B. M. MICHEL CAMDESSUS, PRÉSIDENT DE LA SFEF, CHARGÉ PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D'UNE MISSION SUR LA RÉMUNÉRATION DES OPÉRATEURS DE MARCHÉ

M. Michel Camdessus, président de la Société de financement de l'économie française (SFEF) , chargé par le Président de la République d'une mission sur la rémunération des traders dans les banques, a tout d'abord souligné que la SFEF a pratiquement achevé sa mission. La normalisation du « marché de l'argent » devrait permettre aux banques françaises de se passer de cet outil. Toutefois, le climat économique restant tendu, il convient de pouvoir faire face à l'imprévu. En conséquence, si une « mise en sommeil » de la SFEF à compter du 31 décembre 2009 est envisageable, il serait souhaitable de prendre des dispositions permettant, en cas de besoin, sa prompte réactivation par décret. Pendant la période d'inactivité de la SFEF, sa dette pourrait être gérée par une autre structure publique habilitée à cet effet.

M. Michel Camdessus a estimé que la SFEF a rempli de manière efficace le rôle qui lui a été assigné par l'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie. Elle a ainsi emprunté sur le marché un total de 77 milliards d'euros, pour une durée de deux à cinq ans, à un taux moyen de 2,63 %, la totalité de cette somme ayant été « transférée dans l'économie ». La dernière opération, en date du 15 septembre 2009, portant sur un montant de 4,5 milliards de dollars américains à un taux de 2,875 %, a été souscrite à 80 % par des fonds étrangers.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité obtenir des précisions quant au champ de la mission confiée à l'intervenant par le Président de la République, et confirmée par un arrêté de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi en date du 10 septembre 2009.

M. Michel Camdessus a indiqué que sa mission de « contrôleur des rémunérations » porte sur les établissements de crédit ayant reçu des fonds propres de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), jusqu'à la fin de l'année suivant l'année du remboursement des sommes investies par la SPPE dans lesdits établissements. Le champ de son analyse s'étend aux cent plus fortes rémunérations des professionnels de marché employés dans chacun des groupes bancaires visés.

M. Michel Camdessus , qui dispose des services de la Commission bancaire, doit, en premier lieu, s'informer complètement au sujet des pratiques en vigueur, l'opacité pouvant entraîner la suspicion. Il s'agit ensuite de vérifier que ces pratiques ne conduisent pas les professionnels à prendre des risques financiers excessifs, qu'elles s'inscrivent dans le respect des principes nationaux et internationaux en vigueur, et qu'elles sont compatibles avec les intérêts de l'Etat, actionnaire de la SPPE.

A l'issue de cet examen, qui devra prendre en compte les pratiques en vigueur dans les autres établissements bancaires, français et étrangers, il aura la faculté de formuler des recommandations aux dirigeants des banques, à leur conseil d'administration, et même à l'assemblée générale des actionnaires. De plus, il pourra saisir la Commission bancaire et lui suggérer d'user de son droit de sanction, voire préconiser d'écarter les banques fautives de certains appels d'offres de l'Etat.

A la demande de M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Michel Camdessus a précisé que sa mission concerne les groupes bancaires, et donc, le cas échéant, les filiales de banques françaises situées à l'étranger, d'autant que le prochain sommet du G 20, qui doit se tenir à Pittsburgh les 24 et 25 septembre 2009, devrait entériner certains principes défendus par la France en matière de rémunération. Parmi les grands principes à mettre en oeuvre, il faut retenir, en particulier, l'obligation d'étaler dans le temps le versement des « bonus » : pour les « bonus » les plus élevés, un tiers pourra ainsi être versé l'année suivant l'obtention du résultat les justifiant, le versement du solde, soit les deux-tiers, devant être fractionné sur les trois années suivantes. L'attribution effective des deux derniers tiers sera conditionnée à une évolution favorable des performances des investissements effectués par les traders.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Michel Camdessus a reconnu que les sommes perçues la première année par les opérateurs de marché ne seront pas remises en cause par une évolution défavorable de la performance. En revanche, la fraction des bonus restant à encaisser les trois années suivantes le sera, ce qui constitue déjà un progrès notable.

Mme Nicole Bricq a jugé impropre l'appellation de « bonus-malus » donnée à ce système, dans la mesure où les intéressés ne subissent, au pire, qu'une diminution de leur bonus sans participer aux éventuelles pertes que leurs investissements pourraient provoquer.

M. Yann Gaillard , après avoir mis en exergue l'étendue des pouvoirs attribués à M. Michel Camdessus dans le cadre de sa mission, a demandé si d'autres pays ont mis en place une structure comparable et si ces chargés de mission dialoguent entre eux.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'appuyant sur l'exemple britannique, a souhaité savoir si M. Michel Camdessus estime souhaitable un renforcement des pouvoirs des assemblées générales en termes de rémunération. Il s'est demandé par ailleurs si la SFEF doit procéder à de nouvelles émissions et si elle aura besoin de la garantie de l'Etat en 2010.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur le nombre de traders faisant réellement partie d'un « marché mondial », c'est-à-dire susceptibles de partir travailler à l'étranger en cas de durcissement de la seule réglementation française.

M. Jean Arthuis, président , a observé que, pour un opérateur de marché percevant une rémunération variable supérieure à ce qu'autorisent les principes nationaux ou internationaux, l'administration fiscale pourrait être fondée à considérer le « trop-perçu » comme une rémunération excessive, non déductible du résultat de son employeur.

En réponse à ces interrogations, M. Michel Camdessus a indiqué que :

- les pouvoirs dont il a été doté lui paraissent adéquats. Ils se limitent à un examen de la transparence et de la « décence » des rémunérations variables, sans considération prudentielle ou de « justice ». M. Kenneth Feinberg, chargé d'une mission du même type aux Etats-Unis, dispose de pouvoirs beaucoup plus étendus, lui permettant notamment de s'intéresser aux rémunérations passées des intéressés et même d'émettre un veto sur des pratiques abusives ;

- le nombre d'opérateurs de marché devant être considérés comme mobiles est probablement de l'ordre d'une centaine dans chacun des principaux établissements bancaires français, selon l'estimation d'un ancien haut dirigeant du secteur. Il est toutefois possible de se demander si ce marché du travail répond aux critères d'un véritable marché, notamment en termes de fluidité et de transparence ;

- la question de l'évolution des pouvoirs des assemblées générales en matière de rémunération mérite, en effet, d'être examinée avec soin. Peut-être faudrait-il que celles-ci soient habilitées à prendre des décisions explicites en la matière ;

- la SFEF peut procéder à des émissions jusqu'au 31 octobre 2009 et pourrait encore user de cette faculté pour une ou deux opérations en euros. Cependant, il s'agirait d'opérations de niveau modeste, qui ne devrait pas lui faire dépasser un montant global d'émissions de 80 milliards d'euros ;

- l'idée d'une non-déductibilité des rémunérations excessives paraît séduisante.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a considéré que le droit existant permet déjà sans doute à l'administration fiscale d'agir en ce sens, ce qu'ont approuvé MM. Jean Arthuis, président, et Jean-Pierre Fourcade .

Enfin, en réponse à M. Jean Arthuis, président , M. Michel Camdessus a confirmé que l'administration fiscale française dispose de moyens juridiques et financiers moindres que certaines de ses homologues, notamment américaine.

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