ANNEXE 2 : COMPTE-RENDU DES AUDITIONS EN COMMISSION
I. AUDITIONS DU 10 FÉVRIER 2009
A. M. RENÉ RICOL, MÉDIATEUR DU CRÉDIT
M. René Ricol , médiateur du crédit, a tout d'abord souligné la rapidité de la mise en place du dispositif de médiation du crédit, actif depuis le 14 novembre 2008. Cette structure se décline sur l'ensemble du territoire, les directeurs départementaux de la Banque de France assurant les fonctions de médiateurs départementaux du crédit et formant une équipe dédiée à ce sujet avec les trésoriers-payeurs généraux et les préfets. Au niveau central, la médiation s'assure du bon fonctionnement de chaque équipe départementale, suit la montée en charge des demandes de médiation, est responsable des liens avec les organisations professionnelles et les réseaux consulaires pour garantir la meilleure cohérence d'ensemble, est en charge de la communication et règle les dossiers les plus lourds en termes financiers.
Puis M. René Ricol a dressé le bilan du dispositif de médiation au 1 er février 2009. A cette date, 5.331 entreprises avaient saisi le médiateur et 91 % de ces dossiers avaient été acceptés en médiation. Parmi ces derniers, 2.424 dossiers avaient été clôturés, la médiation ayant réussi pour 66 % d'entre eux. Ainsi, près de 1.600 entreprises, représentant environ 36.500 emplois, avaient été confortées dans leur poursuite d'activité. Ces dossiers concernent principalement des entreprises de moins de 50 salariés, qui représentent 94 % des dossiers. Par ailleurs, les encours de crédit traités en médiation sont inférieurs à 50.000 euros dans 61 % des cas, compris entre 50.000 euros et 150.000 euros dans 21 % des cas, et supérieurs à 500.000 euros dans 7 % des cas.
Cependant, M. René Ricol a souligné le dépôt récent, auprès de ses services, de deux dossiers de sociétés détenues par un fonds d'investissement d'acquisition par effet de levier ( leveraged buy-out , ou LBO), mises en difficulté par le poids des charges financières liées au remboursement de leur dette alors même qu'elles affichent un résultat d'exploitation satisfaisant. Ces dossiers sont importants en termes d'emplois, l'un d'eux concernant une entreprise comptant 18.000 salariés. A cet égard, ces fonds de LBO cherchent encore souvent à réaliser d'importants profits en peu de temps, ce qui peut rendre les négociations avec eux très difficiles. En revanche, d'autres types de fonds, dits de capital développement, sont « porteurs d'espoir » car ils demeurent prêts à investir de façon minoritaire au capital de certaines entreprises, avec une vision de moyen terme ambitieuse et réaliste.
S'agissant de l'attitude des groupes bancaires, il a considéré que le simple fait que deux tiers des dossiers faisant l'objet d'une médiation aboutissent à un résultat positif est, en soi, le signe que « les banques jouent le jeu ». De plus, les refus définitifs reposent souvent sur des arguments solides. Cependant, si une certaine atonie des demandes de crédit peut être constatée dans le contexte économique actuel, certains projets portés par des entreprises rencontrent des difficultés de financement. Ainsi, les banques paraissent avoir durci leurs conditions de crédit à l'égard des opérations de promotion immobilière.
Puis M. René Ricol a abordé la question de l'assurance-crédit, cruciale car la réduction de l'encours d'une entreprise garanti par les assureurs-crédit se traduit par un durcissement brutal des conditions de paiement que lui octroient ses fournisseurs. Or, ces acteurs tendent à observer une attitude prudente, d'autant qu'ils assurent un total de 360 milliards d'euros d'encours alors même que leur capitaux propres s'élèvent à environ 3 milliards d'euros. L'article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a instauré un mécanisme de partage du risque entre l'Etat, au travers de la Caisse centrale de réassurance (CCR), et les assureurs-crédit sur certains dossiers. Ce dispositif a été complété par un accord entre le médiateur du crédit et les assureurs-crédit, aux termes duquel, d'une part, ces assureurs acceptent un délai de six jours avant de retirer leur garantie aux entreprises décotées et, d'autre part, les entreprises risquant d'être décotées disposent d'un « droit d'argumentation » pour plaider leur dossier auprès des assureurs.
En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis, président , M. René Ricol a précisé que les fonds de LBO ont des profils divers, pouvant dépendre de groupes bancaires ou d'assurances, ou bien être indépendants et parfois cotés en bourse.
M. Philippe Marini, rapporteur général , après s'être félicité de la rapidité avec laquelle le dispositif de médiation du crédit a été mis en place, a souhaité savoir si les groupes bancaires ont des pratiques homogènes en termes d'octroi de crédit. Il s'est également interrogé sur les moyens d'action du médiateur du crédit à l'égard de ces groupes, ou bien à l'égard de fonds de LBO, ainsi que sur les « voies de sortie » possibles pour les entreprises rachetées par de tels fonds et mises en difficulté par le poids de leurs charges financières. Par ailleurs, il s'est demandé s'il était déjà possible d'évaluer le dispositif de partage du risque crédit instauré par l'article 125 de la loi de finances rectificative pour 2008 et, s'agissant des problèmes de montage d'opérations immobilières évoqués par le médiateur du crédit, si un système de cautionnement mutuel ne permettrait pas de débloquer de tels dossiers. Enfin, au vu de la conjoncture économique prévisible des mois à venir et des menaces que de nombreuses défaillances d'entreprises font peser sur le bilan des banques, il a souhaité connaître les projections et les « objectifs » du médiateur du crédit pour l'année 2009.
M. René Ricol a répondu que :
- le taux de succès de la médiation est équivalent quel que soit le grand réseau bancaire français considéré, l'un d'eux se montrant toutefois encore aujourd'hui moins rapide que les autres dans le traitement de ces dossiers ;
- pour l'heure, le dispositif de médiation du crédit est un succès. Le poids du soutien politique étant déterminant, il n'apparaît pas nécessaire, à ce stade, d'inclure des clauses plus contraignantes dans les conventions conclues entre l'Etat et les banques bénéficiant de son soutien financier ;
- les dossiers de certaines sociétés détenues par un fonds de LBO risquent de s'avérer très délicats, la solution pouvant alors passer par un rééchelonnement de leurs dettes financières et un renflouement par leurs actionnaires. Dans certains cas, il pourrait être nécessaire que les banques abandonnent une partie de leurs créances sur ces sociétés. A moyen terme, il conviendra de trouver de nouveaux actionnaires, qui pourraient être le Fonds stratégique d'investissement (FSI), des fonds de capital développement ou bien des particuliers au travers d'une introduction en bourse ;
- la réussite du dispositif relatif à l'assurance-crédit ne peut pas encore être mesurée, faute d'un recul suffisant ;
- le système de caution mutuelle peut effectivement permettre de débloquer des dossiers, comme l'ont déjà montré les deux sociétés spécialisées pour les artisans. A ce sujet, il convient de saluer l'action d'OSEO, dont la garantie permet à de nombreuses PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) de continuer à avoir accès au crédit ;
- les produits structurés, dont vraisemblablement seule une faible partie est réellement « toxique », présentent des zones de risque désormais bien identifiées mais qui sont le plus souvent dépendantes de l'évolution de marchés étrangers, tels que celui de l'immobilier résidentiel en Espagne. Il en résulte le maintien de fortes incertitudes, dont il faut s'accommoder tant que la crise financière n'est pas terminée. Concernant l'économie réelle, le sentiment qui prédomine sur le terrain est celui d'un « atterrissage en douceur », les carnets de commandes se réduisant progressivement.
M. Eric Doligé a déploré la lente application des dispositions de la loi de modernisation de l'économie sur les délais de paiement. Les PME font actuellement face à plusieurs échéances concomitantes et les assureurs-crédit refusent parfois de s'engager. Il s'est également interrogé sur les conséquences de la crise sur les constructeurs et équipementiers automobiles et s'est demandé si les services du médiateur du crédit peuvent mesurer la durabilité des solutions qu'ils proposent, à carnet de commandes constant.
Mme Nicole Bricq a relevé l'apparente contradiction dans la communication des banques qui, jusqu'à récemment, disaient constater un encours de prêts satisfaisant et une diminution de la demande de crédit.
M. Joël Bourdin s'est interrogé sur la nature des dossiers de crédit relevant du secteur de l'agriculture et de la pêche et sur la situation du crédit interentreprises.
M. Albéric de Montgolfier s'est demandé si le champ de la médiation ne porte que sur les refus de crédit ou inclut également les litiges relatifs aux conditions de taux. Il a également souhaité obtenir des précisions sur la nature et le taux moyen des emprunts négociés avec l'aide du médiateur.
Après avoir rappelé les conséquences dramatiques de la crise pour certains salariés, Mme Marie-France Beaufils s'est demandé si les entreprises abandonnent aujourd'hui des projets plutôt par précaution ou sous la pression d'actionnaires tels que les fonds d'investissement.
M. Jean Arthuis, président , a estimé qu'une fraction des intérêts perçus par la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) pourrait être affectée à OSEO afin de lui permettre de se porter caution et faciliter ainsi le consentement au crédit.
En réponse, M. René Ricol a tout d'abord relevé que la question des délais de paiement constitue une véritable « plaie historique » en France, qui a engendré des effets pervers se traduisant par des besoins en fonds de roulement négatifs et des liquidations précoces d'entreprises. Si la grande majorité des entreprises attend aujourd'hui une application effective des dispositions de la loi de modernisation de l'économie, on constate également un effet asymétrique au détriment des entreprises qui bénéficiaient de ce décalage de paiement. Les services du médiateur du crédit sont ainsi conduits à traiter des dossiers relatifs à des entreprises de plus de 5.000 salariés, qui ne sont pas couvertes par le dispositif d'OSEO. Ses services n'évaluent pas la durabilité des solutions proposées, mais veillent néanmoins à ce que les entreprises surveillent leurs frais pour prévenir le mieux possible un futur litige qui aurait moins de chances d'être réglé.
S'agissant du secteur automobile, effectivement sinistré, les équipementiers apparaissent capables de se redéployer efficacement par l'innovation, pour peu qu'on leur en laisse le temps. Il existe cependant un risque réel de disparition des savoir-faire. Quant au secteur de l'agriculture et de la pêche, qui représente environ 3 % des dossiers, on constate que des exploitations agricoles commencent à demander une médiation.
M. René Ricol a ajouté que la question du niveau des taux d'emprunt n'est pas réellement abordée dans le traitement des dossiers. En effet, ses services ne disposent pas de tous les éléments pour porter une telle appréciation, et la priorité est d'assurer la continuité du financement. Le taux le plus élevé relevé a néanmoins atteint 6,18 %, et il est possible que la rémunération due à l'Etat au titre des souscriptions de la SPPE ait été dans certains cas répercutée sur le coût des crédits octroyés. De même, les taux des prêts immobiliers, souvent conçus comme des produits d'appel présentant des marges parfois négatives, ont pu être relevés. Il reste que le renchérissement du coût de refinancement des banques poursuit sa hausse tendancielle, en dépit de l'abaissement des taux directeurs de la Banque centrale européenne.
Les apparentes contradictions du discours des banques concernent surtout la situation en décembre 2008, après que la défiance des entreprises a entraîné un gel des projets et une baisse substantielle de leurs demandes de crédit, exerçant un impact négatif sur l'emploi. Néanmoins, les banques ont aussi pu décourager l'investissement dans certains secteurs par des conditions de crédit plus contraignantes et font parfois preuve d'une excessive frilosité quand les projets existent. Selon lui, le rôle de la médiation est aussi de faire comprendre aux entreprises que la crise constitue une occasion de réviser la stratégie et l'approche commerciale et de faire des efforts de rationalisation de la gestion.
Après avoir admis que l'utilisation d'une fraction des intérêts et dividendes versés à la SPPE au profit du cautionnement mutuel peut être une voie appropriée, il a déploré l'émergence d'une certaine animosité à l'encontre des salariés des banques, qui n'ont pourtant aucune responsabilité dans la crise. S'il est légitime de mettre en cause les dirigeants des banques qui ont commis des erreurs de gestion et de stratégie et ont parfois « muselé » leurs chefs-économistes, il n'en est pas moins nécessaire d'avoir un discours qui protège leurs collaborateurs.