisine contentieuse menée selon une procédure contradictoire serait de nature à conduire une appréciation de la licéité de la pratique considérée.
A. CONSTATATIONS
1. Description du secteur
6. Le secteur laitier comporte trois niveaux : la production de lait, sa transformation en produits destinés à être consommés ou stockés, et la distribution qui permet au consommateur final d'accéder aux produits laitiers 15 ( * ) .
a) La production de lait
(1) La production au niveau communautaire
7. En 2007, l'Union européenne a produit plus de 147 millions de tonnes de lait de vache, représentant ainsi plus de 26 % de la production mondiale (contre 19 % pour l'Amérique du Nord et centrale et 16 % pour l'Asie).
8. Le lait constitue la production agricole communautaire la plus importante avec plus de 14 % de la valeur totale de la production de biens agricoles au niveau des éleveurs, soit 45 milliards d'euros. Le principal État membre producteur est l'Allemagne, devant la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Italie, comme le montre la figure ci-après.
Figure 1-Livraison de lait par les exploitations pendant la campagne 2006/2007
(Source : Commission européenne)
9. Les productions des différents pays sont très hétérogènes, tant en ce qui concerne la taille des exploitations, (certains États membres étant caractérisés par des exploitations majoritairement de grandes tailles, comme aux Pays-Bas, d'autres principalement de petites tailles, comme en Italie) qu'en ce qui concerne le rendement (figures 2 et 3).
Figure 2-Répartition des exploitations laitières selon le nombre de vaches laitières (2007)
(Source : CNIEL)
Figure 3-Rendement annuel par vache laitière en 2007 (en kg/an)
(Source : CNIEL)
(2) La production française de lait
- Les chiffres clés de la production
10. En 2007, la France comptait 97 000 exploitations possédant des vaches laitières, pour un cheptel de 3,8 millions de bêtes et une production annuelle de plus de 23 milliards de litres de lait.
11. La production française de lait varie fortement selon les régions, tant en nombre d'exploitations (comme le montre la figure 4) qu'en rendement (comme l'illustre la figure 5).
Figure 4-Nombre d'exploitations laitières par département pendant la campagne 2006/2007
(Source : Office de l'élevage)
Figure 5-Rendement de la production laitière par région
(en milliers de litres produits par vache et par an, 2007) - (Source : CNIEL)
(en rose, les régions dont le rendement est supérieur à 6000 litres par vache, en vert, celles dont le rendement est inférieur à 5000 litres par vache)
12. Les exploitations sont également caractérisées par des coûts hétérogènes, notamment selon qu'elles se trouvent en plaine ou en montagne.
13. La production laitière a connu une forte restructuration depuis le début des années 80. Ainsi, en 1983, la France comptait 439 000 exploitations possédant des vaches laitières, pour plus de 7 millions de bêtes, et une moyenne d'environ 16 vaches par exploitation. En 2007, il ne reste, comme indiqué précédemment, que 97 000 exploitations (-78 %), pour 3,8 millions de têtes (-46 %) et une moyenne de plus de 39 (+143 %) vaches par exploitation.
- Les prix perçus par les éleveurs
14. Le lait est stocké par l'éleveur dans un « tank » à lait, qui est vidé par son collecteur en moyenne tous les deux jours. La production laitière est collectée pour moitié par des coopératives, le reste par des industriels privés.
15. En France, depuis la loi « Godefroy » de 1969 16 ( * ) , le lait est payé en fonction de plusieurs critères : qualité bactériologique (établie selon le nombre de micro-organismes présents dans 1 ml de lait), qualité sanitaire (définie selon le nombre de cellules somatiques dans 1 ml de lait), germes butyriques, lipolyse et recherches d'inhibiteurs (antibiotiques). Le taux de matière grasse (référence = 38 g par litre) et le taux de matière protéique (référence = 32 g par litre) définissent le « lait standard » (appelé « 38/32 ») pris en compte pour le paiement du lait aux producteurs. Un lait plus riche en graisse ou en protéines a un prix majoré par des primes.
16. Le prix du lait, fixé par le collecteur, connaît une variabilité saisonnière due aux périodes de vêlage, elles-mêmes liées au cycle de l'herbe, principal aliment de la vache. La figure 6 illustre cette saisonnalité.
Figure 6-Prix du lait standard (38/32) à la production en euros pour 1000 litres
(Source : AGRESTE-INSEE, DGPEI)
b) La transformation
17. En 2007, l'industrie de la transformation laitière a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxe de plus de 22 milliards d'euros, soit plus de 17 % de celui des industries agro-alimentaires. Cette industrie est caractérisée par une très grande diversité de produits, habituellement regroupés en deux catégories, les produits de grande consommation (lait, beurre, desserts lactés, fromages) et les produits industriels (beurre en vrac, poudre de lait). La valorisation de ces produits est présentée figure 7.
Figure 7-Valorisation des différents produits laitiers (en pourcentage du chiffre d'affaires de la transformation, 2007) (Source : CNIEL)
18. Le secteur de la transformation se décompose en deux grandes familles, représentant chacune environ 50 % de la collecte : les coopératives, formées par des producteurs de lait, qui réalisent environ 35 % du chiffre d'affaires de la transformation, et les industriels privés, tels que Bongrain, Danone ou Lactalis, qui représentent près de 65 % du chiffre d'affaires. Ces transformateurs se distinguent tant par le volume de lait collecté (cf figure 8) que par leur taille ou par la diversité de leur production.
Figure 8-Répartition des établissements de collecte en fonction du volume annuel de lait collecté
en milliers de litres, 2007 (Source : CNIEL)
c) La consommation
19. En 2007, la consommation moyenne d'un européen en produits laitiers s'est élevée à 265 kg de lait ou équivalent, cette moyenne cachant de fortes disparités, puisque la Finlande se situe au premier rang avec 394 kg et la Slovénie en dernière position avec 143 kg. La France se situe au troisième rang européen pour la consommation individuelle de produits laitiers en 2007 avec 336 kg, notamment grâce à sa forte consommation de fromages et de beurre.
20. De manière générale, la demande de produits agricoles est relativement inélastique. Dans le cas des produits laitiers, la composition du lait, notamment sa teneur en calcium, limite les possibilités de substitution aux produits laitiers (même s'il peut y en avoir entre produits laitiers). C'est ce que semble attester le graphique 9, montrant la déconnection entre la hausse des prix commencée en 2007 et le tonnage consommé.
Figure 9-Évolution de la consommation française de produits laitiers
(S ource : Office de l'élevage)
2. LE FONCTIONNEMENT DU SECTEUR
21. Le secteur laitier est régi par des règles communautaires mais a également fait l'objet, jusqu'en 2008, d'une autorégulation nationale concernant les prix.
a) Le cadre communautaire
22. Jusqu'à la fin des années 90, le secteur laitier a été très fortement régulé, son organisation étant entièrement définie par une organisation commune de marchés (ci-après « OCM ») créée en 1968 et complétée par un système de quotas en 1984. Cette régulation reposait sur :
- des instruments destinés à réguler les volumes : quotas laitiers, stockages publics et privés et aides aux exportations ou à la consommation pour écouler les surplus ;
- des instruments destinés à soutenir les prix à la production : un prix indicatif, représentant ce que le Conseil des ministres européens estimait être le juste prix à verser aux producteurs, un prix d'intervention pour les produits industriels (beurre et poudre de lait), des droits de douane sur les importations.
23. A la suite de critiques dont il a fait l'objet (incitation à la surproduction, rente de quotas pour les producteurs, surcoûts pour les consommateurs...), ce système a connu des réformes successives, notamment :
- la suppression successive des droits de douane (1999), du prix indicatif (2008), des quotas laitiers (cette dernière suppression prenant effet en 2015) ;
- la diminution du niveau des prix d'intervention et de leurs conditions de mise en oeuvre.
24. Par ailleurs, le secteur laitier a également été touché par la grande réforme de la politique agricole commune de 2003, qui a conduit à découpler les aides aux agriculteurs (droits à paiement unique) et les productions ou les prix.
25. Le secteur laitier est désormais régi par l'OCM unique, commune à tous les secteurs agricoles, introduite en 2007 par le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007.
26. La crise liée à la baisse significative des prix que connaît actuellement le secteur laitier a poussé la Commission européenne à adopter des mesures de soutien au marché, prenant notamment la forme d'une intensification du stockage, privé comme public, ainsi que d'une réactivation des restitutions à l'exportation, pour un coût total estimé supérieur à 600 millions d'euros 17 ( * ) .
b) L'autorégulation nationale
(1) Les recommandations de prix de l'Interprofession
27. Pendant une dizaine d'années, les producteurs et les transformateurs (coopératives et industriels laitiers) ont diffusé trimestriellement via l'Interprofession des recommandations d'évolution de prix.
28. Ces recommandations prenaient la forme d'une variation de prix en euros pour 1 000 litres correspondant à une hausse ou une baisse par rapport au prix de l'année précédente. Elles découlaient mécaniquement de l'évolution de différents indices, dont la composition a changé pendant la mise en oeuvre du système. En 2008, il s'agissait de :
- l'évolution des cotations « produits industriels » (beurre et poudre de lait) ;
- l'évolution du prix des produits grande consommation exportés ;
- l'évolution d'un indice de compétitivité France-Allemagne, afin de prendre en compte la concurrence internationale.
29. En avril 2008, la DGCCRF a averti le CNIEL des risques qu'il encourrait à poursuivre de telles pratiques, précisant notamment qu'« il n'entre pas dans les prérogatives des instances professionnelles d'émettre de quelconque recommandation de prix, ou d'évolution de prix, à la production : de telles pratiques sont toujours condamnées tant par le Conseil de la concurrence que par la Commission européenne ».
30. Un système intermédiaire a alors été envisagé, reposant sur la diffusion d'indices par le CNIEL, à partir desquels les interprofessions régionales seraient chargées d'émettre elles-mêmes des recommandations de prix.
(2) L'accord de juin 2009
31. Encadrée par le ministre de l'agriculture, une négociation entre les trois grandes familles de l'Interprofession a permis, le 3 juin dernier, de trouver un accord dont l'objectif était de lutter contre la crise du secteur. Cet accord comporte trois volets. Il fixe tout d'abord la définition de trois indicateurs de tendance que le CNIEL pourra diffuser, il incite ensuite les acteurs à élaborer un cadre pour la contractualisation entre producteurs et transformateurs avant la fin de l'année 2009, et enfin, il définit des prix cibles dépendant du poids des types de produits de l'entreprise de transformation (importance relative des produits industriels, « PI » et des produits de grande consommation, « PGC », dans les fabrications de l'entreprise). Ce prix du lait est de 28 €/hl de lait pour les entreprises produisant principalement des PGC et peut descendre jusqu'à 26,2 €/hl de lait en cas de transformation importante du lait en PI. Des syndicats agricoles, dont la Fédération nationale des exploitants agricoles (FNSEA), jugent cet accord insatisfaisant. Néanmoins, la FNSEA a mis en garde les transformateurs contre la tentation de ne pas respecter cet accord.
3. La crise du secteur laitier
a) Les caractéristiques de la crise
32. En avril 2009, le prix du lait payé aux producteurs, de 21,7 €/hl, était 30 % en dessous de celui d'avril 2008. Il doit toutefois être noté que la situation de 2007 et 2008 a été exceptionnelle avec des niveaux de prix particulièrement élevés. Cela étant, hormis l'épisode 2007/2008, la tendance générale est à la baisse, notamment du fait de la baisse des prix d'intervention fixés par la Commission européenne.
Figure 10-Évolution du prix du lait à la production pour 1000 litres
(Source : Agreste Insee DGPEI et Office de l'élevage pour les trois derniers mois)
33. Les filières laitières des autres États membres sont en ce moment également touchées par une forte baisse des prix. La baisse est plus forte dans les pays où la part du lait transformé en produits laitiers industriels (beurre et poudre) destinés à être exportés est importante. Ces pays, comme l'Irlande, sont en effet plus dépendants des cours mondiaux. À l'inverse, pour des pays comme l'Autriche ou l'Italie dans lesquels la part de produits à haute valeur ajoutée est plus forte, la baisse du prix du lait a été faible. Le prix peut être très différent d'un pays à l'autre et s'établissait en avril 2009 à plus de 300 €/1 000 litres en Autriche et en Italie et à 200 €/1 000 litres en Irlande. La France se situait donc plutôt dans la moyenne basse de l'Union européenne.
34. La baisse du prix du lait conjuguée à un prix des aliments pour le bétail élevé, dû à l'évolution du prix des céréales, crée un effet « ciseau » sur le revenu des producteurs de lait. Ainsi, en s'appuyant sur les données 2006 18 ( * ) , et en prenant en compte la hausse du coût de l'alimentation 19 ( * ) et la baisse du prix du lait, on constate que la marge nette moyenne des producteurs est négative au mois d'avril 2009, comprise entre -2 et -1,2 euros par hectolitre de lait. Bien que cette marge nette, qui ne prend pas en compte la rémunération du travail non salarié, ait été négative en avril, beaucoup de producteurs continuent de produire, car le chiffre d'affaires couvre les charges fixes. De plus, à l'exception des agriculteurs voulant arrêter définitivement l'activité laitière et pouvant vendre ou abattre leur troupeau, les éleveurs laitiers sont toujours obligés de nourrir et traire leur vaches 20 ( * ) .
35. Néanmoins, les résultats sur le seul mois d'avril sont insuffisants pour évaluer la situation économique du secteur laitier. En effet, le prix du lait suit un cycle annuel dont le point bas est le mois d'avril. Aussi, il est nécessaire de réaliser des estimations sur l'ensemble de l'année 2009. Le tableau 1 ci-dessous reprend des données de 2006, les actualise pour avril 2009 et présente des hypothèses pour l'année 2009.
En €/hl de lait |
2006 |
Avril 2009 |
2009 |
||
Hypothèse basse |
Hypothèse haute |
Hypothèse basse |
Hypothèse haute |
||
Coût variable dont alimentation animale |
9,4 5,1 |
11,1 6,8 |
10,3 6 |
11,1 6,8 |
10,3 6 |
Coût fixe |
21,4 |
21,4 |
21,4 |
21,4 |
21,4 |
Coût total (1) |
30,8 |
32,5 |
31,7 |
32,5 |
31,7 |
Prix (2) |
30,2 |
23,2 |
23,2 |
26,3 |
28,2 |
Subvention (3) |
7,3 |
7,3 |
7,3 |
7,3 |
7,3 |
Marge nette = (2)+(3)-(1) |
6,7 |
-2 |
-1,2 |
1,1 |
3,8 |
Tableau 1-Décomposition des coûts et des recettes d'une exploitation laitière, (Source : Agreste-Insee-Inra, Modèle économétrique coûts de production 21 ( * ) )
36. Selon les hypothèses retenues, la marge nette moyenne des exploitations laitières se serait donc fortement réduite entre 2006 et 2009, sans pour autant être nécessairement négative. Il convient de souligner que ces résultats doivent être analysés avec prudence car ils reposent sur des hypothèses simplificatrices et cachent une très grande diversité de situations économiques des exploitations laitières.
b) Les origines de la crise
37. La hausse des quotas laitiers préalable à leur disparition programmée fait partie des causes évoquées pour expliquer la forte baisse du prix du lait. En effet, la hausse des quotas laitiers aurait pu favoriser une augmentation de la production, et donc une baisse du prix du lait en 2009 ou en 2010. Pour autant, globalement, les États membres sont en forte sous-réalisation des quotas : sur les 11 premiers mois de la campagne 2008/2009 (soit d'avril 2008 à février 2009), la collecte de l'Union européenne à 27 est en baisse de 1 %. Les producteurs n'ont donc pas produit à hauteur des quotas supplémentaires à leur disposition.
38. Dès lors, la hausse des quotas laitiers ne saurait avoir eu qu'un rôle mineur dans la crise actuelle. La baisse du prix du lait semble plutôt due à la forte baisse des cours internationaux des produits industriels (beurre et poudre de lait écrémé), que présente la figure 11.
Figure 11-Cours mondiaux du beurre et des poudres
39. Les prix de ces produits avaient fortement augmenté en 2007 en raison notamment d'une offre en baisse (mauvaises conditions climatiques en Océanie, principal « exportateur » mondial de produits industriels laitiers, prix peu incitatifs dans certains pays européens, notamment la France) et d'une demande en forte hausse (croissance de la demande dans les pays émergents). L'amplitude des variations s'explique par l'inélasticité de la demande aux prix de ces produits (consommation quasiment exclusivement humaine) et un cycle de production particulièrement rigide, ce qui limite les capacités de réaction des producteurs (inélasticité de court terme de l'offre).
40. La baisse du prix de ces produits en 2008 et 2009 s'explique par la hausse de la production mondiale entrainée par la hausse précédente du prix du lait, notamment en Océanie (où les conditions météorologiques ont été très favorables en 2008), aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Chine et, plus récemment, par la baisse de la demande, notamment sur les produits laitiers les plus chers, du fait de la crise économique. La baisse de la consommation de lait en Chine, suite aux problèmes sanitaires du lait contaminé à la mélanine, aurait également eu un impact sur les prix.
41. S'il est probable que certains opérateurs aient spéculé sur les produits industriels, il semble néanmoins que le rôle de la spéculation financière soit limité. Une étude de la direction générale du Trésor et de la politique économique 22 ( * ) portant sur l'ensemble des produits agricoles a montré que l'effet de la spéculation financière sur les prix de matières premières agricoles ne dominait pas l'impact des facteurs d'offre et de demande. Ainsi, la forte hausse des prix des matières premières agricoles de l'été 2007 était principalement tirée par l'excès de la demande sur l'offre.
42. La crise que connaît actuellement la filière semble donc être davantage la conséquence des spécificités économiques du secteur que de facteurs exogènes.
B. LES SPÉCIFICITÉS ÉCONOMIQUES DU SECTEUR
1. Les spécificités du fonctionnement du marché de la collecte de lait
a) Un mauvais fonctionnement concurrentiel du marché de la collecte de lait
43. Le secteur de la transformation peut sembler, au premier abord, relativement peu concentré. Ainsi, les 20 premiers établissements, représentant moins de 5 % des entreprises collectrices, ne réalisent que 40 % de la collecte de lait française.
44. Néanmoins, la situation est très diverse suivant les produits. Ainsi, la fabrication de beurre et de lait liquide pour la consommation est relativement concentrée (les 20 premiers établissements réalisent respectivement 93 et 80 % de la production nationale), alors que la fabrication de fromages l'est très peu (les 20 premiers établissements ne réalisent que 45 % de la production nationale).
45. La situation française est assez singulière par rapport à celle d'autres pays européens, notamment le Danemark et les Pays-Bas où un seul groupe coopératif est en situation largement dominante en ce qui concerne la transformation. Toutefois, la faible concentration française doit être relativisée en tenant compte du caractère extrêmement atomisé de la production : il y avait 88 000 exploitations livrant du lait de vache en 2007 pour 538 entreprises de collecte. Le tableau 2 ci-après reflète la diversité des rapports producteur/collecteur.
Collecte annuelle en milliers de litres |
Nombre d'établissements |
Effectif des livreurs |
Nombre moyen de livreurs par établissements |
Moins de 500 De 500 à 1000 De 1 000 à 5 000 De 5 000 à 10 000 De 10 000 à 25 000 De 25 000 à 50 000 De 50 000 à 75 000 De 75 000 à 100 000 De 100 000 à 200 000 Plus de 200 000 |
39 (7 %) 31 (6 %) 200 (37 %) 63 (12 %) 57 (11 %) 46 (8 %) 23 (4 %) 13 (2 %) 36 (7 %) 30 (6 %) |
79 (0 %) 143 (0 %) 2 712 (3 %) 2 220 (3 %) 4 691 (5 %) 6 460 (8 %) 5 382 (6 %) 4 594 (5 %) 19 519 (22 %) 41 999 (48 %) |
2 5 14 35 82 140 234 353 542 1 400 |
Total |
538 |
87 799 |
163 |
Tableau 2-Répartition des établissements
selon l'importance de la collecte (2007)
(Source: Agreste)
46. En effet, alors que certains éleveurs ont des relations commerciales pouvant sembler équilibrées avec un collecteur, 70 % d'entre eux se trouvent dans des situations où leur acheteur compte en moyenne au moins 500 autres producteurs. Le rapport de force devient donc très déséquilibré. A titre d'exemple, Danone reconnaît avoir 3 900 producteurs de lait.
47. Ce déséquilibre dans le pouvoir de négociation pourrait, le cas échéant, être sans conséquence si, comme dans certains pays, la collecte était essentiellement assurée par des coopératives, dont le statut implique qu'elles prennent en compte les intérêts de producteurs puisque ces derniers en sont actionnaires. Mais en France, moins de 50 % de la collecte est assurée par des coopératives.
48. De plus, les coûts du transport et du stockage du lait à l'état brut étant particulièrement élevés, il n'existe pas de véritable marché « spot » du lait.
49. Enfin, dans certains cas, il existe des situations de monopsone local de collecte qui empêchent les producteurs de changer d'acheteur s'ils n'en sont pas satisfaits. Ces situations sont la conséquence de l'importance des coûts de collecte, poussant les transformateurs à rationaliser ces derniers en limitant les distances de transport.
50. Il n'y a donc pas de véritable marché où joue la concurrence entre la production et la collecte. Le fonctionnement du secteur laitier devient concurrentiel à partir de la première transformation 23 ( * ) . Il existe en effet des échanges de beurre et poudre de lait entre opérateurs. Ces deux produits étant facilement stockables et transportables, ces échanges peuvent se réaliser au niveau local, communautaire et international.
b) Les conséquences de ce mauvais fonctionnement
51. Comme le rappelait le Conseil de la concurrence dans son avis n° 08-A-07 du 7 mai 2008 relatif à l'organisation économique de la filière fruits et légumes, concernant un secteur où le pouvoir de marché des distributeurs peut être considéré comme analogue à celui des transformateurs laitiers :
« le déséquilibre dans les relations commerciales entre producteurs et distributeurs soulève deux problèmes : un problème de partage de profits entre amont et aval d'une part, un problème d'efficacité économique d'autre part.
En lui-même, le premier problème ne relève pas a priori de la politique de la concurrence, dont l'objectif n'est pas d'intervenir dans le partage du surplus entre les opérateurs. Toutefois, la fragilisation du secteur amont via le pouvoir de marché proche de l'oligopsone de l'aval est susceptible, à moyen terme, d'entraîner une réduction de l'offre ou de sa diversité, nuisible au bien-être collectif.
De plus, en s'octroyant une très forte part du profit de la chaîne économique, les distributeurs pourraient réduire la part de leurs fournisseurs jusqu'à limiter les investissements amont en deçà du niveau nécessaire au bon fonctionnement de la filière ».
52. Dans un contexte où les producteurs de lait sont souvent dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de leur collecteur, renforcer leur pouvoir de marché pourrait contribuer à améliorer l'efficacité économique et à accroître le surplus global.
2. La volatilité des prix
53. Jusqu'à récemment, la régulation mise en oeuvre par l'Union européenne dans le secteur laitier « isolait » partiellement le marché communautaire du reste du monde, et permettait, au moyen d'une gestion des volumes mais également d'une intervention sur les prix, de « lisser » ces derniers.
54. L'abandon progressif des ces instruments de régulation n'est pas sans effet sur le prix du lait à la production : ce dernier résulte de plus en plus du jeu de l'offre et de la demande et est donc susceptible de refléter plus fortement les éventuels déséquilibres à cet égard.
55. Or, le secteur laitier est caractérisé, comme cela a été noté précédemment, par une demande globale relativement peu sensible au prix, mais également par une offre de court terme relativement inélastique. En effet, si un éleveur constatant une hausse des prix peut augmenter son volume en donnant une alimentation plus riche à ses vaches, cette augmentation n'est possible que dans les limites physiologiques de l'animal, et si le prix est réellement susceptible de couvrir les coûts variables associés qui sont relativement élevés. Par ailleurs, cette capacité d'adaptation à la hausse n'est pas symétrique à la baisse, les animaux qui ne se nourrissent souvent que d'herbe ne peuvent être amenés à produire moins. Ces limites dans le choix du volume de l'éleveur sont d'autant plus contraignantes que le produit n'étant pas stockable, l'éleveur ne peut utiliser ce moyen pour réguler son volume vendu.
56. Ces rigidités entrainent une forte volatilité sur les prix des produits dits excédentaires que sont les produits industriels (beurre et poudre de lait). En effet, ces derniers sont réalisés avec les excédents de stocks et constituent donc la variable d'ajustement en cas de déséquilibre entre l'offre et la demande. La figure 12 présente les cotations du beurre en vrac et de la poudre de lait en France entre 1999 et 2009, mettant en évidence le pic constaté à l'été 2007.
Figure 12-Cotations du beurre et de la poudre de lait 0% en France entre 1999 et 2009
(Source : Office de l'élevage)
57. En absence de mécanismes contractuels particuliers, la volatilité des prix des produits industriels est, de fait, répercutée sur celle des prix à la production, car les produits industriels constituent la valorisation marginale du lait brut.
58. Cette forte volatilité des prix est nuisible à l'efficacité économique du secteur, car elle engendre une incertitude sur les recettes des éleveurs comme sur les coûts des transformateurs, ce qui pèse non seulement sur les investissements mais également sur la viabilité des entreprises et donc sur l'ordre public économique en général.
59. L'effet négatif de la volatilité des prix est d'autant plus fort que les producteurs ont un grand besoin de visibilité. En effet, la production laitière présente la double caractéristique d'avoir un cycle de production long et rigide et des charges fixes nettement supérieures aux charges variables.
60. Ces dysfonctionnements du secteur laitier, tant le déséquilibre dans le pouvoir de négociation que la volatilité des prix, justifient l'existence d'une régulation. Néanmoins, les mécanismes d'orientation des prix tels qu'ils étaient mis en oeuvre par le CNIEL jusqu'en 2008 ne pouvaient se concevoir que dans un cadre communautaire relativement protecteur vis-à-vis du reste du monde et fortement régulateur à l'échelle européenne. Ces recommandations de prix présentaient en tout état de cause un réel risque juridique au regard des règles de concurrence, comme l'a rappelé en 2008 la DGCCRF.
61. Il existe toutefois des solutions économiques, telles que la concentration ou la contractualisation, qui contribuent à orienter les prix, en modifiant le rapport de force entre les producteurs et les transformateurs et en limitant la volatilité, sans méconnaître les règles de concurrence.
C. LES RECOMMANDATIONS DE PRIX
62. Les recommandations de prix générales apparaissent, aux yeux de l'Autorité, de peu de secours pour les producteurs de lait et présentent de forts risques juridiques au regard des règles de concurrence. En la matière, seuls, le cas échéant, des accords ciblés liés à une démarche de qualité pour des produits commercialisés sous marque ou label de qualité sont, sous certaines conditions, envisageables.
1. L'inefficacité économique des recommandations de prix dans le contexte réglementaire actuel
63. Les recommandations de prix diffusées par le CNIEL contribuaient, aux yeux des différents acteurs, à la réalisation de deux objectifs. D'une part, elles permettaient aux deux grandes catégories d'acteurs, les producteurs et les transformateurs, d'anticiper l'évolution du prix du lait à la production, levant ainsi une partie de l'asymétrie d'information existante, les éleveurs n'ayant pas un accès direct à l'évolution des prix aval. D'autre part, ces recommandations permettaient aux producteurs de réduire le déséquilibre dans le pouvoir de négociation existant sur le marché de la collecte de lait, puisqu'elles étaient émises par l'Interprofession, au sein de laquelle ils sont représentés par la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL).
64. Si la mise en garde de la DGCCRF est intervenue au moment où le marché s'est retourné, il convient de souligner que le retour à ce mécanisme ne permettrait très vraisemblablement pas de remédier aux dysfonctionnements du secteur. Comme l'atteste la difficulté qu'ont eue les médiateurs à faire émerger un consensus lors de la préparation de l'accord de juin 2009, les trois « familles » du CNIEL auraient de grandes difficultés à faire coïncider leurs anticipations du prix. En outre, le contexte communautaire a évolué, soumettant de plus en plus le marché au jeu de la concurrence.
65. Une éventuelle recommandation d'un niveau de prix se heurte donc à deux difficultés, d'une part la concurrence internationale, d'autre part la détermination du niveau de prix lui-même.
66. Un niveau de prix à la production ne peut
être recommandé sans tenir compte des autres acteurs susceptibles
de concurrencer les producteurs et les transformateurs concernés. En
effet, un prix trop élevé engendrerait une moindre
compétitivité de la zone où il est pratiqué et ne
pourrait qu'avoir un effet néfaste sur le développement du
secteur. Or, dans un secteur où certains produits industriels peuvent
faire l'objet d'échanges non seulement avec les États membres,
mais aussi avec des pays extérieurs à l'Union européenne,
l'efficacité d'un prix indicateur risque d'être faible, la demande
des transformateurs étant susceptible de se reporter sur les produits
extra-européen en cas de prix trop élevés.
67. En outre, même si la question de la concurrence internationale ne se posait pas, la détermination du niveau de prix recommandé général serait en elle-même porteuse d'inefficacités économiques. En effet, sur un marché sur lequel se rencontrent une offre et une demande très hétérogènes, notamment en termes de qualité et de coûts, la détermination d'un prix indicateur est extrêmement complexe. Soit ce dernier est sous-estimé, ce qui entraîne une situation de sous-investissement pour la production laitière, et à terme, une moindre diversité de l'offre ; soit il est surestimé, ce qui, effet contraire, incite les producteurs à surinvestir, entraînant ainsi un déséquilibre entre l'offre et la demande et donnant les mauvaises incitations aux producteurs qui ne sont pas poussés à améliorer leur productivité.
68. De plus, de telles recommandations présentent une réel risque juridique au regard des règles de concurrence.
2. L'appréciation des recommandations de prix au regard des règles de concurrence
69. Un tel examen doit être mené au regard du droit national et au regard des règles communautaires.
a) Le droit national
70. Le secteur agricole est soumis au droit de la concurrence. Ainsi, lorsque la DGCCRF a mis en garde l'Interprofession contre la diffusion de recommandations en matière de prix, elle s'appuyait sur l'article L. 420-1 du code de commerce. En effet, si l'article L. 420-4 du même code, à son I, sous 2 e , dispose que ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L.420-1 les pratiques qui peuvent consister à organiser, pour les produits agricoles ou d'origine agricole, sous une même marque ou enseigne, les volumes et la qualité de production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession commun à condition qu'elles n'imposent des restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès, le mécanisme mis en oeuvre par le CNIEL allait au delà de cette dérogation. Les recommandations de prix étaient générales et n'étaient pas spécifiques à une marque ou à une enseigne.
71. Depuis lors, la loi de finances pour 2009 a modifié le code rural en y intégrant l'article L. 632-14 suivant, dont les dispositions n'ont d'ailleurs pas été soumises à l'époque au Conseil de la concurrence pour avis :
« Le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière peut élaborer et diffuser des indices de tendance, notamment prévisionnels, des marchés laitiers, ainsi que tout élément de nature à éclairer la situation des acteurs de la filière laitière.
Les centres régionaux interprofessionnels de l'économie laitière peuvent élaborer et diffuser des valeurs qui entrent dans la composition du prix de cession du lait aux collecteurs ou aux transformateurs, en s'appuyant notamment sur les indices mentionnés à l'alinéa précédent.
Les opérateurs de la filière laitière peuvent se référer aux indices et valeurs mentionnés aux deux premiers alinéas dans le cadre de leurs relations contractuelles.
Ces pratiques ne sont pas soumises aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce ».
72. Dès lors, l'article L. 420-4, II, sous 1), du code de commerce s'applique à ce dispositif :
« I.-Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques :
1° Qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application »
73. Toutefois, de telles pratiques sont susceptibles de rester soumises aux règles communautaires de concurrence.
b) Le droit communautaire de la concurrence
(1) L'affectation du commerce intracommunautaire
74. Le droit communautaire de la concurrence s'applique si le commerce entre États membres a été ou est susceptible d'être affecté de manière sensible par les pratiques considérées.
75. En l'espèce, des recommandations de prix au niveau national impliquant l'ensemble des acteurs nationaux, tant producteurs que transformateurs, d'un pays réalisant 17 % de la production communautaire de lait, relèveraient manifestement du droit communautaire de la concurrence. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JOCE 1997, C372, p.5), la Commission européenne précise notamment que « les ententes horizontales couvrant l'ensemble d'un État membre sont normalement susceptibles d'affecter le commerce entre États membres . » Or les recommandations d'une interprofession ont nécessairement une composante « d'entente horizontale ».
76. En outre, si le lait à l'état brut donne lieu à peu d'échanges intracommunautaires du fait de son caractère périssable et du niveau élevé des coûts de transport associés, il n'en va pas de même pour les produits conditionnés ou transformés comme le lait de conservation, les fromages ou la poudre de lait. Même si les marchés de la collecte sont distincts des marchés aval, une uniformisation des prix de collecte au niveau national aurait nécessairement un effet indirect sur les marchés aval sur lesquels les échanges intracommunautaires ne sont pas négligeables.
77. À cet égard, l'interdépendance du marché français avec ceux des autres États membres est attestée par le système mis précédemment en oeuvre par le CNIEL. En effet, les recommandations de prix prenaient en compte un indice de compétitivité avec l'Allemagne, ce qui montre qu'elles ne pouvaient être mises en oeuvre en s'abstrayant de la concurrence européenne.
78. Il est donc probable que les recommandations de prix telles qu'elles ont été pratiquées jusqu'en 2008 étaient susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres et auraient pu, de ce fait, faire l'objet d'une appréciation au regard de l'article 81 du traité CE, qui dispose notamment :
« Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à :
a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction ;
(...) »
79. Si les recommandations de prix n'étaient émises qu'au niveau régional, comme cela a été envisagé par l'Interprofession après la mise en garde de la DGCCRF, et est prévu désormais par l'article L. 634-14 du code rural, l'analyse de l'affectation du commerce intercommunautaire devrait être approfondie. Elle dépendrait peut-être de la région concernée, et prendrait notamment en compte les critères suivants : la nature des pratiques, l'identité des produits concernés par la pratique et l'importance des entreprises en cause.
80. Le commissaire du Gouvernement a estimé lors de la séance que le caractère régional des pratiques et l'importance des coûts de transport associés à la collecte de lait plaidaient pour l'absence d'affectation sensible du commerce entre États membres.
81. Toutefois, d'autres éléments sont susceptibles d'appuyer la thèse inverse.
82. En premier lieu, il faudrait s'assurer que ces recommandations de prix déclinées régionalement ne soient pas tout simplement la poursuite d'une pratique nationale, sans que les régions ne les déterminent de manière autonome, et qu'elles puissent alors être considérées comme manifestant une concertation nationale.
83. En second lieu, une recommandation de prix destinée à l'ensemble des producteurs et collecteurs au niveau régional pourrait être considérée comme affectant sensiblement le commerce entre État membres dans les régions frontalières, soit directement en conduisant à réorienter d'éventuelles livraisons de lait au détriment de transformateurs situés de l'autre côté de la frontière, soit indirectement sur les marchés avals. À cet égard, les seuils évoqués dans la communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité (JOCE 2001, C 368, p. 13), en deçà desquels l'article 81 n'est normalement pas applicable, seraient probablement dépassés (chiffre d'affaires de chaque « partie » limité à 40 millions d'euros et 15 % ou 5 % maximum de parts du marché pertinent selon les cas).
(2) L'exemption de droit commun prévue par l'article 81, paragraphe 3, CE, pourrait difficilement s'appliquer à des accords globaux
84. Une autorité de la concurrence examinant la compatibilité de ces recommandations de prix avec le droit communautaire regarderait dans quelle mesure l'exemption de l'article 81, paragraphe 3, CE s'appliquerait, ce dernier précisant que les dispositions du paragraphe 1 de cet article peuvent être déclarées inapplicables à tout accord ou toute pratique qui :
« contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :
a) Imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;
b) Donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence ».
85. La communication de la Commission européenne portant lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, CE (JOUE 2004, C101, p.8) précise que cette disposition :
« n'exclut pas a priori certains types d'accords de son champ d'application. Par principe, tous les accords restrictifs qui remplissent cumulativement les quatre conditions de l'article 81, paragraphe 3, bénéficient de l'exemption. Toutefois, il est fort peu probable que de graves restrictions de la concurrence puissent remplir les conditions de l'article 81, paragraphe 3 » (point 46).
86. En l'occurrence, il serait sans doute difficile de démontrer que la restriction de concurrence consistant à formuler des recommandations de prix au niveau national ou régional est nécessaire à la réalisation de l'objectif visé. La nécessité de vérifier qu'il n'existe pas d'autres moyens moins anticoncurrentiels d'atteindre l'objectif visé renvoie notamment au développement des pistes de réflexions évoquées à partir du paragraphe 104 du présent avis. À cet égard, si la Communauté européenne a elle-même abandonné le mécanisme du prix indicatif dans le cadre de l'OCM, c'est vraisemblablement qu'elle considère que d'autres moyens peuvent être utilisés pour assurer un bon fonctionnement du secteur.
87. En outre, pour bénéficier de l'exemption, un
accord restrictif de concurrence doit réserver aux utilisateurs une part
équitable du profit qui en résulte. La notion
«
d'utilisateur
» englobe tous les acteurs, directs ou indirects,
des produits couverts par l'accord, y compris les transformateurs, les
distributeurs, mais également, dans le cas de biens destinés
à être largement commercialisés, les consommateurs
finals.
88. Dans la plupart des cas, un système de fixation ou d'orientation du prix d'achat des matières premières à un niveau supérieur aux prix du marché est de nature à conduire les acheteurs et distributeurs à augmenter le prix net de leurs produits, afin de préserver leurs propres marges. Par exemple, dans la décision 75/77/CEE du 8 janvier 1975, IV/27 039 - Conserves de champignons (JOCE L 29, p. 26), la Commission européenne a considéré que des concertations « de prix de vente à l'intérieur du marché commun entre les principaux protagonistes d'un secteur de l'industrie alimentaire ne vont pas dans le sens et ne sauraient se trouver à l'origine d'améliorations telles que celles visées à l'article 85-3, qu'elles ne sauraient pas davantage contribuer à promouvoir le progrès technique ou économique et qu'en tous cas, elles ne peuvent jouer qu'au détriment des intérêts des consommateurs » (voir aussi la décision de la Commission du 2 avril 2003, COMP/C.38.279/F3, Viandes bovines françaises, JOUE L 209, p. 12, point 130).
89. Il convient néanmoins de rappeler que le Conseil de la concurrence ne s'est pas montré hostile à d'éventuels accords fixant des prix minimum à la production en échange de l'apport d'une qualité particulière si la concurrence entre filières de qualité reste suffisante et si la fixation des prix au niveau du consommateur reste libre. Cette approche a été exposée récemment dans l'avis n° 08-A-07 du 7 mai 2008 relatif à l'organisation économique de la filière fruits et légumes :
« La Commission de la concurrence, dans un avis rendu sur le vin de Cahors (Avis n° 81/14), a ainsi considéré qu'un accord, au sein d'une filière, entre producteurs et négociants sur un prix plancher du vin vendu en vrac aux négociants, dès lors qu'il n'était pas accompagné d'un prix conseillé ou imposé de revente au consommateur, pouvait échapper à la prohibition des ententes dans la mesure où il permettait de garantir et d'améliorer la qualité des vins offerts aux consommateurs. Cette position a été confirmée par le Conseil de la concurrence à plusieurs reprises (voir les décisions n° 94-D-41 du 5 juillet 1994 relative au secteur des volailles sous label et n° 95-D-15 du 14 février 1995 relative au secteur de la pomme de terre de conservation). » (point 67) ;
90. L'Autorité de la concurrence n'a pas de raisons de remettre en cause cette approche. Elle ne peut toutefois pas préjuger de la position qu'adopterait la Commission européenne si celle-ci se saisissait de la question.
(3) La dérogation spécifique au secteur agricole ne semble guère apporter de souplesses supplémentaires
91. Les conditions d'application des règles de concurrence au regard des objectifs de la politique agricole commune ont été exposées en dernier lieu dans un règlement du Conseil (règlement (CE) n° 1184/2006, du 24 juillet 2006, JOUE L 214, p. 7), qui fait de l'application de ces règles le principe général, comme le dispose son article 1 er :
« Les articles 81 à 86 du traité ainsi que les dispositions prises pour leur application s'appliquent à tous accords, décisions et pratiques visés à l'article 81, paragraphe 1, et à l'article 82 du traité et relatifs à la production ou au commerce [des produits agricoles], sous réserve des dispositions de l'article 2 du présent règlement ».
92. L'article 2 prévoit un dispositif dérogatoire spécifique au secteur agricole :
« L'article 81, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas aux accords, décisions et pratiques (...) qui font partie intégrante d'une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs [de la politique agricole commune].
Il ne s'applique pas en particulier aux accords, décisions et pratiques d'exploitants agricoles, d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul État membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles ou l'utilisation d'installations communes de stockage, de traitement ou de transformation de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs [de la politique agricole commune] sont mis en péril ».
93. Cette dérogation, qui exclut en tout état de cause les accords de prix, a cependant toujours fait l'objet d'une interprétation particulièrement restrictive de la Commission européenne et de la Cour de justice des Communautés européennes. Ainsi, dans l'arrêt du 15 mai 1975, Frubo/Commission (71/74, Rec. p. 563, points 24, 25 et 26), la Cour a jugé que pour satisfaire la condition d'être nécessaire à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune, l'accord en cause doit être nécessaire pour atteindre chacun de ces objectifs, rappelés ci-dessous :
« - accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d'oeuvre ;
- assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;
- stabiliser les marchés ;
- garantir la sécurité des approvisionnements ;
- assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ».
94. De même, dans l'arrêt du 12 décembre 1995, H.G. Oude Luttikhuis e. a./Coberco (C399/93, Rec. p. I-4515, points 26 et 27), la Cour a précisé que les accords pour lesquels le bénéfice de cette dérogation est revendiqué ne doivent compromettre aucun des objectifs de la politique agricole commune.
95. Il apparaît donc que l'émission de recommandations de prix générales, tant au niveau national que régional, présente un réel risque juridique au regard des règles de concurrence. Il semble préférable de privilégier des solutions qui, tout en étant conformes aux règles de concurrence, semblent en outre mieux cibler les dysfonctionnements du marché.
D. LES PISTES POUR AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DU SECTEUR
96. S'il est incontestable que le niveau le plus pertinent d'action pour réguler le secteur laitier reste le niveau communautaire, cela n'exclut pas de réfléchir aux mécanismes susceptibles d'améliorer son fonctionnement national, d'autant plus que les disparités entre les différents États membres justifient une analyse par pays producteur.
97. Dans ce contexte, l'Autorité souligne qu'il ressort de l'analyse des causes de la crise du secteur laitier et de son fonctionnement que le secteur de la distribution n'est pas responsable des difficultés rencontrées par les producteurs. Comme l'a montré la récente étude de l'Observatoire des prix et des marges 24 ( * ) , la distribution n'a pas profité de la hausse des prix du lait à la production pour augmenter ses marges (graphique 13).
Figure 13-Décomposition du prix de détail du lait uht demi écrémé, (Source : Observatoire des prix et des marges)
98. Toutefois, les difficultés rencontrées par le secteur et les dysfonctionnements analysés précédemment nécessitent d'envisager des solutions qui peuvent être relativement classiques comme la concentration de la production, ou plus innovants et spécifiques au secteur, comme l'assouplissement de l'OCM et la contractualisation dans un cadre prédéfini. Ces différentes solutions méritent d'être étudiées.
1. LA MISE EN PLACE D'UN MARCHÉ À TERME POUR LUTTER CONTRE LA VOLATILITÉ DES PRIX
99. Des solutions de marché classiques pourraient être envisagées pour remédier au problème de la volatilité des prix à la production dans le secteur laitier.
100. Les mécanismes d'assurance, traditionnellement utilisés pour contrer la volatilité des prix, notamment celle issue d'aléas climatiques, ne semblent pas pouvoir être mis en place dans le secteur laitier. En effet, la volatilité des prix est un phénomène qui touche l'ensemble des éleveurs, contrairement à la plupart des phénomènes climatiques, ce qui empêche donc un assureur de mutualiser les risques entre ses différents adhérents, ceux-ci étant touchés au même moment par une mauvaise conjoncture des prix.
101. En revanche, le développement de marchés à terme constituerait une piste pour lutter contre la volatilité, dans la mesure où ils permettraient de mutualiser les risques non seulement entre les producteurs, mais également dans le temps, ce que ne permettent pas les simples regroupements d'offre en coopératives. S'il existe aux États-Unis un marché à terme (Chicago Mercantile Exchange) proposant des contrats sur le lait, le beurre et la poudre de lait, il n'y en a pas aujourd'hui en Europe (un projet européen, l'European Milk Exchange, est actuellement en cours de réalisation).
2. L'assouplissement de l'organisation commune de marchés
102. Le secteur des fruits et légumes est régi par une OCM plus souple en matière d'organisation de producteurs que celle du secteur laitier. En effet, sous réserve qu'elle ne soit pas en position dominante, une association d'organisations de producteurs peut, sans transfert de propriété, être chargée par ses membres de la commercialisation des produits ; elle peut également organiser des échanges d'informations ayant pour objet de régulariser les prix à la production, c'est-à-dire d'en limiter la volatilité. Pour plus de précisions sur cette OCM, il est renvoyé à l'avis n° 08-A-07 du Conseil de la concurrence précité.
103. Le secteur laitier étant également concerné par un déséquilibre dans les relations commerciales entre les producteurs et les acheteurs, en l'occurrence les transformateurs, il pourrait être pertinent d'assouplir les règles encadrant ce secteur de manière à le faire bénéficier des solutions trouvées pour les fruits et légumes.
3. La concentration de l'offre pour renforcer le pouvoir de négociation des producteurs
104. D'une manière générale, la poursuite de concentration de l'offre semble être une nécessité pour restaurer le pouvoir de négociation des producteurs, et ce d'autant plus si la contractualisation doit se développer. En effet, la négociation des prix de départ apparaît très déséquilibrée en défaveur de certains producteurs.
105. La concentration de la production laitière est un mouvement entamé au début des années 80, comme cela a été précisé précédemment (voir § 13 ), qui doit être poursuivi pour que ses effets positifs sur le pouvoir de négociation des éleveurs soient maximisés.
106. Outre le renforcement du pouvoir de marché des producteurs, la concentration doit permettre de rendre la filière laitière française plus compétitive par rapport à ses concurrentes européennes. En effet, les exploitations laitières françaises sont globalement plus petites que les exploitations d'autres pays (Pays-Bas, Danemark,...). Compte tenu de la part importante des coûts fixes dans les coûts de production, l'augmentation de la taille des exploitations pourrait permettre dans une certaine mesure d'amortir ces coûts fixes sur un volume de production plus important. Le regroupement d'exploitations, par exemple au sein de GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) ou de SCL (société civile laitière), doit être encouragé. La concentration de l'offre peut aussi passer par le renforcement des coopératives de collecte qualifiées d'organisations de producteurs par la réglementation communautaire. Si l'assouplissement de l'OCM évoqué aux paragraphes 102 et 103 venait à être mis en oeuvre, des associations d'organisations de producteurs pourraient elles-mêmes, sous certaines conditions, concentrer l'offre sans que les producteurs participant à ces structures puissent se voir reprocher de participer à des ententes anticoncurrentielles.
107. La concentration verticale devrait aussi être développée. Le caractère périssable du produit limite en effet fortement le pouvoir de négociation des producteurs, ce qui sous-entend que la concentration pourrait devoir s'accompagner d'une intégration verticale avec la transformation pour restaurer plus efficacement les équilibres de marché ; les coopérateurs décidant eux mêmes de l'allocation des ressources entre le stade de la production et le stade de la transformation. Le principe de la concentration et de l'intégration verticale est celui adopté par les coopératives de transformation, dont cependant l'ensemble des acteurs s'accorde à dire qu'elles ne rémunèrent pour l'instant pas systématiquement mieux les producteurs que les industriels privés. Ces dernières se sont en effet souvent développées en s'appuyant fortement sur le beurre et la poudre de lait, dont le prix était assuré par l'intervention communautaire, mais qui ne sont pas des produits fortement valorisés. C'est pourquoi elles devraient autant que possible rechercher aujourd'hui les débouchés qualitatifs.
108. Une meilleure rémunération des producteurs passe en effet à la fois par une augmentation de leur pouvoir de marché mais également par une plus grande valorisation des produits fabriqués, par exemple par une différenciation. A cet égard, la collecte de lait biologique, qui ne suffit pas actuellement à satisfaire la demande nationale (30 % du lait biologique liquide consommé en France est importé), pourrait permettre à un certain nombre de producteurs de revaloriser leurs revenus, même si cela ne peut concerner qu'une minorité d'entre eux. D'autres productions et transformations de qualité, si elles peuvent se développer, pourraient permettre, comme en Autriche et en Italie, de mieux rémunérer les producteurs tout en donnant moins de prise aux influences de marché internationales. Toutefois, ce type de réorientation de la production suppose l'accord du producteur et du transformateur.
4. La nécessaire contractualisation entre le producteur et le transformateur
a) Le principe de la contractualisation
109. Actuellement, la moitié des producteurs écoulent leur lait par l'entremise de coopératives, qui, pour la majorité d'entre elles, en assurent la transformation. Les producteurs sont liés à leur coopérative par un contrat, de durée variable (la plupart du temps autour de 5 ans), qui prévoit que l'éleveur apporte la totalité de sa production à la coopérative et lui en transfère la propriété. Ce contrat est renouvelable par tacite reconduction, les coopératives ne pouvant s'y opposer que si le producteur a manqué à ses obligations.
110. Le conseil d'administration de la coopérative a l'obligation de fixer un prix d'acompte, chaque mois, et peut décider de verser des compléments de prix. A la fin de l'année, lorsque les comptes sont clos, l'assemblée générale décide de l'affectation des résultats.
111. La situation du producteur collecté par une entreprise privée est autre. Il n'existe pas de contrat écrit entre un producteur et « son » industriel privé. Il s'agit d'une relation de confiance, parfois héritée, et qui ne mentionne ni prix, ni qualité, ni volume. Traditionnellement, avec les quotas, la production étant limitée, l'ensemble du volume produit par un éleveur était collecté par le transformateur avec lequel il travaillait. Le prix est fixé mensuellement par l'acheteur, de manière unilatérale.
112. Avec des quotas contraignants, les relations en amont de la filière étaient plus simples qu'aujourd'hui. En effet, les quotas permettaient de maintenir les prix annuels relativement stables et le déficit d'offre permettait de rééquilibrer le pouvoir de négociation des producteurs (encore plus atomisés que les transformateurs). De plus, le soutien par les prix d'intervention des produits industriels (beurre, poudre de lait) permettait de limiter la différence de valorisation entre les produits industriels et les produits de grande consommation. Ainsi, le prix du lait pouvait être le même quel que soit le « mix » produits de l'entreprise de transformation (importance relative des produits industriels et des produits de grande consommation dans les fabrications de l'entreprise) 25 ( * ) . Avec des quotas de moins en moins contraignants et la baisse des prix d'intervention des produits industriels, l'équilibre précédent n'est plus soutenable.
113. La suppression des quotas annoncée pour 2015 nécessite de repenser les relations producteurs-transformateurs, tant celles impliquant les coopératives que celles concernant les industriels privés. Les unes comme les autres ne peuvent en effet continuer à s'engager à collecter sans limite la totalité de la production de « leurs » éleveurs, dans la mesure où cela conduirait à une surproduction inévitablement néfaste en termes d'efficacité économique et de prix pour les producteurs.
114. Une contractualisation portant sur des volumes, des prix, et des éléments de qualité, doit prendre le relais et permettre de donner la visibilité nécessaire pour les producteurs. En effet, la production laitière présente la double caractéristique d'avoir un cycle de production long et rigide et des charges fixes nettement supérieures aux charges variables. Cela limite fortement la capacité d'adaptation des éleveurs laitiers. Par ailleurs, cette visibilité ne peut également qu'être bénéfique pour les transformateurs, qui pourraient ainsi avoir une meilleure prévisibilité de leurs approvisionnements et leurs coûts. Enfin, la mise en oeuvre de contrats avec des prix fixés sur des périodes de plusieurs mois peut permettre de lisser la variabilité saisonnière, ce qui semble possible compte-tenu du fait qu'une part des produits transformés fait l'objet de négociations avec la grande distribution, qui sont annuelles la plupart du temps.
b) Quelles modalités de contractualisation ?
115. Différentes modalités de contractualisation entre le producteur et le transformateur peuvent être envisagées. Le CNIEL travaille actuellement à l'élaboration d'un guide de bonnes pratiques, qui devra notamment porter sur le contenu d'un contrat-type, c'est-à-dire sur les éléments devant y figurer. Pour autant, il apparaît absolument nécessaire que la détermination de ces éléments (prix, volumes, revalorisation) soit négociée de manière indépendante, par chaque transformateur avec des producteurs regroupés, et qu'elle ne fasse pas l'objet d'une concertation entre transformateurs.
(1) Avec qui doit contractualiser le transformateur ?
116. L'une des grandes difficultés de la contractualisation réside dans la multiplicité de fournisseurs qu'ont les grands industriels privés. Il est donc nécessaire de déterminer avec qui le transformateur devra négocier le contenu des contrats. Si une négociation des prix de l'ensemble des acteurs au niveau national serait contraire au droit de la concurrence, l'extrême inverse, une négociation de chaque transformateur avec chaque producteur limiterait inévitablement les bénéfices à attendre de la contractualisation en termes de restauration du pouvoir de négociation des producteurs.
117. Deux solutions intermédiaires sont envisageables : le regroupement des producteurs en organisations de producteurs (ci-après OP) qui, dans un premier cas, se voient transférer la propriété de la marchandise et se chargent alors de la commercialiser ou qui, dans le second cas, agissent comme mandataires, négociant avec le transformateur au nom de ses adhérents.
118. La première solution ne pose aucun problème au regard des règles de concurrence. Il s'agit donc d'un simple mécanisme de concentration de l'offre, dans lequel les différents producteurs se comportent comme s'ils constituaient une unique entreprise.
119. La compatibilité de la seconde solution avec les règles de concurrence soulève plus de questions. En effet, lorsque les producteurs ne transfèrent pas la propriété de leur production à l'OP, ils restent en prise avec le marché mais via l'OP. En effet, dans ce cas l'OP commercialise la production pour le compte des producteurs en fonction d'un mandat de commercialisation. La vente est réalisée par la structure associative, les volumes sont donc regroupés par rapport à des producteurs indépendants, mais le prix de cession est bien un prix individualisé entre chaque producteur et l'aval. En l'état du droit, la nature du mandat devrait alors être examinée pour s'assurer qu'il ne peut être considéré comme un mécanisme permettant à des producteurs autonomes de s'entendre pour restreindre la concurrence. L'assouplissement de l'OCM régissant le secteur laitier dans le sens mentionné au paragraphe 103 pourrait permettre de sécuriser juridiquement cette option.
(2) La durée des contrats
120. La question de la durée du contrat doit être posée. Cette dernière doit permettre de donner au producteur la visibilité suffisante pour la réalisation d'investissements de moyen terme ; à titre d'exemple, l'amortissement d'une vache nécessite quelques années, des contrats d'une durée supérieure à deux ans semblent donc nécessaire.
121. Interrogé sur ce point, le président du CNIEL a estimé devant l'Autorité qu'il était nécessaire d'envisager des contrats d'une durée comprise entre 5 et 10 ans. Toutefois, la revalorisation périodique du prix fixée par le contrat nécessite que les cocontractants soient d'accord sur un partage du risque. Or, plus le contrat est long, plus le risque est fort, et plus il est difficile de trouver une formule d'indexation convenant aux deux parties. Il faudra donc probablement arbitrer en faveur de contrats plus courts (de 2 à 5 ans) afin d'obtenir une adhésion des acteurs du secteur.
122. Les durées ne doivent pas nécessairement être identiques pour tous les contrats. Elles peuvent en effet prendre en compte des spécificités des exploitations, comme le fait qu'un éleveur s'engageant dans de nouvelles installations est susceptible d'avoir besoin d'une plus grande visibilité qu'un autre. À cet égard, l'initiative de la coopérative Sodiaal, consistant à rémunérer les producteurs acceptant de déclarer leurs prévisions de livraison à l'avance et réalisant des livraisons suffisamment proches de leurs prévisions, doit être saluée, dans la mesure où elle contribue également à instaurer une plus grande prévisibilité dans la filière.
(3)La contractualisation sur les volumes
123. La question des volumes mérite d'être traitée avec une relative souplesse. En effet, la production de lait ne peut être anticipée exactement par l'éleveur, et son caractère cyclique nécessite une réflexion spécifique. Il pourrait apparaître pertinent, comme l'idée en a été avancée, que les contrats distinguent deux volumes, un volume « de base » (ci-après « volume A »), pour lequel le prix serait fixé pour une durée de plusieurs mois, et un volume « de pointe » (ci-après « volume B ») dont le prix serait celui du marché connecté avec les cours des marchés aval, comme c'est le cas actuellement.
124. La volatilité du prix du lait serait alors réduite car le volume A serait acheté à un prix qui ne subirait pas les variations mensuelles engendrées par la volatilité des produits industriels. Par ailleurs, afin que cet effet soit réel, il faudrait que pour chaque contrat producteur/transformateur, la part occupée par les volumes A dans la livraison du producteur ne puisse être inférieure à ce que le transformateur est raisonnablement susceptible de prévoir lui-même de façon relativement sûre comme écoulement de ses produits, ce qui est traditionnellement considéré comme étant la part de produits de grande consommation qu'il fabrique.
(4)La revalorisation du prix
125. Enfin, les prix correspondant au volume A ne pourront être fixes sur toute la durée du contrat. Ce dernier devra nécessairement mentionner la façon dont ils seront périodiquement réévalués.
126. Deux questions doivent alors être examinées : à quelle fréquence le prix doit-il être revalorisé ? Selon quels critères ?
127. Il serait préférable, afin de maximiser les effets stabilisateurs de la contractualisation, que les prix ne soient pas revalorisés aussi fréquemment que jusqu'à présent (revalorisation mensuelle). Une revalorisation au moins trimestrielle, voire semestrielle, pourrait être envisagée, ce qui doit être possible dans la mesure où, en aval, les négociations avec la grande distribution se font sur une base annuelle.
128. Par ailleurs, la formule de revalorisation du prix figurant dans le contrat correspond à un partage du risque entre producteur et transformateur sur lequel, dans l'idéal, et sous réserve que les producteurs aient suffisamment de pouvoir de négociation, les deux parties se mettent d'accord de manière autonome et sans lien avec ce qui est fait dans les autres contrats.
129. Toutefois, si le regroupement des producteurs n'est pas suffisant pour permettre un accord sur ce partage de risque équitable, il peut être envisagé d'encadrer cette revalorisation de manière nationale, en tenant compte d'indices calculés par un organisme indépendant des acteurs du marché. En effet, dans la mesure où les avantages de la contractualisation résident en grande partie dans le mécanisme d'assurance de moyen terme qu'elle représente, l'adhésion des deux parties à un tel mécanisme nécessite que chacune soit convaincue que cet engagement ne se fera pas à ses dépens.
130. A titre d'exemple, un indice composite prenant en compte tant les variations aval (prix des produits industriels, des produits de grande consommation...) que les coûts amont (coûts de l'alimentation animale par exemple) pourrait être élaboré et diffusé, non pas par l'Interprofession, mais par une structure au sein de laquelle l'État serait représenté, cet indice servant de base légale pour augmenter mais également diminuer, si besoin est, le prix du volume de base A. En effet, en cas de forte crise du secteur, le prix doit pouvoir s'adapter aux difficultés rencontrées par les transformateurs pour écouler leurs produits. Les évolutions du prix des contrats se feraient sur la base de l'évolution de cet indice en pourcentage, et non en valeur, de manière à ce que cet encadrement n'ait pas pour effet d'homogénéiser les prix.
131. Un parallèle peut être fait avec le secteur du transport routier, pour lequel les pouvoirs publics ont mis en place un mécanisme de répercussion des variations du prix du gazole sur le prix du transport facturé en tenant compte de l'évolution d'un indice officiel élaboré par le Comité national routier, au conseil d'administration duquel le ministère des transports est représenté.
II. CONCLUSION
132. Sans préjuger de ce que l'examen d'une saisine contentieuse révèlerait, l'Autorité estime que l'émission de recommandations de prix au niveau national, voire au niveau régional, par l'Interprofession présente un réel risque juridique au regard des règles de concurrence.
133. Elle reste par ailleurs peu convaincue de leur efficacité pour remédier aux difficultés structurelles du secteur et privilégie des solutions qui lui semblent plus pertinentes : la promotion de la contractualisation, la restructuration du secteur accompagnée par un assouplissement des possibilités d'intervention des associations d'organisations de producteurs dans l'OCM, et la mise en place de marchés à terme.
134. La contractualisation apparaît une voie nécessaire dans le contexte de dérégulation que connaît le secteur laitier, et c'est le rôle de l'Interprofession de la favoriser, tout en respectant les règles de concurrence imposant que des unités économiques indépendantes établissent leur stratégie commerciale de manière autonome.
Délibéré sur le rapport oral de Mme
Constance Valigny et l'intervention de
M. Jean-Marc Belorgey,
rapporteur général adjoint, par M. Bruno Lasserre,
président, président de séance, Mmes Anne Perrot,
Elisabeth Flüry-Hérard et
M. Patrick Spilliaert,
vice-présidents.
La secrétaire de séance, Marie-Anselme Lienafa |
Le président, Bruno Lasserre |
Lettre de saisine de l'Autorité de la concurrence
COMMISSION
DES AFFAIRES ECONOMIQUES
LE PRÉSIDENT
Monsieur Bruno LASSERRE
Président de l'Autorité de la concurrence
11, rue de l'Echelle
75001 PARIS
Paris, le 9 juin 2009
Réf : CE-9912 (MR)
Monsieur le Président,
Lors de sa réunion du 2 juin dernier, la commission des affaires économiques a souhaité, sur ma proposition et comme l'article L. 461-5 du code de commerce l'y habilite désormais, à consulter l'institution que vous présidez sur les questions de concurrence au sein de la filière lait.
Si la crise grave que connaît actuellement le secteur provient directement d'un excès d'offre au niveau mondial et d'une stagnation de la consommation de produits laitiers, la structuration de la concurrence en son sein n'a pu que contribuer à en renforcer l'intensité.
Comme vous le savez, les mécanismes d'orientation du prix du lait par l'interprofession, qui permettaient depuis plusieurs années de réguler ce dernier, ont été remis en cause en 2008 suite aux observations de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Depuis cette date, l'absence de mécanisme d'encadrement du prix du lait a laissé sa fixation s'opérer par le libre jeu du marché à un niveau historiquement bas pour la livraison d'avril 2009. A été mis en évidence, de ce fait, l'asymétrie existant dans les pouvoirs de négociation entre les différents maillons de la filière que sont les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.
Notre commission, à travers son groupe d'études sur l'élevage présidé par mon collègue Gérard Bailly, qui a procédé à plusieurs auditions, s'est mobilisée pour étudier les causes, tant ponctuelles que structurelles, de cette crise et tenter de préconiser des pistes d'action. Il lui est apparu, à cet égard, que l'analyse des rapports de concurrence au sein de la filière constituait un axe majeur d'investigation.
L'institution que vous présidez nous a semblé particulièrement à même d'apporter à notre assemblée des précisions sur le cadre législatif et réglementaire régissant l'économie du secteur, tant à l'échelon communautaire que national, et à esquisser les grandes orientations dont la poursuite permettrait, s'il s'avérait qu'elle n'était pas totalement satisfaisante, de rétablir les conditions d'une concurrence libre et transparente.
Ainsi, l'avis que rendrait l'Autorité de la concurrence se prononcerait sur ce qu'interdit, très précisément, le droit de la concurrence français et européen en matière de fixation du prix du lait ; il indiquerait également quelles formes pourrait prendre un système tripartite d'orientation dudit prix dans le respect des règles de la concurrence.
Nous serions tout à fait intéressés à ce que vous veniez, devant la commission, exposer les résultats de vos travaux lors de la rentrée parlementaire d'octobre.
Espérant que l'Autorité que vous présidez sera en mesure de répondre à cette demande, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Jean-Paul EMORINE
ANNEXE I - COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE M. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE (mardi 22 septembre 2009)
Au cours d'une première séance, tenue dans l'après-midi , la commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche .
Soulignant que la situation des producteurs de lait intéressait au plus haut point les sénateurs, et que, lors de la séance de questions d'actualités au Gouvernement du 17 septembre 2009, pas moins de quatre questions sur dix avaient porté sur ce sujet, M. Jean-Paul Emorine , président , a précisé que cette audition, à laquelle est invité le groupe d'études sur l'élevage, présidé par M. Gérard Bailly, était ouverte à tous les sénateurs ainsi qu'à la presse.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a tout d'abord constaté que l'agriculture française traversait une crise, la plus grave depuis trente ans, soulignant que la quasi-totalité des filières étaient touchées, et que cette crise revêtait une dimension à la fois structurelle et conjoncturelle, nationale et internationale.
Présentant ensuite les axes de sa stratégie en direction du secteur agricole, il a tout d'abord évoqué le soutien aux exploitations, à mettre en place pour leur permettre de surmonter la crise par des mesures pragmatiques, concrètes et rapides, de nature à modifier le contexte économique et redonner confiance aux agriculteurs qui se sentent parfois délaissés par les pouvoirs publics et, plus largement, par la société.
Il en est ainsi du dispositif d'assurance-crédit à l'exportation mis en place pour la filière des fruits et légumes, en particulier pour la production de poires et de pommes, exportée à plus de 50 %, et qui a rencontré de grandes difficultés durant l'été du fait de la baisse de la consommation de ces produits dans les pays d'Europe centrale et orientale, et des barrières à l'importation instaurées en Russie.
En ce qui concerne le lait, il y a urgence à agir pour améliorer concrètement la trésorerie des exploitations. Trente millions d'euros d'aides ont d'ores et déjà été débloqués, et la mutualité sociale agricole a accepté un report d'octobre 2009 à juin 2010 des appels à cotisations, relativement élevés car calculés sur les revenus agricoles plutôt favorables des années 2006, 2007 et 2008. En outre, les banques s'engagent à accorder 250 millions d'euros de crédits afin de soutenir le fonds de roulement des exploitations laitières, en privilégiant les jeunes agriculteurs et ceux qui ont récemment investi, ces crédits étant assortis d'un taux préférentiel plafonné à 3 % et faisant l'objet d'un remboursement différé à partir de janvier 2011. Ces avantages sont financés par l'Etat à hauteur de 30 millions d'euros.
Le ministre a ensuite affirmé vouloir tenir aux agriculteurs un discours de vérité, qui ne cherche pas à accuser les autres d'être responsables de la situation. Ainsi, dans le secteur des fruits et légumes, le coût du travail saisonnier, qui représente 60 % du coût de production, s'élève à 12 euros par heure en France, contre 6 euros en Allemagne, 7 euros en Espagne et 8 euros en Italie. Il ne s'agit pas d'exiger de nos voisins européens qu'ils soient moins compétitifs, mais de favoriser des réformes structurelles, pour que l'agriculture française soit également compétitive. Il faut obtenir, en parallèle, des avancées en matière d'harmonisation européenne. Ainsi, la France utilise moins de produits phytosanitaires que ses voisins, ce qui autorise une meilleur valorisation des produits, mais il faut également obtenir une harmonisation par le haut des réglementations communautaires, afin de rétablir les conditions de concurrence. La future loi de modernisation agricole aura vocation à proposer des mesures structurelles relatives à la compétitivité, à la stabilisation des revenus agricoles et à la préservation du foncier agricole.
Par ailleurs, le ministre a considéré qu'il était impossible d'aller uniquement dans le sens de la baisse des coûts de production agricoles, car cette stratégie se ferait au détriment des autres objectifs de la politique agricole : sécurité alimentaire, sécurité sanitaire, aménagement du territoire et développement durable. La poursuite de ces autres objectifs mérite non seulement la reconnaissance de la nation, mais aussi une prise en compte sur le plan économique et monétaire favorable aux agriculteurs.
Enfin, le ministre a jugé indispensable de gagner la bataille de la régulation européenne des marchés agricoles. La France a été historiquement le seul pays de l'Union européenne à soutenir la régulation, à rebours de la politique communautaire conduite depuis des nombreuses années. Depuis juillet 2009, à l'instigation de la France, les partisans d'un changement de doctrine prônant un retour à la régulation se sont renforcés : la proposition de résolution franco-allemande sur le lait, rédigée en juillet, a d'abord reçu un accueil réservé de la commission européenne et de la présidence suédoise de l'Union européenne mais, aux douze Etats soutenant initialement la position française, se sont joints, début septembre, l'Espagne et la République Tchèque. Parallèlement, le Parlement européen a considéré que la régulation était une nécessité. La Pologne a rejoint cette initiative et, si l'Italie ralliait cette position, une majorité qualifiée (255 voix) permettrait d'imposer une révision des orientations agricoles européennes dans le sens d'une plus grande régulation du marché du lait, en remplacement du système des quotas. Cette révision ne peut être décidée que par un conseil européen extraordinaire des ministres de l'agriculture dont la France a demandé la réunion. Ces initiatives diplomatiques intenses marquent une rupture avec la stratégie européenne classique de la France, fondée sur la recherche de minorités de blocage (99 voix). Le ministre a estimé, en définitive, que la France ne pourrait reprendre la tête des initiatives européennes en matière agricole, et, ce faisant, être en position de force pour la négociation de la nouvelle politique agricole commune (PAC) pour 2013, qu'en adoptant cette nouvelle stratégie de recherche de majorités qualifiées.
M. Jean-Paul Emorine , président , a souligné que les exploitations agricoles étaient des entreprises, qui devaient être soutenues en cas de crise conjoncturelle, mais a jugé également nécessaire la recherche de solutions structurelles qui ne peuvent être définies qu'au niveau communautaire.
M. Gérard Bailly , président du groupe d'études sur l'élevage , a précisé que l'agriculture ne pouvait être considérée comme une production comme les autres : d'une part, l'exploitant ne maîtrise pas les quantités produites, qui dépendent notamment des aléas climatiques, et, d'autre part, de faibles variations de l'offre et de la demande peuvent entraîner des variations considérables de prix. Ces spécificités appellent donc un mécanisme de régulation. Rappelant que, en ce qui concerne le secteur du lait, l'avis de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait désorganisé le fonctionnement du marché, il a estimé qu'une partie de la crise de ce secteur provenait des marges du distributeur, les produits agricoles captant une part trop faible du prix de vente final. Il a souhaité que le contrôle des marges de la grande distribution soit plus effectif. Déplorant la baisse sur le long terme du nombre de producteurs de lait, il a souligné que cette diminution mettait en péril le modèle agricole français, fondé sur une répartition diffuse des exploitations sur le territoire. Les éleveurs ont déjà effectué des efforts de modernisation importants, mais ces efforts sont mis à mal par des charges nouvelles et un coût croissant des intrants qui pèsent sur les résultats des exploitations. Par ailleurs, il s'est demandé si la mission des médiateurs, nommés dans le cadre de la crise du lait, devait se poursuivre. Enfin, s'il faut saluer l'initiative consistant à valoriser les produits laitiers en les étiquetant avec le « label France », les producteurs de produits de qualité peinent néanmoins à trouver des débouchés à des prix qui excèdent leur coût de production, estimé à 313 euros la tonne de lait. Ce problème ne se pose pas seulement pour le lait, mais aussi pour la production de viandes et dans d'autres secteurs encore.
M. Yannick Botrel a ensuite exprimé son accord avec le constat de crise de l'agriculture dressé par le ministre. Il s'est inquiété du désarroi des éleveurs qui, ne voyant plus de perspectives, n'écoutent plus l'organisation syndicale majoritaire, et se lancent dans les grèves du lait. Les mesures conjoncturelles prises par le ministre ne suffiront pas et de nombreuses exploitations, déjà en difficulté avant la crise, ne survivront pas économiquement, du fait d'un revenu insuffisant provenant de la vente de la production de lait, même dans un cadre nouveau de contractualisation. Cette crise était prévisible et résulte du démantèlement de la régulation européenne assurée par les quotas et de la régulation nationale assurée par le système de prix directeurs du centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL). De nouveaux mécanismes de régulation doivent être inventés pour la filière laitière et il faut disposer de données fines par département afin de mieux mesurer la situation réelle des agriculteurs.
M. Marcel Deneux , après avoir précisé qu'il n'avait plus de responsabilités dans la filière laitière, a souligné la gravité inédite de la situation dans toutes les filières agricoles, y compris celle des productions végétales. Il a jugé qu'il ne pouvait y avoir de revenu agricole d'un niveau suffisant dans un marché dérégulé et que l'organisation des marchés ne pouvait passer que par la maîtrise des volumes de production , le développement des agro-carburants ayant une responsabilité dans cette désorganisation. Il a souhaité que la question de la régulation des marchés agricoles soit abordée au G20 et à l'OMC, en espérant qu'un nouveau modèle puisse être à même de favoriser le retour de la confiance des agriculteurs. M. Marcel Deneux a ensuite estimé que les pouvoirs publics devaient être moins complaisants avec la grande distribution, déplorant, par exemple, la pratique courante d'étiquetages différents pour des mêmes produits de boucherie, sans que le prix d'achat de la viande pré-étiquetée auprès du producteur ne soit modifié. Il a souligné, pour le regretter, que le revenu moyen des agriculteurs dans la plupart des pays de l'OCDE était inférieur au revenu moyen constaté. Il a ensuite insisté sur la nécessité d'une politique génétique adaptée pour permettre, avec moins d'exploitants, de produire autant de lait.
M. François Marc s'est réjoui de l'engagement du ministre en faveur de la régulation des marchés agricoles, tout en s'interrogeant sur le contenu de cette régulation. Les solutions envisagées comporteront-elles un objectif de baisse de la production laitière ? Par ailleurs, les agriculteurs redoutent la conclusion de contrats entre éleveurs et laiteries allant vers l'intégration, et cette régulation passe par un plus grand pouvoir de marché des éleveurs.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a indiqué que, au-delà du constat désormais partagé conduisant à rompre avec la politique de dérégulation, la nature des nouveaux instruments de régulation reste encore à déterminer dans un dialogue constructif entre les acteurs de la filière, les parlementaires et les partenaires européens.
En réponse à M. Gérard Bailly , il est convenu de ce que l'agriculture n'est pas une production comme les autres, puisqu'une hausse de 1 à 2 % de la production peut suffire à provoquer l'effondrement des cours, comme l'illustre la crise laitière actuelle. Mais ce constat évident n'est pas partagé par tous en Europe et un important travail de pédagogie doit être poursuivi sur ce thème. Les producteurs de la filière laitière doivent s'organiser pour mieux défendre leurs intérêts face aux industriels et de nouveaux outils réglementaires ou législatifs doivent être élaborés pour les y aider. S'agissant de la formation des prix et des marges, les conclusions rendues au mois de juillet 2009 par l'Observatoire des prix et des marges montrent que les marges les plus importantes sont réalisées par les industriels de la filière et non par les grandes surfaces, et le point clé de la réorganisation de la filière porte sur l'évolution des relations entre producteurs et industriels. À cet égard, le soutien au rapprochement entre Entremont et Sodiaal s'inscrit dans cette stratégie de rééquilibrage des rapports entre industriels et producteurs, grâce à l'émergence d'un acteur important issu du monde coopératif. Le ministre a ensuite indiqué vouloir engager une campagne de vaccination obligatoire contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) du cheptel, en s'assurant que cela se fasse à un coût nul ou réduit pour les éleveurs. Enfin, il a précisé que la médiation mise en place dans la crise laitière n'avait plus lieu d'être puisque l'accord sur le prix du lait signé le 3 juin 2009 était valable jusqu'à la fin de l'année.
En réponse à M. Yannick Botrel , le ministre a rappelé son souci constant d'éviter que la crise ne débouche sur des troubles à l'ordre public et de parvenir au maintien des contacts avec l'ensemble des organisations professionnelles représentatives, afin de trouver une issue à la crise au niveau communautaire. La suppression des quotas a été actée en 1999 à Berlin, et les accords de Luxembourg de 2003 ont reporté la fin de leur démantèlement de 2008 à 2015. Cette orientation stratégique majeure, et déjà ancienne, en faveur de la dérégulation, est d'autant plus difficile à inverser que de nombreux petits pays, tels que les Pays-Bas ou le Danemark, n'y ont pas intérêt. Néanmoins, la constitution d'une majorité qualifiée, en faveur de la réouverture de l'organisation commune de marché (OCM) unique, capable de réguler le marché, pourrait être obtenue dans des délais brefs. Il s'agit de modifier les règles qui interdisent, hormis dans un cadre coopératif, les ententes entre industriels et producteurs. Celles-ci constituent en effet le pilier national d'une régulation permettant des accords sur les prix et les volumes, sous le contrôle de la puissance publique. L'objectif est également de mettre en place au niveau européen des outils d'intervention consolidés et réactifs, tels que l'extension des périodes de stockage privé de six à douze mois par an, ou bien la mise en place d'un marché à terme du beurre et de la poudre. Enfin, les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAF) ont reçu l'instruction de veiller à ce que les mesures décidées pour soutenir la trésorerie des exploitations soient bien appliquées sur le terrain.
En réponse à M. Marcel Deneux , le ministre est convenu de ce qu'il n'y a pas de revenu agricole dans un marché désorganisé et de ce que le cheptel avait beaucoup évolué sur le plan génétique, du fait de la diffusion de races plus productives.
En réponse à M. François Marc , le ministre a admis qu'il fallait mettre en place les outils permettant de contrôler les volumes produits. Il est nécessaire de faire émerger de nouvelles relations entre producteurs et industriels, en s'appuyant sur une meilleure organisation des premiers, tout en évitant une forme d'intégration qui transforme des exploitants indépendants en salariés industriels et à laquelle les producteurs sont légitimement hostiles.
M. Jean-Jacques Mirassou , tout en soulignant l'urgence de prendre en compte l'avenir des éleveurs, a appelé à ce que la réforme de la filière laitière ne se réduise pas à un dialogue à trois, entre producteurs, industriels et distributeurs, et à ce qu'elle n'oublie pas les consommateurs dont les intérêts doivent également être défendus. Il s'est interrogé sur les différences de coûts de production constatées entre l'agriculture française et celle d'autres pays européens, notamment l'Allemagne.
M. Alain Chatillon s'est interrogé sur la définition et le rôle de la DGCCRF. Autrefois acteur désigné dans le dialogue avec les acteurs économiques, elle semble désormais avoir du mal à trouver sa place entre un droit de la concurrence omniprésent et le rôle croissant de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). L'importance des pôles de compétitivité régionaux, notamment en matière d'industries agroalimentaires, qui sont la charpente industrielle des régions, justifie qu'un appui fort soit donné à leur développement. Enfin, les pratiques de la grande distribution en matière de négociation et de détermination des prix doivent être appréhendées dans toute leur complexité et non pas uniquement à travers la problématique des marges arrières.
Rappelant qu'il avait déposé une proposition de loi sur le sujet, M. Claude Biwer a plaidé pour une approche complète de l'organisation de la filière laitière prenant en compte producteurs, industriels et distributeurs et n'oubliant pas la problématique de la commercialisation.
Mme Jacqueline Panis a demandé des précisions sur les chances d'obtenir une majorité qualifiée au Conseil européen et sur le calendrier de convocation d'un conseil extraordinaire des ministres de l'agriculture de l'Union européenne.
M. Jean-François Le Grand , ayant constaté que les réponses du ministre sont de nature à rassurer les éleveurs, a souhaité que, malgré les contraintes qu'imposent les négociations diplomatiques au niveau européen, un travail de communication d'ampleur soit mené pour faire connaître ces réponses. Par ailleurs, il a souligné que le monde paysan est aujourd'hui en proie à une division dramatique et qu'il faut veiller à remédier à cette situation. C'est pourquoi les pouvoirs publics devraient avoir des contacts non seulement avec les organisations de producteurs dites représentatives, mais aussi avec des organisations non officiellement reconnues, en particulier l'association des producteurs de lait indépendants (APLI).
Mme Nathalie Goulet a également souligné que l'APLI, à défaut d'être juridiquement représentative, défendait néanmoins le point de vue de nombreux producteurs, en particulier des jeunes. Elle s'est également interrogée sur les possibilités d'utiliser le lait gâché à des fins humanitaires.
M. François Patriat , après avoir salué l'unanimité autour d'une politique de régulation, a rappelé que, lorsque la production de lait était associée à des signes de qualité, elle échappait à la crise, comme l'illustre le cas de certaines filières fromagères. Il s'est en outre demandé si la solution structurelle à la crise du lait, et de l'agriculture en général, ne passait pas par une sortie du lait du cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
M. Paul Raoult est revenu sur les divisions fortes qui sont apparues au sein du monde agricole. Il a considéré que, même si le mot « quotas » était tabou, la régulation du marché du lait passerait nécessairement par un contrôle des volumes au niveau européen, de manière à assurer une adéquation entre la production et la consommation.
M. Jean Boyer s'est demandé si la meilleure régulation possible n'était pas, en définitive, celle des quotas et s'il ne fallait pas tout simplement les maintenir. Il s'est également interrogé sur les possibilités d'une régulation mondiale de la production.
En réponse, M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche , a apporté les précisions suivantes :
- il y a urgence à agir, et le Gouvernement, depuis plusieurs semaines, n'est pas resté inactif et a déjà pris des mesures fortes ;
- la priorité absolue de la réforme de la filière laitière est bien de parvenir à un prix du lait qui couvre le coût de production ;
- l'écart de coût de production entre l'Allemagne et la France tient en partie à l'absence de salaire minimum en Allemagne dans la filière fruits et légumes, et la France doit donc agir sur des outils tels que les exonérations de cotisations sociales ;
- le dossier du prix du lait doit être piloté par le ministère de l'agriculture, en fonction d'un objectif de revenus des éleveurs, et non pas par une autre administration, en fonction notamment d'une problématique de droit de la concurrence ;
- le renforcement des pôles de compétitivité régionaux est un objectif important ;
- il faut être vigilant dans le contrôle des pratiques commerciales des grands distributeurs, et il a été demandé à ceux-ci de consentir des efforts sur les ristournes, rabais et remises exigés auprès des producteurs de fruits et légumes ;
- dans la future loi de modernisation de l'agriculture, il faut réfléchir à l'interdiction des accords non écrits entre producteurs, grossistes et distributeurs, car ils permettent de livrer de la marchandise sans que le producteur ait de certitude sur le prix qui lui sera payé ;
- les chances de réunir une majorité qualifiée pour demander la réunion d'un conseil des ministres de l'agriculture consacré à la régulation reposent sur les vingt-cinq voix de l'Italie ; la décision de convoquer le Conseil appartient à la présidence suédoise, qui s'y est refusée jusqu'à présent, mais qui est soumise à une pression forte ;
- les voies d'une stabilisation de la filière laitière existent, compte tenu d'une demande des consommateurs assez régulière ;
- l'APLI a déjà été reçue par le directeur de cabinet du ministre et aucune discrimination ne frappe cette organisation ;
- les difficultés atteignent les jeunes éleveurs de manière particulièrement sévère et ils doivent pouvoir bénéficier en priorité des prêts bancaires ;
- l'utilisation à des fins humanitaires du lait soustrait à la commercialisation par le mouvement de protestation des éleveurs se heurte à des difficultés : coût et complexité de la logistique ; risques de substitution du débouché de l'aide humanitaire à des débouchés solvables ;
- vis-à-vis de l'OMC et de la libéralisation du commerce agricole, la France considère qu'elle est allée jusqu'à l'extrême limite des concessions possibles ;
- la future régulation des volumes ne reposera pas sur un mécanisme de quotas, car, d'un point de vue diplomatique, il ne faut pas laisser entendre qu'on souhaite revenir en arrière ; l'important est de créer des outils de régulation qui stabilisent le marché, quel que soit le nom qu'on leur donne.
Le ministre s'est enfin déclaré ouvert à toutes les propositions que les parlementaires voudraient bien lui faire en la matière.
* 15 Certains produits peuvent connaître une étape supplémentaire, entre la transformation et la distribution, notamment ceux qui sont utilisés par les industries agro-alimentaires.
* 16 Loi n°69-10 du 3 janvier 1969 relative à l'institution du paiement du lait en fonction de sa composition et de sa qualité , qui disposait que « Le lait est payé aux producteurs en fonction de sa composition et de sa qualité hygiénique et sanitaire ».
* 17 Ces mesures sont détaillées dans la communication de la Commission au Conseil sur la situation du marché laitier en 2009, 22 juillet 2009.
* 18 Étude Agreste « Résultats économiques de l'agriculture » disponible à l'adresse :
http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/file/Gaf09p042-046-054(1).pdf
* 19 Les séries de l'Insee concernant le coût de l'alimentation pour vaches laitières font apparaître une hausse entre 2006 et avril 2009 comprise entre 15 et 30 %.
* 20 Les solutions techniques pour modifier le niveau de production d'un atelier laitier sont très limitées. Les éleveurs peuvent légèrement modifier le volume et la composition des aliments, ce qui influence la productivité de la vache. Les éleveurs peuvent également légèrement anticiper ou retarder la date de réforme (arrêt de production) des vaches.
* 21 Les hypothèses adoptées sont les suivantes :
- Les coûts n'ont pas varié depuis 2006, hormis celui de l'alimentation animale ;
- Les subventions n'ont pas varié depuis 2006 ;
- Le prix du lait en avril 2007 est celui fourni par l'Office de l'élevage, auquel on ajoute la moyenne des primes de qualité ;
- Le prix moyen pour 2009 est compris entre celui de juin 2009 et celui de juillet 2009, ces deux dates encadrant traditionnellement le prix moyen de l'année. On y ajoute la moyenne des primes de qualité, soit 8 € pour 1 000 litres (source : office de l'élevage).
* 22 Le rôle des facteurs financiers dans la hausse des prix des matières agricoles, W. Arrata, B. Camacho, C. Hagege, PE. Lecocq, I. Odonnat juillet 2008, Trésor Eco.
* 23 La collecte est assurée soit par des opérateurs assurant uniquement la première transformation en beurre et poudre de lait, soit par des opérateurs assurant une transformation jusqu'aux produits de grande consommation.
* 24 Observatoire des prix et des marges, filière laitière, accessible à l'adresse : http://www.dgccrf.bercy.gouv.fr/concurrence/prix/lait_decomposition_prix.pdf
* 25 Il existe quelques cas particuliers où cette péréquation n'est pas mise en place. Il s'agit principalement des productions de qualité comme les fromages AOC ou bio, où le prix du lait payé au producteur est nettement supérieur à la moyenne nationale.